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Rapport préliminaire

Chapitre 3

 

3. Quelles stratégies pour l'emploi ?

3.1. Quelles stratégies pour l'emploi ? – Synthèse

Si nous voulons, durablement, plus de croissance accompagnée de création d'emplois, notre politique économique doit privilégier trois orientations :

  1. Favoriser l'investissement en capital physique des entreprises, y compris les investissements étrangers, ce qui n'est pas la même chose que de créer des sociétés parapubliques. Certains instruments budgétaires sont plus efficaces que d'autres; soyons sélectifs. Profitons aussi de la présence à Bruxelles de centaines d'entreprises internationales qui y ont au moins une antenne.

  2. Développer l'innovation et la recherche et développement. Evaluer l'impact de notre politique actuelle : est-elle suffisamment branchée sur les besoins des entreprises, y compris des PME ? S'organise-t-elle en fonction des demandes des entreprises et de leurs marchés ?

  3. En matière de politique de l'emploi, il faut accroître notre effort dans le domaine de la formation des adultes. A côté des services en conseil et placement, dont on sous-estime trop souvent l'importance, le meilleur accompagnement que l'on puisse fournir aux chômeurs est une bonne formation. Celle-ci accroît leurs chances de retrouver du travail lors d'une reprise conjoncturelle. Les formations d'adultes sont, chez nous, trop éparpillées, trop peu dirigées vers les chômeurs. Il convient de mieux les cibler en tenant compte à la fois du profil des personnes et des contenus des programmes. Par ailleurs, l'enseignement technique et professionnel des jeunes devrait être repensé, en collaboration avec les entreprises.

Robert Deschamps
1995.

Il faut concevoir une répartition du temps de travail compatible avec un partage de la rémunération. Ainsi, des aménagements de la législation et des charges sociales pourraient faciliter des accords propres aux secteurs ou aux entreprises dans lesquels les conditions de succès sont réunies, sans que leur généralisation doive être envisagée et sans que d'autres pistes soient négligées.

Il faut instaurer une politique d'emploi durable en Wallonie :

  • par une diminution des charges patronales qui grèvent le coût salarial. Le financement de la solidarité serait reporté sur les revenus du capital ou sur l'énergie et le CO2.

  • par une politique de stimulation des investissements grâce à l'octroi sélectif de subventions en capital aux entreprises qui ont une volonté d'accroître leur valeur ajoutée en innovant leurs produits et de conquérir de nouveaux marchés.

  • par la création d'un environnement socio-économique porteur d'emplois durables grâce à des aides indirectes en ciblant le soutien à l'innovation technologique et la création d'une offre de services aux entreprises. Cette démarche implique de partir de la demande du marché pour enclencher le processus d'innovation des entreprises et non de l'offre technologique. Cela nécessite d'ailleurs que l'innovation soit perçue comme un processus global, que la politique technologique s'articule à la politique économique de la Région et que les entreprises soient gérées et organisées différemment (connaissance du marché potentiel, commercialisation des nouveaux produits, financement des risques de l'innovation, accession à des compétences nouvelles).

  • par la valorisation des ressources humaines et particulièrement la formation professionnelle initiale des jeunes. Celle-ci doit être réformée tant au niveau du contenu que de son organisation, en privilégiant les compétences plutôt que la qualification, en jetant les passerelles entre l'école – technique et professionnelle – et les entreprises.

  • par une politique infrastructurelle qui privilégie les infrastructures structurantes du développement : d'abord, les infrastructures de communication, de télécommunication et d'information; ensuite, les infrastructures d'accueil et d'équipement, particulièrement en offre de services; enfin, l'amélioration du cadre de vie et de l'environnement.

  • par la mise en réseau des villes wallonnes en fonction de leur complémentarité et de leur spécialisation, notamment dans une optique transfrontalière, permettant la valorisation de leurs fonctions respectives de développement local et régional.

3.2. Quelles stratégies pour l’emploi ? – Constats, analyse, pistes et exemples

Constats

Analyse

Pistes et exemples

C1
Les entreprises ne sont pas en mesure de développer des emplois durables si elles doivent supporter le poids de la solidarité sociale en fonction des emplois qu’elles procurent.
A1
Il faut réorganiser le financement de la solidarité dans une optique qui soit à la fois équitable et qui tienne compte des contraintes liées à la concurrence.
P1
Etablir une concertation durable et formelle entre les autorités régionales et les acteurs représentatifs des forces vives sur une politique économique de la Région prenant en considération les problèmes sociaux fondamentaux (répartition du temps du travail et solidarité).
C2
Les besoins des employeurs et des travailleurs en termes d’organisation et de rémunération du travail sont très divers.
A2
La réduction du temps de travail doit être le fruit, soit d’une démarche réellement individuelle et libre, soit d’une démarche collective entre partenaires sociaux.
P2
Diminuer les charges patronales et reporter le financement de la solidarité sur le capital et l’émission de CO2.
Répartir le temps de travail en fonction du partage de la rémunération.
C3
Le tissu productif wallon est constitué essentiellement de PME qui ont besoin d’un environnement favorable à leur développement.
A3
Il faut que les pouvoirs publics
  • soutiennent en priorité les entreprises qui ont une volonté d'accroître leur valeur ajoutée en innovant leurs produits, et de conquérir de nouveaux marchés,
  • créent un environnement socio-économique favorable à la création d’emplois durables.
P3
Mener une politique sélective d’aide à l’investissement
Soutenir l'offre de services aux entreprises et l'innovation technologique (voir thème 3).
Développer une politique de valorisation des ressources humaines (voir thème 4).
C4
Nombre de responsables politiques et économiques continuent à centrer leur politique de développement sur des investissements en infrastructures matérielles.
A4
Privilégier les types d’investissements en infrastructures qui ont un effet créateur d’emplois durables.
P4
Soutenir le développement des infrastructures
  • qui permettent aux entreprises une meilleure accessibilité aux échanges commerciaux et d'informations
  • qui facilitent l’accès des entreprises aux services,
  • qui améliorent le cadre de vie et l’environnement en milieu urbain et en milieu rural.
C5
A l'avenir, l'obtention d'un emploi durable passera de plus en plus par l'acquisition de qualifications nouvelles.
Un écart croissant se développe entre l'enseignement technique et professionnel et la réalité du monde économique.
A5
Le contenu des études techniques et professionnelles doit être centré sur le développement des compétences, plutôt que centré sur l’obtention de qualifications précises.
Il faut jeter des passerelles entre l'école technique et professionnelle et les entreprises.
P5
Réorganiser l’enseignement technique et professionnel en le centrant sur une formation commune autour de familles de métiers et en développant les formations en alternance.

3.3. Quelles stratégies pour l'emploi ? – Enquête réactive

Pourquoi parle-t-on de demandeurs d'emplois et non d'offreurs de services ?

Un Traceur de Lendemains

3.3.1. L'emploi, valeur au centre de toutes les préoccupations

De nombreux interlocuteurs ont été impressionnés par la place accordée à la question de l'emploi dans la dynamique La Wallonie au futur, puisque, en 1995, un congrès tout entier y a été consacré sur base du Livre blanc de Jacques Delors, Croissance, compétitivité, emploi, Les défis et les pistes pour entrer dans le XXIème siècle. Ce congrès, le plus proche de cette démarche d'évaluation, en constitue la dernière et plus vive référence. Ainsi, plusieurs décideurs politiques et interlocuteurs sociaux ont rappelé l'impact des idées de ce congrès, telles que diffusées à partir de l'audition de Michel Quévit en Commission de l'Economie du Parlement wallon, mais aussi telles qu'utilisées dans le cadre de la rédaction conjointe des propositions sur l'emploi, communes au gouvernement wallon au Conseil économique et social de la Région wallonne, regroupant les interlocuteurs sociaux, telles encore que débattues dans le cadre de la préparation de l'Assemblée générale du parti Ecolo sur le temps de travail ou de la mise au point de la Déclaration de Politique régionale complémentaire.

Parmi les personnes interrogées, un consensus se dégage pour considérer que, dans notre société, le travail est plus qu'un moyen d'obtenir des ressources, c'est aussi un outil de reconnaissance sociale, d'intégration, d'identité auquel il n'est pas possible actuellement de trouver un substitut.

Cependant, cette valeur change : les entreprises ne proposent plus de "carrières", elles gardent un employé en fonction de critères de compétences, de productivité et de coût. Les syndicats, par contre, raisonneraient toujours, selon beaucoup, en termes de travail à durée indéterminée. On ne parle plus de la même chose. Pour les actifs, une vie professionnelle réussie sera, de plus en plus souvent, une succession de périodes faites de travail, de formation, de réorientation et de repos.

Plusieurs observateurs et un leader syndical ont rappelé que les politiques d'emplois doivent s'exercer à l’échelle européenne pour être cohérentes et efficaces : il est utopique d'imaginer des politiques autonomes d'ampleur suffisante au niveau régional dans ce domaine. Personne, ni dans les congrès, ni dans le monde politique et économique, ne semble affirmer le contraire.

Enfin, il faut remarquer que certains interlocuteurs, notamment parmi les jeunes, ont été beaucoup plus loin dans la réflexion et ont mis en évidence l’importance d’un changement radical des mentalités pour évoluer vers une société où le travail ne serait plus la base de la société.

3.3.2. La formation continue, la réduction du temps de travail et le chômage

En liaison avec les stratégies pour l'emploi, dont les propositions du congrès La Wallonie au futur de 1995 ont généralement reçu un accueil très favorable au point qu'elles semblent être tombées dans le domaine public, les problématiques de la formation continue, de la réduction du temps de travail et de la politique du chômage ont suscité particulièrement de réflexions.

3.3.2.1. La formation continue

Pour les décideurs en général, la question de la formation continue est souvent apparue comme une piste de base pour résoudre la question du manque d’emplois. Souvent évoquée à propos de personnes disposant d’un faible niveau de qualification, cette mesure doit s’appliquer aussi – et même surtout – aux universitaires.

Dans le domaine de la formation continue, selon un représentant d’une organisation patronale, les entreprises ont la responsabilité de financer les formations de leurs employés et ouvriers tandis que le secteur public doit prendre en charge celles des chômeurs et particulièrement des jeunes demandeurs d'emplois.

Un dirigeant d’une multinationale ajoute que l’obligation première d’un patron vis-à-vis d'un employé est au moins le maintien – sinon le développement – de son niveau de compétences, en lui offrant des possibilités de formation continue.

3.3.2.2. La réduction du temps de travail

Pour de nombreux décideurs tant politiques qu’économiques, la réduction du temps de travail est une démarche inéluctable. Pour certains, elle constitue une piste à suivre pour diminuer le chômage, pour d’autres, son intérêt réside essentiellement dans l’augmentation de la qualité de la vie qu’elle implique.

Si un grand nombre de décideurs économiques et politiques évoquent cette problématique comme intéressante, l'un d'entre eux fait remarquer que cette réduction n'est envisageable, sans perte de salaire et en restant compétitif, que dans trois cas : soit l'entreprise a une avance technologique, soit elle augmente sa productivité, soit toutes les entreprises du même secteur – au niveau européen – appliquent cette même diminution du temps de travail.

Pour la plupart des décideurs persuadés que la diminution du temps de travail augmentera l'emploi, cette réduction sera accompagnée d’une perte de salaire et l’embauche compensatoire ne sera possible que dans le cas de travaux répétitifs : dix personnes diminuent leur temps de travail de 10% et on en embauche une onzième. Il convient également de tenir compte, selon des dirigeants syndicaux, de la création indirecte d'emplois qu'entraînerait cette mesure. En effet, qui dit diminution du temps de travail dit augmentation du temps consacré aux loisirs, secteur qui sera par conséquent en expansion.

Si les décideurs sont majoritairement convaincus qu’une perte de salaire accompagnera la diminution du temps de travail, tel n’est pas le cas pour beaucoup de jeunes Traceurs de Lendemains, persuadés du contraire. Plusieurs jeunes évoquent également l'allocation universelle – abordée lors des congrès La Wallonie au futur de 1987 et de 1995 – comme solution au problème du chômage.

Par ailleurs, plusieurs interlocuteurs soulignent qu'il faut être conscient qu'une diminution du temps de travail ne sera pas nécessairement synonyme d'une organisation de la société sur base du temps choisi mais bien d'une augmentation de la flexibilité de chacun car, pour les entreprises, l'intérêt premier de la diminution du temps de travail sera la possibilité d'augmenter la durée de fonctionnement des équipements.

C'est ainsi qu'un décideur syndical fait remarquer que, pour l'augmentation de la qualité de la vie, il est aussi important – sinon plus – de prôner la semaine de travail des quatre jours. Une telle modification de notre organisation créerait des emplois directs puisque, pour être compétitive, une telle mesure doit s'accompagner d'une augmentation de la flexibilité du temps de travail afin que les entreprises gagnent en compétitivité en étant actives et disponibles six ou sept jours par semaine.

Si l'on parle actuellement beaucoup de la réduction du temps de travail journalier ou hebdomadaire, d'autres pistes sont aussi à l'étude ou d'application, telles les réductions sur l'espace d'une année (augmentation des jours de congés) ou sur l'espace d'une vie (pré-pension).

Deux remarques sont à prendre en considération par rapport aux théories sur la diminution du temps de travail : tout d'abord, selon certains décideurs économiques et plusieurs observateurs, la diminution du temps de travail entraînera rapidement un problème d'équilibre entre l'offre et la demande de travail (en effet, cela augmentera la pénurie de main-d'œuvre dans certains secteurs clés); ensuite, il faudra veiller à ce que l'augmentation du temps de loisirs ne conduise pas à une augmentation du travail en noir .

Par ailleurs, selon un dirigeant du secteur bancaire sceptique quant à la réduction du temps de travail, ce dont la Wallonie a besoin, c'est d'augmenter globalement du nombre d'emplois plutôt que de partager ceux qui existent, cette dernière mesure risquant d'entraîner, au niveau de l'ensemble de la population, une diminution du pouvoir d'achat.

3.3.2.3. La politique du chômage

Se disant réalistes, la plupart de nos interlocuteurs estiment qu'il faut admettre que la situation sur le marché de l'emploi ne sera jamais optimale car la valeur "travail" dépend nécessairement du niveau macro-économique. Cependant, il faut être conscient du fait que le chômage est synonyme de non-existence sur le plan social et que le désespoir qu'il entraîne pour les jeunes est un des problèmes principaux de la Wallonie.

Dès lors, d’après un dirigeant du Forem, il convient de s’interroger sur le sens à donner, dans le futur, à la valeur travail par rapport à la problématique du chômage. Le travail est plus qu'un moyen d'obtenir des ressources, c'est aussi un outil de reconnaissance sociale, d'intégration, d'identité auquel il n'est pas possible actuellement de trouver un substitut.

Selon un important décideur financier, le chômage constitue l'un des problèmes les plus délicats du passage à la nouvelle révolution industrielle car les changements technologiques feront perdre plus d'emplois dans les secteurs traditionnels qu’ils n’en créeront dans les nouvelles technologies. De plus, les personnes ayant perdu leur emploi ne pourront être réengagées dans les nouvelles filières en raison de leur manque de culture technologique.

Un patron du secteur bancaire se dit convaincu de la nécessité de l’utilisation des sommes consacrées au chômage pour créer de nouveaux emplois. Il propose de lier davantage l'indemnisation par le chômage à l'obligation de formation et à l'obligation d'accepter un emploi convenable.

Depuis quelques mois, les indicateurs économiques annoncent une conjoncture macro-économique favorable à une reprise de l’emploi mais, pour que celle-ci soit effective, elle doit s’appuyer, selon différents décideurs économiques, sur :

  • une paix sociale;

  • une augmentation structurelle du taux d’investissement;

  • une utilisation optimale du capital humain;

  • une expansion continue des capacités de production.

D’autres pistes pour diminuer le chômage ont été proposées, principalement par les observateurs de la Wallonie et par des Traceurs de Lendemains :

  • la simplification des aides à l’embauche;

  • la coordination des aides régionales et fédérales;

  • la formation professionnelle en entreprises, en motivant tout spécialement ces dernières. Pour cela un transfert des compétences de l'enseignement technique et professionnel entre la Communauté française et la Région wallonne est nécessaire;

  • la valorisation des emplois de proximité et à valeur écologique;

  • l’encouragement des formations "d’adéquation" au marché de l’emploi;

  • la valorisation du statut d’indépendant et d’entrepreneur;

  • l’analyse des mesures prises dans les pays voisins;

  • un financement alternatif de la sécurité sociale afin de favoriser les entreprises créatrices d’emplois;

  • des aides particulières aux personnes qui créent leur propre emploi et aux PME;

  • le développement de secteurs d’activités créateurs d’emplois comme les services de proximité, l’économie sociale, le tourisme, l’environnement (gestion des déchets), les services et ressources de proximité, les nouvelles technologies.

Enfin, le déséquilibre entre emplois du secteur marchand et du secteur non-marchand, et plus particulièrement la faiblesse du premier par rapport au second – telle que mise en évidence par l'équipe d'Albert Schleiper au congrès La Wallonie au futur de 1991 –, a fait l'objet de plusieurs commentaires. Pour un observateur de la vie économique, il faudrait pouvoir créer une dynamique de transformation de sociétés du secteur non-marchand en entreprises, là où cela est possible.

 

 

 

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