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La province : une institution à redéfinir? 

La province est morte, vive la province ! - (1996)

Valmy Féaux
Gouverneur de la Province du Brabant wallon

 

La Belgique n'est pas à un paradoxe près. C'est au moment où naissent deux nouvelles provinces que surgit un débat, spécialement en Wallonie, quant à la nécessité de maintenir cette institution. Sans doute la question de son coût par rapport à son efficacité, mise en évidence par certains, n'est pas étrangère à cette interrogation ?

Certes, le débat n'est pas neuf. Mais le moment où il réapparaît a de quoi surprendre.

Pourtant, si l'on replace les choses dans leur perspective historique, le paradoxe n'est peut-être qu'apparent. En effet, partant du constat indiscutable que le Brabant, province du centre du pays, est devenu, du fait notamment d'antagonismes communautaires et linguistiques, impossible à gérer, le législateur a logiquement décidé de le scinder. Toutefois, sous peine de nier la réalité institutionnelle globale et la spécificité bruxelloise, la scission du Brabant ne pouvait s'opérer qu'en trois, à savoir : en deux zones linguistiquement homogènes, les provinces du Brabant wallon et du Brabant flamand et, en une troisième zone correspondant, selon le découpage linguistique général, à la Région de Bruxelles-Capitale.

Fallait-il pour cette dernière zone superposer un pouvoir provincial au pouvoir régional existant ? Le législateur a estimé que non. La Région s'est donc substituée à la province pour le dix-neuf communes bruxelloises.

Mais par la même occasion – c'est une première – une partie du territoire national échappait au pouvoir provincial. Les abolitionnistes des provinces trouvaient là un argument supplémentaire pour relever la tête, la preuve étant faite que l'absence de province ne causait aucun dommage aux citoyens.

Mais reconnaissons-le, en tant qu'ensemble urbain, Bruxelles présente l'avantage d'un niveau de cohérence élevé.

La situation est toute autre en Wallonie. La Wallonie est polymorphe, elle est faite d'une multitude de spécificités et de sensibilités diverses qui la traversent d'est en ouest et du nord au sud. Ainsi, les besoins du Hainaut sont-ils les mêmes que ceux du Luxembourg ? Ces spécificités doivent, dès lors, être rencontrées à un niveau moins élevé de pouvoir que celui de la Région.

Peuvent-elles l'être par les intercommunales ? Pour une large part, il faut admettre que les intercommunales, qui ont pris une place importante, ont un rôle souvent technique et orienté vers des secteurs précis et limités dans l'espace. Aucune d'elles n'est à même de répondre à tous les besoins susceptibles de se manifester à l'échelle subrégionale. Or, c'est précisément à ce niveau que se situe l'institution provinciale.

Dans cette perspective, le rôle de la province ne devrait-il pas consister à être à la fois un lieu de coordination, de concertation et d'impulsion où se définiraient les grandes lignes d'actions – sans en être pour autant le maître d'œuvre – ? Il n'est pas nécessaire qu'elle s'accapare de tâches que d'autres institutions ou niveaux de pouvoir font déjà. Mais, en revanche, grâce à la notion d'intérêt provincial bien compris, la province doit être à même de prendre en charge des tâches collectives qui ne sont pas effectuées ailleurs et qui répondent à des besoins nouveaux. Ainsi, les provinces ont-elles été pionnières dans des domaines précis tels que ceux de l'enseignement technique et professionnel, de l'action socio-culturelle, du tourisme social, des soins de santé, ...

A ce propos, le domaine de l'enseignement me semble exemplaire. S'il appartient à la province de s'occuper de l'enseignement technique et professionnel, il ne lui revient pas de prendre en charge d'autres types ou niveaux d'enseignements que d'autres autorités sont plus à même d'organiser.

De même, indépendamment de ce que la loi ou le décret lui impose déjà comme mission d'intérêt général, la province ne doit-elle pas être, tout à la fois, lieu de rencontre des communes entre elles, des communes avec les autres niveaux de pouvoir, mais aussi lieu de rencontre, pour son territoire, entre l'Etat fédéral, la Communauté et la Région ?

Pourquoi ne pas donner consistance à l'article 124 de la loi provinciale qui prévoit la constitution d'une commission interministérielle chargée de promouvoir la coordination et la concertation entre les administrations et organismes publics de l'Etat en l'élargissant, comme la loi le permet, aux services des Gouvernements communautaire et régional ? Bien sûr, cette commission ne serait pas un pouvoir d'exécution mais un lieu de rencontre et d'impulsion de ceux qui ont la tâche d'assurer et de promouvoir le bien public.

Dans cette fonction d'interface, les relations entre les provinces et la Région devraient se renforcer et prendre une dimension concrète et efficace. Est-ce par volonté centralisatrice de la Région wallonne ou par omission que rien n'a été entrepris, contrairement à ce qui se passe en Flandre, pour favoriser la collaboration entre Région et provinces ? Un lien organique ne pourrait-il pas être établi entre les Députations permanentes et la Région à l'image du Comité de concertation qui existe au niveau fédéral entre Etat et Régions ?

Dans le même ordre d'idée, le gouverneur ne pourrait-il pas avoir un lien davantage renforcé avec la Région ? Cette dernière ne se sentirait-elle pas plus à l'aise pour lui confier certaines tâches dans le cadre de l'exercice de la tutelle ou pour le charger de toute mission qu'elle jugerait utile ? Cette orientation impliquerait évidemment que la Région soit associée à la désignation des gouverneurs.

Si ces quelques idées devaient être retenues, on pourrait s'orienter vers une institution provinciale plus légère et plus efficace qui favorise l'adéquation entre le respect de la spécificité des divers terroirs et la nécessité cohérente d'une politique à l'échelon de la Wallonie.

Les autorités provinciales sont donc interpellées. Il leur revient, compte tenu de leur enracinement dans le tissu social belge de s'insérer dans le nouvel échiquier institutionnel. Les provinces doivent donc être des acteurs de leur modernisation en se réformant elles-mêmes et en devenant plus visibles, plus transparentes, plus efficaces aux yeux de tous.

L'ancienne province est morte. Vive la nouvelle province !

 

Ce texte est extrait de La province : une institution à redéfinir ? Actes du séminaire organisé en collaboration par l'Association francophone des Provinces et l'Institut Jules Destrée - Namur, 30 janvier 1996.


 

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