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Allocution de clôture du congrès
La Wallonie au futur

Robert Collignon
Ministre-Président du Gouvernement wallon
 

S’il est une attitude qui, depuis onze ans, a transcendé les différents gouvernements dont la responsabilité est de conduire la Wallonie, c’est bien l’attention et le soutien qu’ils ont apportés aux congrès initiés par l’Institut Jules Destrée sous le titre général de La Wallonie au futur.

Ainsi, mon prédécesseur Melchior Wathelet avait-il raison, en octobre 1987, de considérer que Vers un nouveau paradigme était certainement, depuis longtemps, la réflexion la plus intéressante et la plus riche tant par les thèmes choisis que par les personnalités – hommes d’action et / ou intellectuels – qui y ont participé.

De même, nous serons dans l’actualité de ce jour si je rappelle la formule utilisée par mon collègue Bernard Anselme lors du congrès Le défi de l’éducation tenu à Namur en octobre 1991, je le cite : Les Wallons, vous le démontrez ici, construisent leur avenir en suivant la démarche pesée et pensée de leurs intellectuels et de leurs chercheurs, de leurs praticiens, de leurs acteurs économiques et sociaux. Fin de citation.

Quant au congrès d’octobre 1995 consacré aux stratégies pour l’emploi et au Livre blanc de Jacques Delors, j’ai pu moi-même en le clôturant souligner à quel point l’interpellation du politique par un vaste panel de Wallons éminents était importante tant pour le Parlement que pour mon gouvernement. Les contacts qui ont suivi l’ont d’ailleurs montré puisque Michel Quévit, au titre de rapporteur général du congrès, avait été invité à poursuivre son rôle de porteur d’idées, non seulement en présence de plusieurs membres du gouvernement, mais aussi devant la Commission de l’Economie du Parlement wallon, à l’invitation de son président, Michel Forêt.

C’est dire si, quand certains évoquent la difficulté de mettre en place des passerelles fiables entre la société et les responsables politiques et sociaux comme entre les chercheurs et les entrepreneurs, l’action du congrès La Wallonie au futur a été salutaire depuis le début de ses travaux en 1987.

Lieu de rencontre particulièrement diversifié et ouvert, le congrès est aussi bien plus. Que l’on parcoure les deux mille pages de ses actes ou les conclusions denses de ses rapporteurs, on y lit un formidable cahier des charges pour les décideurs de Wallonie. Mais ce qui frappe aussi dans votre dynamique, c’est la volonté de fixer l’horizon et de tracer le chemin là où l’œil ne semble plus porter. Cette perspective est celle avec laquelle, par votre réflexion collective de ces deux jours, vous avez tenté de mesurer la pertinence de ce qui avait été tracé dès 1987.

Cette perspective est aussi celle qui génère l’impatience de voir que, souvent, les idées mettent plus de temps à parcourir le chemin que le regard prospectif n’en a mis à les concevoir.

Ainsi, aujourd’hui, si certains axes de 1987 nous paraissent banals, ce n’est pas parce qu’ils ont été formulés banalement mais plutôt parce que, souvent pertinents, ils se sont inscrits dans nos réalités quotidiennes à force d’avoir été répétés, relayés, décortiqués, formulés à nouveau. Or, il faut le souligner, c’est surtout en s’en dépossédant tout en leur restant obstinément fidèle que l’on assure le succès de ses idées.

On parle abondamment aujourd’hui de la nécessaire dimension culturelle, au sens large du terme bien sûr, d’une gestion moderne de la Wallonie. On a évoqué aussi, me dit-on, l’idée d’une quatrième Région germanophone.

Me permettrez-vous de citer l’auteur d’une contribution au colloque A l’enseigne de la Belgique nouvelle qui s’est tenu en 1989 à l’ULB ?

Sous le titre impertinent La Communauté française ou le paradoxe de la réforme de l’Etat, j’écrivais que le fédéralisme belge serait enfin arrivé à maturité lorsqu’il comprendrait quatre entités, Flandre, Wallonie, Bruxelles et Région germanophone, dotées d’un territoire propre et de compétences identiques, au terme d’un scénario hélas inconcevable aussi longtemps que les Flamands non bruxellois s’obstineront à vouloir influer sur la politique mise en œuvre à Bruxelles.

Je soulignais que le transfert aux Régions de compétences telles que la formation professionnelle ou le tourisme, par exemple, pourrait intervenir sans attendre cette hypothétique clarification de notre paysage institutionnel. C’est ce qui s’est produit en 1993.

Enfin, au risque alors de choquer, j’écrivais, je cite, qu’il existe probablement une culture bruxelloise, il existe sans doute une culture wallonne et incontestablement une culture flamande mais, conçue sur le terrain spécifiquement belge, la culture française n’existe pas. Ou plutôt, elle constitue une forme de superstructure réunissant la culture bruxelloise et la culture wallonne, fin de citation. Or vos travaux, et quelques autres indices récents, me donnent à penser que nous sommes plus nombreux qu’hier à réfléchir sur ces notions et j’ai trouvé, évidemment avec plaisir, dans vos documents de réflexion l’adhésion à une politique régionale de soutien à de grands événements culturels et aux outils qui contribuent à l’identité wallonne.

C’est que ces deux axes ont été un souci constant de la Présidence du gouvernement wallon depuis 1994 comme jamais auparavant. C’est dans cet esprit que nous avons pris l’initiative de célébrer dignement dès cette année-là les efforts des Résistants wallons pour la libération de ce pays, le souvenir de la bataille des Ardennes et les souffrances de nos 70.000 prisonniers de guerre, puis l’anniversaire du Congrès wallon de 1945, celui de la grande grève de 1960 et celle des femmes de la FN pour l’égalité, l’arrivée des Italiens en Wallonie et les vagues d’immigration qui ont suivi, les figures d’Adophe Sax, Félicien Rops, Magritte ou Delvaux.

De même, en rappelant dans un ouvrage prestigieux les atouts et références de la Région lors de son quinzième anniversaire, en créant les archives de Wallonie aux Moulins de Beez, en initiant une politique de réaffectation de nos grands monuments classés pour y installer des institutions publiques régionales, nous avons toujours privilégié le mariage entre la modernité de la gestion et l’affirmation de nos spécificités passées et présentes, avec la volonté de faire autre chose du pouvoir régional qu’un rouage administratif parmi d’autres ou qu’un simple guichet pourvoyeur d’aides publiques.

Quant à ces aides régionales, ce n’est pas un hasard non plus si elles ont aussi contribué ces dernières années, sous mon impulsion, à l’équilibre de l’Opéra royal de Wallonie, à la naissance des Francofolies de Spa, au développement du Festival musical de Wallonie, à l’essor du Tour cycliste de la Région wallonne, pour ne citer que quelques exemples.

Je crois que le pari de l’identité wallonne lancé en 1994 est aujourd’hui en passe d’être gagné et le programme même de ce Congrès en était une indication supplémentaire.

Dans le même ordre d’idées, j’ai retrouvé beaucoup d’autres choses avec satisfaction dans le rapport préliminaire que vous avez diffusé en vue de l’évaluation et du repositionnement du Congrès : une dénonciation des effets pervers du sous-régionalisme, la décision de réfléchir au présent et à l’avenir de la Wallonie en dehors de toute comparaison avec la Flandre, le besoin d’un contrat social régional, la nécessité d’une revalorisation de notre enseignement technique et professionnel en synergie avec les entreprises wallonnes, un appel au décloisonnement des politiques, bref autant de concepts parmi d’autres que je me suis efforcé, pour ma part, de défendre ou de concrétiser à mon niveau depuis plus de dix ans également, d’abord comme chef de Groupe au Conseil régional wallon, puis comme membre de l’Exécutif et enfin comme Président du gouvernement.

Je me félicite de cette identité de vues sur autant de thèmes dont l’importance paraît aujourd’hui évidente à tous pour l’avenir de la Wallonie. Je n’y vois là rien que de très naturel puisque, en effet, les plus hauts responsables politiques engagés dans la conduite des affaires wallonnes sont toujours restés à l’écoute des congressistes de La Wallonie au futur et que ces derniers, en se positionnant constamment par rapport à la politique menée ou à mener en Wallonie, n’ont pas manqué non plus, je crois, d’écouter à leur tour les acteurs de cette politique, comme ce fut le cas largement aujourd’hui.

Au vu de mon expérience au gouvernement wallon depuis bientôt sept ans, je ne crois pas en tous cas, pour ma part, à l’existence d’un rideau imperméable entre le milieu politique et les phares de la société civile wallonne et, si je me réjouis de l’effort d’évaluation collective dans lequel vous nous avez entraînés hier et aujourd’hui, c’est parce que vous avez fait porter cette évaluation non seulement sur l’action des politiques mais aussi sur celle de tous les autres acteurs qui, ces dernières années, ont fait de la Wallonie ce qu’elle est, acteurs dont la plupart sont présents dans cette salle, tout comme lors des précédents congrès sur La Wallonie au futur.

Chacun mesure la difficulté de la tâche d’évaluation que vous avez voulu mener. Cette démarche sera à nouveau nécessaire pour dire si ce congrès Sortir du XXème siècle aura répondu à nos espérances et je ne souhaite pas me substituer à cette tâche. Toutefois, ce qui m’apparaît déjà, c’est que cet événement aura fait beaucoup pour permettre d’insuffler une culture d’évaluation décomplexée et efficace chez tous les participants, afin qu’eux-mêmes en deviennent porteurs dans les milieux où ils agissent.

L’évaluation est, dans la société d’aujourd’hui, une démarche indispensable, surtout dans le secteur public. Elle est souvent invoquée mais moins souvent mise en œuvre car elle subit encore la méfiance, la culpabilisation potentielle à laquelle elle reste trop souvent assimilée.

Les derniers gouvernements régionaux n’ont pourtant pas manqué de faire cet effort de remise en cause, de réorientation ou de renforcement de leurs axes d’action, non seulement après chaque échéance électorale comme il se doit mais aussi en cours de législature. Je songe au Programme Plus au début de cette décennie, aux Deux milliards pour l’emploi de l’équipe Spitaels et, bien sûr, à notre propre Déclaration de Politique régionale complémentaire adoptée en novembre 1997 après que j’en aie proposé, deux mois plus tôt, la philosophie et les thèmes majeurs lors d’un Congrès à Gembloux : décloisonnement et transversalité de l’action, dynamisation, attractivité et citoyenneté de la Wallonie.

L’évaluation et la prospective ne sont donc rien si elles ne débouchent pas sur l’innovation. Or innover, nous allons encore le faire, et contribuer à la Wallonie du futur, via la réorientation de nos outils économiques dans un sens qui me semble très largement répondre à bien des suggestions que j’ai retrouvées, elles aussi, dans votre rapport préliminaire.

Ce n’est pas par hasard que j’ai choisi le jour de votre Congrès pour en dire davantage à ce propos dans la presse écrite et à la radio. J’entendais apporter de la sorte moi aussi une pierre à l’édifice de vos réflexions et en même temps une contribution concrète puisqu’en voie de finalisation pour sortir la Wallonie du XXème siècle la tête haute.

La Région entend donc aujourd’hui déclencher une nouvelle réforme à la veille du vingtième anniversaire de la SRIW, au travers de deux modifications structurelles significatives que je voudrais vous détailler.

La première impose que la SRIW se recentre sur son rôle de société d’investissement et d’initiateur pour la mise en œuvre de grands projets régionaux, ce qui signifie qu’elle devra développer des actions spécifiques dans certains secteurs prioritaires pour le développement futur de la Wallonie : les déchets, l’environnement, les technologies nouvelles, les télécommunications, le logement moyen, les industries culturelles, autant d’axes qui méritent qu’une société régionale de développement leur consacre son temps, son argent et son énergie.

Parallèlement, la deuxième modification structurelle répondra à la volonté du gouvernement wallon de disposer d’un lien plus direct avec les actuelles filiales spécialisées en mission déléguée de la SRIW : la SOWAGEP, la SPAQUE et la SWS. La Région wallonne entend désormais détenir elle-même le capital des sociétés qui assumeront leurs missions à l’avenir.

La SRIW, pour sa part, mettra très prochainement en place au moins quatre pôles dépendant d’elle, autour des télécoms, de l’environnement, des technologies nouvelles et du logement moyen, dans lesquels elle investira 30 à 40 % de son capital sans avoir recours au soutien public.

Elle recherchera en outre des cofinancements avec le secteur privé en vue de financer le développement de ces politiques. L’ouverture aux investisseurs privés du capital de filiales stratégiques de la SRIW sera donc étudiée dans les pôles qui le nécessiteront, mais non dans la maison-mère SRIW.

La potentialité ainsi ouverte au secteur privé amplifiera considérablement, à terme de deux à trois ans, les moyens d’action pour soutenir tous les grands projets régionaux.

J’ai voulu donner ces précisions aujourd’hui parce qu’au centre des préoccupations de ce Congrès se trouvaient notamment les questions de la pertinence des diagnostics posés ici, de l’adaptation des politiques wallonnes à ces diagnostics et de la jonction entre la pensée et l’action. Or par la réforme des outils économiques le Gouvernement va rencontrer les réflexions d’un large prisme de décideurs wallons ici présents sur les nouvelles stratégies à mettre en œuvre pour orienter significativement les conditions du développement futur de la Région.

J’aurais pu choisir d’autres exemples, mais j’ai préféré épingler celui qui est le plus d’actualité avec l’opération Cockerill-Sambre, dont on ne mesure pas assez non plus, je crois, à quel point elle est aussi emblématique que l’entreprise qu’elle concerne, à quel point elle signifie que la Wallonie est à un tournant de son histoire !

 

Mesdames et Messieurs,

La démonstration que vous avez faite durant ces deux journées – au sein des six carrefours interdisciplinaires et des trois dialogues stratégiques – de votre capacité d’analyse, de remise en question, d’innovation et de recherche de consensus me réjouit car elle témoigne, je crois, d’une nouvelle volonté de la société wallonne de se positionner pour demain, consciente des atouts qu’il lui faut mettre en valeur et des retards qu’il lui reste à rapidement résorber.

Organisateur de ce congrès, l’Institut Jules Destrée semble lui-même être passé maître dans les enjeux qu’il avait choisi de mettre en débat aujourd’hui : développement, décloisonnement, citoyenneté, à l’exemple de la Déclaration commune des partenaires sociaux et du pouvoir régional signée dès le début de cette législature. J’en ai encore rappelé l’esprit aux dernières Fêtes de Wallonie en pressant tous les décideurs wallons de sortir des raisonnements cloisonnés et en exhortant tous les Wallons à penser plus largement l’avenir de leur Région désormais, en transcendant comme on l’a fait ce jour les frontières de compétence imposées par des règles institutionnelles étriquées.

Par delà, l’Institut Jules Destrée a eu la capacité ces dernières années non seulement de se positionner comme un relais de la société civile en Wallonie, mais aussi comme un partenaire des pouvoirs publics, et particulièrement de la Région wallonne. Qu’il en soit ici félicité tout comme pour la mise sur pied de ce congrès.

 

Mesdames, Messieurs, je suis de ceux qui peuvent légitimement se réjouir de l’intérêt accru porté ces derniers mois à la Wallonie et à ses politiques dont certains ne mesuraient pas assez, il y a quelques années, toute l’importance pour nos concitoyens.

Ce nouveau débat wallon et la qualité de votre assemblée sont réconfortants pour le futur de notre Région, elle qui a trop longtemps souffert de l’indifférence d’une partie de ses décideurs. Puisse cette embellie se confirmer et s’amplifier encore après juin prochain !

Je vous remercie.

 

 

 

 

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