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La Wallonie, une région en Europe

La structure de l'Etat fédéral - (1995)

Jacques Brassinne de la Buissière
Vice-président du CRISP

 

La structure de la Belgique est organisée sur la base d'institutions qui relèvent de l'Etat fédéral, des Communautés, des Régions, des provinces et des communes. La Belgique est une monarchie constitutionnelle et une démocratie parlementaire où, conformément à la Constitution, s'exercent trois pouvoirs : le législatif, l'exécutif et le judiciaire.

Les diverses révisions de la Constitution ainsi que les lois spéciales de réformes institutionnelles ont modifié fondamentalement l'organisation et l'exercice des pouvoirs législatif et exécutif. Le pouvoir juridictionnel a été complété par la création d'une Cour d'arbitrage chargée du règlement des conflits de compétence entre les assemblées législatives.

La volonté du législateur d'affirmer le passage de l'Etat unitaire à l'Etat fédéral est indiquée dans l'article premier de la Constitution, qui stipule : La Belgique est un Etat fédéral qui se compose de Communautés et de Régions.

La réforme de l'Etat de 1993

Les changements et modifications apportés en 1993 à la structure et à l'organisation de l'Etat touchent de nombreux aspects de la vie politique et administrative de la Belgique. Ils ont eu, d'une part, un impact psychologique important en modifiant la terminologie institutionnelle mettant ainsi fin, officiellement, à l'Etat unitaire et d'autre part, de manière plus fondamentale encore, les changements intervenus ont profondément modifié la structure du système bicaméral et la répartition des compétences entre les différentes composantes de l'Etat.

Si la dernière réforme est moins importante que les précédentes au niveau des fondements et des principes réglant le fonctionnement des nouvelles institutions, il faut cependant constater que les réactions émotionnelles ont été beaucoup plus vives qu'en 1970, 1980 et 1989. L'affirmation que la Belgique est un Etat fédéral a eu plus de répercussion au niveau du public que la création antérieure des Communautés et des Régions, organes inhérents au fédéralisme. L'accent mis par certains partis flamands sur le fait que le fédéralisme n'était qu'une étape dans le processus de changement institutionnel allait provoquer de vives réactions, les notions avancées de confédéralisme et de séparatisme dépassant largement la simple querelle de mots.

Les composantes de l'Etat fédéral

Les composantes de l'Etat fédéral sont les Communautés et les Régions. Selon les articles 2 et 3 de la Constitution, il s'agit de la Communauté française, de la Communauté flamande et de la Communauté germanophone ainsi que de la Région wallonne, de la Région flamande et de la Région bruxelloise.
Chacune de ces Communautés et Régions, à l'exception de la Région flamande, est dotée d'une assemblée parlementaire appelée conseil, et d'un Exécutif appelé gouvernement. En vertu de la première phrase de l'article 137, les compétences de la Région flamande sont exercées par le Conseil et le gouvernement de la Communauté flamande.
Le territoire du pays n'est plus défini en fonction des provinces comme cela était le cas antérieurement, mais bien sur la base des Régions wallonne et flamande.

1. Les niveaux de pouvoir

Le schéma présenté ci-avant définit les cinq niveaux caractérisant la structure de l'Etat fédéral.

1.1. Le niveau fédéral : la Chambre, le Sénat, le roi et le gouvernement fédéral

Les institutions fédérales sont déterminées par la Constitution et les réformes institutionnelles qui organisent les organes de la souveraineté fédérale à savoir la Chambre des Représentants, le Sénat et le roi. Les institutions rénovées ont des structures adaptées en fonction de leurs compétences dans les matières qui leur sont octroyées. Des changements importants sont intervenus en 1993 en ce qui concerne l'organisation de l'Etat : les compétences fédérales ont été diminuées, le système du bicaméralisme des assemblées a été profondément modifié au profit de la Chambre ainsi que les attributions du roi.

La Constitution détermine la structure des pouvoirs législatif et exécutif à l'échelon fédéral. En ce qui concerne les matières fédérales, le pouvoir législatif s'exerce collectivement par le roi, la Chambre des Représentants et le Sénat, à l'exception de certaines matières pour lesquelles le pouvoir législatif est exercé uniquement par le roi et la Chambre.

En vertu de la Constitution et selon les modalités réglées par elle, le pouvoir exécutif appartient au roi; il est exercé par celui-ci et par ses ministres qui contresignent tous les actes du roi et s'en rendent politiquement responsables.

La norme juridique :

– La loi.

La compétence territoriale :

– Le royaume.

Si le système bicaméral ne fut pas touché par les réformes institutionnelles antérieures, il n'en fut pas de même lors de la réforme de 1993 qui apporta de très profondes modifications au bicaméralisme de type classique qui régissait antérieurement le fonctionnement des assemblées.

La Constitution issue de la réforme de 1993 maintient le principe de deux assemblées, dont la composition, le rôle et les compétences sont cependant entièrement différents.

La répartition des attributions entre la Chambre et le Sénat repose sur les trois principes suivants :

1. La Chambre est l'assemblée assumant seule le contrôle politique du gouvernement fédéral.
Le contrôle des activités politiques et celui des finances publiques est confié exclusivement à une seule assemblée législative : la Chambre des Représentants. Les ministres sont donc politiquement responsables uniquement devant cette dernière.

2. Le Sénat est la chambre de réflexion.
La seconde assemblée législative est une "chambre de réflexion", garante de la qualité de la législation. Elle est le lieu de rencontre entre l'autorité fédérale et les entités fédérées et permet d'exprimer la sensibilité des communautés et des régions.

3. La Chambre et le Sénat ont des compétences conjointes.

  • pour ce qui concerne les bases de l'Etat belge, c'est-à-dire qu'ils jouent le rôle de constituante en matière institutionnelle;

  • pour les relations entre l'autorité fédérale, les Communautés et les Régions.

Pour l'exercice de ces dernières compétences, l'ancien système bicaméral est maintenu.

1.1.1. La composition de la Chambre et du Sénat

La réforme de 1993 a prévu que la Chambre est composée de 150 députés élus au suffrage universel et le Sénat de 71 sénateurs dont 40 sont des élus directs.

La Chambre
La réforme du système bicaméral a nécessité une importante modification de la législation existante. La réduction du nombre de députés de 212 à 150 a nécessité l'adaptation des circonscriptions électorales de la Chambre, ce qui a été réalisé par une loi ordinaire de 1993.
L'élection de la Chambre a donc lieu sur la base de nouvelles circonscriptions électorales qui sont identiques aux arrondissements électoraux du Sénat antérieurs à la réforme de 1993.

Le Sénat
Le Sénat compte désormais, outre les sénateurs de droit :

  • 40 sénateurs élus directement par les collèges électoraux et suivant le régime électoral des élections européennes de 1989, dont :

    • 25 sénateurs élus par le collège électoral néerlandais et,

    • 15 sénateurs élus par le collège électoral français;

  • 21 sénateurs désignés par et parmi les conseils de Communauté dont :

    • 10 sénateurs désignés par le Conseil flamand,

    • 10 sénateurs désignés par le Conseil de la Communauté française, et

    • 1 sénateur désigné par le Conseil de la Communauté germanophone.

  • 10 sénateurs cooptés désignés par les sénateurs élus directement et les sénateurs désignés par les Conseils de Communauté, dont :

    • 6 sénateurs appartenant au groupe linguistique néerlandais, et

    • 4 sénateurs appartenant au groupe linguistique français.

La nouvelle composition du Sénat, et en particulier le mode d'élection et de désignation des sénateurs, en ce compris le mode de répartition des mandats entre les listes, a requis de profondes modifications du Code électoral.

Pour le Sénat, l'article 43 de la loi ordinaire adopte les mêmes circonscriptions que celles utilisées pour les élections européennes de 1989, à savoir une circonscription électorale flamande qui comprend les arrondissements administratifs situés dans la Région flamande, à l'exception de l'arrondissement administratif de Hal - Vilvorde, la circonscription électorale wallonne qui comprend les arrondissements administratifs situés dans la Région wallonne et enfin, la circonscription électorale de Bruxelles - Hal - Vilvorde qui comprend les arrondissements administratifs de Bruxelles-Capitale et de Hal - Vilvorde.

1.1.2. Le rôle et les compétences des assemblées fédérales

La réforme de 1993 a modifié le système bicaméral en octroyant un rôle prépondérant à la Chambre, le Sénat voyant sa fonction et ses attributions sensiblement amoindries.

Les compétences exclusives de la Chambre et du Sénat

  • Les compétences exclusives de la Chambre sont :

    • le contrôle politique : l'investiture du gouvernement et les votes de motions de confiance et de méfiance (interpellations, questions parlementaires);

    • les matières budgétaires : les budgets et la loi des comptes;

    • la fixation du contingent de l'armée;

    • la responsabilité pénale et civile des ministres;

    • l'octroi des naturalisations.

  • Les compétences exclusives du Sénat sont :

    • le règlement des conflits d'intérêts entre assemblées et

    • la fixation de sa dotation de fonctionnement.

Les compétences conjointes de la Chambre et du Sénat
Comme dit plus haut, il s'agit des compétences pour lesquelles le système bicaméral a été maintenu. Ces dernières sont exercées conjointement par les deux assemblées pour ce qui concerne :

  • la Constitution, il s'agit :

    • de la déclaration de révision ainsi que la révision de la loi fondamentale;

    • des matières à régler par les deux assemblées en vertu de la Constitution;

    • des lois relatives aux structures de l'Etat, des Communautés et des Régions :
      cela concerne les lois spéciales prises en vertu de la Constitution ainsi que toutes celles prises en application de celles-ci.

  • Les lois se référant aux relations internationales :

    • les lois portant assentiment des traités;

    • les lois attribuant certains pouvoirs à des institutions de droit public international;

    • les lois organisant la substitution de l'Etat fédéral aux Communautés et aux Régions en cas de non respect des obligations internationales;

  • Les lois organisant les cours et tribunaux;

  • Les lois sur le Conseil d'Etat;

  • Les lois portant approbation des accords de coopération conclus entre l'Etat fédéral, les communautés et les régions;

  • Les lois permettant l'élargissement des compétences conjointes aux deux assemblées.

1.2. Le niveau communautaire : la Communauté française, la Communauté flamande et la Communauté germanophone

Dans les limites de leurs compétences, les Communautés sont souveraines; elles ne sont donc pas soumises à la tutelle politique du pouvoir fédéral.

Les organes des trois communautés sont:

  • pour la Communauté française : le Conseil de la Communauté française et le gouvernement de la Communauté française;

  • pour la Communauté flamande : le Conseil flamand et le gouvernement flamand;

  • pour la Communauté germanophone : le Conseil germanophone et le gouvernement de la Communauté germanophone.

Pour l'exercice des compétences communautaires dans la Région de Bruxelles-Capitale, trois types d'organes ont été créés :

  • pour les matières relevant de la Communauté française : la Commission communautaire française, dont les organes sont le groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et le collège (COCOF);

  • pour les matières relevant de la Communauté flamande : la Commission communautaire flamande, dont les organes sont le groupe linguistique néerlandais du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et le collège (COCON);

  • pour les matières communautaires communes aux Communautés française et flamande : la Commission communautaire commune, dont les organes sont l'assemblée réunie et le collège réuni.

Le pouvoir décrétal est monocaméral. Sa norme: le décret communautaire
Les Conseils et les gouvernements communautaires exercent collectivement le pouvoir décrétal. Le système instauré par la législation est monocaméral. Comme le gouvernement fédéral est politiquement responsable devant la Chambre, chaque gouvernement de Communauté n'est responsable que devant son Conseil. L'initiative du décret appartient au Conseil et au gouvernement.

La sanction du décret appartient au gouvernement agissant en tant que seconde branche du pouvoir décrétal.

La promulgation du décret appartient au gouvernement.

En fonction du principe de l'équipollence des normes, le décret a force de loi; il peut abroger, compléter, modifier ou remplacer les lois ou décrets en vigueur.

La base territoriale des communautés
A l'exception de la Communauté germanophone, les Communautés ne disposent pas à proprement parler d'un territoire. En effet, si chaque Communauté est territorialement compétente pour la Région linguistique unilingue correspondante, les décrets de chaque Communauté ne sont applicables à Bruxelles que pour les institutions de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leurs activités ou de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à l'une ou l'autre Communauté.

Les matières des Communautés
Les Communautés sont compétentes pour les matières culturelles, l'emploi des langues, l'enseignement, la coopération entre les Communautés, ainsi que pour la coopération internationale, les matières personnalisables et des matières complémentaires dont certaines procèdent de pouvoirs implicites.

1.3. Le niveau régional: la Région wallonne, la Région bruxelloise et la Région flamande

La Belgique comprend trois Régions distinctes des trois Communautés : la Région flamande, la Région wallonne et la Région bruxelloise. Les pouvoirs et les compétences respectifs sont identiques pour les deux premières. La Région de Bruxelles-Capitale se différencie notamment par le fait que sa norme juridique est l'ordonnance et que celle-ci n'a pas la même valeur juridique que le décret, que ses institutions exercent des responsabilités relevant de l'Agglomération bruxelloise ainsi que des compétences dans le domaine communautaire. Elle exerce également certaines attributions de l'ancienne province de Brabant.

Les pouvoirs des trois régions
Les pouvoirs exercés par les régions sont d'une part, le pouvoir décrétal et le pouvoir exécutif pour les Régions wallonne et flamande et d'autre part, le pouvoir d'ordonnance et le pouvoir exécutif pour la Région de Bruxelles-Capitale.

Les organes de la Région wallonne
La loi spéciale du 8 août 1980 a créé deux organes :

– un Conseil régional wallon, et
– un gouvernement wallon.

Les organes de la Région de Bruxelles-Capitale
La loi spéciale du 12 janvier 1989 a créé deux organes :

– un Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et
– un gouvernement bruxellois.

La structure générale des institutions régionales est proche de celle qui régit les institutions communautaires; il en est de même des principes généraux et des règles d'organisation qui gouvernent les Régions.

La norme juridique : le décret régional ou l'ordonnance
Le pouvoir d'édicter des normes est le pouvoir décrétal. A quelques différences près, différences dues à la situation particulière de la Région de Bruxelles-Capitale, ces dispositions sont également applicables, mutatis mutandis, à cette Région. Pour celle-ci cependant, le pouvoir d'édicter des normes est "le pouvoir d'ordonnance".

Le territoire des régions
Le territoire des Régions wallonne et flamande est déterminé par l'article 5 de la Constitution, il s'agit des cinq provinces wallonnes et des cinq provinces flamandes. Celui de la Région de Bruxelles-Capitale est limité aux 19 communes.

Les matières régionales
Pour la Wallonie et la Flandre, la loi spéciale du 8 août 1980 a précisé les matières pour lesquelles le Conseil wallon et le Conseil flamand, ce dernier en tant qu'organe exerçant les compétences de la région, règlent les matières régionales par décret. Pour la Région de Bruxelles-Capitale, la loi spéciale relative aux institutions bruxelloises prévoit que son Conseil règle les matières régionales par référence à la loi spéciale de 1980.

1.4. Le niveau provincial : les dix provinces

Il est expressément prévu par la Constitution que la Région wallonne et la Région flamande comprennent chacune cinq provinces. L'accent est mis sur la régionalisation des provinces dans lesquelles l'autorité est exercée par un gouverneur, un Conseil provincial et une Députation permanente.

Les Conseils provinciaux et les Députations permanentes ont le pouvoir d'édicter des règlements d'intérêt provincial. Le pouvoir réglementaire est exercé par le gouverneur et la députation permanente.

La tutelle sur les provinces relève de la compétence des Régions.

La révision constitutionnelle de 1993 a donné naissance à deux nouvelles provinces et a transféré les compétences de l'ancienne province de Brabant à diverses institutions aux niveaux fédéral, communautaire et régional.

Les provinces peuvent s'associer pour gérer des matières d'intérêt provincial.

1.5. Le niveau communal : les communes

Avec les provinces, les communes constituent les pouvoirs locaux. Chaque commune est autonome, elle règle tout ce qui est d'intérêt communal. Elle est gérée par un Conseil communal, un bourgmestre ainsi qu'un collège des bourgmestre et échevins. Dotée du pouvoir de tutelle, la Région exerce un contrôle sur les communes.

Les règlements communaux sont pris par les Conseils communaux, les collèges des bourgmestre et échevins étant chargés de l'exécution des décisions des Conseils.

La législation organique relative aux intercommunales a également été régionalisée.

Les élections provinciales et communales sont organisées le même jour tous les six ans.

 

2. Considérations générales

Beaucoup de choses ont déjà été dites et écrites à propos de la réforme des institutions intervenues au cours de 1993.

La nouvelle structure et le fonctionnement de l'Etat belge sont uniques; ils résultent d'une volonté politique visant à provoquer l'implosion de l'ancien Etat unitaire et de le remplacer par un Etat de type fédéral. Ce processus qui fut entamé en 1970 doit être encore parachevé; la plupart des responsables s'accordent cependant pour déclarer qu'une pause institutionnelle est nécessaire pour assurer la mise en oeuvre des nouvelles institutions.

Examinons les différents aspects significatifs de la structure étatique tels qu'ils ressortent de la récente réforme.

Un fédéralisme à la belge

Tout système fédéral comporte des caractéristiques spécifiques qui sont de nature géographique, linguistique, politique ou encore qui résultent de la combinaison de ces différents éléments et qui en font l'originalité. Il n'existe pas d'Etat fédéral dont la structure et le mode de fonctionnement soient parfaitement identiques. Quelle est l'évolution que la Belgique a poursuivie ?

Au départ d'une structure unitaire basée sur la hiérarchie, l'Etat central, la province et la commune, le pays a connu une évolution centrifuge continue. Le fédéralisme sui generis à la belge qui en résulte donne une large autonomie à ses nouvelles composantes, ces dernières, déterminées par l'article premier de la Constitution, sont les Communautés et les Régions.

Le fédéralisme belge s'est donc réalisé au départ d'une structure centralisée au bénéfice des entités qui le constituent et non l'inverse; cela fait sa spécificité et explique les caractéristiques qui sont propres au système belge.

Le fédéralisme belge résulte de compromis successifs

Toutes les réformes institutionnelles intervenues depuis 1970 sont les conséquences d'accords entre les partis politiques appartenant le plus souvent à la coalition gouvernementale au pouvoir sauf en 1993 où un élargissement est intervenu à d'autres partis. Ces réformes se sont réalisées sans heurts majeurs, par phases successives et, dans chaque cas, elles furent le résultat de compromis sur le plan doctrinal où les thèses développées par et au sein des partis francophones et néerlandophones étaient parfois diamétralement opposées. Ces compromis impliquaient d'abord de disposer de temps, de beaucoup de temps pour mener les négociations à terme, et ensuite, de pouvoir réaliser des concessions réciproques avec la difficulté que ces dernières étaient immédiatement mises en exergue par les partis d'opposition rendant ainsi les négociations encore plus difficiles.

 

La loyauté fédérale

Outre les multiples accords de coopération imposés ou souhaités par le législateur, celui-ci a inscrit dans la Constitution le principe de la loyauté fédérale entre les différentes entités.

Le respect de cette loyauté est assuré par le Sénat dont c'est une prérogative exclusive, il se prononce par avis motivé.

Si la loyauté fédérale a pour objet de régler les conflits d'intérêt et d'accroître la cohésion entre l'Etat, les Communautés et les Régions tout en maintenant l'équilibre de la construction de l'ensemble des institutions, aucun système contraignant n'a été prévu pour en assurer l'application.

Sa mise en oeuvre dépend donc de la sagacité du Sénat et de celle des responsables des diverses composantes. Comme cela a été souligné à diverses reprises, ce concept relève plutôt de la morale que d'un véritable système juridique.

La fin du bicaméralisme classique et le rôle désormais prépondérant de la Chambre

Sauf pour la révision de la Constitution et les lois relatives à la structure institutionnelle de l'Etat où le système bicaméral antérieur est maintenu, un système très proche du monocaméralisme est instauré au bénéfice de la Chambre. Cette assemblée reçoit exclusivement tous les projets du gouvernement fédéral, à l'égard desquels le Sénat dispose uniquement d'un droit d'évocation et d'amendement. Les sénateurs comme les députés peuvent déposer des propositions de loi mais la Chambre seule détient le pouvoir du dernier mot.

De plus, le gouvernement n'est politiquement responsable que devant la Chambre qui l'investit et lui retire sa confiance.

Le Sénat a vu son rôle et sa composition profondément modifiés. Réduit à la portion congrue, son effectif passe de 184 à 71 sénateurs. Son intervention sur le plan législatif et ses possibilités d'initiative et d'évocation ont fortement minimisé son rôle malgré la volonté déclarée d'en faire une chambre de réflexion.

 

L'autonomie constitutive

Cette autonomie accordée au Conseil flamand, à ceux de la Région wallonne et de la Communauté française est incontestablement un des principaux acquis du fédéralisme. Le ministre de la Politique scientifique de l'époque a estimé que cette autonomie constitutive est un embryon de pouvoir constitutionnel au niveau des entités fédérées. Pour cette raison, de nombreuses précautions sont prises pour le vote des décrets qui vont donner vie à cette autonomie constitutive (1).

 

Pour des raisons liées à l'équilibre linguistique, l'autonomie constitutive n'a pas été accordée à la Région de Bruxelles-Capitale, pas plus d'ailleurs qu'à la Communauté germanophone. Le ministre a estimé que cela correspondait à un moment de développement de l'Etat fédéral et qu'il n'est dit nulle part que ce pouvoir ne s'appliquera jamais aux autres entités (2).

Nul doute que le Conseil flamand et le Conseil wallon la mettront en oeuvre afin de prouver, si nécessaire, leur volonté d'autonomie. La chose sera plus difficile pour la Communauté française.

L'absence d'une hiérarchie des normes

Loi, décret et ordonnance sont équipollents, à quelques différences près en ce qui concerne la dernière. Cela signifie qu'elles ont la même valeur juridique. Ces normes doivent respecter la Constitution et les lois spéciales sauf à être annulées par la Cour d'arbitrage. Elles doivent également respecter, le cas échéant, les directives européennes.

L'absence de hiérarchie a pour conséquence que des législations différentes vont se développer dans des matières relevant de la compétence des entités. Cela aussi marque un Etat fédéral.

 

L'attribution de compétences exclusives aux entités fédérées

Dans la situation de 1993, les Communautés et les Régions ont des compétences normatives exclusives. Ces dernières sont limitativement déterminées par les textes.

A l'avenir le principe sera inversé, ce sont les compétences fédérales qui seront définies dans les textes législatifs.

Le pouvoir résiduel appartiendra aux entités fédérées au moment où les matières fédérales auront fait l'objet d'une énumération limitative inscrite dans la Constitution et la loi spéciale mais la définition des matières fédérales sera difficile à réaliser. Dès que ce cap sera passé, l'Etat fédéral sera dessaisi du pouvoir résiduel.

Un financement des entités via les Régions en fonction de l'apport de ces dernières au produit national brut

Malgré l'attribution totale de la redevance radio-TV aux Communautés, en 1997, ce sont les Régions qui ont vu leurs pouvoirs financiers renforcés via notamment la taxation de l'eau et des déchets ainsi qu'ultérieurement la mise en oeuvre des écotaxes.

La responsabilité financière instaurée en 1989 visait à lier les ressources régionales à l'effort productif que prennent les Régions dans la création de la richesse fédérale. Cette notion de base a été confirmée et s'est même accentuée ultérieurement; le principe du "juste retour" avancé par la partie nord du pays fera encore couler beaucoup d'encre et suscitera de grandes difficultés s'il devait être appliqué à des matières comme la sécurité sociale et la dette publique.

 

La collaboration entre les entités via les accords de coopération

Ces accords sont soit contraignants c'est-à-dire imposés par la Constitution et la loi spéciale, soit volontaires. Le recours quasi systématique qui est fait à cette procédure prévue à partir de 1993, constitue un principe de base de la coopération entre les entités. Il s'agit probablement d'une des meilleures garanties de la cohésion entre les diverses compétences.

 

La structure politique de la Belgique est liée aux régions linguistiques

En 1970, le Constituant créa quatre régions linguistiques et les inscrivit dans la Constitution sans se douter qu'il jetait les bases sur lesquelles la Belgique allait s'édifier. L'article 4 de la Constitution reconnaît l'existence de quatre régions linguistiques dont les limites ne peuvent être changées que par une loi votée à la majorité spéciale. Il s'agit de : la région de langue française, la région de langue néerlandaise, la région de langue allemande et la région bilingue de Bruxelles-Capitale constituée par les 19 communes bruxelloises.

A l'examen on constate que le territoire sur lequel s'exercent les compétences des Communautés et des Régions est lié à l'existence de ces quatre régions linguistiques.

En effet, selon que les régions linguistiques sont prises seule ou deux à deux, elles déterminent le territoire soit des Régions, soit des Communautés.

– Les trois régions recouvrent le territoire des quatre régions linguistiques de la manière suivante :

  • la Région wallonne s'étend à la région de langue française et à la région de langue allemande;

  • la Région flamande s'étend à la région de langue néerlandaise;

  • la Région de Bruxelles-Capitale s'étend à la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

La division du territoire en cinq provinces wallonnes, cinq provinces flamandes et le territoire de Bruxelles-Capitale respecte également le principe de la régionalisation du territoire sur la base des régions linguistiques.

– Les trois Communautés recouvrent le territoire des quatre régions linguistiques de la manière suivante :

  • la Communauté française s'étend à la région de langue française et à la région bilingue de Bruxelles-Capitale;

  • la Communauté flamande s'étend à la région de langue néerlandaise et à la région bilingue de Bruxelles-Capitale, et

  • la Communauté germanophone s'étend à la région de langue allemande.

 

La problématique bruxelloise a été une des principales sources des problèmes communautaires belges. La création des Communautés française et flamande et leur "overlapping" sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale n'a pas résolu ces difficultés.

Le législateur de 1993 s'est volontairement abstenu de toucher aux dispositions concernant Bruxelles. Il n'en fut pas de même pour la Communauté française, les répercussions des décisions prises n'étant pas négligeables.

L'avenir de la Communauté française

L'assemblée de la Communauté française est la seule à ne pas être élue directement. Elle est composée des 75 Wallons élus au premier degré qui exercent un second mandat en leur qualité de membres de la Communauté; les 19 membres bruxellois étant choisis par leurs pairs au sein du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale sont des élus au second degré. Même s'ils se sentent profondément francophones, les membres du Conseil sont d'abord Wallons ou Bruxellois de par leur élection au niveau régional.

De plus, selon l'accord de la Saint-Quentin, le gouvernement de la Communauté pourra être composé d'un maximum de ministres du gouvernement wallon étant entendu qu'au moins un membre doit être obligatoirement bruxellois et francophone.

Au lendemain de la signature de l'accord politique intrafrancophone, on constate que la Communauté française, après avoir reçu les matières personnalisables en 1980, a transféré l'exercice d'une grande partie de celles-ci vers d'autres entités. La culture octroyée en 1970 et l'enseignement en 1988 sont devenus ainsi ses préoccupations essentielles. Certes ces matières sont importantes, et tant que la Communauté française en assumera la compétence, elle restera un symbole pour tous les francophones.

 

L'irréversibilité de l'asymétrie des institutions

Cette dernière est une des principales caractéristiques de la structure de la Belgique fédérale. Le nord et le sud du pays ont opté pour des institutions différentes.

Dès 1980, une fusion de la Communauté flamande et de la Région flamande est intervenue avec la création d'un seul Parlement flamand et d'un seul gouvernement flamand. La Communauté flamande a absorbé la Région dès sa naissance. Cette situation traduit dans les faits la volonté des leaders flamands d'organiser une structure sur la base des deux grandes Communautés.

Pour les francophones, la distinction que fait la Constitution entre la Région et la Communauté est primordiale étant donné l'existence de la Communauté française et de deux Régions wallonne et bruxelloise majoritairement francophones.

La pression des difficultés financières de la Communauté française et la volonté d'hommes politiques wallons ont eu pour conséquences que le mécanisme de fusion allait être définitivement abandonné en 1993 au profit d'un transfert de l'exercice de compétences de la Communauté française vers la Région wallonne et vers la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale.

En pratique cela signifie que la Communauté a abandonné, vraisemblablement d'une manière définitive étant donné les majorités nécessaires, une partie de ses attributions au profit des institutions wallonnes et bruxelloises francophones.

L'option prise au sud du pays n'est pas neutre. Si de nouveaux transferts de compétences venaient à être décidés, il n'est pas exclu, qu'à terme, la Communauté française se vide de sa substance au profit des Régions. A partir de ce moment, on pourrait voir apparaître une structure fédérale axée principalement sur les entités régionales.

L'asymétrie est également renforcée par l'introduction d'un article dans la Constitution qui octroie à la Commission communautaire française de Bruxelles le pouvoir décrétal afin d'exercer des compétences de la Communauté française; en instaurant ce système, le constituant a créé une différence majeure par rapport aux compétences et au mode de fonctionnement de la Commission communautaire flamande (3).

Toutes modifications ultérieures visant à instaurer un mécanisme analogue en faveur de la Commission flamande nécessiteraient un vote à la majorité spéciale impliquant obligatoirement l'approbation des francophones.

Depuis 1989, les organes bruxellois sont également caractérisés par l'asymétrie institutionnelle bien que le législateur de 1993 se soit refusé à toucher à l'équilibre réalisé antérieurement.

Le gouvernement bruxellois est composé de deux francophones et de deux néerlandophones, et d'un président qui, compte tenu de la réalité des forces en présence, sera toujours francophone. De plus, les coalitions politiques doivent se former dans le respect des majorités au sein de chaque groupe linguistique. De plus, on doit ajouter à ce qui précède que sur le plan normatif, l'ordonnance diffère quelque peu du décret régional.

Mais ce n'est pas tout; depuis 1989, des organes issus de la Région gèrent des matières communautaires. Des organes à la fois compétents pour des matières régionales et communautaires, c'était, à l'époque, une nouveauté.

La Région de Bruxelles-Capitale exerce les prérogatives de l'agglomération bruxelloise et certaines compétences de l'ancienne province de Brabant, ce qui marque aussi son originalité. De plus, elle est le seul territoire belge à être "non provincialisé" car seules les Régions wallonne et flamande sont divisées en provinces.

Enfin, l'asymétrie pourra encore s'accentuer lors de la mise en oeuvre de l'autonomie constitutive accordée aux Conseils flamand et wallon et à la Communauté française.

En conclusion, l'asymétrie instaurée par le législateur consacre l'émergence de la Communauté flamande au nord du pays et de celle de la Région wallonne au sud. La position occupée au centre par la Région bruxelloise est plus complexe car elle résulte d'un subtil compromis donnant des satisfactions à la fois aux Bruxellois francophones et néerlandophones.

Si l'on schématise quelque peu, Bruxelles est une Région à part entière dans la conception qu'ont les francophones, elle ne l'est pas pour les Flamands étant donné l'existence de certaines différences. Bien que sous tutelle, on constate que les organes bruxellois exercent des compétences communautaires sur le territoire bruxellois; Bruxelles, comme la Communauté flamande depuis 1980, comme la Région wallonne depuis 1993, exerce donc à la fois des compétences régionales et communautaires.

La Communauté germanophone a emprunté la même voie, la nécessité résultant de l'emploi de la langue allemande ayant entraîné la Région wallonne à déléguer l'exercice des compétences régionales à cette Communauté par le biais de conventions et d'accords.

Sur la base de l'ensemble de ces constatations, la possibilité de voir émerger quatre entités existe : la Communauté flamande, la Région wallonne, la Région bruxelloise et la Communauté germanophone pourraient se renforcer et se développer d'une manière autonome malgré la volonté flamande d'organiser l'Etat sur la base des deux grandes Communautés.

Du désir des entités de coopérer ensemble et avec l'Etat fédéral, dépendra l'avenir de la Belgique.

La réforme de 1993 n'est pas la dernière

Malgré l'intitulé des lois spéciale et ordinaire qui indique qu'il s'agit d'achever la structure fédérale de l'Etat, l'attitude adoptée par la plupart des partis politiques ainsi que les déclarations de leurs dirigeants permettent d'affirmer que, pour ces derniers, la réforme de 1993 ne constituait pas le stade ultime du processus de réforme de l'Etat entamée en 1970.

Le Premier ministre et le ministre de la Politique scientifique ont tous deux parlé d'un processus évolutif ce qui implique que d'autres modifications institutionnelles pourraient encore intervenir ultérieurement.

Des dirigeants flamands, et non des moindres, se sont déclarés en faveur de la régionalisation de la sécurité sociale voire même de celle de la dette publique. Des personnalités tant wallonnes que flamandes ont opté ouvertement pour le confédéralisme et le séparatisme en suggérant une séparation avant une éventuelle union d'Etats devenus indépendants.

Par contre, de nombreuses personnalités se sont déclarées favorables au maintien de la Belgique excluant toutes formes de séparatisme.

Toutes ces opinions laissent croire qu'il y aura encore des réformes lorsqu'on pourra former des majorités spéciales pour les réaliser, ce qui implique qu'une majorité de francophones et de néerlandophones soit d'accord pour ouvrir à nouveau un processus de réformes.

Pour sa part, l'auteur ne peut que reprendre la conclusion qui était la sienne lorsqu'il rédigea le dossier institutionnel pour le CRISP de 1988 : Le problème le plus préoccupant est donc de faire fonctionner les nouvelles institutions dont on ne peut s'empêcher de penser qu'elles évolueront encore dans les années à venir.

 

Notes

(1) Chambre Doc. 725/6 - 92-93 p. 66.
(2) Ibidem.
(3) L'abrogation d'un article de la loi spéciale ne permet plus la fusion de la Communauté française et de la Région wallonne.

Jacques Brassinne de la Buissière, La structure de l'Etat fédéral, dans La Wallonie, une région en Europe, CIFE-IJD, 1997


 

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