Philippe Defeyt
Economiste
Président de lInstitut pour le Développement durable (IDD)
Je voudrai aborder ici quatre points.
Tout d'abord, la question de l'information. Je
voudrais partir non pas de l'information mais de ce à quoi elle devrait servir, notamment
définir autrement nos objectifs de politique dans les déclarations de politique
régionale. Nous sommes encore trop souvent dans une culture des moyens et pas dans une
culture des objectifs. Evidemment, définir des objectifs, c'est s'exposer un jour à
devoir mesurer le chemin parcouru ou non parcouru, c'est aussi tout simplement avoir à
disposition un certain nombre de statistiques. Et là, je suis effrayé de voir que, en
Wallonie, nous sommes en voie de sous-développement statistique. Il y a des tas de
domaines de politique économique, qui ne sont tout simplement pas mesurables parce que
l'information n'existe pas ou parce que l'information n'est pas diffusée. Or, il n'y a
pas de transformation culturelle d'une région, sans base d'information large, pluraliste,
dynamique. J'insiste, la dimension culturelle est peut-être encore de définir de
manière précise des objectifs de politique.
Deuxièmement, quelques aspects de soutien aux
activités. Je plaide pour que, progressivement, on fasse sauter cette barrière
artificielle entre activités marchandes et non-marchandes. Il y a, évidemment, des
différences, on ne gère pas une PME en informatique comme un service d'aide familiale.
Mais la dynamique entreprenariale est fort proche, les besoins sont souvent fort proches
et un certain nombre de dispositions doivent être communes à l'ensemble des activités
productives qu'elles soient marchandes ou non-marchandes. D'ailleurs, toutes les études
montrent aujourd'hui qu'un tissu économique riche s'appuie autant sur des activités
marchandes que sur des activités non-marchandes.
Troisièmement, permettez-moi de plaider pour
intégrer les dimensions de développement durable dans notre réflexion. A beaucoup
d'égards, introduire le développement durable de manière concrète dans nos politiques,
ce n'est pas forcer, obliger les consommateurs ou les industriels à adopter des
comportements, c'est mettre un ensemble de filières alternatives sur le même pied, les
mêmes structures d'aide, les mêmes encadrements juridiques, les mêmes aides
ponctuelles, les mêmes aides immatérielles. Un pas important sera fait quand les
économies d'énergie seront mises sur le même pied que la production d'énergie. Je ne
demande pas de traitement de faveur, je demande un pied d'égalité entre des filières
alternatives dans toute une série de domaines. C'est vrai aussi en matière de logement,
d'agriculture. Quand on donnera à d'autres modes de production agricole, les mêmes aides
matérielles et immatérielles qu'à la filière classique, il est clair qu'un certain
nombre de personnes basculeront naturellement vers d'autres modes de production qui
s'inscrivent dans la logique de Rio.
Quatrièmement, j'aimerais simplement dire qu'il y
a une chose qui est nécessaire en matière d'impôt communal, c'est de séparer un peu
mieux les comptes, qu'on sépare les fonctions services, recherches, développement
économique, on y verra plus clair et ça pourra peut-être amorcer un certain nombre de
changements de culture à l'intérieur de toutes ou de certaines intercommunales.
A ces quatre points, j'ajouterai trois éléments
qui ne me semblent pas apparaître assez dans les documents préparatoires.
1. La première infrastructure à développer en
Wallonie, ce sont les villes. S'il y a une infrastructure structurante d'avenir
aujourd'hui en Wallonie, c'est une politique des villes. Les villes sont l'avenir
économique, elles sont le développement durable de la Wallonie, comme de toutes les
autres régions européennes. Les villes, c'est l'axe central d'une politique de
développement durable et, par là même, de développement économique tout court.
2. Les administrations. Je connais la qualité et
la créativité de nombre de fonctionnaires wallons, mais je sais aussi que beaucoup
d'entre eux voient leur créativité bridée, cassée par des comportements d'un autre
âge. Nous sommes en train de décourager une génération entière de jeunes
fonctionnaires qui ont beaucoup à apporter, qui sont des gens corrects, sérieux.
3. Je crois que de bons partis politiques font
partie des infrastructures structurantes d'une région. Je ne vais pas évoquer les
propositions des différents partis politiques. Il faut surtout une grande diversité de
choix et de propositions politiques. Je parle du parti comme fonctionnement. Le
fonctionnement des partis constitue une infrastructure structurante ou au contraire,
déstructurante. Il faut réfléchir aux partis politiques, pas sur le thème des idées
mais sur le fonctionnement des partis.
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