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La Wallonie, une région en Europe

Conclusions générales -1995-

Jean-Pierre Gouzy
Vice-président délégué du Centre international de Formation européenne
Président d'honneur de l'Association des Journalistes européens

 

Quelles conclusions puis-je tirer personnellement de ce colloque – ou plus exactement de la séquence de ce colloque à laquelle j’ai pu participer – à propos du dialogue Est-Ouest sur la décentralisation et les droits de l’homme, et à propos de la Wallonie qui est en effet, au plein sens du terme, une région en Europe ?

Tout d’abord, puisque ce sont des pays d’Europe centrale et orientale dont il s’agit ici principalement, je veux rappeler que ces pays sont dès aujourd’hui, officiellement ou potentiellement, candidats à l’Union européenne.

Ont, en effet, demandé officiellement leur adhésion, non seulement la Pologne et la Hongrie, mais depuis l’été dernier la Slovaquie et la Roumanie. Pour préparer leur adhésion, ces pays – mais aussi la République tchèque, la Bulgarie, la Slovénie ainsi que les pays Baltes – ont signé des accords européens d’association avec l’Union européenne. Restent seulement pour le moment, pour des raisons évidentes, en dehors du processus engagé, les Etats issus de l’ancienne Yougoslavie, hormis la Slovénie, et l’Albanie. Ainsi, on peut imaginer en quelque sorte l’architecture de l’Europe du début du XXIème siècle : à l’ouest, au sud et au centre du continent, l’Union européenne dont les limites iront de la Mer Blanche à la Mer Noire et la Mer Méditerranée; et à l’est, les pays qui composent actuellement la CEI, la Communauté des Etats indépendants, dont l’originalité est d’être à cheval sur les continents européen et asiatique.

Par ailleurs, il faut savoir que la question des adhésions, sinon de tous les pays d’Europe centrale et orientale, du moins de la plupart, se posera très vite après la conclusion des travaux de la Conférence intergouvernementale de 1996, qui a été précisément prévue pour améliorer ce qui avait été fait à Maastricht et pour adapter le fonctionnement de l’Union européenne dans la perspective d’un élargissement prochain aux pays d’Europe centrale et orientale, aux petits Etats de la Méditerranée – Chypre et Malte – et aux Etats Baltes; en tout à une douzaine de pays.

Or, les problèmes de minorités nationales, ethniques, culturelles, se posent déjà ouvertement ou potentiellement dans presque tous les pays d’Europe centrale et orientale associés et en voie d’adhésion à l’Union européenne. Il faut en prendre conscience si on ne veut pas qu’ils constituent autant de bombes à retardement lorsque l’Union européenne se sera élargie. Nous y reviendrons. Sans doute tous les pays d’Europe centrale et orientale n’adhéreront-ils pas en même temps. Il est logique de penser que les pays constitutifs du groupe de Visegrad feront partie du premier peloton.

Les disparités économiques entre les pays en voie d’adhésion à l’Union européenne seront progressivement atténuées, tout d’abord d’ici le moment où ils adhéreront, et surtout dans la période de transition de six à dix ans qui suivra leur entrée dans l’Union. Je vous rappelle que la période de dix ans a été celle retenue pour le Portugal et pour l’Espagne, en ce qui concerne un certain nombre de politiques communes dont celle de "l’Europe bleue".

Pendant cette période, les pays d’Europe centrale et orientale devront en quelque sorte absorber l’acquis communautaire. Ce n’est pas une mince affaire quand on sait que les pays de l’AELE, l’Association européenne de libre Echange, ont dû accepter d’incorporer dans leur législation interne quelques quarante mille pages de textes juridiques quand ils ont signé avec l’Union européenne le traité réalisant l’espace économique européen; à l’exception de la Suisse qui est restée en dehors du processus.

Bien entendu, par ailleurs, les pays d’Europe centrale et orientale devront accepter les engagements de l’Union européenne en ce qui concerne les Droits de l’Homme et le respect des minorités – telles que le professeur Cerexhe en a apporté ici la définition – parce qu’il n’y a pas de démocratie sans respect des minorités.                                                                     

Malheureusement, nous avons vu aussi que l’approche de cette problématique était rarement, jusqu’ici en Europe, une approche fédéraliste et que l’on pratique surtout une approche diplomatique entre Etats qui se veulent souverains.

L’approche diplomatique est celle des conventions internationales. On nous a tout d’abord expliqué ce qui s’était fait à cet égard dans le cadre des Nations Unies, ce qui est très limité. Le professeur Cerexhe a cité la Convention de 1965 sur les discriminations raciales; l’article 27 de la Convention de 1966 relative aux droits civiques et politiques, où il est admis que, dans les Etats où existent des minorités religieuses et politiques, les membres de ces minorités – pas les minorités en tant que telles – ont droit à la reconnaissance de leur propre vie culturelle, linguistique, religieuse, mais où rien n’est prévu quant à l’organisation des minorités pour leur participation au fonctionnement de l’Etat; et la déclaration de 1972, dans laquelle l’existence des minorités apparaît comme étant digne d’être protégée, mais qui ne prévoit à cet égard ni obligation juridique de la part des Etats, ni mécanisme de contrôle.

Dans le cadre européen, le professeur Cerexhe a également passé en revue les garanties existantes reconnues par le Conseil de l’Europe, l’Union européenne et l’OSCE. De cet exposé détaillé, ce que nous retiendrons surtout en définitive, c’est qu’il a fallu attendre 1994 pour disposer au niveau du Conseil de l’Europe d’une convention pour la protection des minorités, dans laquelle les Etats membres se déclarent résolus à protéger les minorités nationales. Mais cette convention, a ajouté le professeur Cerexhe, prévoit surtout des principes, les minorités n’y sont pas définies, le dispositif de contrôle est très faible.                                                                 

Au surplus, à la question que je lui ai posée : "où en sont les procédures de ratification de cette Convention ?", il m’a répondu : "presque rien" ! C’est dire à quel point nous sommes encore démunis d’instruments juridiques et politiques pour imposer aux Etats des règles communes à tous pour gérer la problématique minoritaire.

Et pourtant, je le répète, il est vital pour l’avenir de la sécurité en Europe et pour la cohabitation harmonieuse des peuples européens, qu’une solution globale soit apportée aux problèmes minoritaires, si on ne veut pas qu’ils empoisonnent la vie du continent.

Outre le professeur Cerexhe, le professeur Mestre a bien insisté, de son côté, sur le fait que le Comité des Régions, créé en vertu du traité de Maastricht, ne répondait pas, pas plus que la politique régionale communautaire, aux préoccupations liées à l’existence des problèmes minoritaires. Ce Comité et cette politique visent, en effet, essentiellement à réduire les disparités régionales existantes au sein de l’Union européenne. De plus, l’extension des prérogatives du Comité des Régions, telle qu’elle s’esquisse dans les travaux préparatoires actuellement entrepris en vue de la Conférence intergouvernementale de 1996, demeure modeste. Par exemple, il est envisagé de confier au Comité des Régions des responsabilités spécifiques en matière de politique urbaine et d’aménagement du territoire; il est également envisagé de voir reconnaître le Comité des Régions comme une institution de l’Union européenne. A ce titre, il serait habilité à saisir la Cour de justice en vue d’obtenir l’annulation d’actes communautaires qu’il estimerait contraires au principe de subsidiarité.

De plus, l’accession du Comité des Régions au rang d’institution impliquerait qu’il se dote d’un secrétariat propre, sans aucun lien avec le Comité économique et social, contrairement à ce qui se pratique aujourd’hui.

Voilà, au maximum, ce qui peut raisonnablement s’envisager dans la conjoncture politique actuelle; et encore, il est loin d’être certain qu’on puisse aller jusque-là.

Si telle est bien la réalité, il est encore plus important pour les pays d’Europe centrale et orientale de s’inspirer des expériences les plus significatives de fédéralisme dissociatif en Europe occidentale.                 

Tel est le cas en ce qui concerne l’Espagne. Tel est le cas en ce qui concerne la Belgique.

Et dans le cas belge, l’étude qui a été faite ici sur la Wallonie mérite particulièrement attention, même si, comme l’a souligné Jean-Maurice Dehousse, il ne saurait être question de calquer un modèle fédéraliste pour l’appliquer dans un autre cadre historique, économique ou géopolitique.

Quant à la construction européenne, il faut la considérer comme un processus dynamique, un processus original d’intégration de tout un continent par approches successives, qui à mon avis n’a pas véritablement de précédent.

Dans cette perspective, le combat pour les droits des minorités nationales, ethniques, culturelles, doit être considéré comme une priorité, au même titre que le combat en faveur d’une Europe des régions.

Telle est, en tout cas, l’approche fédéraliste, au delà des résultats qu’on peut espérer attendre de la Conférence intergouvernementale de 1996; approche fédéraliste qui pose évidemment la question, non pas d’un énième traité de type Maastricht, mais bien celle de la Constitution fédérale elle-même.

C’est, en tout cas, à l’atteinte de ces objectifs que se sont attachés le Centre international de Formation européenne et les institutions d’enseignement qui dépendent de lui notamment à Nice, au Val d’Aoste, à Séville, à Schloss Hofen; et c’est, d’autre part, aux mêmes objectifs que se consacre depuis 1960 sa revue trimestrielle L’Europe en formation. Je vous invite donc au delà de cette rencontre de Liège organisée avec succès grâce au concours de l’Institut Jules Destrée, à rester en relations avec nous, si vous le désirez.-

 

Jean-Pierre Gouzy, Conclusions générales, dans La Wallonie, une région en Europe, CIFE-IJD, 1997


 

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