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Infrastructures structurantes
et information

Claire Lobet-Maris
Chargée de cours à l'Institut d'Informatique
des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur
 

Objectif de l’atelier

Le but de cet atelier est de s’interroger sur le rôle du gouvernement wallon dans le développement d’infrastructures aptes à dynamiser le développement économique et social de la Wallonie.

 

Rôles du gouvernement dans le développement régional

Dans un article consacré à ce sujet, J. Stiglitz (1) souligne que le rôle des gouvernements dans le développement économique et social des régions est de plus en plus difficile à définir.

Différents éléments contribuent à cette difficulté de positionnement :

  • L’effondrement des modèles traditionnels à travers d’un côté la crise du modèle socialiste, révélée par la crise économique des pays de l’ex Union soviétique et, à l’extrême opposé, la faillite sociale des pays ayant adopté un libéralisme marqué par un total laisser-faire des gouvernements.

  • La mondialisation des économies qui interroge de plus en plus les Etats sur leur capacité d’intervention dans la régulation de marchés qui dépassent les limites politiques traditionnelles des régions et des nations.

Face à ces difficultés et s’appuyant sur des exemples de pays dits en phase de développement, J. Stiglitz souligne que, dans les pays qui parviennent aujourd’hui à décoller économiquement et socialement, les gouvernements adoptent généralement six rôles importants. Ces rôles concernent principalement l’établissement d’infrastructures structurantes au sens large du terme à savoir :

  • La promotion de l’éducation;

  • Le développement de la recherche et de la base technologique nécessaires à l’innovation;

  • La mise en œuvre de mécanismes attractifs en matière de financement des entreprises (fiscalité, venture capital, etc.);

  • Le déploiement d’infrastructures de communication (transports physique et informationnel);

  • L’établissement de mesures en matière de protection de l’environnement;

  • L’organisation d’un système de sécurité sociale.

Tous ces rôles sont des rôles essentiels des gouvernements dans la mesure où le déploiement de ces infrastructures au sens large du terme dépasse la capacité d’investissement et l’intérêt particulier d’un seul acteur économique.

Pour assumer ces rôles, J. Stiglitz avance encore que les gouvernements doivent pouvoir s’appuyer sur une administration efficiente et efficace. En effet, le rapport coût-qualité de l’administration est de plus en plus considéré comme un facteur d’avantage comparatif des Etats dans leur capacité à attirer et à maintenir sur leur territoire des investissements productifs. Cette efficacité de l’administration passe, selon l’auteur, par la généralisation d’une attitude des administrations orientée vers le service aux "clients" et par la mise en œuvre d’outils sérieux de suivi et d’évaluation de la performance des services.

 

Choix des thèmes de réflexion du carrefour 4

Partant des considérations émises ci-dessus et tenant compte du fait qu’on ne peut pas traiter de tout dans le cadre du temps qui nous est imparti, il nous est apparu intéressant de resserrer le champ des analyses autour de la définition du rôle et des actions du gouvernement wallon dans trois domaines qui, aujourd’hui, semblent porteurs d’enjeux majeurs en matière de développement de la Wallonie :

  • Le déploiement d’infrastructures modernes de télécommunication ;

  • La modernisation des administrations wallonnes ;

  • La consolidation d’un réseau d’appui aux entrepreneurs.

Ces trois domaines ne sont évidemment pas exclusifs d’autres domaines que les participants au carrefour voudraient voir traiter. Il faut cependant raison garder étant donné les attentes des organisateurs à l’égard de notre carrefour, à savoir : émettre des recommandations ciblées et réalistes au futur gouvernement wallon.

 

Le déploiement d’infrastructures modernes de télécommunication

La législature 1995-1999 a vu le gouvernement wallon, sous l’impulsion du ministre Lebrun, entreprendre un vaste chantier en matière de télécommunication à travers le projet Wallonie-Intranet (WIN). Ce projet vise à la création d’un réseau de type TCP/IP développé sur base du réseau de fibre optique existant au MET (rentabilisation d’un investissement public).

A travers ce projet, le gouvernement wallon poursuit différents objectifs :

  • Objectifs de politique économique et industrielle liés au développement et à la consolidation du marché des services de communication et d’information, à l’attraction d’investissements nouveaux en Wallonie, à la valorisation des contenus d’information wallons, etc.

  • Objectifs sociétaux ou culturels liés à la création d’emplois générés par les nouveaux services, à l’accès démocratique aux nouveaux services d’information et de communication et à la modernisation des comportements d’information et de communication de nos acteurs économiques et administratifs.

Par ce projet, le gouvernement wallon entend doter la Wallonie d’une infrastructure moderne de télécommunication qui devrait fournir, à brève échéance :

  • une couverture maximale de l’espace wallon et une articulation avec les régions voisines;

  • des services efficaces et sécurisés;

  • des services attractifs au plan économique;

  • des services accessibles démocratiquement (en particulier sans discrimination géographique).

La gestion de ce réseau (extension, maintenance et gestion des services) a été confiée par le gouvernement wallon en mai 1998 à la WIN s.a., consortium entraîné par Belgacom, dans le cadre d’un contrat de gestion.

En rapport avec ce projet, le gouvernement wallon a décidé d’entamer des actions complémentaires motivées dans la Déclaration de politique régionale complémentaire du 4 novembre 1997 : Pour permettre à la Wallonie d’entrer de plain pied dans une "société de l’information pour tous" et de tirer parti de l’évolution technologique pour stimuler et moderniser l’ensemble de son économie, le gouvernement wallon a décidé de se lancer dans un programme d’action ambitieux en vue de promouvoir et développer l’usage de l’ensemble des services liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Ces actions concernent principalement d’une part, un plan de modernisation des administrations par l’usage des moyens modernes de communication et d’information et, d’autre part, via un accord de coopération avec la Communauté française, la mise à niveau de l’équipement informatique des écoles et la structuration de différentes actions visant intégrer pédagogiquement l’usage des nouveaux médias d’information et de communication dans les écoles (formation des enseignants, aides pédagogiques via la création de serveurs, etc.)

L’investissement de la Région wallonne dans ce dossier de modernisation des infrastructures de télécommunication et de création de nouveaux services peut apparaître en porte à faux eu égard aux politiques européennes qui, aujourd’hui, tendent à réduire le rôle des gouvernements dans le déploiement de ce type d’infrastructure et service, considérant qu’il s’agit là d’une responsabilité qui incombe au marché. Cependant, il importe de souligner que, en Région wallonne, le marché faisait défaut et que, à travers ce projet mobilisateur, le gouvernement wallon a voulu assumer sa responsabilité en matière de correction des défaillances du marché. Le rôle que s’est donné le gouvernement wallon dans ce domaine peut, nous semble-t-il, être caractérisé comme suit : un rôle de catalyseur qui, profitant des investissements publics déjà existants au MET, a su générer un projet industriel attractif pour les investissements privés (la WIN s.a.); un rôle de promotion des usages et donc, indirectement, de développement des marchés, à travers des actions ciblées menées principalement sur les écoles et les administrations.

Il importe cependant que le carrefour puisse réfléchir sur cette stratégie et les actions qui l’accompagnent afin d’énoncer des recommandations éclairantes pour la future déclaration de politique régionale.

 

La modernisation des administrations wallonnes

Comme le souligne J. Stiglitz, l’efficacité et l’efficience des administrations publiques est un facteur important du développement économique et social d’une région. En ce sens, les administrations publiques peuvent également être considérées comme des infrastructures structurantes de notre développement régional.

Différents éléments convergent pour confirmer la nécessité de définir un plan d’action gouvernemental en la matière :

  • La qualité médiocre des relations entre usager et administration : faible orientation du service vers les besoins de l’usager, lenteur dans le traitement des dossiers, service marqué davantage par une logique de contrôle que de confiance et de partenariat, absence d’évaluation externe sur l’efficience des traitements et l’efficacité du service, etc.

  • Le risque de perte du leadership de l’Etat. En matière de service et d’information, l’administration jouit actuellement d’un monopole de droit dans des domaines variés, qu’ils soient économiques, politiques, sociaux ou culturels. Face aux carences actuelles de certaines administrations, le risque existe de voir ce monopole remis en question au profit d’une privatisation de certains services traditionnellement rendus par l’Etat. Cet abandon de leadership, déjà présent dans certains secteurs de la vie économique, est dangereux non seulement au niveau de l’équité de traitement des citoyens et de l’accès public à l’information, mais aussi au niveau du contrôle qu’un Etat pourra encore exercer sur son orientation et son devenir.

  • La globalisation des marchés et la mobilité croissante des citoyens à la faveur de la consolidation européenne sont deux facteurs qui poussent à une plus grande efficience des administrations (fonctionnement et coût) comme avantage comparatif d’un Etat pour attirer les investissements et maintenir les citoyens dans la région. .

  • Enfin, comme souligné dans le cadre du projet WIN, l’administration publique peut également avoir un effet de levier sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication par les entreprises et les citoyens. Pour cela, les services publics doivent servir de terrains d’exemples démontrant les réels avantages que peuvent apporter ces technologies en terme d’accès à l’information, d’efficience administrative, de compétitivité internationale et, partant, de création d’emplois.

Ces différents éléments sont autant de défis sur lesquels il est important que le futur gouvernement wallon puisse se pencher avec le courage politique que nécessite une action en la matière. Il importe que les membres du carrefour puissent réfléchir sur l’opportunité d’une telle action gouvernementale et émettent des recommandations opérationnelles quant aux voies à entreprendre pour atteindre ces objectifs d’efficience et d’efficacité.

 

La consolidation d’un réseau d’appui aux entrepreneurs

Le dernier thème relatif aux infrastructures structurantes concerne le réseau d’appui au développement de l’entreprise en Wallonie.

Par réseau d’appui, nous entendons, d’une part, l’ensemble des structures qui peuvent apporter un soutien technique aux projets des entrepreneurs et leurs démarches d’innovation-modernisation (de processus, de produit ou encore d’organisation) nécessaires à la consolidation de leur activité économique et, d’autre part, l’ensemble des structures publiques et privées qui peuvent apporter un soutien financier au démarrage d’une activité économique ou à l’entreprise d’un projet innovant.

  • En matière de soutien technique à l’innovation des entreprises, et particulièrement des PME, la Wallonie dispose d’un tissu très riche de structures, en partie financées sur fonds publics, à travers notamment l’ensemble des centres collectifs de recherche ou assimilés, les cellules Interface des différentes universités, les centres relais-innovation, les intercommunales de développement, les bureaux économiques des différentes provinces, etc. Cette richesse du tissu wallon a comme contrepartie sa faible visibilité ou clarté pour les entrepreneurs, notamment pour les PME au niveau des services et fonctions qu’ils sont en droit d’attendre de ces différentes structures. Un double travail de réflexion devrait être conduit en la matière : le premier concerne la visibilité des structures et de l’aide que peuvent en attendre les PME; le second concerne le financement public de ces structures, financement qui devrait être lié à une évaluation de la réelle valeur ajoutée qu’apportent celles-ci au développement de l’activité économique de la région. Il importe que les membres du carrefour puissent se pencher sur ces deux pistes de réflexion et émettent des recommandations opérationnelles quant à l’action du gouvernement wallon en la matière.

  • En matière d’accès au financement privé ou public pour des projets d’entreprise notamment innovants, le tissu de la Wallonie se caractérise également par une très grande richesse des structures et des mécanismes d’aide existant. Cette richesse du tissu cadre mal avec la difficulté qu’éprouvent certaines entreprises, comme par exemple les PME, à accéder à ces financements. Une plus grande transparence sur les critères d’évaluation des dossiers tant au niveau des financements privés que des financements publics apparaît nécessaire. Cette transparence devrait permettre, d’une part, une plus grande équité dans le traitement des dossiers et, d’autre part, une meilleure préparation de ces dossiers par les entrepreneurs. A nouveau, il importe que les membres du carrefour puissent réfléchir à des recommandations opérationnelles pour le gouvernement wallon, qui permettraient de rencontrer ces objectifs de transparence et d’équité dans le traitement des dossiers des entrepreneurs.

Notes

(1) J.E. STIGLITZ, The Role of Government in Economic Development, Keynote Address, In Proceedings of the Annual World Bank Conference on Development Economics, Washington DC, 1996.

 

 

 

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