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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie Roger Mounèje alias Roger Bronckaerts

fondateur de la revue W'Allons Nous ?
Administrateur honoraire de l'Institut Jules-Destrée
Roger Mounèje
est décédé
le
25 janvier 2003.
Il était né à Waremme
le
11 septembre 1952.

Hesbignon d’origine, Roger Bronckaerts fait ses études à Liège où il s’établit en 1973 ; professeur d’histoire et de français à l’athénée de Chênée, il multiplie ses centres d’intérêt : attaché à la Wallonie, à sa langue, à ses travailleurs, à son histoire, à sa littérature, à sa musique, il aime toucher et goûter à tout, malgré un fort handicap de la vue. Militant syndical CGSP, l’enseignant attache beaucoup d’importance au statut professionnel de ses pairs ; pédagogue, il a le souci d’intéresser tous les jeunes à la langue qu’ils utilisent ; tous les jeunes, y compris les classes de « professionnelle ». Avec des collègues, il suscite des créations remarquables auprès d’élèves considérés trop souvent comme en marge du cursus scolaire. Une série d’une douzaine de Carnets d’écoles a été publiée, rassemblant textes, dessins, dossiers et poèmes créés en classe par des élèves souvent qualifiés de « difficiles » par d’autres professeurs. Fondateur du centre d’animation culturelle de Lincent, il est aussi critique littéraire dans plusieurs journaux, dont La Wallonie.

Quatre ans avant le Manifeste du même nom, dont il sera l’un des signataires, Roger Bronckaert s’interroge sur le choix culturel des Wallons : lors d’une réunion qu’il a provoquée avec une série d'artistes et d'écrivains comme Guy Denis et le peintre Daniel Seret, tous les participants usent d'une expression qui, à l'époque, n'est pratiquement jamais utilisée que pour le dialecte ou la langue wallonne : la culture wallonne. Ils désignent par là des œuvres écrites tant en français et wallon, exprimant un peuple (La Wallonie, 17 octobre 1979). Particulièrement influencé par ce débat, José Fontaine pense que, dans ce sens, on n'avait jamais jusqu’alors usé de cette expression (même si on la retrouve chez des sociologues visant par cela la culture ouvrière, ou des écrivains dialectaux).

Au-delà de quelques textes dans des journaux, revues, ou colloques et conférences, au-delà des échanges verbaux qu’il a avec de nombreux amis et acteurs culturels, Roger Mounèje tente de définir la culture wallonne à travers W’Allons-nous ?, revue trimestrielle au contenu très dense et diversifié. Périodique de création et de réflexion sur la culture de Wallonie, la revue qu’il crée en 1981 ambitionne de faire l’inventaire des richesses culturelles wallonnes, de présenter des dossiers sur la culture wallonne, de présenter un artiste (écrivain, musicien, peintre, etc.), de publier des textes, des dessins, des photos inédits. Sous le pseudonyme « Le col porteur », Mounèje – Bronckaerts souhaite aussi présenter les sorties culturelles de Wallonie (disques, livres, spectacles, etc.). Par son approche des faits sociaux et économiques, il souhaite que la société wallonne s’interroge sur ses contradictions, que s’engage une réflexion sur l’identité, et que l’on serve la culture plutôt que de s’en servir.

Soucieuse de jouir d’une totale liberté – la revue n’est inféodée à aucun parti, à aucun mouvement, à aucun ministère, à aucune administration – , elle ne compte que sur ses abonnés pour vivre ; tirée à 650 exemplaires, elle ne compte que 170 abonnés après le 1er numéro, consacré essentiellement à Constant Malva. Et puis ce sera la nouvelle chanson wallonne et le jeune théâtre, le cinéma (Misère au Borinage), etc. De tenue fort artisanale à ses débuts, la revue se présente de façon de plus en plus professionnelle. Les abonnés ne suffisent pas et Mounèje tente de faire reconnaître la revue et le groupe W’Allons-nous ?, devenu asbl en 1983, comme organisme d’éducation permanente auprès de la Communauté française : si la culture wallonne existe, si un ministère de la culture fédéré existe, il n’y a pas de raison que seuls des bénévoles s’occupent de promouvoir les artistes et créations de Wallonie. Organisateur de plusieurs rencontres de créateurs de Wallonie (la fête des créations de Wallonie à Charleroi, en 1982, à Liège en 1983, manifestations auxquelles l’Institut Jules-Destrée apporte un appui tangible), Mounèje n’obtient pas la reconnaissance officielle espérée (1985). Après 12 numéros en format A4 de mars 1981 à mars 1985, la revue reprend une mise en forme moins « luxueuse » : 10 numéros, avec le sous-titre « réseau, mensuel d’information des groupements de l’asbl », paraissent en petit format à partir de 1985, avant de s’éteindre en 1987, moment où le service culturel de la province de Liège accorde son agréation à l’asbl comme organisme d’éducation permanente : les conditions réglementaires sont cependant trop lourdes. W’Allons-nous ? ne va plus nulle part. Après une parenthèse de plusieurs années, au cours desquelles le patrimoine de W’Allons-nous ? est repris par l’Institut Jules-Destrée dont Roger Mounèje est élu membre d’honneur du Conseil d'administration, l’asbl W’Allons-nous devient, au milieu des années nonante, une agence de voyages à thème culturel.

Comme éditeur Roger Mounèje publie des livres importants sur Paul Meyer (le réalisateur de Déjà s’envole la fleur maigre). L’ouvrage collectif Cinéma Wallonie Bruxelles, Du documentaire à la fiction, Èwaré - W’allons-nous?, Liège, 1989, rassemble une série d’études autour du film et de Paul Meyer, principalement Thierry Michel, Roger Mounèje, Henri Storck, Jacques Cordier, Girolamo Santocono, Bert Hogenkamp, Anne Morelli etc., et sur le cinéma wallon. Ou encore, il dirige la réédition du roman de Francis André Les affamés qui conte l'histoire de Wallons et de Flamands déportés en Allemagne pendant la Grande guerre (1914-1918).

Tout au long de l’expérience éditoriale de W’Allons-nous ?, chaque numéro atteste la volonté de réunir, de communiquer, de faire connaître un réel contenu culturel de Wallonie, de manière totalement désintéressée et sans hiérarchie. Avec trois régionales (Liège, Namur, Charleroi), l’asbl W’Allons-nous ? se présentait d’ailleurs comme un réseau horizontal, ouvert à tous, sans renoncement à la personnalité ou à l’autonomie de chacun. Mounèje avait notamment expliqué son projet lors du colloque organisé à Liège par l’Institut Jules-Destrée et dont les actes sont parus sous le titre Culture et politique (1985).

En 1986, W’Allons nous ? est convié aux débats préparatoires à la fondation de Wallonie Région d’Europe. Sur proposition de Roger Mounèje, le nouveau mouvement inscrit à son programme qu’il exige des moyens pour assurer l’identité de la Wallonie. Lors du congrès constitutif, Roger Bronckaerts apporte sa caution à la naissance du nouveau mouvement wallon (Namur, 25 septembre 1986) [1] et présente les lignes de force d’un projet culturel cohérent. Car si W’Allons-nous ? peut se targuer d’avoir favorisé des rencontres entre acteurs culturels de domaines et de régions différentes et surtout d’avoir ouvert le débat sur la culture wallonne, son administrateur-délégué veut dépasser le stade du simple slogan et passer à l’action ; ainsi qu’il l’écrit dans le n°8 de Réseau, la culture se doit de rapprocher le citoyen des centres de décision, de se mettre à l’écoute des démarches culturelles qui conviennent aux populations de la région, de donner les moyens de production et de diffusion nécessaires à rendre publique cette création régionale. Il la conçoit comme un moyen de combattre l’acculturation et la standardisation globalisante. En d’autres termes, pour que la culture wallonne existe, il faut d’abord éliminer le problème de priorité entre langue wallonne et langue française ; ensuite, il faut que les pouvoirs publics créent un réseau de diffusion et de commercialisation des œuvres wallonnes ; enfin, il convient de professionnaliser et de rendre efficace la production. Pour que la culture wallonne existe, il faut la rendre visible, ce que ne font ni la Communauté française ni la RTBf, notamment. Lançant parallèlement le débat sur l’identité, il la définit en insistant sur la liberté et le droit à la différence et, citant Henri Laborit, souligne qu’il faut être profondément régionaliste pour être vraiment internationaliste et profondément individualiste pour admettre que l’autre est différent.

Dans sa définition de la culture wallonne, Roger Mounèje accorde une place à la langue wallonne. Lors d’une journée d’études du Rassemblement populaire wallon consacrée à l’Identité wallonne (28 mai 1983), et où il consacre son rapport à la langue usitée en Wallonie, Mounèje met en évidence l’opposition qui sépare le peuple (les classes populaires) de la bourgeoisie francolâtre qui se cache sous le vocable de francophone. Comme dans d’autres écrits, il souligne que le français est une langue qui a été imposée aux Wallons.

 Auteur de plusieurs ouvrages : Poèmes cordiaux et pictogrammes (poésie), Tchantchès au pays des Indiens Mayas (théâtre de marionnettes), amoureux de sa langue, à laquelle il a consacré une étude intitulée Langue wallonne, dans laquelle il démontre que le wallon est un dialecte, il écrit lui-même en wallon. C’est notamment le cas d’une pièce de théâtre réalisée avec Georges Simonis, Li neûre rôbaleuse, pour laquelle il reçoit le prix de littérature dramatique, décerné par la province de Liège en 2001. La noire vagabonde (Li neûre rôbaleuse), c'est la peste qui fit de nombreux ravages au cours du Moyen Âge et qui suscita, lors de chaque épidémie, des réactions xénophobes et racistes. L'étranger était celui qui avait apporté la maladie, assimilée souvent à une punition divine. Li neûre Robaleûse, c'est aujourd'hui le sida qui engendre des réactions contre certaines minorités que l'on charge de tous les maux et que l'on rend responsables de ce fléau. Il s'agit donc d'une pièce qui plonge dans le passé en rejaillissant sur un problème tout à fait contemporain.

Paul Delforge

[1] WL n°1, 1er janvier 1987, p.4

 

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