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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie 

Liberté, égalité, dignité dans une Wallonie citoyenne

Jean-Pol Demacq
Président de l'Institut Jules Destrée

Monument Arille Carlier, Charleroi
Fêtes de Wallonie – 18 septembre 1998

La commission chargée de choisir le thème des fêtes de Wallonie rassemble chaque année, à l'initiative de l'Institut Jules Destrée, des représentants des institutions wallonnes et des différents comités des fêtes de Wallonie. La session 1998 a décidé d'inscrire les fêtes de Wallonie dans le cadre de la commémoration du cinquantième anniversaire de l'adoption, par l'Assemblée générale des Nations unies, de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, le 10 décembre 1948.

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits : le début de l'article premier de cette déclaration fondamentale était mis en exergue à l'attention des artistes de Wallonie pour le traditionnel concours d'affiches proposé par l'Institut Jules Destrée à l'ensemble des Wallonnes et des Wallons. Ainsi, l'affiche lauréate scande, comme un graffiti non moins percutant Liberté, égalité, dignité dans une Wallonie citoyenne. La Namuroise Laurence Affano évoque ainsi, avec l'image d'un coq festif, le cheval Bayard et les quatre fils Aymon, une légende bien connue en Wallonie, adaptée ici à l'accueil de l'autre.

La thématique "Droits de l'Homme" des fêtes de Wallonie 1998 a interpellé des graphistes provenant de tous les secteurs sociaux et j'ai plaisir à rappeler, ici à Charleroi, que le jury du concours d'affiches a adressé une mention particulière d'encouragement au Groupe Alpha III des Stagiaires en Alphabétisation de la FUNOC, pour l'investissement graphique qu'ils ont accordé au projet et, plus particulièrement, à l'œuvre de Mme M'Kala Dimonakena.

Souvenons-nous de ce texte dont nous fêtons la proclamation. Déclaration universelle des Droits de l'Homme : ces mots assemblés sont gravés dans notre mémoire à toutes et à tous, à l'instar des secours que nous pouvons contacter en cas d'urgence. Ils balisent notre liberté d'êtres humains et nous sommes prêts à y faire référence à la moindre atteinte à nos propres droits. Nous savons que ces mots sont brandis, avec force ou désespoir, sur tous les continents, par les populations – nombreuses – qui sont victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Mais, bien souvent, nous en restons là. L'inégalité de droits, le non respect de l'être humain, l'injustice nous éclaboussent pourtant lorsque, chez nous, en Wallonie, nos voisins, nos amis, des compagnons de classe de nos enfants sont touchés. Et, si l'appel d'urgence clignote en nos esprits, notre impuissance à agir pour les aider nous interpelle cruellement. Que faisons-nous, concrètement ?

Le texte de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme contient, comme un lexique, les clés de survie de l'humanité. Les premières ont porté les populations lors de la révolution américaine de 1776 et de la Révolution française de 1789 : dignité et valeur de la personne humaine; protection de la famille; droits et libertés fondamentales sans distinction aucune; justice, paix dans le monde. Liberté de parler et de croire; protection de l'individu par un régime de droit; égalité des droits des hommes et des femmes, progrès social. Esprit de fraternité universelle; droit à la vie; abolition de la torture, de l'esclavage; protection contre toute discrimination; droit au recours devant les juridictions compétentes; présomption d'innocence; droit à la défense impartiale; droit à la libre circulation; droit d'asile; droit à la nationalité; droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; droit à la liberté d'opinion et d'expression.

Ensuite se sont inscrits les droits économiques, sociaux et culturels : droit d'accéder aux fonctions publiques du pays; droit au suffrage universel; droit à la sécurité sociale; droit au travail et au salaire égal. Enfin, une série de droits collectifs et solidaires favorisent la vie citoyenne, dans un environnement sain et protégé. Pour clore cette liste, n'oublions pas de citer les devoirs de toutes et de tous envers la communauté humaine ainsi constituée.

L'Organisation des Nations unies (ONU) a été fondée alors que les peuples et les individus sortaient fragilisés et meurtris de la Seconde Guerre mondiale. Il fallait, pour sauver l'humanité, concevoir les relations des Etats entre eux afin d'éviter de nouvelles tragédies mondiales. La Déclaration universelle des Droits de l'Homme constitue l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin d'assurer la reconnaissance et l'application universelles de points de repère pour la démocratie. Parce que la liberté humaine est étroitement liée à la justice sociale, l'assemblée des Nations unies a tenté d'équilibrer la part des droits civils et politiques ("liberté") et celle des droits économiques et sociaux ("égalité"). Ces droits sont interdépendants et indivisibles. Leur protection et leur application sont contrôlées par des Commissions spécialisées : le Centre pour les Droits de l'Homme est accessible en permanence.

De plus, désormais, des pactes, conventions ou protocoles internationaux poursuivent et précisent la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et sont proposés à la signature de Etats. Ainsi, au terme de la mise à jour du 31 décembre 1997 et parmi 25 actes, 191 Etats ont signé la Convention relative aux Droits de l'Enfant, 161 ont signé la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination envers les Femmes, 150 ont signé la Convention internationale relative à l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, 131 ont signé la Convention relative au statut des Réfugiés, mais 9 seulement (et la Belgique n'en est pas) ont signé la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Il n'est pas inutile de rappeler ici que le projet de Constitution wallonne auquel a travaillé une commission initiée par l'Institut Jules Destrée s'inscrit clairement dans cette démarche volontariste de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, y associant toutes les affirmations d'une identité wallonne démocratique, ouverte et plurielle.

La Wallonie, terre de couleurs, a été mise à l'honneur des fêtes de Wallonie 1996. Depuis, les forces politiques démocratiques wallonnes rassemblées se sont manifestées, à plusieurs reprises, au Parlement wallon, à propos des questions fondamentales du droit de vote et d’éligibilité de tous les habitants de la Wallonie aux prochaines élections communales. L’Assemblée générale 1998 de l’Institut Jules Destrée a réaffirmé son souhait de voir une citoyenneté wallonne complète accordée à toutes les Wallonnes et à tous les Wallons, Belges ou non-Belges, installés durablement en Wallonie, afin qu'ils bénéficient du droit de vote et d’éligibilité aux élections non seulement communales, mais aussi régionales et fédérales. Renforcé désormais par l'élection d'un non-Belge au sein de son Conseil d’administration, l’Institut Jules Destrée entend montrer l’exemple de l’ouverture à une nouvelle citoyenneté wallonne : Alberto Gabiaddini, nouvel administrateur, a d’ailleurs appelé à ce que la Wallonie reprenne conscience de ses responsabilités vis-à-vis des émigrés et des réfugiés.

Les associations culturelles et immigrées ont lutté longtemps sans résultat marquant, notamment en ce qui concerne le droit de vote pour tous – c'est à dire aussi les non-Européens –, que l'Institut Jules Destrée revendique également. Malheureusement, nous devons constater que, sur cette question, le Premier ministre s'est… dégonflé. Quant à nous, notre attitude est la même sur cette mise en œuvre du Traité de Maastricht ou sur la question des réfugiés : nous ne pouvons baisser les bras face aux tergiversations politiques qui font obstacle à l'obtention de ce droit fondamental – d'autant que, même pour les Européens, le droit de vote sera freiné par les obligations administratives. La continuité de notre action est requise pour pallier à la démotivation de ceux qui se battent sans moyens concrets. Il nous appartient de veiller à ce que la dimension essentielle de la citoyenneté ne se dissolve pas dans les ghettos de l'exclusion pour celles et ceux qui, en Wallonie, ne peuvent prendre part à la vie de la cité.

L'urgence est à nos portes :  les cas sont nombreux d'expulsions de familles étrangères pourtant installées en Belgique depuis plusieurs années, même s'ils soulèvent, parmi les populations locales, un vif élan de solidarité.

Faut-il souligner que ce sujet nous fait baisser les yeux alors que l'heure est à la fête de la Wallonie. Non loin de Liège, à Vottem, le premier Centre fermé pour Réfugiés de Wallonie a scellé ses grilles sur des êtres humains, adultes ou enfants, dont le seul crime est de s'être vu refuser le séjour en Belgique au titre de réfugiés politiques. Cinq centres de ce type fonctionnent déjà en Flandre. Près de deux cents étrangers illégaux peuvent être accueillis – ou faut-il dire détenus ? – dans celui de Wallonie.

Avec la Ligue des Droits de l'Homme, nous dénonçons cette atteinte à l'article 9 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme qui proclame que Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé. De cœur avec la cinquantaine d'associations qui ont constitué le Collectif appelant à la résistance contre les Centres fermés pour Etrangers illégaux, l'Institut Jules Destrée et nous, Wallonnes et Wallons, nous réaffirmons notre refus de voir enfermer, dans l'arbitraire le plus total, des personnes qui n'ont commis aucun délit. Avec eux, nous attestons que, en criminalisant et en diabolisant ces candidats réfugiés politiques, le gouvernement fédéral belge joue le jeu de l'extrême droite et que nous nous désolidarisons de ces pratiques.

N'avons-nous pas tous en tête les images de villages détruits, des routes saturées d'hommes, de femmes et d'enfants désespérés, démunis, marchant vers nulle part ? Ne sommes-nous pas émus un instant avant de passer au sujet suivant de l'actualité ? Et, s'ils arrivent à nos portes au bout d'un chemin de peur et de misère, est-ce pour être traités suivant les principes mêmes qui les ont fait fuir leur foyer ? Nous pensons, avec Amnesty International, que chaque réfugié atteignant une nouvelle frontière porte en lui une atteinte aux Droits de l'Homme : chaque réfugié a fui la violence ou la persécution. Bien sûr, le nombre de demandes d'asile politique en Belgique ne cesse de croître. Faut-il pour cela augmenter jusqu'au grotesque les critères de recevabilité des dossiers ? Nous sommes complices de ces procédures qui font attendre un candidat réfugié jusqu'à cinq à six mois avant que son dossier ne soit ouvert par l'Office des Etrangers.

Refusons devant ce monument dédié à Arille Carlier et à Maurice Bologne, d'être les témoins passifs de la démocratie en danger. En fêtant dignement la Wallonie citoyenne, refusons l'exclusion. Il nous appartient aujourd'hui de proclamer avec force, pour chaque être humain sans distinction, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Il nous appartient aussi de la mettre en œuvre sans faillir, à chaque seconde de notre vie. La fête a ses joies, mais la démocratie a ses devoirs.

 

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