Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 Portail Wallonie-en-ligne : Politique  Retour au Plan thématique du portail Wallonie-en-ligne

 

La province : une institution à redéfinir? 

Discours de clôture - (1996)

Guy Milcamps
Président de l’Association francophone des Provinces

 

Au terme de cette longue et fructueuse journée d’étude, je remercie toutes celles et tous ceux qui, à des titres divers, ont collaboré au succès de notre rencontre.

J’insiste sur le rôle très important joué par l’Institut Jules Destrée, partenaire de l’Association francophone des Provinces pour la mise en oeuvre pratique de ce colloque et je salue la contribution essentielle apportée à nos travaux par le Professeur Herbiet et son équipe.

Leur rapport introductif a nourri nos débats et contribuera, à n’en pas douter, à inspirer ceux qui seront chargés dans les prochains mois de remodeler l’institution provinciale.

Il en ira de même de l’importante contribution que le Ministre-Président de l’Exécutif régional wallon, Robert Collignon, a accepté d’apporter ce matin en ouvrant des perspectives de solutions, mais très souvent aussi en précisant son point de vue personnel sur plusieurs aspects du débat provincial.

Merci aussi au Professeur Van Ginderachter qui nous a proposé une vue panoramique de la décentralisation provinciale au niveau international et qui, au départ de ses multiples références, nous a livré avec beaucoup de franchise son sentiment personnel.

Je souligne enfin le travail de tous les animateurs de nos ateliers dont la tâche était ingrate. Alors qu’ils s’attendaient à se trouver face à un auditoire de dix ou quinze personnes, certains ont dû affronter des ateliers de plus de cinquante participants.

L’Institut Destrée et l’Association francophone des Provinces diffuseront largement et rapidement les trois communications du Président de l'Institut Jules Destrée, Jean-Pol Demacq, du Ministre-Président Robert Collignon et du Professeur Jozef Van Ginderachter.

 

La province : une institution a redéfinir ?

Telle était la question posée à l’aube de nos travaux. La réponse est incontestablement positive et le chantier de la réforme est largement ouvert. Durant les derniers mois, de nombreuses propositions de lois ont été déposées, principalement sur le bureau du Sénat.

J’y reviendrai brièvement dans quelques instants, mais je crois utile de vous préciser que l’Association francophone des Provinces fera rapidement parvenir à tous les membres de la Commission de l’Intérieur du Sénat, le texte des trois interventions introductives.

Le Ministre de l’Intérieur, Johan Van de Lanotte, a rédigé un document de synthèse et nous venons d’apprendre que, à l’initiative du Président de la Commission de l’Intérieur du Sénat, Charles-Ferdinand Nothomb, une proposition de loi avait été cosignée par un représentant de tous les partis traditionnels.

Je le rappelle : notre colloque n’était pas un "colloque militant" comme certains le craignaient ou comme d’autres se plairont peut-être à le proclamer en toute mauvaise foi.

Avec l’Institut Jules Destrée, nous avons entrepris une démarche scientifique susceptible de contribuer à la réflexion relative aux rôles que jouent les provinces en Région wallonne et sur le rôle qu’elles seraient appelées à jouer dans la perspective ou non de nouvelles réformes.

Outre l’intervention très médiatique d’un parlementaire wallon qui a contribué à donner un relief inattendu à nos travaux, on peut se demander ce qui, dans les derniers mois, a placé les provinces au centre d’une certaine actualité ?

La mise en oeuvre récente de la dernière phase de fédéralisation du pays y est sans doute pour une large part, mais, permettez-moi de penser que l’octroi aux provinces, en 1989, de la tutelle sur les communes a certainement été un catalyseur plus actif.

Depuis 1980, comme le souligne le Professeur Herbiet dans son rapport, il n’était plus guère question de supprimer l’institution provinciale. Même si elle est importante, la seule menace qui planait encore concerne la fiscalité provinciale puisque l’article 16 de la loi ordinaire de réforme institutionnelle du 9 août 1980 n’a jamais été abrogé.

S’agissant de l’éventualité d’une disparition de l’institution provinciale, le rapport du Professeur Herbiet attire notre attention sur un élément particulièrement important. Ceux qui assimilent la fédéralisation de la Belgique à une opération de décentralisation se trompent lourdement. On a assisté, nous dit-il, à une dilution des pouvoirs jadis reconnus par l'Etat, un Etat qui, selon moi, s’est tout simplement désarticulé.

A l’inverse, la décentralisation renforcée, prônée et encouragée par les gouvernements successifs depuis 1936, n’a toujours pas été réalisée et, poursuit le rapport Herbiet, ce n’est pas le fédéralisme qui stimulera cette réforme.

Supprimer le niveau de pouvoir intermédiaire qu’occupent actuellement les provinces reviendrait à prendre le contre-pied d’une tendance centrifuge qui existe depuis la création de l'Etat belge et constituerait, à coup sûr, un retour de plusieurs siècles en arrière.

La disparition des provinces porterait donc atteinte à la décentralisation des pouvoirs. Une décentralisation qui, à contre-courant des discours ambiants, n’a cessé de se restreindre : la part prise par les finances communales et provinciales dans l’ensemble des dépenses publiques décroît en valeurs relatives d’année en année.

Avec beaucoup de variantes, un consensus apparaît : les provinces doivent être maintenues dans le paysage institutionnel belge, mais une majorité d’avis imposent que la province devienne plus compréhensive, mieux perceptible par tous les acteurs de la vie en société.

Cette nouvelle lisibilité doit-elle passer par une définition exhaustive des compétences provinciales ? C’est la voix de la simplicité, mais c’est peut-être trop simple pour être réaliste et efficace. Cette simplicité ne mènerait-elle pas à la ruine de l’inventivité des provinces ?

Retour haut de page

Dans ce contexte, j’en reviens à notre colloque pour rappeler que l’objectif des travaux en ateliers s’inscrivait dans l’analyse du principe de subsidiarité. Pour chaque matière retenue, il fallait s’interroger sur l’opportunité d’en confier la gestion à la province plutôt qu’à un autre niveau de pouvoir. Par ailleurs, une importante sous-question vous était posée : d’autres missions actuellement remplies par d’autres pouvoirs ne pourraient-elles l’être plus utilement par les provinces ?

A travers l’objectif du colloque et le choix des thèmes, on constate que le résultat de nos travaux interpelle prioritairement la Région wallonne et la Communauté française auxquelles une grande partie des matières examinées dans les ateliers ont été attribuées lors des récentes réformes de l'Etat.

Dans le cadre de la décentralisation territoriale, de la décentralisation par service ou de la déconcentration, la Région wallonne et la Communauté française partagent largement la gestion de ces secteurs d’activités avec les provinces.

Puissent nos travaux de ce jour contribuer à clarifier demain la nature et l’importance des missions de chacun dans la gestion de ses différentes compétences.

Dans un autre ordre d’idées, au stade actuel de la réforme institutionnelle, le pouvoir législatif fédéral reste seul compétent pour démocratiser ou moderniser l’institution provinciale.

Si nous pouvons pratiquement traiter entre francophones ou wallons des compétences confiées aux provinces, la réforme légale de l’institution provinciale devra être négociée au niveau fédéral.

C’est un exercice difficile lorsque l’on sait le rôle essentiellement différent joué à travers le temps par les provinces en Flandre et en Wallonie, notamment dans le secteur de l’enseignement.

Au moment de conclure nos travaux, mon propos n’est pas de repréciser tous les articles de la loi provinciale susceptibles d’être réexaminés au regard de ces objectifs de modernité et de démocratisation auxquels s’attachera le législateur fédéral.

Je veux simplement insister sur quatre choses :

 

1. Souvent, ceux qui revendiquent plus de démocratisation revendiquent également le droit d’interpellation, d’information, voire d’évocation du Conseil provincial relativement aux missions d’intérêt général déléguées à la Députation permanente, principalement par la Région wallonne, en matière de tutelle sur les communes ou de tutelle spécifique sur l’aménagement du territoire et l’urbanisme.

Le rapport du Professeur Herbiet démontre pourquoi il est malaisé d’aller dans ce sens. Et pourquoi, dans le même état d’esprit, il serait dangereux pour la pratique démocratique de réserver une suite favorable à l’idée d’instaurer une motion de défiance constructive. La proposition de loi déposée au Sénat par l’ensemble des partis traditionnels prévoit pourtant cette disposition. Si elle devait être finalement adoptée, on pourrait, dans l’avenir, voir des Députations permanentes évincées sur le prétexte qu’elles ont respecté les décrets et circulaires de la Région wallonne...

Ce matin, nous avons entendu le Ministre-Président Robert Collignon développer un point de vue radicalement différent de celui du Professeur Herbiet tout en élargissant la possibilité d’intégrer le principe d’une motion de défiance constructive aux lois organiques provinciale et communale.

Le débat reste incontestablement ouvert et demande à être approfondi. Un débat que les provinces ne refusent pas mais qu’elles souhaitent ardemment.

 

2. Je rappelle que, spontanément et, il faut bien le constater, souvent en marge de la légalité, plusieurs Conseils provinciaux ont déjà, en concertation avec des Députations permanentes, intégré dans les pratiques journalières de l’institution, différentes dispositions qui favorisent la transparence et rendent le fonctionnement du Conseil provincial plus démocratique. Plusieurs règlements d’ordre intérieur ont été adaptés dans ce sens.

Dès lors, il va de soi que c’est avec beaucoup de sérénité et même avec une certaine impatience que les mandataires provinciaux attendent la transcription de ces nouvelles pratiques quotidiennes dans une réforme importante de la loi organique provinciale.

 

3. Si les autorités régionales, wallonnes et flamandes, ne sont pas rapidement convaincues de l’intérêt qu’il y a à renforcer réellement et efficacement la décentralisation des pouvoirs, si, par ailleurs, pour ces deux pouvoirs régionaux, le principe de subsidiarité ne laisse pas la place à un pouvoir intermédiaire réellement démocratique entre les communes et le pouvoir régional, il est d’ores et déjà certain que la régionalisation attendue des lois organiques provinciales et communales remettra, une fois de plus, en question la réhabilitation du pouvoir provincial à laquelle s’attelle actuellement le législateur.

En fait, il est rassurant de constater que chaque fois que l’on a proposé la disparition de l’institution provinciale, on n’a jamais pu s’empêcher de suggérer son remplacement par l’une ou l’autre structure alternative, que ce soit, en 1980, lors des accords de Stuyvenberg, par des sous-régions ou, plus récemment encore, par une relance de l’idée d’agglomérations ou de fédérations de communes, ou encore par la création de communautés urbaines.

Si ceux qui placent leur énergie dans de telles initiatives acceptaient de collaborer au remodelage et à la redéfinition du rôle de l’institution provinciale, gageons que cette dernière, ragaillardie, trouverait dans le maillage de nos institutions une place appréciable et, c’est notre voeu le plus cher, appréciée par nos concitoyens.

 

4. Ce matin, le Ministre-Président a développé le concept de tutelle sur les communes en rappelant qu’il est très largement favorable à leur autonomie. Globalement, il est nécessaire d’alléger la tutelle en général et, à tout le moins, de supprimer la tutelle d’opportunité.

A cela, Monsieur le Ministre-Président, en tant que Président de l’Association des Provinces, je réponds que vous avez mille fois raison et je vous rappelle, pour autant que de besoin, que le pouvoir de légiférer est exclusivement entre les mains de la Région wallonne. Depuis trop longtemps, les discours font office d’action. La province, elle-même, est soumise à la mainmise d’une tutelle souvent considérée comme coercitive.

Si la Région wallonne tarde à légiférer, les provinces elles-mêmes reprocheront rapidement à la Région wallonne de vivre sous l’oppression de la tutelle.

 

Voilà, Mesdames et Messieurs quelques conclusions.

Aujourd’hui, nous avons esquissé un premier pas important dans la réflexion qui doit mener à une refonte de l’institution provinciale. Nous avons défini une méthode, scientifique, juridique, objectivée et conceptualisée.

Avec différents partenaires, nous avons voulu rassembler les éléments d’une réforme qui, depuis longtemps, faisaient l’objet d’un large consensus. Un regret nous anime au moment de clôturer cette journée. Trop peu d’interlocuteurs de la Région wallonne et de la Communauté française sont venus alimenter notre réflexion dans le travail des ateliers.

Nous n’avons pas vu, ou pratiquement pas vu ceux qui, à travers des petites phrases assassines, se permettent souvent de critiquer une institution qu’ils connaissent mal.

Pour ce qui la concerne, l’Association des Provinces continuera à oeuvrer, dans les jours et les semaines qui viennent, à la refonte d’une institution qui mérite sans conteste un lifting, mais qui garde toute sa pertinence sur l’échiquier institutionnel de notre pays.

Ce texte est extrait de La province : une institution à redéfinir ? Actes du séminaire organisé en collaboration par
l'Association francophone des Provinces et l'Institut Jules Destrée - Namur, 30 janvier 1996.


 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute