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La province : une institution à redéfinir? 

Les services techniques et prestations de services - (1996)

Léon Warnotte
Ingénieur Directeur en Chef du Service des Travaux de la Ville de Liège

 

A. Exposé introductif

Le rôle de la province revêt des aspects politiques, juridiques, techniques, etc. qui se complètent et qui interfèrent.

Nous nous intéresserons plus spécialement aux services techniques en essayant d'éviter tous les aspects politiques dont ils peuvent être l'objet.

 

Tutelle administrative sur les marchés publics

I. Marchés non subsidiés

En application du décret du 20 juillet 1989, la Députation permanente peut exercer une tutelle générale de suspension ou d'annulation sur les actes des autorités communales qui violent la loi ou blessent l'intérêt général.

Cette mission, d'intérêt général, est exercée dans le cadre d'une attribution directe de compétence (déconcentration).

En application de l'article 1er, 4° de l'Arrêté de l'Exécutif régional wallon du 14 novembre 1991 réglant les mesures d'exécution dudit décret, doivent obligatoirement être transmis à la Députation permanente le mode de passation et les conditions des marchés publics lorsque la valeur globale de ceux-ci excède 5.000.000 F, hors TVA (pour les communes de 10.000 habitants et plus) et 3.000.000 F, hors TVA. (pour les communes de moins de 10.000 habitants) ainsi que les décisions d'attribution de ces marchés.

 

II. Marchés subsidiés

On peut les classer en deux grandes catégories :

  • Les marchés subsidiés dans le cadre du plan triennal des travaux subsidiés.

  • Les marchés subsidiés dans le cadre des autres procédures.

 

1. Plan triennal

La tutelle est exercée directement par l'Exécutif régional wallon. De son côté, la province (Service technique provincial ou Service provincial des Bâtiments) :

  • peut être auteur de projet pour le compte des communes;

  • émet un avis technique préalable sur le projet (pour autant qu'elle ne soit pas auteur de projet ni maître d'ouvrage);

  • exerce sur le chantier le contrôle de l'emploi des subventions (pour autant qu'elle ne soit pas auteur de projet, ni maître d'ouvrage, ni chargée de la surveillance des travaux).

 

2. Autres procédures d'octroi de subventions

Pouvoirs subsidiants (liste non exhaustive) :

  • Communauté française (ministère de la Culture française);

  • Communauté française (Fonds des Bâtiments scolaires);

  • Région wallonne (Infrastructures sportives);

  • Région wallonne (Monuments, Sites et Fouilles);

  • Région wallonne (Ressources Naturelles et Environnement);

  • etc.

 

Ce sont chaque fois des procédures spécifiques mais, d'une manière générale :

– La Députation permanente peut exercer la tutelle générale de suspension et d'annulation dans le cadre d'une attribution directe de compétence (déconcentration).

– Les services techniques de la province;

– procèdent à l'examen des dossiers pour chacune des deux phases :

– Première phase : Mode de passation et conditions du marché

– Seconde phase : Attribution du marché.

– contrôlent sur le chantier l'emploi des subventions par la commune.

 

Pour chacun des points, on analysera :

1. Quel est le fondement juridique des interventions de la province ?

2. Le contrôle est-il exercé avantageusement par le pouvoir de proximité ?

3. N'y a-t'il pas double emploi avec d'autres pouvoirs ?

4. Si ce contrôle doit continuer à s'exercer, doit-il être modifié ?

5. Dans sa mission, la province défend-elle bien des intérêts provinciaux ?

6. D'autres missions pourraient-elles lui être confiées ?

7. D'où viennent les ressources dont elle contrôle la bonne utilisation ?

 

Les marchés de services et les autres services rendus par la province

Exemple : Voiries provinciales et vicinales. La compétence de la province est-elle encore justifiée ?

 

Cas particulier du plan triennal des travaux subsidiés

Textes légaux

1. Décret du 1er décembre 1988 relatif aux subventions octroyées par la Région wallonne à certains investissements d'intérêt public, modifié par les décrets du 20 juillet 1989 et du 30 avril 1990.

2. Arrêté du 16 décembre 1988 de l'Exécutif régional wallon relatif aux subventions octroyées par la Région wallonne à certains investissements d'intérêt public, modifié par les arrêtés du 22 juin 1990, du 30 mai 1991 et du 17 octobre 1991.

 

Approbation du plan triennal

La délibération du Conseil communal approuvant la liste des dossiers classés année par année et par ordre de priorité (avec estimation du coût) est transmise au Ministère de la Région wallonne qui dispose d'un délai de 30 jours ouvrables (éventuellement prorogeable de 30 jours ouvrables) pour arrêter la liste des investissements retenus (Il dispose ensuite de quinze jours ouvrables pour notifier sa décision qui vaut promesse de principe).

Le Conseil communal est également compétent pour approuver toute modification au plan triennal (introduction d'un nouveau dossier, déplacement d'un dossier d'une année à l'autre).

 

Réalisation du projet

La province (Service technique provincial ou Service provincial des Bâtiments) peut être auteur de projet pour les communes qui sont dépourvues d'un bureau d'études.

La commune peut également confier la réalisation du projet à un bureau d'études privé pour un marché passé sur la base d'une convention liant les deux parties concernées.

 

Passation du marché de travaux

 

Approbation du projet

Le projet est approuvé par le Conseil communal (choix du mode de passation du marché, approbation du cahier spécial des charges et des plans, vote de la dépense et principe de son imputation budgétaire, décision de solliciter les subventions de la Région wallonne).

Si la province n'est ni auteur de projet ni maître d'ouvrage, le dossier est soumis à la Députation permanente pour avis technique préalable. Cet avis est rendu au Ministère de la Région wallonne dans un délai de 30 jours de calendrier à dater de la réception du projet.

L'approbation du projet par la Région wallonne (dont la notification vaut promesse ferme) intervient dans un délai de 90 jours à dater de la réception du projet par la Députation permanente. Passé ce délai, le projet est réputé approuvé.

Remarque : Si la province est auteur de projet ou maître d'ouvrage, la commune transmet directement le dossier du projet à l'approbation de l'Exécutif régional.

 

Désignation de l'adjudicataire

Le dossier d'adjudication est transmis à l'Administration des Travaux subsidiés dans les quatre mois à dater de la notification de la promesse ferme. A l'expiration de ce délai (éventuellement prorogé), la promesse ferme devient caduque.

Dans les 40 jours (prorogés au maximum de 20 jours), le ministre peut annuler les décisions d'attribution de marché qui violent la loi ou blessent l'intérêt général. Le ministre notifie la promesse rectificative sur base de l'offre approuvée. La province n'intervient PAS au niveau de cette phase.

 

Exécution du marché de travaux

Si la province n'est ni auteur de projet, ni maître d'ouvrage, ni chargée de la surveillance des travaux, elle est chargée par l'Exécutif régional wallon du contrôle, sur le chantier, de l'emploi des subventions (sauf si la commune désigne le service provincial comme surveillant des travaux). A cette afin, une copie de l'ordre de commencer est transmise à la province.

L'avis du service provincial est obligatoire sur :

  • les états d'avancement des travaux;

  • les avenants à l'entreprise;

  • le décompte final.

Si la province est auteur de projet et/ou maître d'ouvrage ou chargée de la surveillance des travaux, son rôle est exercé par l'Administration des Travaux subsidiés qui désigne un contrôleur régional.

 

B. Compte-rendu des interventions

 Très fréquemment, le Service technique provincial STP est auteur de projets pour les communes rurales qui sont dépourvues d'un service technique structuré. Dans cette hypothèse, s'il s'agit d'un dossier à subsidier dans le cadre du plan triennal, le rôle de la province est diminué au niveau de la procédure, puisque :

  • le STP n'exerce plus le contrôle technique préalable du dossier;

  • la tutelle n'est pas exercée au niveau de l'approbation du projet par la Députation permanente mais par l'Exécutif régional wallon lui-même;

  • le STP ne peut pas exercer, sur le chantier, le contrôle de l'emploi des subventions.

En ce qui concerne le plan triennal, un des membres de l'atelier suggère que, afin d'augmenter l'autonomie des communes, celles-ci puissent bénéficier d'un "droit de tirage" vis-à-vis de la Région wallonne qui exercerait un contrôle a posteriori dans un créneau bien défini. Un tel système permettrait une véritable décentralisation et conduirait à une gestion plus rapide et plus performante, les communes devant toutefois, en contrepartie, assumer les problèmes qu'elles auraient créés. Cette suggestion fait toutefois l'objet d'un avis négatif de la part d'un délégué de la Région wallonne qui précise que celle-ci n'est pas favorable à ce système de droit de tirage. D'une manière générale, l'accent est mis sur le fait que, dans la procédure du plan triennal, la province émet un avis sur le projet mais n'a aucun pouvoir de décision. Il en est d'ailleurs de même pour les autres procédures subsidiées (Infrastructures sportives et culturelles, Fonds des Bâtiments scolaires...). Le rôle de la province, en tant que "bras" de l'Exécutif régional wallon se justifie toutefois en raison de sa plus grande proximité vis-à-vis du pouvoir communal.

Vis-à-vis des communes de petite importance, la province joue le rôle d'un "office-conseil" permanent. Ainsi, le STP a réalisé pour le compte de ces communes une multitude de dossiers (plans généraux d'égouttage notamment) dont elle conserve la "mémoire". Seule la province peut avoir une vision objective en matière de bassins hydrographiques qui intéressent, par la force des choses, des communes différentes. En matière d'épuration des eaux, la délégation des provinces aux intercommunales a donné des résultats de valeur inégale, ces dernières n'assumant pas toujours leur mission avec toute la rigueur voulue.

En ce qui concerne la gestion des voiries, certains participants considèrent que la structure en trois réseaux (voiries régionales, provinciales, communales) n'est pas à l'abri de tout reproche. On peut difficilement expliquer les raisons pour lesquelles certaines voiries restent provinciales (a fortiori si elles sont situées géographiquement dans une position éloignée l'une de l'autre). Pourquoi ne pas les régionaliser ? La voirie provinciale ne compte que 700 km environ (contre 90.000 km de voiries communales et 10.000 km de voiries régionales). Ce réseau provincial (qui n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'une définition précise) est tout à fait insuffisant pour rentabiliser une action efficace. D'autre part, il comprend parfois des voiries qui supportent un important trafic de transit. Il y a donc un paradoxe qu'il faut s'attacher à résoudre en tenant compte toutefois que le critère du réseau de voirie intervient dans le calcul de la dotation du Fonds provincial.

En ce qui concerne les missions exercées par la province en qualité d'organe déconcentré (notamment la tutelle administrative sur les actes des autorités communales), plusieurs participants estiment qu'elles pourraient être remplies par un autre niveau de pouvoir (l'Exécutif régional wallon, par exemple).

Un manque de cohérence et de coordination est également mis en évidence en ce qui concerne la gestion des cours d'eau non navigables, actuellement classés en trois catégories dont :

  • la première catégorie, de la compétence des communes;

  • la deuxième catégorie, de la compétence des provinces;

  • la troisième catégorie, de la compétence de la Région wallonne.

Cette classification, parfois arbitraire, ne se justifie pas toujours par une réalité effective sur le terrain. Il en est de même, par exemple, en ce qui concerne les inondations. La compétence de régler ces problèmes doit-elle être confiée à la Région wallonne ou à la province ?

En matière de voiries vicinales, la province intervient de manière opportune dans les conflits de voisinage, en constituant un niveau d'arbitrage qui se situe au delà des contingences et des lobbies locaux. En reconnaissant aux voiries communales existantes le caractère vicinal, la loi de 1841 a créé un service voyer qui avait essentiellement pour mission de protéger ces voiries contre l'empiétement par les riverains. Les commissaires voyers peuvent ainsi imposer aux communes l'exécution de travaux nécessaires à la viabilité des voiries vicinales. L'atlas (dont la mise à jour est de la compétence de la province) vaut acte notarié. Il semblerait toutefois que des dispositions doivent être prises pour protéger, de manière plus efficace, la voirie vicinale.

La province intervient également de manière efficace dans la réalisation des contrats de rivières qui constituent une politique alternative dans la gestion des cours d'eau (notamment la Haute Meuse). Ces contrats ont pour effet d'assurer une coordination et une cohérence optimales entre des partenaires relevant de niveaux de pouvoirs différents.

En matière de gestion du patrimoine des bâtiments, les services techniques provinciaux remplissent un rôle d'office-conseil avant même la réalisation du projet et la passation du marché d'étude à un auteur de projets privé. Une redevance est d'ailleurs encore parfois réclamée aux communes. Dans ce créneau toutefois, les services provinciaux éprouvent de plus en plus de difficultés à faire face à toutes les demandes. Certains estiment qu'il serait opportun de procéder à la mise en place d'une régie provinciale autonome dont il faudrait définir le type et la structure.

En matière d'intérêt général, les provinces ont pris un certain nombre d'initiatives originales et constructives ("Ecocantonnier", constitution d'une banque de données cartographiques pouvant être consultée par les petites communes...). Les services techniques provinciaux bénéficient d'une longue expérience, difficilement remplaçable.

 

C. Conclusions

 Les missions d'intérêt général, exercées par la province dans le cadre de la déconcentration ou de la décentralisation par service, pourraient être remises en question. Ces missions pourraient être exercées de manière aussi efficace par un autre niveau de pouvoir (exemple : la Région wallonne).

On pourrait également imaginer que les services techniques (actuellement provinciaux) continuent à exercer ces missions (leur proximité vis-à-vis des communes constituant un atout) mais en relevant d'un autre pouvoir que celui de la province, en l'occurrence de la Région wallonne.

Par contre, les missions d'intérêt provincial pourraient difficilement être confiées à un autre niveau de pouvoir. En effet, la proximité des pouvoirs provinciaux par rapport aux communes leur permet d'exercer efficacement vis-à-vis de celles-ci un rôle d'arbitrage, de coordination, de guidance et d'assistance.

 

Ce texte est extrait de La province : une institution à redéfinir ? Actes du séminaire organisé en collaboration par
l'Association francophone des Provinces et l'Institut Jules Destrée - Namur, 30 janvier 1996.


 

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