Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 
 
Gérard Deprez
Député européen
 

Je suis ici en tant que témoins incompétents, je ne suis pas enseignant, je ne pilote pas de système d’enseignement, je ne suis pas pédagogue. Je vais réagir simplement au nom de ce que je suis en n'engageant que moi-même sur base de mon expérience et des éléments d’information qui me parviennent des gens que je rencontre.

L'objectif de la Wallonie au Futur était de s’interroger sur les moyens de faire en sorte que notre système d’enseignement et le contenu de notre enseignement préparent mieux les Wallons à l’avenir qui est devant eux. Chacun sait que, pour l’instant, si on compare en termes objectifs les performances de la Wallonie par rapport à d’autres régions, nous ne sommes ni les meilleurs ni les pires. Donc, il est possible que nos deux systèmes d’enseignement souffrent aussi d’un certain nombre de caractéristiques qui ne sont pas les plus pertinentes si l’on en juge par les enquêtes internationales de performances sur le degré de formation de nos élèves dans certaines disciplines à certains moments, comparées à d’autres Européens ou comparées à d’autres pays, même du continent africain.

Cela entraîne trois réflexions préliminaires.

Tout d'abord, je pense que, quand on a un retard, on comble son retard par un niveau supplémentaire d’exigences. Ce n’est pas en abaissant son niveau d'exigences mais en l’augmentant qu’on a une chance de récupérer son retard.

Ensuite, je pense que l’école est, maintenant plus que jamais, le lieu de l’égalité des chances et ceux qui ne récupèrent pas leur handicap par la voie de l’école, au sein du type de société dans laquelle nous entrons, seront victimes de handicaps cumulatifs. L’égalité des chances à l’école est une des variables cardinales de la démocratie de demain.

Enfin, – c’est le sociologue qui parle – il y a un sociologue français, M. Bourdieu, qui a analysé le système d’enseignement comme s’il était un modèle de reproduction de la classe dirigeante à destination des classes populaires. Il applique une grille d’analyse marxiste, comme si on était dans la société industrielle du XIXème siècle. A mon sens, l’analyse pertinente n’est pas celle-là. Un des graves problèmes de notre enseignement, c’est qu’il est devenu la propriété quasi exclusive de la classe moyenne intellectuelle dans notre pays et qu’il véhicule à la fois ses états d’âme et son mal être et que, tant que nous n’y aurons pas répondu, nous ne saurons pas restructurer notre enseignement.

 

Quelques réflexions aussi à propos du bagage élémentaire que tout wallon doit avoir.

Premièrement, je suis frappé de voir que, au sortir de certains circuits d’enseignement, certains de nos élèves ne savent ni lire, ni écrire correctement. Je pense qu’une des premières choses qu’on doit à tout Wallon, c’est l’alphabétisation culturelle parce que, s'il ne sait pas lire et s'il ne sait pas écrire, il ne sait pas communiquer. On va entrer dans une société de la communication et il ne sait pas communiquer adéquatement. Cela implique qu’il aura tendance à trouver d’autres moyens pour exprimer ses frustrations ou pour exprimer ses revendications. Donc, l’alphabétisation culturelle n’est pas suffisamment développée dans notre système d’enseignement.

Par ailleurs, je suis frappé, en rencontrant des gens des nouvelles générations, de voir à quel point ils ont une énorme difficulté à se situer dans le temps, dans l’espace. Je n’ai pas analysé les programmes scolaires, il y a un certain nombre d’années que je ne suis plus à l’école, mais je suis frappé de voir que les gens ne savent pas localiser leur pays par rapport à d'autres, qu’ils ne savent pas apprécier la dimension relative de la région dans laquelle ils vivent et, quand on leur demande de situer certaines périodes de l’histoire, ils sont incapables de situer le moment où on a construit des cathédrales, celui où on a inventé une locomotive, ... Le bagage élémentaire de tout Wallon commence par l’alphabétisation culturelle, qui implique de savoir communiquer, de savoir calculer, de savoir se repérer dans l’espace et dans le temps. Ma philosophie est que l’école ne doit pas essayer de rivaliser avec la télévision ou avec les autres médias d’éducation des jeunes, elle doit se concentrer sur ces éléments que les jeunes n’auront nulle part ailleurs.

Ensuite, il faut miser sur l’alphabétisation technologique S’il y a un investissement fondamental pour aider la Wallonie à se développer, c’est de leur donner la maîtrise de ce qui sera demain l’équivalent du tableau et de l’ardoise, c’est-à-dire l’écran et le réseau. Demain, les rapports professionnels – et même un certain nombre de rapports de la vie privée – se feront beaucoup par l'intermédiaire des écrans et des réseaux.

Troisième élément qu’il faut donner à tout Wallon comme il faut le donner à tout Européen, c’est l'alphabétisation citoyenne. Il est nécessaire de refaire de l’école un lieu d’alphabétisation citoyenne, parce qu’il n’y a plus d’autres instances de la société qui s’en occupent. L’alphabétisation citoyenne comporte plusieurs dimensions. Tout d'abord, se respecter soi-même, cela implique notamment de donner une place à l’éducation physique et corporelle à l’école, mais aussi au type de comportement que l’on doit avoir par rapport à la drogue. Ensuite, le respect des autres, on est une société interculturelle, interethnique. Enfin, il faut respecter tout ce qui constitue l’environnement, en particulier le patrimoine collectif.

 

Une dernière exigence, il faut donner à tous les Wallons la possibilité de maîtriser au moins une langue différente de la leur. Cela ne sert à rien d’apprendre aux Wallons l’histoire de la Wallonie. L'histoire de la Wallonie est dérisoire par rapport à l’Europe, ce qu’il faut apprendre aux Wallons, c’est l’histoire de l’Europe, avec ce qu'était la Wallonie dans l’histoire de l’Europe. Cela ne sert à rien non plus d'apprendre le wallon à l’école. Car le Wallon trouve à 50 km de chez lui des langues différentes et le monde de demain sera celui de la communication. Au risque de déplaire à un certain nombre, je dis que si, dans les prochaines années en Wallonie, on ne crée pas des écoles bilingues – pas seulement en néerlandais mais aussi en allemand ou en anglais –, on va passer à côté d’une formidable possibilité de développement. La vocation de la Wallonie, c’est d’être un carrefour entre diverses zones et c’est dans ce sens-là que nous devons percevoir son rôle et organiser son système d’éducation.

 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute