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Rapport du carrefour 3
Habitudes sociales, culture et patrimoine

Isabelle Lefebvre
Ingénieur civil
Conseiller scientifique ULB-Interface
 

Validité des congrès précédents

Il est clair que les enjeux définis pour la société wallonne par les congrès précédents constituaient des constats adéquats de la situation de la Wallonie. C’est particulièrement évident pour la réflexion concernant le projet culturel wallon.

En effet, si l’on reprend les grands thèmes des constats et analyses précédents, on ne peut être que frappé de leur adéquation au débat actuel. Ainsi par exemple :

  • Tout d’abord, de façon très générale, c’est la revendication d’un projet culturel en Wallonie, lié intimement à la question de l’identité wallonne, qui s’impose avec force. Un des témoins a ainsi insisté sur la nécessité d’une affirmation positive de la Wallonie à travers une réappropriation de son passé (hors vision passéiste ou folkloriste) en vue d’un projet qui oriente dynamiquement l’avenir.
  • Le fait que le projet culturel doit s’articuler à d’autres projets et, plus particulièrement, à l’économique est aussi un des leitmotive, d’autant plus que le sentiment d’appartenance à la Région wallonne ne pourrait être que favorisé par la bonne santé économique de la Wallonie.
  • Un des constats opérés par les congrès précédents était que la Wallonie ne disposait pas d’institutions culturelles spécifiques pour gérer la culture ainsi que des moyens financiers et matériels qui leur sont attachés. On peut dire que ce constat est devenu, ces derniers temps, une critique majeure et récurrente dans le chef de ceux qui plaident pour que la Région puisse exercer pleinement des compétences culturelles.

Si ces quelques constats issus des congrès se révèlent bien-fondés (ainsi que de nombreux autres auxquels je ne puis faire ici allusion, faute de temps), cela ne veut évidemment pas dire qu’ils ont trouvé leur pleine concrétisation à travers les politiques menées ces dix dernières années. De nombreux intervenants lors de notre carrefour relevèrent d’ailleurs ce fait. A travers leurs témoignages, parfois anecdotiques, on pouvait décoder les signes d’une frustration par rapport au projet initial.

Néanmoins, il faut constater que, depuis ce même nombre d’années, on a pu assister à la régionalisation de certains secteurs de la politique culturelle comme le patrimoine, le tourisme, la politique multiculturelle, etc.

Dans les stratégies proposées par les congrès, il me semble qu’on peut retenir de nos débats, en ce qui concerne le projet culturel, la nécessité de lier, de façon générale, la politique culturelle aux politiques économiques et sociales et que ce n’est sans doute que comme cela qu’un redéploiement de la Région wallonne peut avoir lieu.

 

Stratégies innovantes

En vue de consolider ou de développer un sentiment identitaire qui soit une source de dynamisme et de confiance pour l’ensemble de la société wallonne, plusieurs personnes ont rappelé qu’il est important de maintenir une double démarche : d’une part celle de l’enracinement – notamment par l’identification et la valorisation des spécificités wallonnes – et la réappropriation du passé, et d’autre part, la démarche de l’universalité, c’est-à-dire la défense des valeurs universelles portées par la Wallonie et l’ouverture de la Région vers l’extérieur.

Par ailleurs, il a été souligné que la notion de culture, si elle se réduit aux beaux-arts, est une compréhension réductrice du phénomène culturel. La culture doit être vue sous un angle pluridisciplinaire. Ainsi par exemple, la culture scientifique et technique est encore trop rarement prise en considération. Elle est cependant un exercice de la rationalité et donc de la démocratie, dans la mesure où elle peut constituer un barrage aux tentations irrationnelles et démagogiques. Elle est également un facteur de développement économique déterminant à long terme. La politique culturelle doit, dès lors, favoriser la vulgarisation scientifique et l’appropriation de ces matières par le plus grand public. Universités et écoles ont ici, bien entendu, un rôle majeur à jouer.

De même, une politique culturelle complète doit mener le citoyen à une meilleure compréhension des mécanismes sociaux et économiques qui l’entourent. L’éveil à la citoyenneté fait partie intégrante de la culture; la restauration de l’intérêt du citoyen pour la question politique doit faire partie intégrante d’un projet culturel digne de ce nom.

De même, la culture se doit d’assurer une fonction de mobilité sociale. La culture doit devenir un facteur d’égalité des chances pour tous. Et il ne peut pas y avoir de culture dominante ou de dominants ni de culture dite subalterne, d’immigrés ou de chômeurs.

Il a été signalé que l’effort doit porter sur les industries culturelles créatrices d’emplois avec une attention particulière pour l’audiovisuel et les "nouvelles technologies" (tout le champ du multimédia).

En ce sens, la politique développée actuellement concernant le cinéma avec son fonds d’aide à l’industrie cinématographique a été relevée comme un exemple à poursuivre et à développer. Pour un des témoins; il s’agit même d’aller beaucoup plus loin dans cette voie et de l’étendre à d’autres industries culturelles. Il faut saisir la chance de l’émergence des NTIC en tant que vecteur d’un nouveau projet culturel : lieu d’échange et de partage, de créativité, de diversité, d’expression des minorités, et facteur d’égalisation des chances. Si, au niveau technique, beaucoup de choses existent, tout reste à inventer au niveau culturel.

Il s’agit par exemple de pouvoir aider des petites structures d’édition de livres, de CD, d’électronique, etc. Avec la SRIW, une filiale pourrait être mise en place et des options stratégiques définies.
A propos des TV locales et communautaires, un intervenant a suggéré que des réseaux médiatiques soient créés. Des programmes devraient ainsi être réalisés en commun, à destination de toute la Wallonie et même distribués à l’extérieur de la Wallonie. Ces échanges d’informations sur les différentes régions de Wallonie contribueraient très certainement à développer des liens positifs entre Wallons et à renforcer le sentiment d’une identité régionale wallonne. Les télévisions locales et communautaires pourraient également entrer en réseau avec les centres culturels, dont le tissu en Wallonie est loin d’être négligeable, et inventer des projets communs. Elles devraient être considérées comme des instruments du développement territorial, et recevoir les moyens de mener cette mission à bien.

En ce qui concerne la politique du tourisme ou du patrimoine, le carrefour a salué des réussites assez éclatantes – que l’on pense par exemple au succès des journées du patrimoine – qui allient avec bonheur divers domaines (culturels, économiques, sociaux,...) et qui, de cette façon, répondent à l’idée de nouveau paradigme analysée par les congrès. Plus particulièrement en valorisant les interactions, en articulant les différents champs et en décloisonnant les politiques.

Un intervenant a insisté également sur le fait que la politique du patrimoine induit, par son objet même, une prise de conscience de l’identité wallonne via une stratégie de réappropriation et de visibilité de son passé et de sa culture. Ce travail de mémoire collective permet de remettre en évidence des lieux porteurs de sens et d’histoire. Il doit être poursuivi et intensifié, d’autant plus qu’il constitue une source potentielle de création d’emploi importante.

Un témoin, établissant un parallèle entre les projets culturels et la création de spin-offs universitaires, a plaidé pour que certains projets culturels puissent être abordés avec un esprit entrepreneurial, valorisant le risque et donc pouvant comporter la possibilité d’un échec inhérente à tout projet scientifique. Je cite : Il ne faut pas tout penser en terme de rentabilité économique. Il faut également favoriser l’audace. Ne pas pratiquer l’autocensure par l’échec.

Plusieurs intervenants ont insisté sur le fait qu’il faut donner aux créateurs la possibilité de travailler en Wallonie et leur éviter l’exode systématique. Bien que des efforts substantiels aient déjà été faits dans ce sens, le renforcement et la création de nouveaux espaces culturels wallons de qualité est apparue comme une nécessité. A propos des artistes, un statut qui leur soit propre et approprié a été réclamé.

En matière de politique multiculturelle, il a été signalé à plusieurs reprises que la Région wallonne doit rester une terre d’accueil tolérante, ce qui constitue un enjeu démocratique important pour une identité wallonne qui se veut ouverte, plurielle et accueillante à l’opposé d’une construction nationaliste repliée sur elle-même. Selon un des témoins, la culture doit être appréhendée comme un facteur d’intégration, de décloisonnement, d’enrichissement mutuel. Un autre intervenant a rappelé que, si l’ouverture à la culture des autres constitue une richesse, encore faut-il pour appréhender et comprendre la culture de l’autre disposer soi-même d’une culture riche.

A maintes reprises, la nécessité d’un lien privilégié entre l’éducation et la culture a été rappelé. Il a été demandé que l’école ne soit plus fermée sur elle-même, mais qu’elle accueille la culture en ses murs, par exemple en invitant des artistes, des scientifiques, des industriels, des politiques. L’école doit apprendre aux enfants à comprendre la culture selon une approche pluridisciplinaire.

 

 

 

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