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La province : une institution à redéfinir? 

Rapport préliminaire au séminaire du 30 janvier 1996 (1/4) - (1996)

Partie 2 - Partie 3 - Partie 4

Joël Hodeige et Anne Borghs,
assistants à la Faculté de Droit de l'Université de Liège,
sous la direction du Professeur Michel Herbiet

 

Introduction

La province, cette institution dont l'origine est à rechercher bien avant la naissance du royaume de Belgique, fait l'objet de multiples critiques émanant de toutes parts.

Certains dénoncent son caractère peu démocratique, obsolète ou encore son fonctionnement obscur et oligarchique, et réclament une réforme en profondeur de l'institution. La province devrait répondre à tous les critères actuels en matière de démocratie et de transparence; elle pourrait même servir de modèle pour les autres institutions.

D'autres vont jusqu'à remettre en question l'existence-même d'une institution qui n'aurait plus, maintenant que la régionalisation est presque menée à son terme, de véritable raison d'être. Le débat n'est pas nouveau mais son épilogue ne peut désormais plus attendre.

Ce séminaire a donc pour objectif une réflexion sur le devenir de l'institution provinciale. Cependant, son sort ne pourra être réglé qu'après avoir bien cerné toutes les données du débat. L'objet du présent rapport est d'éclairer le participant sur tous les facteurs qui devront être pris en considération lors de la réflexion sur le sort éventuel de la province au sein de la Belgique contemporaine.

Nous resituerons tout d'abord l'institution dans l'écheveau constitutionnel et législatif belge afin de mieux percevoir la place qu'elle occupe dans le système institutionnel, mais également d'identifier les textes qui demandent à être modifiés en cas de révision de son statut.

Un bref historique des provinces nous éclairera ensuite sur l'origine et la raison d'être de certains aspects de l'organisation et du fonctionnement des provinces.

Nous nous attacherons alors à établir un relevé synthétique et analytique des diverses missions à charge des provinces. Celles-ci seront classées selon le cadre juridique dans lequel elles s'exercent, à savoir la déconcentration, la décentralisation par service ou la décentralisation territoriale (1). Cette classification revêt une importance capitale pour déterminer l'autorité compétente, les modes de gestion à sa disposition, son autonomie, les contrôles qui s'exercent sur elle. Elle fournit les données essentielles pour juger de l'opportunité de maintenir telle ou telle mission dans le giron provincial.

Nous tenterons enfin de poser les jalons du débat en émettant diverses réflexions critiques sur l'institution provinciale et son fonctionnement. Ces réflexions devraient pouvoir alimenter les discussions des divers ateliers de travail qui devraient déboucher sur des propositions de réponses à la question de l'avenir des provinces.

Ce séminaire présente un enjeu de taille. Le sort des provinces ne doit pas être réglé dans la précipitation et l'ignorance. La décision finale doit être le fruit d'un long mûrissement au cours duquel aucun facteur ne doit être omis ou écarté. Elle devra être le résultat d'une réflexion scientifique objective, menée loin de toute passion politique.

Chapitre 1 : Repérage législatif

Joël Hodeige,
Assistant à la Faculté de Droit de l'Université de Liège

1. Fondements constitutionnels

L'institution provinciale constitue un des piliers de la Constitution belge. Ainsi, nous la retrouvons mentionnée aux articles 5, 6, 7 du titre 1er de la Constitution intitulé De la Belgique fédérale, de ses composantes et de son territoire.

Les provinces sont donc des composantes à part entière de la Belgique. Depuis la révision de la Constitution en 1992-1993, elles apparaissent cependant comme des subdivisions des régions plutôt que de l'Etat belge, ainsi que l'énonce en effet l'article 5 : La Région wallonne comprend les provinces suivantes : le Brabant wallon, le Hainaut, Liège, Luxembourg et Namur. La Région flamande comprend les provinces suivantes : Anvers, le Brabant flamand, la Flandre occidentale, la Flandre orientale et le Limbourg... Il est à noter que, depuis cette révision constitutionnelle, la Belgique compte désormais 10 provinces et non plus 9. L'ancienne province du Brabant s'est en effet vue scindée en deux nouvelles provinces : le Brabant wallon et le Brabant flamand.

Le territoire bruxellois ne forme pas une nouvelle province; les compétences de l'ancienne province du Brabant appartiennent en effet, en vertu de l'article 163 de la Constitution, aux Communautés française et flamande et à la Commission communautaire commune, chacune en ce qui concerne les matières relevant de ses compétences. Toutefois, en vertu de l'alinéa 2 du même article, une loi spéciale peut régler les modalités suivant lesquelles les compétences en certaines matières peuvent être transférées à la Région de Bruxelles-Capitale ou à une institution dont les membres sont désignés par celle-ci.

Les articles 5, 6, 7 de la Constitution énoncent que le découpage du territoire en provinces, le découpage interne des provinces et la fixation de leurs limites relèvent du législateur fédéral. L'article 5 prévoit même qu'une loi à majorité spéciale peut soustraire certains territoires dont elle fixe les limites, à la division en provinces, les faire relever directement du pouvoir exécutif fédéral et les soumettre à un statut propre.

L'article 41 constitue la base de la décentralisation territoriale tant pour les communes que pour les provinces et renvoie aux principes énoncés à l'article 162. Il attribue aux conseils provinciaux la gestion des intérêts exclusivement provinciaux.

L'article 162 attribue au législateur fédéral la compétence de régler les institutions provinciales; il est notamment tenu de consacrer les principes énoncés à son deuxième alinéa. Ainsi, la loi règle l'élection directe des conseillers provinciaux (1°). Elle consacre le principe de la décentralisation territoriale (2°) déjà énoncé à l'article 41, tout en attribuant également certaines missions aux provinces via la décentralisation par service (3°). Elle instaure la publicité des séances des conseils provinciaux et en fixe les limites (4°), de même qu'elle organise la publicité des budgets et des comptes (5°). Enfin, elle met en place un système de tutelle – nécessaire contrepartie de la décentralisation – pour empêcher que la loi ne soit violée ou l'intérêt général blessé (6°).

Toutefois, l'alinéa 3 permet qu'une loi à majorité spéciale puisse céder aux conseils de communauté ou de région la compétence de régler l'organisation et l'exercice de cette tutelle administrative sur les provinces. Cette possibilité a été utilisée, ainsi que nous le verrons ci-dessous, de sorte que la tutelle relève désormais de la compétence régionale.

De la même manière, l'alinéa 4 prévoit que le législateur spécial puisse céder aux conseils de communauté ou de région la compétence de régler les conditions et le mode suivant lesquels plusieurs provinces peuvent s'entendre ou s'associer. De nouveau, le législateur spécial a fait usage de cette faculté en transférant aux conseils régionaux la compétence en matière d'associations de provinces. Bien que nous reviendrons sur le problème des associations de provinces, notons déjà qu'aucun décret ne règle jusqu'à présent cette matière, ni d'ailleurs aucune loi fédérale antérieure à cette récente "régionalisation" (2).

L'article 159 prévoit "l'exception d'illégalité". Aux termes de cet article, les cours et tribunaux n'appliqueront notamment les arrêtés et règlements provinciaux qu'autant qu'ils seront conformes aux lois (SL).

L'autonomie fiscale provinciale, tant décriée à l'heure actuelle (3), trouve son fondement constitutionnel à l'article 170 § 3 qui énonce que les charges et impositions provinciales ne peuvent être établies que sur décision du Conseil provincial.

Les alinéas 2 et 3 viennent cependant tempérer cette autonomie fiscale du Conseil provincial en précisant que la loi peut prévoir des exceptions à ce principe et qu'elle peut supprimer en tout ou en partie les impositions établies par la province.

L'article 173 confère aux provinces, en des termes obscurs qui sont le fruit de révisions répétées, un pouvoir de rétribution à l'égard des citoyens.

L'article 190, enfin, impose la publication des arrêtés ou règlements d'administration provinciale pour que ces derniers revêtent un caractère obligatoire.

2. Lois de réformes institutionnelles

L'article 6 § 1er VIII 1° de la loi spéciale du 8 août 1980 transfère aux Régions, sur base de l'article 162 alinéa 4 de la Constitution, la compétence de régler les associations de provinces. Mais comme nous l'avons déjà dit plus haut, le législateur régional n'a pas, jusqu'à présent, usé de cette compétence. Signalons cependant qu'une province peut participer à une association de communes en vertu de l'article 2 de la loi du 22 décembre 1986 (4). Cette participation peut même être majoritaire et emporter la présidence des organes d'administration (5) et de contrôle.

Il est également à noter que le législateur spécial ne fait aucune mention de l'entente entre provinces alors que l'article 162 alinéa 4 lui offre également la possibilité de régionaliser cette compétence.

Le 2° de ce même article confie aux Régions le financement général des provinces, c'est-à-dire le fonds des provinces.

Le 3° fait quant à lui référence au financement des missions à remplir par les provinces dans les matières qui relèvent de la compétence des Régions. Ce financement se voit donc également confié aux Régions.

L'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 confère aux Régions, sur base de l'article 162 alinéa 3 de la Constitution, l'organisation et l'exercice de la tutelle administrative sur les provinces. C'est ainsi que le décret wallon du 20 juillet 1989 organise la tutelle sur les provinces de la Région wallonne et le décret du 22 février 1995, celle sur les provinces de la Région flamande.

L'article 16 de la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles a pour fondement l'article 170 § 3 de la Constitution précité. Puisque les entités régionales se voyaient à l'époque dotées d'une fiscalité propre, il avait pour objectif de supprimer purement et simplement la capacité fiscale des provinces, afin d'éviter l'instauration d'un niveau fiscal supplémentaire. Devant la difficulté de son application, cet article fut modifié en 1982 pour en atténuer la portée. La suppression de la fiscalité provinciale ne devait entrer en application qu'après l'adoption d'une loi prévoyant les ressources de remplacement d'un montant équivalent au rapport de leurs fiscalités existantes (6).

Cette loi n'a jamais été adoptée à ce jour et la fiscalité des provinces n'a donc jamais été supprimée. L'idée de supprimer les provinces en tant qu'entités politiques, qui avait été abandonnée à l'époque, refait aujourd'hui surface et le pouvoir fiscal des provinces est fortement remis en cause. Or, rien n'empêcherait le législateur actuel de faire usage de cet article 16 qui reste toujours d'application, pour leur retirer le pouvoir fiscal.

L'article 46 de la même loi du 9 août 1980 stipule que les actes des autorités des provinces ne peuvent être contraires aux décrets et aux règlements des Communautés et des Régions, qui peuvent charger ces autorités de leur exécution. Cet article établit la limite de l'autonomie provinciale et marque donc le caractère subordonné du pouvoir provincial.

3. Loi provinciale du 30 avril 1836

La loi organique des provinces date du 30 avril 1836 et trouve son fondement à l'article 162 alinéa 1er de la Constitution (7).

Si elle a subi de nombreuses modifications depuis son adoption, la loi provinciale n'a pas fait l'objet d'un "lifting" équivalent à celui qu'a connu la loi communale en 1988. Ainsi, parmi les 167 articles que compte la loi, plus de 60 d'entre eux sont actuellement abrogés.

Nous n'allons pas entreprendre ici une analyse de la loi provinciale. Tel n'est pas l'objet de notre démarche. Nous nous contenterons d'en tracer les principales lignes directrices et de mettre en lumière les modifications majeures qu'elle a connues depuis son origine.

A première vue, sa structure est assez semblable à celle de la loi communale. Elle fixe la composition, les attributions et règle le fonctionnement des différents organes qui composent l'institution provinciale. Ainsi, le titre premier traite des autorités provinciales, le titre VI du Conseil provincial, le titre VII de la députation permanente, le titre VIII du greffier provincial, le titre IX du gouverneur et le titre X des commissaires d'arrondissement. Un titre XI contient des dispositions transitoires relatives à la situation particulière du Brabant.

La concrétisation des articles 41 et 162 al 2, 2° de la Constitution qui forment le fondement de la décentralisation territoriale, se retrouve à l'article 65 alinéa 1 de la loi provinciale. Cet article stipule que le Conseil provincial se prononce sur toutes les affaires d'intérêt provincial.

L'article 117 de la loi communale, qui en est le pendant pour l'institution communale, énonce, quant à lui, que le conseil communal règle tout ce qui est d'intérêt communal. Puis il poursuit en ces termes : ... il délibère sur tout autre objet qui lui est soumis par l'autorité supérieure.

Cela signifie que le conseil communal est non seulement responsable de la gestion de l'intérêt communal, mais également qu'il peut se voir attribuer par une autorité supérieure la gestion d'intérêts généraux confiés en décentralisation par service.

A la lecture de la loi provinciale, si l'on excepte le rôle qu'il joue dans la présentation des candidats pour la nomination des conseillers des cours d'appel et des présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance (8), le Conseil provincial semble n'avoir d'autre mission que la gestion de l'intérêt provincial dans le cadre de la décentralisation territoriale.

Par contre, on trouve à l'article 106 une disposition prévoyant que la députation donne son avis sur toutes les affaires qui lui sont soumises à cet effet, en vertu des lois ou par le gouvernement. Elle délibère sur tout ce qui concerne l'administration journalière de la province et sur l'exécution des lois pour lesquelles son intervention est requise ou qui lui sont adressées, à cet effet, par le gouvernement; elle délibère également sur les réquisitions qui lui sont faites par le gouverneur.

Le rôle du Conseil provincial semble donc moindre que celui joué par le Conseil communal dans la mesure où le second se voit confier la gestion de l'intérêt communal en décentralisation territoriale et la gestion d'intérêts généraux en décentralisation par service, tandis le premier se voit confier la seule gestion de l'intérêt provincial.

L'article 106 précise encore, en son alinéa 3, que la députation permanente veille à l'instruction préalable des affaires d'intérêt provincial qui sont soumises au conseil ou à la députation permanente elle-même. L'instruction préalable des affaires autres que celles visées à l'article 106 relève, quant à elle, du gouverneur.

La loi provinciale oscille entre deux partis : celui de l'autonomie provinciale et celui d'un pouvoir central fort. Et son évolution a été influencée par ces options antagonistes qui ne se sont pas effacées au cours des 160 dernières années.

À l'origine, de nombreuses décisions des autorités provinciales étaient soumises à l'approbation royale; leurs compétences étaient restreintes; la tâche du gouverneur consistait essentiellement à représenter le roi en tant que "commissaire du gouvernement"; et surtout, la périodicité et la durée des séances du Conseil provincial étaient strictement réglementées.

La loi provinciale a subi quelques modifications majeures que nous allons évoquer ici.

En 1887, le législateur opère une nouvelle répartition des tâches au sein des autorités provinciales. Ainsi, la députation permanente reçoit, sous certaines conditions, le pouvoir d'exécuter ses propres décisions et celles du Conseil provincial (9), ce qui était alors jusque là réservé au gouverneur (10).

Pratiquement un siècle plus tard, en 1984, une nouvelle modification de la loi provinciale vient renforcer l'autonomie provinciale. Le Conseil provincial est désormais autorisé à se réunir toutes les fois que l'exigent les affaires comprises dans ses attributions (11). Auparavant, le droit de se réunir était limité dans le temps et soumis à tutelle (12).

Parallèlement à cela, l'"urgence" qui permettait à la députation permanente de statuer en l'absence et en lieu et place du conseil, sous réserve de ratification, ne peut désormais plus être invoquée.

Enfin, la tutelle qui pesait sur les actes des autorités provinciales est fortement allégée. Ce pas en avant vers une plus grande autonomie provinciale a amené certains provincialistes à affirmer, un peu facilement à notre sens, que la province était l'institution la plus récente du pays. Ils considèrent en effet que cette importante réforme de 1984 constitue la véritable "naissance de l'institution".

L'année 1987 enregistre un nouveau pas vers une plus grande émancipation de l'institution provinciale : une distinction plus nette est désormais opérée entre, d'une part, les organes provinciaux que sont le conseil et la députation permanente et, d'autre part, le gouvernement provincial, administration déconcentrée de l'Etat, de la Communauté ou de la Région (13).

Dorénavant, la nomination du greffier provincial, secrétaire de la députation permanente et chef du personnel provincial (14), est rattachée clairement à l'autorité provinciale (15). Le greffier est soumis aux directives de la députation permanente en ce qui concerne la gestion du personnel (16).

Si le gouverneur reste président de la députation permanente, son remplaçant dans cette mission en sera dorénavant obligatoirement membre.

La députation permanente veille désormais à l'instruction préalable des affaires d'intérêt provincial (17) et elle exécute ses propres délibérations ainsi que celles prises par le conseil (18).

Plus récemment enfin, en 1994, la loi provinciale est adaptée aux changements introduits par la dernière réforme de l'Etat. Le nombre de provinces passe à dix, suite à la scission du Brabant en deux nouvelles provinces, le Brabant wallon et le Brabant flamand (19) dont les chefs-lieux respectifs sont Wavre et Louvain. Pour être complet, il faut ajouter à ces dix provinces l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale qui ne comprend plus ni conseil, ni députation permanente. Il conserve néanmoins un gouverneur et un vice-gouverneur qui continuent à exercer les compétences de la province dissoute (20).

Il serait cependant maladroit et par trop facile de trouver ici la preuve que la Belgique pourrait fonctionner sans ses structures provinciales actuelles. La solution appliquée au territoire limité de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale ne peut en effet être envisagée à l'échelle de la Région wallonne ou de la Région flamande.

4. Décret du 20 juillet 1989 organisant la tutelle sur les communes, sur les provinces et les intercommunales de la Région wallonne

A la décentralisation correspond toujours une tutelle de l'autorité qui a créé l'organisme décentralisé, pour contrebalancer l'autonomie organique et technique dont celui-ci jouit. Les provinces, collectivités décentralisées de l'Etat, n'échappent pas à ce principe.

Si, lorsqu'il est question de tutelle administrative au niveau provincial, le premier réflexe est de songer d'abord à la tutelle administrative qu'exerce la députation permanente pour compte de la Région wallonne sur les actes des autorités communales, il ne faut pas néanmoins perdre de vue que les provinces, elles-mêmes, sont soumises à tutelle.

Ainsi, l'article 162 alinéa 2, 2° et 6° de la Constitution prévoit, nous l'avons vu, l'organisation et l'exercice d'une tutelle sur les actes des institutions provinciales pour empêcher que la loi ne soit violée et l'intérêt général blessé. L'article 162 alinéa 3 prévoit encore qu'une loi à majorité spéciale peut transférer les compétences de l'organisation et de l'exercice de la tutelle administrative aux conseils de communauté ou de région.

L'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 contient une disposition stipulant que l'organisation ainsi que l'exercice de la tutelle administrative sur les provinces sont de la compétence des régions. C'est sur cette base que la Région wallonne a adopté le décret du 20 juillet 1989 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne. Sont donc soumises à ce décret les provinces de Hainaut, de Liège, de Luxembourg et de Namur.

Les articles 1 à 12 contiennent des dispositions générales applicables aux communes, provinces et intercommunales; les articles 28 à 36 du décret concernent plus particulièrement les provinces. Ils prévoient, à l'instar des communes, une tutelle générale d'annulation et de suspension ainsi qu'une tutelle spéciale d'approbation et de substitution d'action. La tutelle est exercée par l'Exécutif de la Région wallonne qui a fixé, par arrêté daté du 14 novembre 1991 (21), les actes qui doivent être transmis à l'autorité de tutelle pour examen.

Soulignons ici la position ambiguë et délicate des autorités provinciales wallonnes sur le plan de la tutelle dans la mesure où elles se trouvent confrontées à des intérêts parfois contradictoires. En effet, soumises elles-mêmes à la tutelle de la Région wallonne, elles assument par ailleurs, à l'intervention de leur députation permanente, un rôle essentiel dans l'exercice de la tutelle administrative sur les communes pour compte de cette même région. Or ces deux tutelles ont jusqu'à présent leurs sorts résolument liés (22). La réforme, de plus en plus évoquée, de la tutelle sur les communes de la Région wallonne intéresse donc les provinces au premier chef et à un double titre.

5. Loi organique des élections provinciales du 19 octobre 1991

L'article 162 alinéa 2, 1° de la Constitution prévoit que la loi consacre l'élection directe des membres des conseils provinciaux.

Dès 1836, les conseils provinciaux sont élus suivant le système électoral censitaire. En 1894, le suffrage universel plural est accordé aux hommes. De plus, la révision constitutionnelle de 1893 a introduit l'élection des sénateurs provinciaux, c'est-à-dire des sénateurs élus par les seuls conseils provinciaux. Un parallélisme est donc établi, dès 1894, entre le corps électoral du Conseil provincial et celui du Sénat, de même qu'entre la durée du mandat provincial et celle du mandat sénatorial.

Le pouvoir des conseils provinciaux dépasse ainsi le cadre strictement local puisqu'ils peuvent désormais influencer la composition du parlement national.

Aussi les élections provinciales sont-elles organisées concomitamment aux élections nationales. La durée d'une législature provinciale – et donc sa stabilité – est alors directement dépendante de la durée de la législature nationale.

Il faut attendre 1921 pour voir l'introduction du système du suffrage universel pur et simple. C'est aussi en 1921 qu'est adoptée la loi organique des élections provinciales qui reste toujours d'application aujourd'hui, même si elle a été modifiée à plusieurs reprises.

Durant cette période, les conseillers provinciaux sont donc élus au suffrage universel pur et simple pour quatre ans – sauf en cas d'élections nationales anticipées – le même jour que les élections législatives.

Le principe de jumeler les élections provinciales et nationales, qui lie ainsi dans les faits le sort des mandats provinciaux et nationaux, constitue une grave atteinte à l'autonomie provinciale.

Il faut attendre 1993, soit la dernière phase de la réforme de l'Etat et plus particulièrement la réforme du Sénat, pour voir corriger cet état de fait. La disparition des sénateurs provinciaux enlève toute raison d'être au principe adopté en 1893.

Conformément à la logique, les conseillers provinciaux sont dorénavant élus tous les six ans, le même jour que les élections communales, pour éviter que la multiplication d'élections n'engendre une trop grande lassitude de l'électorat. Les conseillers provinciaux sont désormais assurés de siéger six ans sans être soumis aux aléas des crises gouvernementales nationales.

Les différents textes légaux évoqués ci-dessus resituent les provinces sur l'échiquier institutionnel belge. Bien d'autres textes font référence aux autorités provinciales. Ils leur attribuent des missions particulières ou les habilitent à intervenir dans tel ou tel domaine. Ces textes seront abordés au chapitre 3, qui tente d'établir un relevé synthétique et analytique des compétences provinciales.

Mais avant d'aborder cette étude, il nous paraît indispensable de nous pencher un instant sur le passé afin de mieux cerner et mieux appréhender le pourquoi de l'institution actuelle.

Notes

(1) Ces notions seront redéfinies au début du chapitre 3.
(2) Contrairement aux associations de communes qui sont, elles, toujours réglées par la loi du 22 décembre 1986, jusqu'à l'adoption d'un nouveau décret.
(3) Voir notamment les interpellations de MM. Marchant, Antoine et Piérard lors de la séance du Parlement wallon du mardi 7 novembre 1995, Compte rendu analytique, session 1995-1996, n°2, p. 14 à 20.
(4) Toutes autres personnes de droit public ou privé peuvent également faire partie des intercommunales, à l'exception des personnes de droit public dont un organe exerce les tutelles d'approbation et d'annulation, telles que prévues à l'article 20.
(5) L'article 19, §1er énonce en effet : Lorsque, dans les intercommunales, la province a fait des apports dépassant la moitié du capital ou a assuré la garantie de bonne fin de plus de la moitié des emprunts contractés par l'association, les statuts peuvent prévoir par dérogation à l'article 11 que :
a) la majorité des voix au sein des organes de gestion et de contrôle appartient à la province;
b) la présidence du conseil d'administration et du collège des commissaires est confiée à un membre du conseil provincial; ...
(6) HUGE Ph., La pérennité de l'institution provinciale, Bulletin trimestriel du Crédit Communal de Belgique, n° 178, 1991/4, p. 65 et 66.
(7) Les institutions provinciales ... sont réglées par la loi.
(8) Article 64 de la loi provinciale.
(9) Article 106, alinéa 5 de la loi provinciale.
(10) HUGE Ph., Province 2001, pro vincere, op. cit., p 19.
(11) Article 44 de la loi provinciale.
(12) HUGE Ph., Province 2001, pro vincere, po. cit., p 36.
(13) HUGE Ph., Province 2001, pro vincere, Association des provinces belge asbl, Bruxelles, 1989, p 37.
(14) Article 120, alinéa 5 de la loi provinciale.
(15) Article 4, alinéa 2 de la loi provinciale.
(16) Article 120, alinéa 6 de loi provinciale.
(17) Article 106, alinéa 3 de la loi provinciale.
(18) Article 106, alinéa 4 de la loi provinciale.
(19) Article 5 de la Constitution.
(20) Article 5 de la loi provinciale.
(21) Arrêté de l'Exécutif régional wallon du 14 novembre 1991 réglant les mesures d'exécution du décret du Conseil régional wallon du 20 juillet 1989 organisant la tutelle sur les communes, les provinces et les intercommunales de la Région wallonne.
(22) En Flandre, les deux tutelles sont réglées par des décrets différents : le décret du 28 avril 1993 portant réglementation, pour la Région flamande, de la tutelle administrative des communes, et le décret du 22 février 1995 portant réglementation de la tutelle administrative des provinces en Région flamande.

Partie 2 - Partie 3 - Partie 4

Ce texte est extrait de La province : une institution à redéfinir ? Actes du séminaire organisé en collaboration par l'Association francophone des Provinces et l'Institut Jules Destrée - Namur, 30 janvier 1996.


 

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