Développement
économique,
évolution technologique et
ressources humaines
Albert Schleiper
Directeur du Centre universitaire de
Charleroi et
Secrétaire général du Centre interuniversitaire
de Formation permanente (CIFoP)
Pour situer ce carrefour et nos futurs échanges,
je voudrais faire quelques constats, répondre à quelques questions : D'où
venons-nous ? Où sommes-nous ? Où allons-nous ? De 1985 à 1996, la
Belgique a connu près de 25 % de croissance réelle de son PIB, ce qui est quand
même relativement intéressant, puisque cela représente une moyenne annuelle de 2 %
à travers des périodes difficiles. La progression wallonne au cours de cette même
période était de 1,6 % par an et totalisait, sur ces 11 années, 18 à 19 % de
croissance réelle. Qu'il y ait donc un problème spécifique à la Wallonie, c'est
incontestable; que nous en soyons actuellement tous conscients, c'est peut-être nouveau
et cela constitue un progrès important vers la résolution de ce problème. Mais cette
résolution est probablement plus simple à souhaiter qu'à réaliser, en raison de la
multiplicité des facteurs qui interagissent en vue d'assurer un développement durable
dans une société bien définie.
Parmi les critères en fonction desquels on peut
évaluer ce développement, il y a évidemment l'emploi, c'est-à-dire la mise en
uvre concrète des ressources humaines d'une région. Même si on ne peut perdre de
vue que l'accroissement de la population qui est prête à travailler, prête à
offrir ses ressources détermine une part non négligeable du chômage, on ne peut
nier que la croissance de l'emploi qu'a connue la Wallonie de 1985 à 1996 à
savoir 7,5 % dans l'emploi salarié et 7,9 % dans l'emploi indépendant
n'est pas du tout suffisante pour répondre aux aspirations de notre population. Si l'on
mène une investigation un peu plus poussée quant à la structure de cet emploi et,
notamment, quant à sa répartition entre secteur marchand et secteur non marchand, on
constate que ce dernier assure 48 % de l'emploi salarié wallon en 1996.
Si cette proportion est supérieure de 8 % à
celle que connaît le pays dans son ensemble, elle n'implique cependant pas que le non
marchand soit hypertrophié en Wallonie, comme certains ont tendance à nous le faire
croire. Si on compare l'emploi que le non marchand génère, non plus à la totalité de
l'emploi mais au nombre d'habitants, on constate que le niveau wallon est inférieur au
niveau belge, ce qui est assez normal, mais est à peine supérieur au niveau flamand. Ce
n'est donc pas le nombre d'emplois non marchands qui est trop élevé en Wallonie,
comparativement aux autres régions, mais c'est le nombre des emplois marchands qui est
beaucoup trop limité et c'est bien sûr à celui-là que nous devons prêter attention
autant que nous le pouvons. Pour le congrès de 1991 déjà, nous avions établi que le
déficit wallon en emplois dans le secteur manufacturier était de 100.000 unités. Les
estimations récentes établies dans le cadre de l'Union wallonne des Entreprises font
état d'un déficit de 200.000 emplois dans l'ensemble des secteurs marchands.
Mais la création de ces emplois ne se décrète
pas. Elle dépend d'un dynamisme interne dans lequel, à côté de la qualité des
structurants publics, on trouve l'effet d'entraînement de grands opérateurs industriels
et financiers ainsi que le choix judicieux des couples produits - marchés. On
est cependant amené à constater que l'éloignement géographique croissant des centres
de décision des grands opérateurs rend leur rôle de plus en plus discret dans le
renouveau économique de la Wallonie.
Le nouvel essor que celle-ci connaîtra devra donc
nécessairement passer par la multiplication de petites et moyennes entreprises
créatrices de valeur ajoutée élevée, tant dans les secteurs manufacturiers que dans
ceux des services marchands. Et, pour que ces entreprises réussissent à créer un
nouveau maillage économique porteur d'avenir, trois conditions, parmi d'autres, semblent
devoir être réunies :
- investir de manière intensive dans la recherche et
développement, en quoi elles pourraient être le plus efficacement soutenues par les
pouvoirs publics wallons ;
- améliorer et diversifier, sur base de cette
recherche et développement, les couples produits - marchés qui constituent la
base de leur développement;
- disposer d'un personnel apte à réaliser les deux
premières conditions et, notamment, à insérer leur entreprise dans le vaste réseau
européen et mondial qui se tisse autour de leaders de moins en moins nombreux mais de
plus en plus puissants.
Pour introduire les apports de participants sur les
conditions de ce nouvel essor économique wallon, trois témoins ont accepté de prendre
la parole :
- Anne-Marie Straus, directrice générale de la DGRTE
de la Région wallonne,
- Christian Druitte, administrateur général de la
RTBF,
- Robert Wauters, grand praticien de la gestion des
ressources humaines et de la concertation sociale.
Luc Vandendorpe, rapporteur de ce carrefour, pourra
évidemment intervenir lorsqu'il le jugera utile. De chaque côté de la tribune,
cependant, nous sommes des participants. Tous ensemble, nous allons essayer d'apporter des
suggestions, des propositions concrètes, pratiques, réalisables pour que nous
atteignions cet objectif d'un développement durable de qualité pour notre région.
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