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Histoire économique de la Wallonie  Retour au Plan thématique du portail Wallonie-en-ligne

Avec l'appui de la Région wallonne, Direction générale des Technologies, de la Recherche et de l'Energie

Séminaire "Innovation, savoir-faire, performance
Une histoire économique de la Wallonie dans le cadre européen

Retour haut de page Contexte et objectif du séminaire
Retour haut de page Programme du 25.03.2003
 

Château de Namur (Wallonie) -  25 mars 2003

 

Retour haut de page Mobiliser l’histoire pour l’intelligence du présent :
la formulation de l’hypothèse d’un changement de paradigme sociétal
Philippe Destatte, historien, directeur de l'Institut Jules-Destrée


Avant de relever les premiers acquis de ce séminaire consacré à l’histoire économique de la Wallonie, vous me permettrez deux considérations générales.

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Deux considérations générales

Première considération générale

La première considération porte sur le titre même de cette rencontre tel que formulé sur le feuillet d’invitation : Innovation, savoir-faire, performance, Une histoire économique de la Wallonie dans le cadre européen.

Certains ont vu, d’emblée, dans ces concepts, une volonté de marquer positivement les résultats attendus de la recherche, dans ce qu’ils ont appelé le wishful thinking régional. Il n’en est rien. Les champs de l’innovation, du savoir-faire et de la performance ont été choisis comme angles d’attaque par les historiens qui ont préparé ce colloque : Sven Steffens, d’abord, coordinateur de la recherche, Paul Delforge, responsable du Pôle Recherche de l’Institut Jules-Destrée, et Jean-François Potelle, ensuite, Jean-Marie Duvosquel et moi-même, enfin, parce qu’il nous apparaît que ces champs sont opératoires, d’une part, pour rendre compte des temps longs de l’évolution des sociétés et, d’autre part, pour stimuler une lecture de sources pertinentes pour l’analyse de l’histoire du territoire régional. En aucune manière il ne nous paraît possible de considérer ces paramètres comme a priori positivement connotés ou limités à la sphère de la production. En effet, les innovations peuvent être dérisoires, les savoir-faire dépassés et les performances médiocres. De même, les innovations peuvent être sociales, culturelles ou organisationnelles.

Certes, le graphisme du feuillet d’invitation a-t-il pu tromper par le dynamisme dont il est porteur. Il s’agit en fait de la superposition de deux images. Celle de l'arrière-plan peut représenter la recherche puisqu’il s’agit d’un système de découpe qui était utilisé par le centre de Recherche de Cockerill dans la dernière décennie. L’image d’avant-plan est une publicité Espérance-Longdoz basée sur l’agencement des cylindres de cette innovation que fut le laminoir à froid Sendzimir et représentant son expansion mondiale [1]. La carte du monde symbolise bien l’espace dont doit tenir compte une recherche d’histoire économique de la Wallonie dans le cadre européen.

C’est l’économiste Robert Boyer qui le rappelle : toutes les notions, particulièrement en économie, ont une origine et une histoire, car elles résultent d’une construction intellectuelle et sociale [2]. Comment ont été déclinés les concepts d’innovations, de savoir-faire, de performances ?

L’innovation a été vue à la fois comme un processus global et une démarche temporelle qui, dans une interaction volontaire et stratégique avec le marché et ses acteurs, mobilisent des connaissances acquises, des apprentissages, des coopé­rations, des réseaux, des expériences, des savoir-faire ainsi que des investissements de différentes natures, en vue de rechercher des produits nouveaux, de nouveaux procédés, de nouvelles formes d’organisation de l’entreprise et de l’activité économique en général [3].

Le concept de savoir-faire a été envisagé comme un ensemble complexe de savoirs pratiques et techniques dans le sens le plus large du terme. Les savoir-faire sont inscrits à la fois dans le collectif et dans la durée. Il s’agit bien sûr du résultat d’expériences multiples et diverses, d’un long travail d’essais et d’erreurs, de l'acquisition de "tours de mains" dont on sait la difficulté de l’apprentissage et de la transmission. Si ce savoir-faire – connaissance empirique souligné par Denis Woronoff –, s’inscrit dans l’intelligence, il se grave aussi dans la mémoire des mains. On a insisté sur la fonction de la transmission des savoirs par imitation, préceptorat et compagnonnage ou encore de manière plus institutionnelle, qu’il s’agisse de l’enseignement technique et professionnel, de la formation des ingénieurs, etc. Bien évidemment, comme le souligne ailleurs Pierre Caspar, ces fonctions sont indissociables de ces autres nécessités que sont le témoignage sur les origines du savoir et de la connaissance – qui fonde toute civilisation –, le rassemblement, la capitalisation, la préservation et la diffusion des savoirs [4].

La question de la mesure des performances reste aussi difficile que le concept lui-même. L’idée même de gérer et donc de mesurer la performance plutôt que les ressources est récente dans la gestion et la décision publiques régionales. L’ingénierie évaluative des fonds structurels a, du reste, constitué pour la Wallonie un écolage décisif qui fait choisir aujourd’hui davantage des indicateurs de résultats et d’impacts plutôt que des indicateurs de ressources et de réalisations. Suivre ce chemin nous imposerait toutefois de dégager les stratégies initiales des acteurs, ce qui semble très difficile. La réflexion de Paul-Marie Boulanger sur le développement durable du Borinage au XIXème siècle nous a rappelé que la question des indicateurs était fondamentale. En effet, les interrogations très actuelles du Prix Nobel Amartya Sen sur la pertinence des indicateurs de développement ne peuvent rester étrangères à nos propres questionnements [5]. Pour l’historien de l’économie, c’est la question simple posée par Pierre Lebrun qui révèle toute sa complexité : comment nos chercheurs vont-ils trouver les variables du système de socio-histoire qui sera envisagé et les données qui permettront de les mesurer ?

 

Seconde considération générale

Ma seconde considération introductive porte sur le temps et sur le rôle de l’histoire. Certains intervenants, particulièrement des chercheurs, ont exprimé leur perplexité, sinon leur méfiance, après l’intervention introductive du ministre Serge Kubla, en charge à la fois de l’Economie et de la Recherche. De fait, les préoccupations présentes et prospectives du décideur politique, ainsi que le rythme du temps qui s’écoule, ne sont pas les mêmes que celles du chercheur. Notre collègue historien de Cologne, Alfred Reckendrees, s’est même étonné d’entendre parler de plans d’avenir pour la reconversion de la Région wallonne, alors que – soulignait-il – les résultats de l’histoire économique régionale que nous tentons de concevoir ne sont pas encore sur la table. Il me semble que nous devons davantage nous interroger ‑ nous économistes, nous historiens, nous sociologues, nous géographes ‑ pour savoir pourquoi cette histoire n’est pas écrite, plutôt que de demander au ministre d’attendre une production rétrospective pour s’atteler à sa propre tâche. La fonction du ministre est politique, la nôtre scientifique, même si l’une et l’autre ne sont pas indifférentes l’une à l’autre. C’est dans un ouvrage consacré à la Wallonie, que Robert Halleux a écrit que Réfléchir sur l’histoire, c’est d’abord échapper au piège de la nostalgie. […] Le politique, astreint à scruter la brume du futur, attend de l’historien, à défaut de lois ou de prévisions, du moins le sens des mouvements, des vecteurs orientés, des lignes de force [6]. De même, ce grand historien et prospectiviste qu’est Jean Chesneaux rappelle que, affirmer [ainsi] la solidarité du passé et de l’avenir dans la durée du temps conduit à retourner en relation de vie la relation de mort, toujours présente dans la conscience historique [7]. Loin de nous freiner ou de nuire à l’indépendance intellectuelle des chercheurs, l’expression des enjeux économiques de la Wallonie, de son Administration et de ses entreprises, telle que formulée, à court et à long termes, par le ministre de l’Economie et de la Recherche, me paraît stimuler notre travail et reconnaître l’importance du rôle du chercheur dans la Cité. Du reste, la formulation de ses attentes par le ministre sont claires telles que je les ai notées : des données scientifiques objectives et des outils de compréhension portant sur les réalités existantes et sur leurs évolutions.

 

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Quatre axes pour délimiter le travail

L’effort qui a été le nôtre, et donc aussi le mien, au cours de cette journée a consisté à délimiter le système sur lequel nous pourrions être amené à travailler dans le futur. Pierre Lebrun rappelait que c’est le sujet qui découpe le réel pour l’analyser et que le système est le résultat de cette découpe. Celle-ci s’opère progressivement selon quatre axes :

– les préférences du sujet conférant dès lors un rôle à l’empathie (le Verstehen);
– les limites et contraintes nées de l’acquisition des connaissances et de la disponibilité des méthodes à ce moment de la recherche;
– la documentation existante tenant compte de l’exigence de la coordination des variables du modèle en construction à des correspondants observables;
– le va et vient entre le modèle qui s’érige à partir des hypothèses du sujet et les faits observés, nourrissant le modèle et suscitant la recherche de nouveaux éléments documentaires 
[
8].

 

 

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1. Les préférences du sujet

 

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1.1. Une approche interrégionale prenant en compte les pôles de croissance et les cadres de données

Le Pôle Recherche de l’Institut Jules-Destrée a souhaité s’inscrire clairement dans l’espace régional et dans l’histoire économique de la Wallonie. Pas par vocation intangible : nous travaillons sur d’autres périmètres, pays, provinces, interrégional, Etats, Europe ou même sur le champ mondial. Ce choix spatial est placé d’emblée dans le cadre de l’empathie sans contester les interrogations dont nous nous sommes, ensemble, fait l’écho depuis l’intervention de Toni Pierenkemper, sinon déjà en amont de cette rencontre. Les questions posées ici de l’hétérogénéité de l’économie et de la société resteront entières pour la Wallonie, tout comme elles persisteront pour la Belgique, la France, l’Angleterre et même l’Europe. En effet, en quoi la Belgique et l’Europe constitueraient-elles des systèmes plus homogènes à étudier sur le plan économique et social que la Wallonie ? Les questions de cohésions économiques et structurelles resteront patentes également [9].

C’est le côté comparatif, maintes fois appelé de leurs vœux par les participants, qui nous permettra de sortir du cadre wallon. Les idées d’une approche tri-partite, sur base de trois régions à la fois diverses et complémentaires, avancée par Toni Pierenkemper, tout comme celle d’une approche quinta-partite, sur base de cinq régions, présentée par Gérard Gayot, sont pertinentes. Je retiens l’idée de travailler en parallèle avec une ou plusieurs régions françaises ou allemandes, qu’il s’agisse du Nord - Pas-de-Calais ou de la Lorraine, de la Sarre ou de la Rhénanie-Palatinat, voire d’autres entités régionales.

Cet espace interrégional de recherche devra s’articuler avec l’étude des pôles de croissance ou de décroissance – internes ou externes (je pense bien sûr à Bruxelles ainsi qu'à Anvers) – mais aussi sur des cadres archivistiques et donc administratifs pertinents, permettant une collecte des données adéquates.

 

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1.2. Un mécanisme d’auto-compréhension

Nos préoccupations nous portent vers une histoire explicative du présent ; il s’agit d’un mécanisme d’auto-compréhension, comme le souhaitait ce matin Jean-Marie Duvosquel. Nous avons fait un court débat de cette idée de Fernand Braudel selon laquelle les expériences du passé ne cessent de se prolonger dans la vie présente, de la grossir [10]. Nous sommes en effet de ces historiens pour qui l’histoire est à la fois connaissance du passé et du présent, du "devenu" et du "devenir", distinction dans chaque "temps" historique, qu’il soit d’hier ou d’aujourd’hui, entre ce qui dure, s’est perpétué, se perpétuera vigoureusement – et ce qui n’est que provisoire, voire éphémère. Comme l’ancien titulaire de la Chaire de la Civilisation moderne au Collège de France, nous dirions volontiers que c’est toute l’Histoire qu’il faut mobiliser pour l’intelligence du présent [11].

Tous ceux qui ont une expérience d’enseignement qui soit un tant soit peu interactive savent qu’il est impossible d’ignorer les questions sur la relation et l’interaction entre les mutations systémiques de la ou des Révolutions industrielles et celles des mutations contemporaines dont les analystes se font régulièrement l’écho.

De manière claire, et après de nombreux mois de travail, Sven Steffens a fait l’hypothèse d’un choix – pour reprendre la formule Paul Servais – à savoir que l’on puisse envisager l’économie wallonne, son évolution structurelle, son fonctionnement et ses enjeux, dans la perspective du passage vers une société de la connaissance. Et, pour localiser son questionnement, le coordinateur de notre recherche sur l’histoire de l’économie wallonne ajoute que ce passage s’opère, certes, surtout depuis la seconde moitié du XXème siècle mais ses antécédents remontent sensiblement plus loin [12].

 

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2. Les limites et les contraintes nées de l’acquisition des connaissances et de la disponibilité des méthodes à ce moment de la recherche

Au moins deux types de limites et de contraintes ont été évoquées.

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2.1. L’état de nos connaissances

Les premières contraintes sont celles liées à nos connaissances elles-mêmes. D’abord, bien sûr, la difficulté d’appréhender ce que recouvre l’idée de la mutation éventuelle menant à la société de la connaissance. Les concepts d’innovation et de savoir-faire nous ont permis de toucher ces questions, certes de l’extrême bout des doigts. On a évoqué l’élément moteur que constitueraient les technologies de l’information et de la communication. Convenons toutefois que cet apport nous place loin des temps longs et que d’autres variables sont certainement plus pertinentes. L’hypothèse de Micheline Libon de se référer à l’introduction effective de l’enseignement obligatoire comme un des points de départ de la société de la connaissance constitue une piste séduisante et, en tous cas, à creuser. De même, on sait l’importance du secteur bancaire dans les processus d’acquisition de l’informatique pour un pays comme la Belgique durant les années 1960 à 1980 [13]. Du reste, nous soulignions en introduction de cette journée qu’un des liens les plus manifestes entre l’évolution des savoir-faire et la société de la connaissance est la tendance à la formalisation, à la codification et, dans une certaine mesure, à la scolarisation des nouveaux savoir-faire. Le taylorisme s’est d’ailleurs efforcé, avec quelques succès, de réduire les savoir-faire à des savoirs [14]. A côté de l’importance que l’on accorde au système éducatif mais aussi au système de santé dans la société de la connaissance [15], il faut relever le rôle particulier de l’entreprise, celui d’une organisation apprenante au sein de laquelle les connaissances et les processus d’apprentissage construisent les compétences [16].

Ces points de vue empiriques rejoignent, en termes de périodisation, les travaux de l’économiste américain William E. Halal. En effet, dans son analyse de la force de travail des Etats-Unis, le professeur à la George Washington University fait remonter le temps long de la société de la connaissance à la fin du XVIIIème siècle [17].

De même, Isabelle Cassiers a évoqué le travail très important d’identification des phases d’accumulation du capital, la nécessité de comprendre la logique d’un changement structurel. De même, a-t-on évoqué l’étude du processus d’intégration des progrès de la connaissance (les inventions) dans la sphère économique (les innovations), en s’appuyant sur l’analyse des systèmes alternatifs d’innovation (comme le fait Robert Boyer), ainsi que sur les mécanismes de diversifications d’activités et d’interactions entre les secteurs, sur les synergies et les liens intersectoriels. Notons, comme l’a rappelé Denis Woronoff, l’importance de l’agriculture. Ne nous dit-on pas que le Hainaut – dont l’image est si industrielle – serait la première province agricole de Belgique ? A vérifier. Par ailleurs, on se souviendra que Michel Oris a montré, voici quelques années, que, en termes de démographie, dans toutes les communes de Wallonie, même à Seraing, le secteur tertiaire est majoritaire [18].

Ces éléments ne suffisent certes pas à vérifier notre hypothèse. Même si nous pouvons considérer avec Françoise Warrant que la spécificité de notre économie contemporaine est d’être une économie de la connaissance, nous devons constater avec la collaboratrice du Programme EMERIT que l’immatérialité des services n’est pas totale [19].

Notre préoccupation d’aujourd’hui ne consiste pas à décrire le changement possible. Nous savons toutefois que des personnalités comme Louis Armand, ancien président d’Euratom, et Michel Drancourt ont pu, dès le début des années 1960, décrire avec une certaine pertinence les nouvelles mutations et notamment la dimension structurante de la circulation de l’information à une époque, d’ailleurs, où celle-ci était encore très limitée par rapport à son volume et à sa vitesse actuels [20].D’autres observateurs attentifs les ont suivis, capables de conceptualiser les changements en cours. Citons, parmi d’autres : Thomas Kuhn [21], John Naisbitt [22], Peter Drucker [23], Thierry Gaudin [24], James Rosenau [25] , Manuel Castells [26], Marc Luyckx Ghisi [27], Verna Allee [28] ou très récemment, l’équipe rassemblée autour de Carlo Vercellone [29].

De son côté, l’Institut Jules-Destrée a pu, notamment grâce aux réseaux La Wallonie au futur et à son Conseil scientifique présidé par Michel Quévit, capitaliser les travaux du Programme FAST de la Commission européenne, mais aussi de la Conférence internationale de la Communauté de Travail des Régions européennes de Tradition industrielle (RETI), du Groupe de Recherche européen sur les Milieux innovateurs (GREMI) [30], entre autres.

 

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2.2. La question des méthodes nous interpelle, elle aussi, sous deux aspects

Le premier constitue une bonne nouvelle. Notamment grâce aux travaux Histoire quantitative et développement de la Belgique, nous connaissons aujourd’hui assez bien la Révolution industrielle du XIXème siècle, en tant que structure de changement de structures et de reconstitution d’un nouveau système, ainsi que l'implémentation de cette mutation en Wallonie, sous ses différents aspects économiques, technologiques, démographiques et sociaux [31].

Le second aspect est celui de la transdisciplinarité, si nécessaire aux approches systémiques. La difficulté reste immense, pour nos chercheurs, de quitter les grandes certitudes de leur discipline, de se dépouiller des cuirasses de leur savoir, afin de partager entre économistes, sociologues, géographes, historiens, les doutes, les interrogations, les incertitudes et la modestie indispensables au quotidien des recherches holistiques.

 

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3. La documentation existante

Comment, dans la collecte des sources, tenir compte de l’exigence de la coordination des variables du modèle en construction à ce moment de la recherche ?

Un premier travail d’heuristique et particulièrement de prospection archivistique mené dans le cadre de l’actuelle phase de la recherche a permis d’identifier 1.774 fonds d’archives économiques auprès des entreprises, des communes, des intercommunales, et des provinces. 146 fonds communaux ont été recensés dans les communes de Wallonie et pas moins de 591 fonds dans les entreprises wallonnes elles-mêmes [32]. Du reste, cette étude a confirmé l’état catastrophique de la conservation des archives en Wallonie, telle qu’elle a été décrite lors de ce séminaire. Ce que dénonçait René Leboutte en évoquant les archives de Cockerill dans un colloque organisé par Michel Dumoulin au Parlement belge voici quelques semaines peut, dramatiquement, être généralisé.

Trois remarques s’imposent dont les deux premières découlent directement de cette situation.

Prendre la mesure de l’ampleur du naufrage des archives – notamment industrielles – de la Wallonie n’oblige pas l’Institut Jules-Destrée à se précipiter pour colmater toutes les brèches ouvertes sur ce front. Si nous sommes prêts à continuer à relayer – souvent en vain – ces appels et à prendre en charge notre part de travail dans le cadre défini, reconnu et donc financé d’un Centre d’Archives privées, nous ne sommes pas disposés à laisser embourber dans cette bataille nos efforts de recherche et les moyens qui y sont affectés.

La deuxième remarque permet, à la suite de Jean-Louis Delaet et de France Debray, de souligner l’importance de l’histoire orale dans un chantier comme celui-ci. Multiplier les interviews en posant les questions nécessaires à la vérification de notre hypothèse sur les indices de passage à la société de la connaissance pourrait être à la fois innovant et pertinent. Cette manière d’aborder la question nous précise aussi un des champs chronologiques sur lesquels nous pourrions être appelés à travailler.

La troisième remarque porte sur l’identification des variables. On a dit la difficulté de disposer de données longues et précises relatives à la société industrielle. La question soulevée par Giuseppe Pagano et par Paul-Marie Boulanger sur les indicateurs du développement durable constitue déjà un point d’achoppement. Comment procéder, dès lors qu’il est nécessaire d’intégrer des variables portant sur des actifs immatériels – comme cela serait le cas pour une société de la connaissance ou une société apprenante [33] ? On peut d’ailleurs considérer, avec l’économiste Philippe Moati, que l’économie de la connaissance tend à "dématérialiser" les ressources productives des entreprises et donc que, afin d’améliorer leur capacité d’apprentissage et d’innovation, les entreprises sont de plus en plus amenées à redéfinir leur activité par rapport à des "blocs de savoirs", à des ensembles cohérents de compétences, plutôt que sur la base de produits ou de techniques de production [34]. Le même type de question était posé par Christian Vandermotten lorsqu’il s’interrogeait sur les indicateurs pertinents de capital social.

 

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4. Le va-et-vient entre le modèle et les faits observés

L'organisation répétée d’un séminaire comme celui-ci peut constituer le lieu de production entre le modèle qui s’érige à partir des hypothèses du sujet et les faits observés, nourrissant le modèle et suscitant la recherche de nouveaux éléments documentaires.

Peter Scholliers évoquait le nécessaire travail d’écoute de l’historien et du chercheur, permettant de comprendre comment les acteurs ont vécu les changements. C’est Joseph Schumpeter qui, partant des mutations technologiques, soulignait que la croissance est discontinue et ne se réalise que dans des accélérations et dans des ruptures. Pour l’auteur de Business Cycles, ces révolutions ne sont pas incessantes, même si elles se réalisent par poussées disjointes, séparées par des périodes de calme relatif. Néanmoins, ajoutait-il, le processus dans son ensemble agit sans interruption, en ce sens qu’à tout moment ou bien une révolution se produit ou bien les résultats d’une révolution sont assimilés [35].

Ainsi, en tant qu'historien, j’ai toujours été frappé par la capacité d’observation de chercheurs qui décelaient, par l’acuité de leurs observations et par l’organisation de leurs données, les périodes de passage à un autre type de société, et parvenaient à en construire des descriptions scientifiques précises. Que l’on songe au travail de Natalis Briavoinne [36] ou, bien sûr, aux Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations de Adam Smith [37], ou encore aux textes de Friedrich Engels [38] ou le Livre I du Capital de Karl Marx [39]. On sait pourtant la difficulté de perception et d’analyse, en temps réel, d’un changement structurel [40].

La piste que trace aujourd’hui l’Institut Jules-Destrée est celle d’une analyse historique rigoureuse et indépendante des changements structurels qui affectent la Wallonie et quelques-unes parmi les régions qui l’entourent, intégrant la vérification de l’hypothèse de l’existence d’une mutation comparable, par son ampleur, à la Révolution industrielle de la première moitié du XIXème siècle (périodisation courte). Ainsi, la création d’un Centre international de recherche sur les changements de paradigmes sociétaux, des mutations structurelles qui nous affectent, est à l’ordre du jour [41].

Bien qu’ouverte sur le présent, l'analyse historique envisagée ici n’est pas de l’histoire immédiate. Le concept d’histoire immédiate n’est pas pertinent lorsqu’on s’inscrit dans les temps longs [42]. Natalis Briavoinne ne fait pas d’histoire immédiate puisque nous savons que, dans le temps long, la mutation qu’il perçoit va puiser ses origines aux XIème et  XVIème siècles.

Du reste, ce faisant, nous partons à la recherche des discontinuités sociales, des ruptures structurelles, des cassures en profondeurs à la quête desquelles Fernand Braudel nous engageait. L’auteur de Civilisation matérielle et capitalisme [43] nous rappelait d’ailleurs qu’on naît avec un état du social (c’est-à-dire, tout à la fois, une mentalité, des cadres, une civilisation et notamment une civilisation économique) que plusieurs générations ont connu avant nous, mais tout peut s’écrouler avant que se termine notre vie. Fernand Braudel ajoutait que ce passage d’un monde à un autre est le très grand drame humain sur lequel nous voudrions des lumières. L’attente du grand historien était bien celle de la recherche des ruptures et il interpellait ses collègues : mais justement, de ces continuités structurales, même au prix d’hypothèses, les économistes n’ont-ils rien à dire ? [44]

Le débat méthodologique ouvert aujourd’hui pour découper le système sur lequel nous souhaitons travailler ne se terminera qu’à l’issue du travail entamé. Ainsi, les limites définitives ne seront réellement fixées qu’en fin de parcours lorsque le champ des variables aura été exploré, lorsque les frontières fixées par la dynamique et le processus des chercheurs dans leur quête de vérification de l’hypothèse que nous avons formulée auront été établis.

L’étendue du champ d’investigations, le nombre d’interrogations méthodologiques, l’état des connaissances actuelles et celui des sources sont autant de signes d’un chantier qui se présente comme un défi captivant, à la recherche d’un changement de paradigme sociétal. L’intelligence du présent mérite bien que l’on mobilise l’Histoire.

 

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Notes

[1] L. WILLEM, 450 ans d’Espérance, La SA métallurgique d’Espérance – Longdoz de 1519 à 1969, Liège, Editions du Perron, 1990.

[2] Robert BOYER, La croissance, début de siècle, De l’octet au gène, p. 13, Paris, Albin Michel, 2002.

[3] Margrit Müller, Béatrice Veyrassat,  Introduction, dans Hans-Jörg Gilomen, Rudolf Jaun, Margrit Müller, Béatrice Veyrassat (dir.), Innovations. Incitations et résistances, Des sources de l’innovation à ses effets, p. 14,  Zurich, 2001. – Michel QUEVIT, Introduction : Evaluation, innovation, prospective, dans La Wallonie au futur, Sortir du XXème siècle, Evaluation, innovation, prospective, p. 89-90, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1999. – Claire NAUWELAERT, Quelle politique pour l’innovation technologie en Wallonie ? dans La Wallonie au futur, Quelles stratégies pour l’emploi ?,  p. 147-160, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1996 – Michel QUEVIT et Pascale VAN DOREN, Cadre méthodologique pour une approche de la dynamique urbaine en termes de milieux innovateurs, dans Olivier CREVOISIER et Roberto CAMAGNI éd., Les milieux urbains : innovation, systèmes de production et ancrage, p. 103-114, Neuchâtel, Institut de Recherches économiques et régionales, 2000.

[4] Pierre CASPAR, L’accès au savoir : permanences et mutations, dans Yves MICHAUD, Qu’est-ce que les technologies ?, Université de tous les savoirs, t. 5, p. 19 , Paris, Odile Jacob, 2001.

[5] Voir Yves de WASSEIGE, Les mécanismes de l’économie politique, p. 253, Bruxelles, Vie ouvrière, 1994. – Jean BANETH, Les indicateurs synthétiques de développement, dans Futuribles, n°231, Mai 1998, p. 5-27. – Jean GADREY, De la croissance au développement, A la recherche d’indicateurs alternatifs, dans Futuribles, n° 281, Décembre 2002, p. 39-71.

[6] Robert HALLEUX et Anne-Catherine BERNES, L’Evolution des sciences et des techniques en Wallonie, dans Wallonie, atouts et références d’une Région, p. 226, Namur, Gouvernement wallon, 1995.

[7] Jean CHESNEAUX, Habiter le temps, Passé, présent, futur, Esquisse d’un dialogue politique, p. 170 , Paris, Bayard, 1996.

[8] Pierre LEBRUN, Contribution à l’ordonnancement du savoir scientifique et à l’évaluation du rôle qu’y assurent les sciences humaines, dans Cahiers marxistes, n°212, juillet 1999, p. 128.

[9] Notons que, dans article de septembre 1968, Paul Romus, chargé de cours à l’Institut d’études européennes de l’ULB précisait la délimitation régionale de sa recherche sur l’évolution économique régionale de la Belgique de 1958 à 1968 de la manière suivante :
Dans la présente étude, le territoire de la Belgique est ventilé en trois régions : région flamande, région wallonne et région bruxelloise.
Le choix d’une délimitation régionale est le problème qui, par excellence, peut donner lieu à d’interminables discussions. Il convient donc d’exposer brièvement pourquoi la délimitation de la Belgique en trois régions a été adoptée.
Essentiellement, cette délimitation régionale a été retenue parce que des statistiques sont disponibles pour les différents indicateurs relatifs à ces régions, d’une part, et, d’autre part, parce que les régions ainsi délimitées présentes une très grande et une croissante homogénéité économique et sociale
. Paul ROMUS, L’évolution économique régionale en Belgique depuis la création du Marché commun (1958-1968), extrait de la Revue des Sciences économiques, Septembre 1968, 48 p.
 Notons également que le Congrès des Economistes de Langue française de 1998 s’est penché sur cette question, notamment celle de savoir si les régions respectives de Bruxelles et de Wallonie avaient une réalité économique suffisante pour que les choix économiques qu’on y fait aient une réelle portée. Dans sa synthèse, Marcel Gérard propose comme seuil de réalité économique suffisante le regroupement au sein d’un même territoire des aires d’influence de tous les services publics, de manière à former des collectivités territoriales appelées aires métropolitaines, qui offrent la totalité de ces biens tout en assurant leur financement local.         
Marcel Gérard considérait que Bruxelles ne satisfaisait pas à ces critères tandis que, en Wallonie, deux pôles _ Charleroi et Liège _ semblaient seuls capables de servir de base à une nouvelle croissance, à condition d’être ouverts vers les régions voisines et d’indispensables coopérations interrégionales ou internationales . Marcel GERARD, Synthèse, dans Treizième congrès des Economistes belges de Langue française, Wallonie et Bruxelles : Evolutions et perspectives, Actes, 1998,  p. 195-196, Charleroi, Cifop, 2000.

[10] Fernand BRAUDEL, La dynamique du capitalisme, p. 51, Paris, Arthaud, 1985.

[11] Fernand BRAUDEL, Ecrits sur l’histoire, p. 255, Paris, Flammarion, 1969.

[12] Sven STEFFENS, Contexte et objectif du séminaire, dans Feuillet de la Wallonie, Innovation, savoir-faire, performance, Une histoire économique de la Wallonie dans le cadre européen, Février 2003,  p. 2.

[13] L’innovation texhnologique, Facteur de changement (XIXème – XXème siècles), Etudes rassemblées par Ginette KURGAN-VAN HENTENRYK et Jean STENGERS,  p. 257, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1986.

[14] Thierry GAUDIN, Introduction à l’Economie cognitive, p. 90-91, La Tour d’Aigues, L’Aube, 1997.

[15] B.A. LUNDVALL, The Learning Economy, Implications for Knowledge Base of Health and Education Systems, Séminaire Production, Mediation and Use of Knowledge in the Education and Health Systems, Paris, OCDE, 14 et 15 mai 1998.

[16] Christian LE BAS et Fabienne PICARD, Intelligence économique, analyse stratégique évolutionniste et compétences de l’organisation, dans Bernard GUILHON et Jean-Louis LEVET, De l’intelligence économique à l’économie de la connaissance, p. 15, Paris, Economica, 2003.

[17]  William HALAL, The New Management, Democracy and enterprise are transforming organizations,   p. 136,  San Francisco, Berrett-Koehler, 1996.

[18] Michel ORIS, Dualisation ou homogénéisation de l’espace wallon ? Un premier éclairage socio-économique, Plan d’Appui à une Politique de Développement durable, SSTC, Programme Leviers, Working Paper n°9, mars 1998, 28 p.

[19] Françoise WARRANT, Favoriser l’innovation dans les services, Un rôle pour les services publics, p. 13-18,  Paris-Montréal, L’Harmattan, 2001.

[20] Louis ARMAND et Michel DRANCOURT, Plaidoyer pour l’avenir, p. 181,  Paris, Calmann-Lévy, 1961.  Louis Armand formulait dès 1961 l’idée que si la première révolution de la technique avait fait bouger une partie du monde, une partie de la pensée, et a créé une sorte de monde à part, se greffant sur l’ancien sans pour autant le coiffer, […] la seconde englobe tout. Elle ne laisse rien dans l’ombre ou dans la stabilité. Elle touche même la manière de penser. De même, l’ancien président d’Euratom notait dès 1961 que personne ne pourra penser acquérir pendant l’adolescence la masse des connaissances nécessaires sa vie durant.

[21] Thomas S. KUHN, La structure des révolutions scientifiques [1962 & 1970], Paris, Flammarion, 1983.

[22] John NAISBITT, Megatrends, New York, Warner Books, 1982. – John NAISBITT & Patricia ABURDENE, Megatrends 2000, New York, William Morrow, 1989.

[23] Peter DRUCKER, Post Capitalist Society, New-York, Harper Collins, 1993.

[24]  Thierry GAUDIN, Introduction à l’économie cognitive, La Tour d’Aigues, L’Aube, 1997. – Th. GAUDIN, L’Avenir de l’esprit, Prospectives, Entretiens avec François L’Yvonnet, Paris, Albin Michel, 2001.

[25] James N. ROSENAU, Along the Domestic-Foreign Frontier, Exploring Governance in a Turbulent World, Cambridge University Press, 1997. – James N. ROSENAU et J. P. SINGH éd., Information Technologies and Global Politics, The Changing Scope of Power and Governance, New York, State University of New York Press, 2002. –

[26] Manuel Castells considère qu’il y a coïncidence historique, dans les années 1968-1975, de trois processus indépendants : la révolution informatique, les crises parallèles du capitalisme et de l’étatisme, avec les restructurations qu’elles ont entraînées, l’essor de mouvements culturels et sociaux (revendications libertaires, féminisme, écologie, défense des droits de l’homme). Comme Manuel Castells l’indique plus loin, une société peut être dite nouvelle quand il y a eu transformation structurelle dans les relations de production, dans les relations de pouvoir, dans les relations entre personnes. Ces transformations entraînent une modification également notable de la spatialité et de la temporalité sociales, et l’apparition d’une nouvelle culture. Manuel CASTELLS, L’ère de l’information, t. 3, Fin de Millénaire, p. 398 et 403, Paris, Fayard, 1999. Dans sa préface du premier tome de ce travail, Alain Touraine met en évidence un des apports majeurs de Manuel Castells, c’est qu’on ne doit pas confondre un type de société, qu’il s’agisse de la société industrielle ou de la société d’information, avec ses formes et ses modes de modernisation. Alain Touraine rappelle que nous avons appris à distinguer la société industrielle, type sociétal, du processus capitaliste (ou socialiste) d’industrialisation, malgré la confusion que l’analyse a souvent entretenue entre ces deux termes. Il faut, de la même manière, distinguer la société d’information, qui est un type sociétal, et la globalisation, qui est avant tout une nouvelle révolution capitaliste créant de nouvelles polarités, des inégalités et des formes d’exclusion que Manuel Castells explore en profondeur. Alain TOURAINE, Préface, dans Manuel CASTELLS, L’ère de l’information, t. 1, La société en réseaux, p. 9, Paris, Fayard, 2001.

[27] Marc LUYCKX GHISI, Au delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme, La société réenchantée ?,  [Préface de Ilya Prigogine], Paris-Montréal, L’Harmattan, 2001.

[28] Verna ALLEE, The Knowledge Evolution, Expanding Organizational Intelligence, Boston, Butterworth-Heinemann, 1997. – V. ALLEE, The Future of Knowledge, Increasing Prosperity Through Value Networks, San Fancisco, Elsevier Science, 2003.

[29] Carlo VERCELLONE dir. , Sommes-nous sortis du capitalisme industriel ? Paris, La Dispute, 2003.

[30] Michel QUEVIT, Mutations industrielles et changement culturel, Troisième Conférence internationale de la Communauté de Travail des Régions européennes de Tradition industrielle (RETI), Mars 1987. – L’Europe des services : un virage à réussir, Synthèse des résultats des recherches FAST sur la mutations des services  et nouvelles technologies, Bruxelles, FAST, 1987. –  Philippe AYDELOT éd., Milieux innovateurs en Europe, Paris, Gremi, 1986. – Michel QUEVIT, Jean HOUARD, Stéphan BODSON et Alain DANGOISSE,  Impact régional 1992, Les Régions de tradition industrielle, Bruxelles, Rider-IRES-De Boeck Université, 1991. – Une nouvelle Europe, Visions et actions, Actes d’Europrospective II, Namur, Presses universitaires de Namur, 1993. – La Wallonie au futur, Vers un nouveau paradigme, Actes du congrès, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1989.

[31] Voir la dizaine de volumes publiés dans cette collection, et plus particulièrement Pierre LEBRUN, Marinette BRUWIER, Jan DHONT et Georges HANSOTTE, Essai sur la révolution industrielle en Belgique, 1770-1847, Bruxelles, Palais des Académies, 2ème éd., 1981.

[32] Paul DELFORGE, Jean-François POTELLE, Sven STEFFENS, L’économie wallonne, de la Révolution industrielle à la fin du XXème siècle, Identification des gisements d’archives, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 12 mars 2003, 11 pages + 3 annexes.

[33] pour reprendre la formule, peut-être plus fondée, de Bengt-Ake Lundwall, de l’Université d’Aalborg. Le concept d’économie apprenante est peut-être plus facile à manier que celui de l’économie du savoir. De fait, on ne saurait dire avec certitude si le stock de connaissances disponible au niveau de l’économie ou nécessaire pour gérer une organisation s’est accru. Les dernières décennies se sont caractérisées par de vastes mouvements de destruction et de création de connaissances qui ont rendu obsolètes maintes qualifications et compétences. Ce qui importe, c’est moins de posséder une connaissance spécifique que d’être apte à apprendre et à oublier. Tant les produits que les compétences ont aujourd’hui un cycle de vie plus court. Bengt-Ake LUNDWALL, exposé au Forum de haut niveau Gestion du savoir et des connaissances : apprendre en comparant les expériences des entreprises du secteur privé et des organisations du secteur public, Copenhague, 8-9 février 2001, p. 9, OCDE, Programme PUMA, 12 juin 2001.

[34] Philippe MOATI, La redéfinition du métier de banquier des entreprises dans une économie fondée sur la connaissance, dans Christian LE BAS et Fabienne PICARD, Intelligence économique…, p. 100.

[35] Joseph SCHUMPETER, Capitalisme, socialisme et démocratie, p. 164n, Paris, Payot, 1951.

[36] Natalis BRIAVOINNE, De l’industrie en Belgique, Sa situation actuelle, Causes de décadence et de prospérité, Bruxelles, E. Dubois, 1839. Voir en particulier, t. 1, p. 185-186, notamment cet extrait.
Dans la seconde moitié du siècle dernier, une marche plus rapide fut imprimée à l’esprit humain ; les connaissances reçurent une direction  tout à la fois plus vive et plus pratique. Phénomène remarquable ! A l’époque même où toutes les classes et presque tous les peuples en Europe se précipitaient avec furie les uns contre les autres, accumulant d’immenses efforts pour s’entre-détruire, partout en même temps, on se montra saisi d’un plus ardent désir d’améliorer. Cette passion prit alors un si grand empire parmi les hommes ; elle les doua de ressources si fécondes, qu’une guerre de vingt-cinq ans, accompagnée de convulsions intérieures, ne put arrêter le progrès dans toutes les brancches de l’organisation matérielle de la société. C’est qu’au milieu de cet immense désordre, la sphère du travail s’agrandissait ; les moyens d’exécution allaient en se multipliant et en se simplifiant chaque jour davantage. L’on vit en conséquence la population s’accroître par la diminution des chances de la mortalité. Les trésors que la terre renferme furent mieux et plus abondamment exploités ; l’homme produisit et consomma davantage ; il devint plus riche. Tous ces changements constituent la révolution industrielle.

[37] Adam SMITH, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776), New-York, The Modern Library, 1937. Notamment les p. 48-49 de cette édition.

[38] On pense à cet extrait de 1845 : L’histoire de la classe ouvrière en Angleterre commence dans la seconde moitié du siècle passé, avec l’invention de la machine à vapeur et des machines destinées au travail du coton. On sait que ces inventions déclenchèrent une révolution industrielle qui, simultanément, transforma la société bourgeoise dans son ensemble et dont on commence seulement maintenant à saisir l’importance dans l’histoire du monde. L’Angleterre est la terre classique de cette révolution. Fr. ENGELS, Situation de la classe laborieuse en Angleterre, p. 35, Paris, Ed. sociales, 1960.

[39] Karl MARX, Le Capital, Livre I, Paris, Garnier-Flammarion, 1969. – Pierre LEBRUN, La croissance endogène, lLe Capital et l’historien, dans Cahiers marxistes, n°210, septembre – octobre 1998, p. 75-130. – Pierre LEBRUN, Essai sur le modèle proposé par le Livre I du Capital : de la valeur de la force de travail à une dynamique intersectorielle, dans Bulletin de la Classe des Lettres, 6ème série, Tome 9, 1-6, p. 211-280, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1998.

[40]  Robert BOYER, La croissance, début de siècle, De l’octet au gène, p. 19.

[41] Marc LUYCKX-GHISI, Centre international de Recherche sur les Changements de Paradigmes sociétaux – World Research Centre on Societal Paradigm Shifts, Note, Namur, Vision 2020 - Institut Jules-Destrée, 20 mars 2003, 18 p. – Sur le concept de paradigme, en dehors de l’ouvrage de Thomas Kuhn, déjà cité, voir Edgar MORIN, La méthode, 5. L’humanité de l’humanité, p. 284-285, Paris, Seuil, 2001. – Pierre LEBRUN, Contribution à l’ordonnancement…, p. 143-147. – Marc LUYCKX-GHISI, Au delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme…, p. 25sv.

[42] La lecture d’un ouvrage comme celui de Benoît VERHAEGEN, Introduction à l’histoire immédiate, Gembloux, Duculot, 1974, permet de mesurer la distance qui nous sépare de cette conception.

[43] Fernand BRAUDEL, Civilisation matérielle et capitalisme, XVème – XVIIème siècle, Paris, Armand Colin, 1967.

[44] Fernand BRAUDEL, Ecrits sur l’histoire, p. 132, Paris, Flammarion, 1969.

 


 

 

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