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Michel Foucart
Administrateur délégué de Technor
 

Je suis fondateur d'un groupe de PME qui s'appelle le groupe "Technord" et qui comprend quatre sociétés. Une société d'informatique industrielle et d'automation, une d'entreprise générale d'électricité et d'électromécanique, une de négoce de matériel électrique et une de réhabilitation des toitures industrielles par projection de polyuréthane. Aujourd'hui, nous sommes dans la compétition européenne, nous faisons un milliard de chiffre d'affaires et nous employons deux cents cinquante personnes plus une vingtaine d'intérimaires. Une de mes grandes fiertés, c'est que nous avons été reconnus l'année dernière, septième créateur d'emplois en Wallonie, toutes professions confondues, puisque ces cinq dernières années, nous avons, malgré la crise, pu créer 120 emplois dans des métiers relativement ordinaires.

Plus je vois la mondialisation, plus j'attache d'importance à mes racines. Je suis wallon dans l'âme et c'est ainsi que j'ai accepté d'être le quatrième et le plus petit vice-président de l'Union wallonne des Entreprises.

Je pense que les Wallons ont tout ce qu'il faut pour réussir. Comme on me l'a demandé, je vais vous faire part de mon expérience, il y a deux ans environ, face au déclin du bassin industriel du Hainaut occidental, on s'est retrouvés à une poignée de patrons à se demander ce que, nous patrons, on pouvait faire face au déclin, face à la destruction du tissu économique, pour témoigner de notre intérêt par rapport au fléau du chômage des jeunes et à la déstructuration d'un bassin.

On s'est donc placés au niveau du bassin et on a instauré l'idée simple de qualité totale en partant du fait que les entreprises qui travaillent avec ce mode de management ont mieux résisté que d'autres à la compétition internationale. Les dix entreprises, tous secteurs confondus, qui sont au hit-parade de la croissance du développement, de la qualité de vie à l'intérieur de l'entreprise, se sont toutes, sans aucune exception, engagées dans cette démarche.

On a donc appliqué cette idée simple, ce mode de management qui permet aux entreprises de mieux résister et qui permet de les faire gagner au bassin industriel du Hainaut occidental. On a donc demandé au professeur Quévit et au Rider de nous aider. Au premier abord, il a été très sceptique, et puis, en avançant on a développé un concept qui tient la route pour les économistes et pour le bon sens des industriels qui portaient cette action. Un concept qui traduisait cette démarche qualité au fonctionnement d'une région.

Cette démarche peut se résumer en quelques constats. Le premier constat est que, si, dans l'entreprise privée, on parle de clients et fournisseurs, finalement dans une région, on fait le constat que chacun est à la fois prestataire de services et utilisateur de services. Quand vous vous cuisez un œuf, vous êtes le fournisseur et quand vous mangez votre œuf à la coque vous êtes le client. Si on transpose cela au fonctionnement d'une région, on est aussi, dans certaines circonstances à la fois client et fournisseur, prestataire de services ou utilisateur de services.

Le deuxième principe c'est que, comme dans l'entreprise, quand on implémente la démarche qualité, l'obsession se concentre sur la satisfaction du client plutôt que d'imposer des solutions où on anticipe les besoins sans avoir demandé aux gens ce qui les rendrait heureux. Tous les départements de l'entreprise doivent être concernés : autrement ce mode de management échoue. Au niveau de la région, il faut aussi concerner tous les acteurs et surtout les acteurs privés, associatifs, pas par opposition aux hommes politiques mais parce qu'ils sont déterminants dans l'évolution d'une région. Le but est d'implanter aussi dans les modes de fonctionnement cette logique de la responsabilité en lieu et place de la logique de l'obéissance. Aujourd'hui, je suis scandalisé quand j'entends à la radio qu'on fait démissionner un ministre parce qu'il y a eu un dysfonctionnement, je trouve ça scandaleux et à l'envers de tout bon sens, ce n'est pas parce qu'on a trouvé un fusible, qu'on a solutionné le problème. En entreprise dans la démarche qualité totale, devant un dysfonctionnement, on utilise la logique de la responsabilité. On décortique l'erreur, on se pose la question de savoir si on pouvait la prévenir, si pas, en tout cas ce qu'on peut faire à l'avenir pour que cette erreur ne se reproduise plus. On trouve des solutions de consensus, une bonne idée soumise à un groupe est toujours meilleure à la sortie qu'à l'entrée. Puis on écrit des procédures pour communiquer à ses collègues comment on fait pour que demain, le dysfonctionnement ne se représente jamais plus. Au contraire, quand on a une logique d'obéissance, on recommence la même erreur, dix fois, cent fois, et on ne fait aucun progrès. C'est la même chose pour le fonctionnement d'une région. Là aussi tous les acteurs sont concernés. Dans cette démarche qualité totale, il s'agit d'un changement de culture, d'une démarche qui se veut identitaire mais ouverte sur le progrès et non pas refermée sur elle. On demande aux hommes qui ont du pouvoir d'exercer leur pouvoir différemment. L'idée est que plus on a de pouvoir, plus on a de devoirs vis-à-vis des clients dans l'entreprise, de ses collaborateurs sur une région, des citoyens.

Où en est-on par rapport à ce concept ? C'est la première fois en Europe qu'on applique ce principe. Notre projet qui s'appelle donc Hainaut occidental terre d'excellence, nous avons créé une asbl qui s'appelle Centre du Hainaut occidental pour la qualité. Et des privés investissent pour un projet de citoyenneté, un projet public. En clair, aujourd'hui trente-cinq patrons d'entreprises, dont les vingt plus gros employeurs, ont mobilisé chacun sept millions de francs belges. Nous nous sommes rassemblés autour d'une charte – pour les pessimistes on serait quarante à la signer, pour les optimistes on serait quatre-vingts – qui nous engage à un certain nombre d'actions concrètes dont un mode de fonctionnement entre toutes les associations et les entreprises, sur différents champs d'activité. Cette charte est un engagement moral de se comporter, de s'engager dans cette démarche sur le bassin industriel. Ce concept reprend aussi les mutualités, nous avons mis trois mois pour convaincre nos amis syndicalistes à ce changement fondamental d'attitude. Certains services publics dont les TEC vont également s'engager dans cette démarche et s'y impliquer. Nous avons aujourd'hui trois thèmes fédérateurs.

Le premier assez classique c'est collaboration, enseignement, entreprise. Le deuxième, plus original, essaye de reproduire sur le Hainaut occidental, le prodige qui se passe à Courtrai – où 800 professeurs, dans un centre de formation donnent à 10.000 travailleurs des cours du soir payants sur des petits modules très courts et très ciblés, depuis la formation du garagiste au réglage d'un ABS, jusque au français pour marchand de chaussures ou pour garçon de café, en un module de 40 heures. L'idée est d'essayer de dire, l'adéquation et la formation sont des facteurs clés de réussite sur le Courtraisis, pourquoi ne le seraient-ils pas sur notre bassin ? Le troisième thème qui me paraît vraiment très intéressant, c'est mettre tous les savoir-faire, des patrons d'abord, de tous mes collaborateurs citoyens, de tous les collaborateurs citoyens dans les autres entreprises au service d'entreprises multi-services où nous allons créer, en deux ans, entre 150 et 200 emplois marchands additionnels durables.

Cette expérience, évidemment, consomme énormément d'énergie, mais elle est en même temps très exaltante puisque c'est une innovation en Europe. J'espère que, grâce à cette démarche, chaque citoyen redevienne quelqu'un et que, finalement, on puisse surtout redonner de l'espoir à tous ceux qu'on abandonne au bord de la route et qui sont aujourd'hui les plus démunis. Finalement, c'est un moyen de refaire vivre véritablement nos démocraties et de développer la liberté, la fraternité, la solidarité.

 

 

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