Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 

Rapport préliminaire

Chapitre 8

 

8. Quel avenir institutionnel pour la Wallonie ?

8.1. Quel avenir institutionnel pour la Wallonie ? – Synthèse

Le projet wallon est inséparable des moyens financiers, du pouvoir de décision et des acteurs pour le réaliser.

Au delà des diverses formules institutionnelles possibles, trois nécessités doivent être respectées :

  • permettre à la Wallonie d'agir de manière cohérente sur l'ensemble des domaines sociétaux, en respectant leur nécessaire articulation mais en décloisonnant les politiques économiques, culturelles, sociales, environnementales.

  • inscrire les projets pour la Wallonie dans la dimension européenne, en les intégrant dans une politique régionale européenne et dans une dynamique de coopération interrégionale au niveau européen.

  • reconstituer des réseaux d'échanges entre tous les secteurs concernés par le devenir sociétal de la Wallonie, en faisant sauter les clivages hérités de la première Révolution industrielle et en reconstituant un maillage décisionnel par l'instauration d'une nouvelle confiance entre les partenaires. Cette dynamique pourra être mise en œuvre par l'élaboration d'un contrat définissant les grands axes stratégiques des projets à mener et les priorités d'action.

Il faut être un espace solidaire de 330 millions de personnes pour sortir ensemble de la dépression en retrouvant le tonus de la croissance. Mais il faut aussi que chacune des cent régions d'Europe (au niveau moyen de leurs 2 à 6 millions d'habitants) soit, sur le terrain, l'exécutant de son propre redressement, car si le tonus de l'ensemble est nécessaire au succès de chacun, le tonus ne réalise rien par lui-même. D'où l'importance de la liaison directe, libre d'interférence, à établir entre la Wallonie et l'Europe.

Jacques Defay
1987

 

8.2. Quel avenir institutionnel pour la Wallonie ? – Constats, analyse, pistes et exemples

Constats

Analyse

Pistes et exemples

C1
La Wallonie n'a pas les moyens d'agir de manière cohérente sur l'ensemble des domaines sociétaux. Les clivages hérités du passé empêchent les échanges entre secteurs.
A1
Il faut décloisonner les compétences économiques, culturelles, environnementales, sociales afin que la Wallonie puisse développer son projet de manière cohérente et articulée.
P1
  • Doter la Wallonie d'un projet élaboré par tous les secteurs concernés,
  • Etendre le champ des compétences de la Région wallonne là où les nécessités du projet global l'exigent.
C2
La liaison directe, libre d'interférence, n'est pas établie entre la Wallonie et l'Europe
A2
Il faut intégrer la Wallonie à l'Europe en inscrivant les projets pour la Wallonie dans une politique régionale européenne.
P2
Obtention de la souveraineté internationale des compétences gérées par la Région wallonne.

 

8.3. Quel avenir institutionnel pour la Wallonie ? – Enquête réactive

Il faut définir une stratégie pour la Wallonie et avoir un système de bons règlements, les institutions ne viennent qu'après.

Un responsable syndical

8.3.1. La structure de l'Etat

De nombreux interlocuteurs ont soit déploré, soit vanté la modestie des congrès La Wallonie au futur sur cette question. En ne leur accordant aucune priorité et en soumettant les questions institutionnelles à toutes les autres, les congrès La Wallonie au futur ont montré l'exemple, fait remarquer un observateur économique.

Ainsi, pour la plupart des décideurs, des observateurs et des jeunes, la question institutionnelle est secondaire par rapport au contenu du projet wallon. Parmi ceux qui considèrent cette problématique comme importante, les avis divergent :

  • certains souhaitent une collaboration entre la Wallonie et Bruxelles sur une base régionale;

  • d’autres évoquent la nécessaire dislocation de la Belgique et, selon les uns, l’indépendance de la Wallonie, selon les autres, le rattachement à la France;

  • d’autres encore insistent sur l'importance de ne former qu’une entité avec Bruxelles pour l’avenir économique de la Wallonie et pour son image internationale;

  • certains imaginent Bruxelles en tant que district européen;

  • quelques décideurs mettent en garde les Wallons contre le régionalisme qui les fera vivre avec les richesses produites par la Wallonie ce qui signifie réduire leurs moyens de 20%;

  • enfin, une dernière catégorie estime qu’une souveraineté des compétences régionales serait salutaire.

Les Traceurs de Lendemains ont abordé cette thématique par des idées sur la nouvelle culture politique. Ils prônent : le recours au référendum, le décumul des mandats, une participation accrue des femmes et des jeunes en politique, la démocratisation des intercommunales et la publication annuelle de leurs comptes, un meilleur financement des partis politiques pour éviter les financements parallèles, etc.

Selon un dirigeant d’une grande entreprise, la juxtaposition des échelons institutionnels est néfaste. Si un nouvel échelon est mis en place, il faut qu’un autre soit supprimé. Le problème est que chaque échelon institutionnel est aussi un échelon électoral et que nos hommes politiques ont des ambitions de village et des relations clientélistes.

Pour un président de parti, il manque à la Wallonie une administration forte et indépendante politiquement et philosophiquement. S’il est normal que les cabinets ministériels génèrent les idées, il n’est pas logique que ce soient eux qui les gèrent. Plusieurs décideurs économiques se plaignent, quant à eux, du carcan administratif wallon et des pratiques tatillonnes et castratrices du MET et du MRW, voire de la difficulté de trouver un interlocuteur compétent dans le domaine des entreprises. Ils soulignent que le déficit de performance de l'administration par rapport au nombre de fonctionnaires constitue un problème qui n’est pas assez pris en compte par le gouvernement wallon, même si tous les partis politiques wallons – parmi lesquels les socialistes – dénoncent dorénavant la bureaucratie. La Wallonie a la taille d’une ville de moyenne importance au niveau mondial, du point de vue du nombre d’habitants : elle devrait pouvoir être gérée avec 60.000 fonctionnaires de moins, relève un décideur économique. Par ailleurs, certains interlocuteurs ont proposé de limiter dans le temps les mandats accordés aux fonctions dirigeantes de l'Administration wallonne.

Pour un cadre social-chrétien, le scrutin proportionnel et la faible taille des arrondissements électoraux n’encouragent pas les politiques à penser en termes de Wallonie, mais plutôt au niveau de leur circonscription électorale, ce qui entraîne les sous -localismes dont souffre la Région. Il conviendrait de mettre sur pied un système alliant l’intérêt la proximité des élus et l’intérêt général wallon. A cet égard, certains interlocuteurs ont évoqué la solution d'une élection des parlementaires sur une circonscription unique élargie à toute la Wallonie.

Plusieurs décideurs souhaitent que les Wallons puissent se focaliser sur une personnalité politique, ce qui implique un changement du système électoral : les institutions wallonnes ont été à leur apogée lors de l’intronisation de Guy Spitaels – le seul moment où l’information wallonne a été au premier plan à la RTBF –, depuis elles périclitent par manque de motivation et le gouvernement ne trouve pas le moyen de donner un nouvel élan à la politique wallonne. Après l’intronisation de Guy Spitaels, le gouvernement wallon a cessé d’exister car il était étouffé par sa personnalité. Pour qu’il y ait un renouveau wallon, il faut que les hommes politiques s’émancipent par rapport aux partis.

8.3.2. La Wallonie à l’extérieur

Dans le secteur des relations internationales, les Traceurs de Lendemains demandent, tout d’abord, une plus grande ouverture de la Wallonie au monde, en général, et à l’Europe en particulier. L’image internationale de la Wallonie doit être renforcée par une politique de diffusion de ses atouts existants et potentiels. Ensuite, ils souhaitent – comme le font plusieurs décideurs économiques et politiques – que, dans le domaine des relations internationales, la Région wallonne ne se coupe pas de Bruxelles en raison, notamment, de son rayonnement européen. Dans ce cadre, ils prônent une plus grande complémentarité entre les institutions de la Région wallonne et celles de la Communauté française.

Par ailleurs, plusieurs décideurs ont également rappelé le rôle des relations transfrontalières et de l’Union européenne dans l’action de la Wallonie vers l’extérieur (1).

8.3.2.1. Les relations transfrontalières

Des décideurs économiques indiquent que le développement économique de la Wallonie doit être en phase avec celui de l'Eurégio Meuse-Rhin et celui du Nord - Pas-de-Calais pour que la Région wallonne soit concurrentielle. Il va de soi que, pour l'activité économique, la relation de proximité est un élément prépondérant – nonobstant les considérations sur la mondialisation – mais ces relations internationales de proximité ont aussi leur importance pour les questions liées à l'aménagement du territoire.

Ainsi, d'un point de vue économique et bien qu'il soit problématique de chiffrer les exportations wallonnes – en raison de la localisation du siège social de nombreuses entreprises à Bruxelles et des portes à l'exportation que sont l'aéroport de Bruxelles-National et les ports d'Anvers et de Zeebrugge –, on considère que 48 % des exportations wallonnes se font vers les pays limitrophes (Allemagne, France, Luxembourg, Pays-Bas) et 73 % vers l’Europe des Quinze. Dans ces relations économiques, la Wallonie est souvent considérée comme le partenaire faible en raison du peu de mobilité des personnes et des marchandises dans la Région.

Cette faible mobilité des Wallons est constatée par plusieurs interlocuteurs économiques et politiques, de même que par plusieurs observateurs. Ils soulignent que le Wallon est peu enclin à la mobilité en raison de sa mauvaise connaissance des langues étrangères et tout particulièrement des langues de ses voisins – particulièrement de l'allemand. Ainsi, parmi les pays limitrophes, les Pays-Bas et l’Allemagne ne représentent que 26 % des débouchés wallons contre 53 % des débouchés de l’ensemble de l’Union belgo-luxembourgeoise.

Quant à la mobilité des marchandises, elle doit être utilement améliorée par une augmentation des transports multimodaux. Une conjugaison intelligente des moyens de transports aura, en outre, l’avantage d’être plus respectueuse de l’environnement.

L'aménagement du territoire aussi ne peut se concevoir à l'échelle du seul territoire wallon particulièrement en ce qui concerne les infrastructures de transport, les politiques environnementales et les politiques urbaines. La plupart des coopérations transfrontalières l’ont compris et intègrent à leurs objectifs l'harmonisation des plans d'aménagement du territoire.

Si les relations transfrontalières existant en Wallonie concernent les deux domaines clés que sont, pour les relations de proximité, l’économie et l’aménagement du territoire, elles doivent encore, pour devenir un instrument fondamental du développement régional, inclure de façon spécifique le secteur privé, en plus des administrations et des opérateurs.

8.3.2.2. Les assemblées interrégionales européennes

La création du Comité des Régions représente pour l'Union européenne une première reconnaissance des pouvoirs locaux en tant qu'entités politiques et institutionnelles. Or on sait que la Wallonie s'est particulièrement illustrée dans cette revendication vis-à-vis de la Commission européenne qui a longtemps rechigné à admettre d'autres interlocuteurs que les Etats en matière de communication des régimes d'aide économique. Cependant, si la Wallonie fut particulièrement active en faveur de la reconnaissance par l'Union européenne du fait régional, plusieurs observateurs des relations internationales constatent que les représentants wallons au Comité des Régions ne semblent pas faire de cette institution une priorité.

Cela pourrait s'expliquer en partie pour les raisons suivantes :

  • le comité des régions n'est pas exclusivement une assemblée d'élus régionaux mais aussi de pouvoirs locaux, ce qui fait de lui une assemblée à statut plus consultatif et revendicatif qu'un futur sénat européen qui rassemblerait les régions européennes;

  • de plus, une autre reconnaissance du fait régional plus significative pour les régions et les communautés belges se situe dans l'article 146 du Traité de Maastricht qui autorise les gouvernements communautaires et régionaux à représenter l'Etat aux Conseils des Ministres et donc à y exercer un véritable pouvoir décisionnel;

  • enfin, il faut remarquer que les questions européennes, en général, ne constituent pas une préoccupation majeure pour le pouvoir régional wallon dont on sait qu'il résulte d'une évolution institutionnelle destinée à régler essentiellement des problèmes internes à la Belgique.

 Note

(1) Cette section est également basée sur les auditions réalisées lors des travaux du groupe de travail Relations internationales de l'Institut Jules Destrée, de janvier à juin 1998.

 

 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute