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Dialogue stratégique Décloisonnement
 

Véronique De Keyser
Doyen de la Faculté de Psychologie de l’Université de Liège

Pierre Beaussart
Administrateur délégué de l’Union wallonne des Entreprises

Philippe Busquin
Sénateur – Président du Parti socialiste

Anne-Marie Corbisier
Députée wallonne (PSC) et Présidente du Conseil de
la Communauté française

José Daras
Député wallon, Chef du Groupe Ecolo

Serge Kubla
Député wallon, Chef du Groupe Parti réformateur libéral

Véronique De Keyser :

Les questions posées au panel politique sont :

– Quel type d’évaluation externe en matière d’aménagement du territoire et des politiques sectorielles êtes-vous prêt à mettre en œuvre ? Face à la multiplicité de nos systèmes et niveaux d’action publique – et surtout, si un territoire comme la Région wallonne se donne des orientations stratégiques et des programmations à moyen et long terme, c’est-à-dire des objectifs – l’évaluation peut répondre à toute une série de questions – Mme Dupoirier les a énumérées –, l'adéquation des résultats des politiques publiques par rapport aux objectifs initiaux, l’efficacité des programmes et le sens de l’action publique.

– Quel type d’évaluation externe à moyen et long terme êtes-vous prêt à mettre en œuvre, sachant qu’il y a deux types d’évaluation externe; l’évaluation de type manageuriale – à la Mac Kinsey – et l’évaluation démocratique, un office rattaché éventuellement au Parlement wallon composé à la fois de représentants politiques, d’experts, de représentants de la société civile ?

– Etes-vous donc prêt à compléter notre système articulé de différents pouvoirs – le législatif, l’exécutif, l’administratif, le judiciaire – par, d’une certaine façon, un nouveau plan de l’action publique, c’est-à-dire un plan d’évaluation externe dans tous les secteurs, pour toutes les compétences de la Région et de la Communauté ?

Serge Kubla :

Votre question me laisse un peu pantois. Vous semblez donner tant de vertus à l’évaluation ! Personnellement, je n’ai pas le sentiment qu’elle est à ce point indispensable. Je pense qu’il faut d’abord de l’action. Notre société n’est pas une espèce de photographie figée, elle est composée de gens qui bougent sans cesse, d’éléments incontrôlables et, parfois, nous nous perdons dans les rapports, dans les constats, dans les procédures obligatoires de concertation, dans les multiples interrogations préalables à toute décision. Donc, je suis demandeur d’une certaine évaluation scientifique régulière mais je ne lui donnerai pas toutes les vertus. D’ailleurs, pour évaluer, il faudrait déjà qu’il y ait des plans et il faudrait qu’il y ait des programmes – j’aime assez celui de M. Quévit – avec des objectifs, avec des dates, avec des engagements budgétaires, avec des réalisations que l’on peut quantifier.

Si on pouvait prendre un indicateur, je choisirais sans doute le plus impossible à définir, celui du bonheur. L’indicateur le plus important est celui du bonheur des gens, malheureusement, il est impossible à préciser. Dès lors, vous me ramenez aux réalités bien concrètes. En termes d’aménagement du territoire, nous sommes demandeurs depuis longtemps pour qu’il y ait d’abord une réflexion, un projet. L’essentiel de l’effort a été axé sur une réforme du Code : c’est assez peu emballant et, pour l’instant, cela ne marche pas. Il faut donc plutôt voir quelles sont les orientations parce que, pendant que nous hésitons, les régions qui nous entourent avancent, elles ont défini des orientations en terme d’aménagement du territoire, qu’elles mettent côte à côte et qui forment tout doucement un maillage européen dans lequel la Wallonie reste une partie vierge de projets.

Donc, avant même d’évaluer, commençons par nous donner une orientation. Evidemment, nous restons fort figés en terme d’aménagement du territoire. Dois-je vous rappeler, par exemple, que les plans de secteurs sont censés être révisables tous les dix ans. Personne n'ose y toucher parce que chacun mesure sans doute les nœuds, prétextes à procès, à conflits d’intérêts multiples que sous-entend chaque modification du plan de secteur. Et c’est vrai que des ministres nous ont dit : J’ai une difficulté morale à spolier des gens en changeant l’affectation des terrains qui sont leur propriété, j’ai le même scrupule à en enrichir d’autres en leur donnant des plus-values. Alors, veut-on aller vers une immense caisse de compensations qui, petit à petit, ferait en sorte que les plus-values permettent de financer les déficits ? C’est une voie très dangereuse.

La première nécessité est donc de coordonner, avec les voisins européens, notre vision d’aménagement du territoire et de rentrer dans une certaine forme de dynamisme plutôt que l’actuel attentisme.

La mobilité me paraît tout aussi indispensable comme sujet de réflexion et de décision. Je suis angoissé à l’idée que personne ne veuille vraiment se saisir de ce dossier. Nos villes sont asphyxiées, les transports en commun n’évoluent pas selon les besoins. Toutes les études démontrent que, de plus en plus, les gens, malgré les handicaps de la circulation, s’obstinent à prendre leur voiture individuelle. Bientôt nos villes seront impraticables, nous allons perdre un temps colossal dans les embouteillages et dans les arrêts de toute la circulation des grands axes et des villes. Donc, à propos de la mobilité aussi, je souhaite une réflexion dynamique : que l’on sorte des études. Cela m'inquiète dans l’hommage vibrant que vous avez adressé à la réflexion assez académique et à une observation qui peut être participative – j’en conviens volontiers.

Je crois que nous connaissons tous les constats, nous savons tous ce qui ne va pas, nous savons exactement quels sont les points de blocage de notre société, nous savons aussi les difficultés qu’il faut surmonter pour faire changer ces choses. Alors, avant même de parler d’évaluation, je voudrais parler d’action. Je voudrais vraiment que, si un congrès comme le vôtre se consacre à la Wallonie au futur, cela débouche sur une volonté, non pas seulement de disséquer ce qui se fera et de le peser de manière scientifique ou participative, mais, surtout, sur un appel à ce qu’il y ait un changement réel dans la façon dont les dossiers sont aujourd’hui traités. Je voudrais vraiment que, au niveau des décideurs et de ceux qui ont le pouvoir de lancer des réflexions ou des décisions, il y ait une prise de conscience. On ne peut plus attendre : si on veut participer, si on veut rencontrer ceux qui analysent et qui ont des méthodes d’appréciation qui seraient sans doute utiles, il faut les rencontrer pour voir où on en est, non pas tous les ans, parce que depuis dix ans je peux vous faire un constat qui se répéterait et qui serait assez débilitant. Il faut les rencontrer sur des objectifs, bien plus que sur une situation qui, à mes yeux, est pour l’instant relativement figée. Voilà ma réponse sur la question de l’évaluation.

Véronique de Keyser :

Merci M. Kubla. Je retiendrai que vous avez l’impression que l’évaluation ne privilégie pas l’action. Je ne suis pas sûr qu’il y ait une dichotomie. Vous nous avez dit aussi nous savons ce qui ne va pas. Je ne suis pas certaine que cette transparence vis-à-vis du citoyen soit aussi évidente. La preuve en est, chaque fois qu’il y a un dysfonctionnement, tout le monde s’étonne. Donc je reprendrai le mot de Mme Dupoirier, l’évaluation est aussi un instrument démocratique de transparence vis-à-vis du citoyen.

Pierre Beaussart :

Je crois qu’on pourrait mettre un vocable sur tout ce qui a été dit jusqu’à présent : c’est "politique volontariste", parce que vous souhaitez implicitement ou explicitement que l’on développe, en Wallonie, une stratégie de progrès en fixant des objectifs de progrès. Et l'Union wallonne des Entreprises est très intéressée parce qu’une entreprise ne peut vivre, ne peut exister à terme que si elle se fixe effectivement des objectifs de progrès qui montrent une avancée significative par rapport à sa situation actuelle. Je dis également très clairement qu’une entreprise, ce n’est pas le public et que le public, ce n’est pas une entreprise. Il ne faut pas transposer simplement les méthodes qui sont en vigueur dans les entreprises. Je crois qu’il faut être extrêmement prudent dans ce domaine-là. Quand on réfléchit de manière intellectuelle, que fait-on, dans une entreprise ?

D’abord, on se situe. Où en sommes-nous actuellement ? Ce qui signifie qu’on a une série de chiffres correspondant à des paramètres choisis et, malheureusement, il faut bien le constater dans toute une série de domaines – que ce soit au niveau fédéral ou au niveau régional –, nous manquons encore cruellement de chiffres. Le premier problème, c’est donc l’alimentation en chiffres de base.

Un deuxième aspect, c’est – lorsque l’on possède ces chiffres – qu'il faut savoir ce qu’ils signifient : il faut donc se comparer. C’est une technique qui a de plus en plus cours actuellement. Se comparer par rapport à d’autres entreprises ou d’autres régions similaires ou connaissant le même type de situation. Nous ne sommes pas la Flandre et je suis très adversaire aux comparaisons immédiates nord – sud et Wallonie – Flandre, mais il y a d’autres régions qui sont comme la nôtre avec un passé industriel, avec un certain type d’infrastructures, avec les mêmes problèmes. Je pense, par exemple, au Nord – Pas-de-Calais, à la Sarre, à différentes régions anglaises et même à des régions américaines. Donc, ayons au moins des références, des chiffres de référence, à propos de ce qui se passe dans notre région. Cela me paraît vrai dans le domaine de l’éducation, mais cela me paraît devoir être vrai également dans tous les domaines de l'aménagement du territoire au sens large.

Lorsque l’on a ces éléments de comparaison, la troisième étape est la fixation d’objectifs qui doivent, dans toute la mesure du possible, être chiffrés. Que voulons-nous faire, non pas instantanément, mais à moyen et à long terme ? C’est une des difficultés lorsqu’on se situe par rapport à la démarche politique, qui est une démarche qui s’inscrit dans un cadre limité puisque les élections surviennent tous les quatre ans. D'où l’importance de programmes pluriannuels qui dépassent l'échéance électorale

Quatrième aspect, lorsque l’on a fixé les objectifs, il faut comparer la situation réelle par rapport à l’objectif. La boucle, à ce moment-là, est bouclée. Il ne suffit pas simplement de constater que l’objectif a été atteint, dépassé ou n’a pas été atteint, mais il faut, surtout, expliquer pourquoi on n’a pas atteint l’objectif, comprendre le mécanisme, comprendre le phénomène et se poser la question : que peut-on faire pour la fois suivante, pour la période suivante, que peut-on faire pour améliorer la performance ?. Je crois que cela, c’est une démarche classique, connue dans les entreprises, même dans les petites entreprises. Aujourd’hui, il doit y avoir moyen, mutatis mutandis, de faire la même chose au niveau d’une région ou d’un Etat et je puis dire que cela se fait déjà dans toute une série de domaines de l’action publique.

Reste le problème de savoir qui doit faire cette évaluation. Je crois qu’il faut partir d’une constatation : nous sommes tous des hommes et des femmes et une évaluation est toujours un exercice relativement pénible psychologiquement. Par conséquent, il me paraît qu’il y a une double spécificité à cette double démarche, à cette double approche. Tout d’abord, il faut avoir des témoins partiaux, des organismes extérieurs, peu importe leur dénomination mais qui devraient établir les chiffres de comparaison et puis, dans un deuxième temps, poser la question de l'utilisation des chiffres. Les questions "pourquoi ?", "comment peut-on faire à l’avenir ?", nous font retomber dans une démarche beaucoup plus politique et, à ce moment-là, ce sont les organismes où, au minimum, le politique doit figurer en très bonne place qui doivent se poser ces questions, y répondre et prendre les décisions correctives pour l’avenir. Voilà la démarche générale telle que je peux la concevoir en fonction de l'expérience que j’ai du monde des entreprises. Je crois que, en Région wallonne, pas mal d’approches, parfois peut-être inconscientes, sont déjà en cours vers ce type d’objectif.

Philippe Busquin :

Sans répéter ce que mes prédécesseurs ont dit, je voudrais simplement ajouter que, en ce qui concerne l’évaluation et en tant que scientifique, je perçois totalement l’intérêt d’une évaluation. Je crois qu'une politique d’action humaine doit continuellement être évaluée. Il ne m’appartient pas, comme politique, de définir les modalités d’évaluation, c’est plutôt à des milieux comme les vôtres de les définir et ce que Michel Quévit a dit tout à l’heure, en terminant le panel précédent, sur l’évaluation des fonds structurels européens, est un bel exemple. Donc, je crois qu'il y aura d'autres réflexions comme celle-ci, comme celle du congrès des Economistes de Langue française qui vont se pencher aussi sur l’avenir économique de la Wallonie, comme les démarches que nous accomplissons dans toutes nos structures. Nous avons lancé un projet en Wallonie, nous avons fait des colloques sur les cinq thèmes essentiels, je crois que ce sont des éléments qui montrent que nous sommes en mouvement pour voir notre évolution, pour la mesurer et l’évaluer.

Donc, je fais confiance à ceux dont c’est la fonction – les milieux universitaires, les milieux académiques, mais aussi vous. Par exemple, pour le décret de juillet 1997, je crois qu’il est en œuvre et il appartiendra au Conseil de l’Enseignement et de la Formation d’en suivre l’évolution. Mais je voudrais quand même vous rendre attentifs à un point : j’avais compris que le thème d'aujourd'hui était le décloisonnement et, avant d’évaluer, il faudrait voir aussi quels sont nos gros défauts. Notre défaut fondamental dans la société wallonne, c’est d’avoir gardé des clivages du XIXème siècle. J’ai régulièrement dit que nos systèmes d’enseignement avec trois réseaux étaient obsolètes, nous l’avons dit en 80 quand j’étais ministre de l’Education : à chaque crise, tout le monde s’en rend compte.

Véronique de Keyser :

Vous aurez l'occasion d'aborder ce problème dans la deuxième question qui portera sur des aspects pluralistes. Mais si personne n’est contre l’évaluation, en ce qui concerne le problème de l’enseignement, il est extraordinaire que tout le monde s’accorde à dire qu’il faut évaluer l’enseignement et puis que dans le panel de ce vendredi, tout le monde disait : c’est prévu, mais ça ne se passe pas. Donc tout le monde est d’accord d'évaluer mais l'évaluation n'a pas lieu.

Philippe Busquin :

Pourquoi l'évaluation n'a-t-elle pas lieu ? C’est à ceux qui sont acteurs de la faire passer. Mais le fondement de la problématique, c’est que nous sommes dans un système où l'on ne mesure pas les causes de départ, de déstructuration, des coûts supplémentaires de notre enseignement. Nous ne mesurons pas les effets extérieurs qui vont se poser sur la Région wallonne, parce que ce que nous venons de définir par rapport à l’enseignement va se répercuter avec une force incroyable par rapport au système de sécurité sociale et de santé. Et là, je crois que nous ne sommes pas assez prospectifs. En juin 1999, nous aurons un débat assez fondamental sur la réforme du système de sécurité sociale et sur les soins de santé. Nous allons retrouver les mêmes travers que ceux de l’enseignement, c’est-à-dire l’existence de deux réseaux, un réseau dit catholique et un réseau non catholique, pour donner des soins de santé à notre population. Cette dichotomie est un mal fondamental de la Wallonie, ce choix entre deux univers, entre deux structures amène des surcoûts. Il a fallu faire des économies dans l’enseignement de la Communauté française, il y avait un surcoût de l’enseignement de la Communauté française par rapport à la Communauté flamande, lié à sa structure de trois réseaux; un réseau dit libre, un réseau officiel et un réseau officiel subventionné qui s’étaient développés différemment du côté wallon et du côté flamand, puisque, du côté flamand, il y avait une suprématie à 85% du réseau libre qui n’avait pas employé l’enseignement rénové. On s’est donc trouvé avec une situation de base totalement différente.

En soins de santé, nous allons nous trouver dans une situation tout à fait comparable avec un surcoût des soins de santé considérable du côté francophone, lié au fait qu’il y a des réseaux. Quand nous parlons d’évaluation de l’enseignement, nous devons mesurer, par exemple, que la réforme du fondamental se fait, aujourd’hui, avec quelques difficultés parce que l’on n'étudie pas la question, sur le plan local, de voir quel est le meilleur enseignement que l’on peut octroyer aux enfants dans une région, mais que l’on étudie la question de savoir combien il y aura d’enfants dans l’école libre et dans l’école communale voisine. Ce sont des procédés du XIXème siècle qui empêchent d’avoir une vision prospective.

José Daras :

Je vais prendre le risque d’essayer de répondre aux questions qui ont été posées. Ceux qui me connaissent ne seront pas étonnés si, d’abord je ne suis pas tout à fait d’accord avec Serge Kubla.

C'est Edgard Morin qui a expliqué ce qu’il entendait par écologie de l’action. Quand quelqu’un prenait une décision, immédiatement après le moment où il avait pris cette décision, celle-ci commençait à interagir avec un tas d’autres éléments dans la société et finalement elle lui échappait. Elle vivait presque sa propre vie et il n’était plus sûr du résultat que donnerait cette décision. Cela vaut pour tout le monde, le décideur politique, le chef d’entreprise, tous ceux qui décident. Après que nous ayons décidé, la vie de notre décision nous échappe. Donc action, comme dit Serge Kubla, oui, mais évaluation, oui aussi.

C’est une dialogique entre les deux et si, effectivement, on n’évalue pas régulièrement ce que donne une décision qui a été prise, on risque d’avoir des surprises. Il y a, par exemple, au niveau fédéral, des décisions qui se prennent en matière d’emploi, des mécanismes qui sont créés en matière d’emploi pour favoriser certains types d’emploi, qui sont appliqués de façon uniforme sur tout le territoire de la Belgique et qui ont des résultats totalement différents en Flandre ou en Wallonie, parce qu’il y a des réalités de terrain qui sont effectivement tout à fait différentes. Une mesure qui est reçue comme une bonne mesure en Flandre peut s’avérer être, en Wallonie, une mesure qui donne de mauvais résultats ou qui n’en donne quasiment pas. Donc, action, évaluation.

Qui fait l’évaluation ? Je n’en sais trop rien. Cela dépend des situations. J’ai quelques expériences d’évaluation faites au Parlement. Des choses qui n'ont rien à voir avec le sujet d’aujourd’hui. Un évaluation des lois Van de Lanotte sur l’accès au territoire a fait l’objet d’un grand travail. Tout le monde a trouvé que c’était un excellent travail. Il s’est fait à la fois avec des responsables politiques, avec des associations de terrain, avec des experts, on a un peu tout mélangé et on arrive à une évaluation. Cela ne veut pas encore dire qu’on arrive à changer la politique. Au niveau de la Région wallonne, il y a un essai d’évaluation qui se fait pour le moment à la commission de l’Intérieur, sur la façon dont fonctionne le Fonds des Communes parce qu’on s’est rendu compte qu’il était presque impossible, pour une commune, de prévoir un an à l’avance ce qu’elle allait recevoir du Fonds des Communes, vu tous les paramètres qui entrent en jeu dans la façon dont c’est calculé. Donc, pour le moment, il y a une commission au Parlement qui travaille pour essayer d’évaluer. Je vous donne ces trois exemples pour vous dire que je n’ai pas de recette. C’est compliqué d’évaluer et c’est vraiment une préoccupation constante. Au niveau du Sénat, certains proposent de créer un office d’évaluation de la législation qui serait attaché au Sénat. L’idée vient du PSC. Cela veut dire que, vraiment, on est en train de chercher, beaucoup, pas seulement nous, d’autres partis aussi, on est en train de chercher comment on peut effectivement évaluer des politiques. Pour évaluer, il faut des critères, c’est le problème des indicateurs, c’est aussi un sujet sur lequel on travaille, dans ma formation politique en tout cas. Il y a un exemple international qui est le PNUD. Il publie chaque année un rapport sur le développement humain où il prend une série d’indicateurs, de critères qui ne sont pas simplement l’évolution du PNB. C’est un peu dans ce type de démarche que nous souhaiterions qu’on puisse s’inscrire.

Un mot sur le problème de l’enseignement. On pourra y revenir pour le décloisonnement. Dans ce décret de 1997, il est prévu un pilotage et, à l’époque, nous avons émis des doutes sur les structures de pilotage qui étaient inscrites dans ce décret. On a inscrit qu’il fallait qu’il y ait des rapports, il fallait que les rapports remontent une chaîne et puis que tout ça, cela allait constituer un outil de pilotage. Je dois reconnaître que je suis assez sceptique et que, en matière d’enseignement, je sais à quel point on peut inscrire des choses sur le papier qui se transforment en acte formel sans offrir aucun outil qui puisse fonctionner en matière de pilotage. En matière d’évaluation, c’est encore plus compliqué. Je pense que les structures prévues à l’heure actuelle dans ce décret, en ce qui concerne le pilotage, sont beaucoup trop simplement le mot pilotage inscrit dans un certain nombre d’articles et un vague schéma d’acheminement de l’information d’une façon un peu pyramidale. Je suis sceptique sur la possibilité que cela puisse fonctionner vraiment comme instance de pilotage dans notre système d’éducation.

Anne-Marie Corbisier :

Il y a deux choses qu’on semble un peu mélanger ici : c’est, d’une part, le diagnostic, d’autre part, l’évaluation. Le diagnostic, cela doit être le premier pas qui mène à élaborer un projet. Par rapport à ce projet, on met en place une politique et c’est cette politique qui doit être évaluée en termes d’objectifs, puisqu’on a eu un projet, et aussi en termes de moyens. Et donc, l’évaluation ne peut être qu’un complément du diagnostic premier. Il me semble que, trop souvent, on confond l’un et l’autre. C’est une première réaction par rapport à ce que l’on a dit et ce que j’ai entendu venant des rapporteurs.

Pour répondre aux questions et essayer de m’y tenir, je pense que l’évaluation doit être par rapport à un projet et par rapport à des objectifs. En ce sens, je pense qu’une évaluation doit être à la fois économique, sociale, environnementale, que l’on ne peut pas cloisonner l’évaluation et que, pour qu’elle soit complète, il faut utiliser le processus institutionnel mais il faut aussi que nous entrions dans notre processus de réflexion. De plus en plus, l’évaluation doit se faire par rapport à des aspirations quotidiennes et des aspirations que je dirais civiles – parce que si nous ne prenons pas en compte ces deux critères, nous aurons toujours une dichotomie entre ce que l’on veut faire et la mobilisation de la population dans sa totalité ou au moins, en grande partie. Il faut avoir ces deux éléments en tête pour pouvoir avancer globalement dans la situation.

J’en viendrai à l’enseignement. Si on veut évaluer, il faut évidemment qu’on ait pu mettre en place les politiques. Vous avez dit, Mme Liétaer, que le décret avait été voté en 1997. Il y a maintenant des missions et des objectifs bien précis qui ont été votés quant aux missions et quant aux objectifs par tout le Parlement. Il faut les mettre en place et, quand on aura eu le temps de les mettre en place, il faudra que l’on puisse évaluer par rapport à cela. Sinon, on se limite à faire un diagnostic sur une situation antérieure dans laquelle tous les acteurs de l’enseignement s’accordent à dire qu’il n’y avait pas d’objectif clair pour l’enseignement et que c’était d’abord ce qu’on voulait faire.

Pierre Beaussart :

Je crois qu’il y a deux types d’évaluation. Il y a l’évaluation technique et il y a l’évaluation politique.

Lors de l’évaluation technique, on met au point un nouvel instrument. Par exemple, dans le domaine de l’éducation, lors des travaux de la commission des qualifications, on a établi des profils de qualification et on établit actuellement des profils de formation. Il me paraît très normal, ce nouvel instrument étant mis en place, que l’on évalue les résultats. Combien d’écoles adoptent ces profils ? Quels sont les résultats obtenus en terme numérique de jeunes qui sont formés selon les nouvelles méthodes ? C’est technique et je crois que, chaque fois qu’il y a une nouvelle disposition légale, il faudrait prévoir, dans le dispositif légal, l’évaluation qui sera faite, quelle évaluation, avec quels paramètres, avec quels instruments, qui va faire cette évaluation. Premier aspect.

Deuxième aspect, l'évaluation politique. On met une politique en place dans tel ou tel domaine qui va contribuer à améliorer la situation wallonne. C’est ce que nous souhaitons tous, sans cela, on ne serait pas ici. Là, c’est une évaluation différente, beaucoup plus vaste. En voyant dans quelle mesure les grands paramètres de l’évaluation de la situation wallonne sont rencontrés, c’est un deuxième type d’évaluation. A ce moment-là, on peut voir, par exemple, quelle est l’évaluation du PIB , vous l’avez cité, quelle est l’évolution en matière sanitaire. C’est un type d’évaluation différent.

Lorsqu’il y a une décision juridique qui est prise, légale, je souhaiterais que le Parlement wallon ou celui de la Communauté française prévoient le mode d’évaluation.

 

 

 

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