Dialogue stratégique Citoyenneté
Jean-Marie Klinkenberg
Professeur à la Faculté de
Philosophie et Lettres
de l’Université de Liège
Ce panel est consacré à la citoyenneté. Il fait
la synthèse de deux tables rondes consacrées, l'une aux habitudes sociales, culture
et patrimoine, l'autre à identités, ouvertures et institutions
politiques. Ces deux carrefours étaient complémentaires car, dans le premier, on a
surtout fait des constats alors qu'on a surtout élaboré des stratégies dans le second.
Je voudrais, avant de céder la parole aux deux
rapporteuses, insister sur deux points forts de cet ensemble de réflexions. Le premier
est celui qui donne son titre à ce panel : le concept de citoyenneté, le
second est celui de culture.
La citoyenneté peut être définie de la manière
suivante : comment inscrire le politique dans la trame de la vie quotidienne afin de
donner du sens à ce politique et à la vie quotidienne ? Michel Quévit, en ouvrant
ce congrès, notait que c'était sans doute là une des mutations les plus importante qui
s'est produite entre le premier congrès La Wallonie au futur et celui-ci. Cette
préoccupation nouvelle est née à travers une interrogation douloureuse et elle semble
amorcer un réveil du peuple peuple anesthésié à la fois par la crise et par le
discours économiste culpabilisant qui le condamnait à la passivité. Mais ce concept, à
peine né, risque de n'être qu'un mot, un mot qui risque d'être vite repris par les
dictionnaires dictionnaires dont on sait que la fonction principale est d'étouffer
la langue. Ce concept ne sera pas étouffé si l'on songe qu'il n'y a pas de citoyenneté
sans cité : cela pose donc des questions sur l'Etat, sur la république, sur la
chose publique. Si bien que la question que nous aurions pu poser aux membres du panel
politique mais nous ne le ferons pas car elle est beaucoup trop vaste
est : quel état, quelle chose publique ? Question qui peut sembler
anachronique à l'époque où le moins d'Etat est devenu un dogme, où la dérégulation
est la règle. Or, il n'y a pas de contradiction aussi forte entre ces dogmes et cette
exigence de l'Etat, dans la mesure où, la citoyenneté, c'est favoriser l'émergence du
citoyen et donc légitimer l'action de nouveaux acteurs comme par exemple les
entreprises et les acteurs sociaux. C'est bien à cette culture contractuelle que d'autres
ateliers se sont attelés.
L'autre mutation importante que nous avons eu à
souligner est celle qui a trait à la notion de culture. Ce terme a, au moins depuis
l'existence du Manifeste pour la culture wallonne mais, bien sûr, cela
existait déjà avant , souffert d'une grave ambiguïté. En effet, au nom d'une
idéologie qui date du le XVIIIème siècle, on avait réduit la culture à ce que l'on
peut appeler les beaux-arts. Or on voit, à travers nos travaux, deux dimensions nouvelles
de la culture. La culture, c'est d'abord des usages sociaux, donc c'est le langage dont le
citoyen dispose pour expliquer à lui-même son propre présent que ce soit la
paupérisation économique ou la dépossession de son expression symbolique.
L'autre dimension, c'est que la culture, loin
d'être réduite aux beaux-arts : c'est aussi la culture technologique, la culture
technique. C'est, en effet, un phénomène paradoxal de constater que la science et la
technologie ont apporté la modernisation de notre univers et que, en même temps, il y a
une défiance, une peur vis-à-vis de cette science et de cette technique alors que c'est
dans ces domaines que gît la garantie de l'innovation et de la créativité.
Cet élargissement double de la notion de culture
rend non pertinentes toutes les considérations de type essentialiste que l'on a entendu
énoncer au moment où l'on opposait une culture wallonne à une culture française, etc.
C'est sur cet arrière-fond que se sont déroulés
les débats de nos deux carrefours.
|