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Rapport préliminaire

Chapitre 1
 

1. Le nouveau paradigme

1.1. Le nouveau paradigme – Synthèse

Dès 1987, la dynamique prospective La Wallonie au Futur s'est donné pour tâche de définir les nouveaux paradigmes de la société de demain et de déceler les signes de leur émergence en Wallonie dans les domaines de la vie économique, culturelle, sociale et politique.

Ainsi, le travail que s'assignait le congrès permanent consistait-il à dégager les nouveaux enjeux perceptibles en Wallonie dans un avenir proche et à dessiner des pistes d'action (voies et moyens) qui devraient alimenter les politiques en Wallonie. Il s'agissait donc de donner des orientations générales et non de définir des programmes politiques précis.

C'est au niveau des réalités micro-locales que les grandes mutations se font, sont vécues, assumées, interprétées et peuvent devenir source de projet. Le monde n'existe pas. Le monde en tant que tel, c'est une réalité abstraite. Elle est faite par des réalités micro.

Riccardo Petrella
Quatre messages à la Wallonie, 1987.

 

Cette démarche s'est voulue transversale et interdisciplinaire. Certes, il était nécessaire, dans l'approche globale, de respecter la spécificité des divers champs qui constituent la vie en société (économie, culture, politique, vie sociale, cadre de vie, etc.), mais il est apparu indispensable de valoriser les interactions en mettant en évidence l'articulation des champs et le décloisonnement des politiques.

Ainsi, les travaux du congrès permanent La Wallonie au futur ont voulu appréhender la Wallonie comme une société en projet, ce qui constitue une manière de poser son existence même, en abordant la multiplicité de ses projets économiques, technologiques, scientifiques, éducatifs, culturels, institutionnels, de cadre de vie, etc. De toutes ces approches, le congrès permanent a toutefois voulu faire de l'éducation – fonction vitale des sociétés hautement industrialisées – l'élément moteur d'une Wallonie en mutation.

 

Notre visée fondamentale n'est-elle pas d'inventer les voies et les moyens qui donneront à toutes les couches de la population, je dis bien toutes les couches de la population, les aptitudes et les capacités de vivre autonomement et positivement les nécessaires mutations du futur, et de rompre avec le syndrome de l'échec ?

Michel Quévit
1991.

On peut faire l'hypothèse, en effet, qu'en Wallonie comme dans d'autres régions de vieille industrie, les difficultés à passer le cap de la troisième industrialisation sont largement d'ordre culturel. Autrement dit, l'impact des deux premières industrialisations a été tellement lourd qu'il s'est accompagné d'une considérable institutionnalisation des modes d'action économique et sociale qui pèsent lourdement sur les capacité de changement. Il n'empêche que la modernisation passe par la modification de cette culture industrielle.

Les transformations culturelles sont donc une des composantes essentielles des changements qui s'opèrent en Wallonie. Elles ne concernent pas tant la recherche identitaire, affirmée par certains, aujourd'hui, comme une nécessité – on ajoutera : à condition qu'elle articule le particulier sur l'universel, les racines au projet –; plus largement ces transformations concernent la vie sociale dans son ensemble, les modalités de l'initiative, la renaissance de la société.

Michel Molitor
1987.

 

L'émergence du qualitatif sur le quantitatif constitue la clef du nouveau paradigme, de manière à appréhender le futur en se posant la question de la finalité du développement. Il s'agit, dans un véritable renversement de tendance, de mieux répondre aux besoins qualitatifs de la population par une inversion de l'offre au profit de la demande.

La volonté du congrès a été la clarification d'un enjeu parmi les plus importants qui soient : celui de l'indispensable mobilisation des potentialités humaines, intellectuelles, sociales et culturelles de la population de Wallonie au devenir de sa région.

 

1.2. Le nouveau paradigme – Constats, analyse, pistes et exemples

Constats

Analyse

Pistes et exemples

C1
La mutation en cours affecte tous les domaines de la civilisation : principes de la production, organisation sociale, culture. La Wallonie n’est pas le lieu ou émerge spontanément une nouvelle révolution industrielle.
A1
Pour assurer la mutation en cours, il est indispensable de changer de paradigme : il est nécessaire de transformer l’ensemble de la vie sociale.
P1
Développer et mettre en œuvre un projet wallon de société qui vise à mieux répondre aux besoins qualitatifs de l’ensemble de la population (éviter une dualisation de la société) pour donner à celle-ci les moyens de vivre les changements du futur de façon autonome :
  • un projet économique
  • des stratégies pour l’emploi
  • un projet scientifique et économique
  • un projet éducatif
  • un projet culturel
  • une politique globale d’aménagement qui assure qualité de vie et bien être social
  • des institutions qui mettent en œuvre ces projets.
C2
Cette mutation se caractérise par l’utilisation généralisée de l’information en tant que ressource, et conduit à l'incorporation au produit final de toutes les activités humaines d'éléments immatériels : connaissance, information, organisation, par l'émergence du qualitatif sur le quantitatif.
A2
Le développement futur de notre société passe par l’adoption d’une logique inversant l'offre au profit de la demande, et en accordant la prédominance au qualitatif par rapport au quantitatif.
P2
Réformer les modes d’organisation des structures collectives (entreprises, enseignement, recherche, administratives, politiques) pour y valoriser l’esprit d’initiative et de responsabilité, pour y remplacer le modèle taylorien par un fonctionnement interdisciplinaire, participatif, et en réseaux ouverts.
C3
Les modes d’action économique et sociale de l'industrialisation pèsent lourdement sur les capacités de changement de la Wallonie. Le développement de la Wallonie s’est jusqu'à présent fondé sur une logique de production.
A3
Les difficultés pour la Wallonie à passer le cap de la nouvelle mutation sont d’ordre culturel.
P3
Il faut intimement associer le projet culturel au projet économique
C4
La pluralité, la diversité, la complexité font partie des nouveaux enjeux de la société.
A4
Chaque région doit développer sa spécificité pour être mieux plurielle.
P4
Organiser l'identité wallonne selon une double démarche d’enracinement et d’universalité et en diffuser systématiquement les résultats.

 

1.3. Le nouveau paradigme – Enquête réactive

1.3.1. Un projet de société pour la Wallonie ?

On se rend compte de la nécessité d'un projet wallon en raison du manque qui se fait sentir.

Une personnalité politique libérale

La plupart des personnes rencontrées et toutes celles qui ont répondu à notre questionnaire se sont affirmées intéressées par une réflexion prospective sur un projet de société pour la Wallonie. Toutefois, le terme projet de société irrite certains décideurs économiques et politiques qui le considèrent comme trop ambitieux. Ceux-ci estiment notamment qu'un projet de société pour la Wallonie ne peut être, en fait, que la juxtaposition des projets de société des différentes composantes philosophiques et politiques de la Région. Par contre, certains interlocuteurs – minoritaires – veulent élargir le cadre de réflexion à l'espace Wallonie - Bruxelles, concevant déjà une difficulté dans le fait de circonscrire, voire de limiter, une réflexion prospective à la seule Wallonie.

De leur côté, certains jeunes candidats Traceurs de Lendemains ne craignent pas de proposer une vision globale d'un projet de société pour la Wallonie, ce qui, en une page de présentation, constitue – il faut le reconnaître –, un défi. Les uns évoquent un ou deux points qui rejoignent les analyses des aînés, souvent en plus corrosif. Les autres développent l'une ou l'autre thématique précise en lien direct avec leurs préoccupations professionnelles ou personnelles.

A côté de ce courant largement majoritaire d'interlocuteurs intéressés par une réflexion sur un projet de société, certains décideurs et quelques jeunes s'interrogent sur l'utilité d'une réflexion à propos d'un projet global, commun à l'ensemble de la Wallonie, à l'heure où les instances de la Région wallonne ne font pas autre chose que de répondre ponctuellement à des problèmes précis, où les différences tant de mentalités que de réalités économiques augmentent au sein de la Wallonie, où les sous-régions à fort développement économique – à l'exception de Namur – se tournent, non pas vers la Wallonie, mais bien vers l'extérieur. Ainsi, le Brabant wallon se tournerait plutôt vers Bruxelles, le Sud Luxembourg vers le Grand Duché, le Hainaut occidental vers Lille et le Nord - Pas-de-Calais, tandis que les Cantons de l'Est le font vers l'Allemagne. Ce discours tend à démontrer que l'on va plus vers une augmentation des divergences au sein de la Wallonie que vers une convergence autour d'un projet de société commun, chacun défendant d'abord sa sous-région, son fief électoral, le terme fief étant pris dans son sens le plus médiéval et, ce, quels que soient les propos officiels.

Par ailleurs, plusieurs interlocuteurs notent que, depuis un temps assez récent – évalué en mois – les partis politiques traditionnels mesurent l'importance de la Wallonie et du développement d'un projet de société pour la Région par les Wallons eux-mêmes car, au niveau de la Belgique, il y aura, au minimum, un contrôle de plus en plus important des flux de la solidarité tandis que, au niveau européen, la Wallonie ne bénéficiera plus, après la période transitoire, d'aides structurelles (objectifs 1, 2 et 5b). L'avenir de la Wallonie serait donc désormais uniquement aux mains des seuls Wallonnes et Wallons. Dès lors, la démarche La Wallonie au futur, bien que déjà ancienne, acquerrait enfin sa pertinence ou sa raison d'être.
Selon un cadre politique social-chrétien, si la plupart des gens peuvent être d'accord avec la construction d'un projet wallon, le tout est cependant de savoir de quelle manière on souhaite l'élaborer. Entre ce qui a été entrepris par le gouvernement wallon, notamment par le biais de la Déclaration de Politique régionale complémentaire, – jugée trop graduelle pour pouvoir être considérée comme un signal fort par la population – et par une révolution culturelle, il conviendrait de mettre en place un programme radical sur un certain nombre de réformes concernant des facteurs endogènes de croissance afin de se couper des pratiques du passé.

1.3.2. L'impact des congrès La Wallonie au futur

Des contacts directs avec les décideurs, il apparaît tout d'abord que peu d'entre eux connaissent réellement et de manière exacte l'Institut Jules Destrée, et encore moins le Congrès permanent La Wallonie au futur. De même, aucun jeune participant à la démarche Traceurs de Lendemains ne cite spontanément la démarche La Wallonie au futur. Quant à la centaine de personnes ayant répondu directement aux questionnaires, si elles expriment leur connaissance de la dynamique des congrès et mesurent positivement leurs impacts, il convient de rappeler qu’elles étaient presque toutes familières de ces congrès, en tant que membres de l'Institut Jules Destrée ou participants à ces congrès.

Néanmoins, même si, de manière générale, la démarche La Wallonie au futur paraît peu connue des décideurs sous cette appellation, les idées défendues par son rapporteur général Michel Quévit, par le Comité scientifique et par le congrès permanent en général sont, quant à elles, familières des décideurs (principalement des décideurs politiques et sociaux) ainsi que des jeunes et des observateurs de la Wallonie.

Par ailleurs, si certains décideurs économiques souhaitent que La Wallonie au futur devienne davantage une réunion de multiples forces vives de la Wallonie (en collaboration avec l'Union wallonne des Entreprises, les syndicats, le monde culturel, les universités, notamment), pour d’autres par contre – des politiques, des fonctionnaires et des dirigeants de sociétés parapubliques –, une réflexion issue de l'Institut Jules Destrée seul est une force, un atout, en raison de la garantie d’indépendance de son point de vue.

1.3.3. L'intérêt du congrès permanent La Wallonie au futur dans la réflexion sur un projet de société en Wallonie

La Wallonie au futur a le défaut d'être plus intellectuel que pratique, mais c'est la seule plate-forme qui travaille en Wallonie, de façon interdisciplinaire sur un projet global. Les perspectives qu'ont pour la Wallonie des scientifiques, des économistes et des politiques s'y croisent. Ces rencontres permettent à des spécialistes d'être confrontés à d'autres spécialistes. Les résultats de cette démarche sont que la réflexion sur la Wallonie évolue, qu'il y a une volonté de formuler des projets dynamiques. Les congrès font le point sur l'évolution de la réflexion.

Un haut fonctionnaire de la Communauté française

 

Pour la plupart des décideurs connaissant la démarche La Wallonie au futur et des observateurs de la Wallonie qui ont été interrogés, les congrès constituent une démarche adéquate pour mener une réflexion sur un projet de société, étant donné qu'ils sont pluralistes philosophiquement et politiquement, indépendants des pratiques pragmatiques des partis politiques, non bloqués par la règle du consensus, interdisciplinaires et qu'ils disposent, si nécessaire, la capacité de provoquer. Certains déplorent toutefois que cette initiative soit trop éloignée du citoyen par son côté théorique et élitiste et que, comme la plupart des actions semblables dans d'autres domaines, elle mène sa réflexion en vase clos, les personnes y participant étant déjà convaincues de la nécessité des actions à mener, le milieu des entreprises et les jeunes n'étant pas encore suffisamment mobilisés.

Pour plusieurs interlocuteurs, l'existence de La Wallonie au futur a, en outre, le mérite de faire savoir au public que l'on travaille sur un projet wallon dans le milieu associatif, à défaut de le faire au niveau du Parlement et du gouvernement wallons, perçus comme trop gestionnaires et manquant de projets à long terme. Cependant, selon plusieurs responsables du secteur privé, pour pouvoir valablement interpeller la société civile, les conclusions de La Wallonie au futur devraient désormais être impérativement prises en compte par les partis politiques et les organisations patronales et syndicales, ce qui, à leurs yeux, n'est pas suffisamment le cas.

La question de savoir comment motiver la population sur la problématique d'un projet wallon a souvent été évoquée par des décideurs politiques et économiques. Ainsi, il a été reproché aux médias de ne pas donner suffisamment d'écho à la démarche. Une vulgarisation des travaux des congrès apparaît indispensable à plusieurs interlocuteurs. Les personnes familières de La Wallonie au futur perçoivent trop la démarche comme un lieu de réflexion en chambre et insistent également pour que les résultats soient davantage diffusés. Un grand intérêt a été marqué pour la réalisation du cédérom rassemblant les trois premiers congrès et la conférence consensus. Pour certains, un soutien populaire plus grand est indispensable pour faire évoluer la démarche. Selon d'autres, des moments d'arrêts et d'analyses rassemblant les élites wallonnes sont indispensables. Des responsables des domaines économique et culturel, principalement, soutiennent que La Wallonie au futur doit être un acteur – voire un moteur – du développement en Wallonie, le temps de la réflexion étant dépassé.
Enfin, en dehors des questions de contenu qui seront abordées dans les différentes sections, deux reproches d'ordres généraux ont été adressés aux travaux menés depuis dix ans par les congrès La Wallonie au futur. D'une part, plusieurs interlocuteurs regrettent l'absence de hiérarchisation dans les priorités avancées parmi les différentes matières traitées par les congrès, à l'exception de la mise en avant des valeurs immatérielles – et particulièrement de l'éducation avec, au cœur de cette question, celle, plus centrale du pilotage scolaire. D'autre part, certains acteurs, observateurs ou décideurs ont regretté que, dans leur rôle prospectif, les responsables des congrès La Wallonie au futur n'aient pas établi un calendrier idéal des propositions à mettre en œuvre. Deux questions d'organisation dont on avait pourtant délibéré au cours des réunions du comité scientifique, ces dernières années.

1.3.4. Thèmes sur lesquels devrait porter le projet wallon

Que manque-t-il à la Wallonie pour se développer économiquement ? De l'argent ? Des hommes ? Des projets ?

Si le projet est bon, l'argent se trouve, mais il manque de projets et, lorsqu'il y en a, ils sont freinés par l'administration. Quant aux hommes, soit ils entrent dans de grandes entreprises, soit ils s'expatrient.

Une personnalité politique libérale

Un des problèmes majeurs de la Wallonie est la difficulté qu'ont les Wallons de s'entendre sur des projets clés en raison du localisme et de la guerre des clans. Ces querelles empêchent les Wallons d'être de taille à se mouvoir sur le marché européen.

Un dirigeant de pararégional

Les points essentiels sur lesquels agir ont été évoqués aussi bien par des interlocuteurs que par des observateurs et des participants à la démarche Traceurs de Lendemains.

Les thèmes de l’économie et de la culture ont entraîné le plus de réflexions de la part des décideurs rencontrés. Ils sont suivis par l'éducation, le développement scientifique et technologique ainsi que le cadre de vie, tandis que l'institutionnel a été peu évoqué, plusieurs personnes soulignant qu'une des forces de la démarche La Wallonie au futur est de ne pas considérer l'institutionnel comme un but mais comme un moyen.

Parmi les personnes interrogées par écrit, les thématiques jugées essentielles pour l'avenir de la Wallonie sont l'économie et l'éducation, suivies par l'emploi et le développement scientifique et technologique.

Parmi les candidats à la démarche Traceurs de Lendemains, il apparaît que la première préoccupation de la Wallonie doit être l'emploi., Viennent ensuite le cadre de vie, le développement scientifique et technologique, l'institutionnel, l'enseignement, la formation continue, la nouvelle culture politique, les relations avec Bruxelles et la Flandre, la politique sociale.

Si les personnes rencontrées étaient très dissertes pour constater la situation dans laquelle se trouve la Wallonie et l’analyser, par contre, concernant les pistes de solutions, beaucoup moins d’idées ont été évoquées, que ce soit dans les contacts directs ou par écrit, sauf par les Traceurs de Lendemains qui évoquent, parfois de façon apparemment naïve ou irréaliste mais souvent imaginative, des projets pour le futur de la Wallonie.

De manière globale, il apparaît qu'une majorité de Wallons a l'impression que la Wallonie est en train de changer; pour les autres, le cap reste à franchir, une nouvelle organisation sociétale devant se mettre en place pour faire face aux changements extérieurs que sont la globalisation et la nouvelle révolution industrielle. Comme l'a proclamé le chef d'une grande entreprise : pour la Wallonie, le moment est venu de penser à l'avenir.

 

 

 

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