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La Wallonie, une région en Europe

Préface - (1995)

Louis Michel
Ministre d'Etat
Président du PRL

 

En 1993, la Belgique est devenue constitutionnellement un Etat fédéral.

Aujourd'hui, la structure institutionnelle du pays est caractérisée par la mise en oeuvre d'un certain nombre de mécanismes relevant du fédéralisme tout en maintenant une décentralisation des pouvoirs. La structure fédérale organise sur un pied d'égalité l'Etat fédéral, les trois communautés et les trois régions. La structure décentralisée maintient les provinces et les communes de l'Etat belge d'origine.

La construction de la Belgique fédérale a pris vingt-cinq années. Tout au long de celles-ci, il a fallu adapter les règles classiques du fédéralisme aux particularités de la Belgique marquées par l'existence de deux communautés culturelles dominantes et de la Communauté germanophone.

L'aboutissement de la fédéralisation de l'Etat devait préserver la Belgique de la scission, en permettant la cohabitation harmonieuse des identités culturelles au sein d'un même Etat. Cette cohabitation pourrait se concrétiser par l'application d'un des axiomes essentiels du fédéralisme qu'est l'asymétrie.

En effet, dans le cas d'une négociation visant à former un gouvernement fédéral, nul n'ignore qu'il n'existe plus de parti politique structuré sur une base nationale. Mais il est évident que cette double évolution, à la fois l'asymétrie fédérale et la communautarisation des partis, n'a pas été assumées comme elle doit. Pourtant, la possibilité d'accords de majorités asymétriques permet de respecter le choix démocratique émis par les différentes composantes de l'Etat belge. Il faut, à l'avenir, oser concrétiser de telles majorités.

 

Qu'est-ce donc qu'un Etat fédéral?

Pour qu'existe un Etat fédéral, il faut d'abord et avant tout qu'il y ait un Etat! Et ce n'est pas une simple banalité: que l'on ôte à l'Etat ses missions essentielles, il n'y aura plus d'Etat.

Pour moi, une collectivité ne survit que s'il existe entre ses membres des règles minimales de solidarité, notamment financière, qui permettent le maintien d'une cohabitation raisonnable. La conservation, au niveau fédéral, d'une solidarité interpersonnelle est l'un des principes de base d'un Etat fédéral.

De plus en plus souvent toutefois, d'aucuns affirment en Flandre qu'un fédéralisme bien construit ne se conçoit que dans une application stricte du juste retour et de l'indépendance financière.

Dans ces conditions, il est illusoire de s'imaginer qu'il sera possible de former le prochain gouvernement fédéral sans que 'l'accord de gouvernement ne prévoit de réformes institutionnelles. D'ailleurs, le système de financement de la collectivité fédérale, des Communautés et des Régions arrivera au terme de sa période transitoire en 1999? Au plus tard, à cette date, de nouvelles négociations institutionnelles se prépareront vraisemblablement.

Il était devenu coutumier chez les francophones de s'offusquer de la remise en cause quasi immédiate des textes constitutionnels de mai 1993. Passée cette indignation, force est de constater la récurrence des revendications promues depuis lors par le gouvernement flamand. Par le simple jeu de l'effet numérique, les Flamands détiennent un droit d'option sur l'avenir politique et institutionnel du pays. La dynamique de leurs structures représentatives est fondée sur une doctrine cohérente d'émancipation et sur une conscience aiguë de leurs intérêts de nature patriotique.

Face aux nouvelles revendications flamandes, la Wallonie doit s'engager d'urgence dans une réflexion sur l'Etat fédéral belge.

Un fédéralisme réaménagé, négocié lors de l'élaboration des nouvelles clefs de financement des communautés et régions, est la première voie envisageable. Certes, l'opinion francophone et une partie de ses élus préfèrent le statu quo mais il n'est pas douteux qu'ils risquent fort de n'avoir que le choix entre une résistance à haut risque ou un engrenage régionaliste plus poussé.

Une chose est sûre, un scénario qui laisserait subsister une Belgique de pur forme, est inacceptable pour les francophones. Ce cas de figure serait la consécration d'une logique de grignotage qui ôterait tout sens à l'Etat. Son triomphe serait celui de thèses "pragmatistes" flamandes qui renonceraient à une indépendance pure et simple pour lui préférer une espèce de "no man's land" institutionnel baptisé parfois confédéralisme. Plus dangereux que tout autre pour les francophones, il marginaliserait définitivement la Wallonie et enserrerait Bruxelles dans un carcan plus impitoyable encore. Sur un plan plus psychologique, la concrétisation d'une telle hypothèse serait l'indicateur d'une incapacité francophone à prendre en mains son destin. Mais la réflexion récente sur l'espace francophone est, de ce point de vue, particulièrement porteuse.

 

L'Europe pèse incontestablement à plusieurs points de vue sur l'avenir belge. Les progrès de sa construction, notamment monétaire, font imaginer à certains l'évaporation de l'Etat dans l'unification continentale. Au surplus, il est vrai que la "logique" de Maastricht éliminera l'"obstacle" d'une rupture de l'union économique et monétaire belge. Mais les Etats restent fondamentaux dans cette construction en quête d'une impulsion qui ne pourrait provenir que de ses plus éminents participants. L'Etat n'est pas dépassé par l'histoire, l'évolutionnisme qui le condamne ne réussit pas à rallier à sa cause, les faits têtus. L'avenir politique de l'Europe demeure trop incertain pour que l'on puisse voir dans le temps qui s'écoule la marche inexorable vers l'aplanissement de tous les conflits en germe. Miser tout sur l'intégration européenne est certes, a priori , un pari plaisant mais les risques sont encore à l'heure actuelle trop importants.

A mon sens, l'espace francophone Wallonie - Bruxelles doit constituer la pierre angulaire de l'avenir. Car l'avenir de la Wallonie ne dépend pas des limites de sa seule géographie territoriale. Sans aucun doute, son sort est lié à celui de Bruxelles dont la majorité d'expression française influence directement le devenir. La bataille de la Wallonie se jouera en Wallonie mais ne pourra se gagner en ignorant l'enjeu qu'est Bruxelles. Cependant, il faut davantage prendre en compte cet atout dont nous disposons presque sans nous en apercevoir.

L'espace francophone n'est pas l'expression d'un romantisme linguistique. L'espace Wallonie - Bruxelles n'est pas, non plus, un axe d'exclusion à l'égard des Flamands. Il crée un fait politique, culturel et économique nouveau. Il est le résultat du dépassement de la querelle qui opposa jadis les partisans du tout aux régions à ceux du maintien de la Communauté française. Il consacre en le renforçant le lien qui unit la Wallonie à Bruxelles. Un tel lien n'est pas purement artificiel ou arbitraire, il s'appuie sur un fond culturel commun. L'universalisme revendiqué de la culture française, ciment de cette relation, commande une attitude politique ouverte et volontariste. Son but est une affirmation positive et mobilisatrice, diamétralement opposée aux tendances centripètes qui n'ont pas encore fini de parcourir l'Europe.

Bruxelles, capitale de l'Europe, est l'ouverture de la Wallonie sans laquelle la Région, affaiblie, serait menacée d'asphyxie. Elle est d'une importance stratégique telle que l'on en peut décemment songer à son abandon. Bruxelles place de facto la Wallonie au coeur de l'Europe. En retour, la Wallonie peut assurer à Bruxelles un hinterland d'un intérêt certain. Carrefour au confluent de la France, de l'Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas, la Wallonie est une terre de frontières qui ne demande qu'à redevenir le poumon qu'elle fut autrefois. Le dynamisme wallon ne créa-t-il de fait la richesse belge? Idéalement placée au coeur de l'Europe développé, la Wallonie s'affirme déjà pionnière dans la coopération transfrontalière. On peut penser ici aux réseaux inter-régionaux européens existants tels que l'Eurorégio, au sein desquels se retrouvent les anciens pays lotharingiens depuis la Lorraine, en passant par le Grand-Duché de Luxembourg, jusqu'à Aix-la-Chapelle et Maastricht. Notre centre de gravité historique ne part plus uniquement de la Meuse vers l'Escaut, mais aussi de la Meuse vers le Rhin.

L'évolution récente des discours atteste d'une nouvelle donne politique chez les francophones. Le sort des Régions wallonne et bruxelloise se lie chaque jour davantage et permet de déduire, sans trop de témérité qu'il sera l'élément majeur du dispositif francophone dans les années à venir. L'espace francophone se construira tout à la fois par une redynamisation de la Communauté française et par des solidarités de faits entre les régions; il deviendra plus juste et plus prospère.

On le voit, les pistes et les solutions pour l'avenir ne sont pas absentes. A nous de les exploiter au mieux. Et c'est un des objectifs de cet ouvrage.

 

Louis Michel, Préface, dans La Wallonie, une région en Europe, CIFE-IJD, 1997


 

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