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Rapport de la Commission 2 :
Ressources humaines, création d'emplois et croissance soutenable

Robert Deschamps
Professeur d'Économie aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur

 

En 1900, le revenu par habitant était, en Belgique, le 4e du monde, et la Wallonie était la région la plus prospère du pays. Nous sommes à présent dépassés par quelque 14 pays industrialisés, et la Wallonie se situe très nettement en dessous de la moyenne européenne.

De 1974 à 1993, l'emploi a diminué en Belgique de 0,12 % par an en moyenne, contre une croissance annuelle moyenne de 0,26 % pour l'Europe des 12. Ces chiffres semblent minuscules, mais si l'emploi avait évolué en Belgique comme ailleurs, nous aurions 300.000 emplois de plus.

La Belgique figure parmi les 4 ou 5 pays de l'OCDE où le taux de chômage est le plus bas pour les personnes ayant au moins un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur; notre classement est encore meilleur en ce qui concerne les diplômés de l'enseignement supérieur. Par contre notre taux de chômage est parmi les plus élevés pour ceux qui ont au plus un diplôme de l'enseignement secondaire inférieur.

La Wallonie compte quelque 33 % de la population belge, et sa part dans l'emploi non marchand est plus importante mais elle a, en 1992, moins de 23 % de l'emploi marchand du pays. Dans l'emploi, il faut d'abord être attentif à l'emploi marchand, non pas parce que l'emploi non marchand ne serait pas productif, mais parce qu'il n'est pas finançable sans un secteur marchand suffisamment large pour qu'on puisse y prélever de quoi payer l'activité non marchande.

Comme on le voit, tant en termes de croissance que d'emploi, la situation wallonne n'est pas brillante. on sait que la croissance est nécessaire pour qu'il y ait création d'emplois, mais elle ne suffit pas. Que faire pour avoir une croissance accompagnée d'emplois et ce de façon durable et cumulative ?

Les analyses économiques de la croissance tentent de répondre aux deux questions suivantes : - comment expliquer la croissance accompagnée d'emplois ? - pourquoi y a-t-il des différences entre les pays ?

De travaux tant théoriques qu'empiriques, on peut tirer les enseignements suivants :

Dans un pays, ou une région, la combinaison de 3 facteurs favorise la croissance économique accompagnée de création d'emplois :

  • l'investissement en capital physique des entreprises, qui accélère l'introduction du progrès technique dans l'économie et développe des rendements d'échelle croissants;

  • la recherche et développement;

  • le capital humain (accumulation de l'effort consacré à l'éducation et à la formation, en ce compris la formation des adultes et la qualification acquise par le travail).

Les autres facteurs possibles de croissance sont beaucoup moins significatifs.

Ces 3 facteurs agissent en synergie. Par exemple, un pays où le capital humain est plus élevé que dans un autre aura une main-d'oeuvre plus qualifiée, ce qui lui permettra d'allouer plus de ressources à la recherche et au développement car celle-ci fait plus appel à de la main d'oeuvre qualifiée. L'innovation et la croissance économique y seront donc plus fortes. Le pays se spécialisera dans la production de biens et services nécessitant des travailleurs qualifiés, dont la productivité est plus élevée. Ceci permet aussi des salaires et un niveau de vie plus élevés, en plus forte croissance. A l'inverse, un pays investissant peu en capital humain se spécialisera progressivement dans la production de biens et services incorporant peur de travail qualifié, à productivité du travail fable, faisant peu de recherche et de développement., et aura une plus faible croissance économique et un niveau de vie plus bas.

Dans les travaux de la Commission 2, les trois facteurs sont examinés, ainsi que les conditions sous lesquelles ils influencent favorablement la croissance. Quatre contributions portent sur le capital humain, une sur la recherche et développement, et une sur l'investissement des entreprises.

Edouard Wuilquot analyse le rôle économique de la formation professionnelle. après en avoir décrit les structures institutionnelles, il analyse plus particulièrement la question du suremploi catégorie 2. Celui-ci découle d'une inadaptation de la main d'oeuvre à l'évolution économique, et cause des goulots d'étranglement en amont et en aval, aggravant ainsi le chômage et freinant la croissance. Pour éviter ces problèmes, il importe de mesurer rapidement les déséquilibres entre les catégories et d'adapter constamment et rapidement les formations en fonction des besoins en travailleurs qualifiés.

Olivier Plasman évalue les programmes de formation professionnelle au moyen d'enquêtes, en fonction du critère d'insertion professionnelle. L'évolution du taux de placement dépend des caractéristiques des stagiaires : la qualification, contenue dans la possession d'une expérience professionnelle et dans le niveau de diplôme, le sexe, la durée de chômage, l'âge. A chaque trajectoire d'une personne correspond une combinaison particulière de caractéristiques personnelles et de caractéristiques de la formation. L'impact de la formation dépend de ces deux dimensions. Il importe donc de bien cibler les formations en fonction de ce double constat.

Benoît Mahy présente, les politiques actives d'emploi menées en Wallonie : conseil et placement, formation, emplois publics, subsidiation à l'embauche. IL évalue l'impact de ces politiques sur les chômeurs et l'emploi, en analysant six programmes concernant 16000 trajectoires personnelles. Des recommandations en découlent : privilégier le conseil et placement et la formation, et bien cibler les programmes de formation.

Francis Tilman s'intéresse à la formation professionnelle initiale, à l'école technique et professionnelle. Après avoir évoqué la crise de cette formation et montré son inadaptation, il définit le concept de qualification, qui ne coïncide pas avec la compétence. Il analyse le lien entre la qualification et l'employabilité : l'école a perdu le contact avec le monde de la production; il importe de redéfinir son projet. Dans cet esprit, l'auteur fait plusieurs propositions de modifications de la formation professionnelle initiale.

Claire Nauwelaers nous fait réfléchir à la politique d'innovation technologique en Wallonie; l'innovation technologique englobe, mais ne se réduit pas à la recherche et développement. Il importe de dépasser la logique d'une offre technologique venant d'en haut, pour privilégier une vision interactive, partant des besoins du marché. La prise en compte des besoins des entreprises, y compris des PME, et de leurs marchés amène naturellement à ce comportement interactif, condition indispensable pour que la politique d'innovation technologique soit utile aux entreprises, et surtout aux PME. Dans cette logique, elle analyse le projet STRIDE, centré sur la formation des ressources humaines au sein de l'entreprise.

Michèle Mignolet étudie la politique régionale de le promotion de l'investissement, et plus particulièrement de l'investissement étranger en Wallonie. L'impact de la politique régionale sur le coût du capital des sociétés multinationales est variable selon les régimes de taxation internationale. A partir de nombreuses simulations intégrant les principaux paramètres, son étude appuie l'idée selon laquelle il est préférable d'utiliser l'instrument de la prime en capital plutôt que la réduction du taux de l'impôt des sociétés.

Trois facteurs favorisent donc durablement la croissance économique accompagnée de création d'emplois : l'investissement en capital physique des entreprises, la recherche et développement, le capital humain.

Où en sommes-nous en Wallonie à cet égard ? Il y a proportionnellement moins d'investissements en capital physique des entreprises, moins de recherche et développement, moins de dépenses en capital humain (du moins en formation des adultes) car nous dépensons beaucoup plus dans l'enseignement surtout au niveau du secondaire) en Wallonie que dans l'ensemble de la Belgique, et en Belgique que dans l'ensemble de l'Union européenne. Il n'est donc pas surprenant que, depuis de nombreuses années, nous ayons une faible croissance et des pertes d'emplois. Ces problèmes structurels sont, en bonne partie, la conséquence d'une insuffisance dans ces trois domaines.

Quelles implications peut-on tirer de ce constat pour la politique économique de la Wallonie ?

Si nous voulons durablement, plus de croissance accompagnée de création d'emplois, notre politique économique doit privilégier trois orientations.

  1. Favoriser l'investissement en capital physique des entreprises, y compris les investissements étrangers, ce qui n'est pas la même chose que créer des sociétés para-publiques. Certains instruments budgétaires sont plus efficaces que d'autres; soyons sélectifs. Profitons aussi de la présence à Bruxelles de centaines d'entreprises internationales, qui y ont au moins une antenne.

  2. Développer l'innovation et la recherche et développement. Evaluer l'impact de notre politique actuelle : est-elle suffisamment branchée sur les besoins des entreprises, y compris des PME ? S'organise-t-elle en fonction des demandes des entreprises et de leurs marchés?

  3. En matière de politique de l'emploi, il faut accroître notre effort dans le domaine de la formation des adultes. A côté des services en conseil et placement, dont on sous estime trop souvent l'importance, le meilleur accompagnement que l'on puisse fournir aux chômeurs est une bonne formation. Celle-ci accroît leurs chances de retrouver du travail lors d'une reprises conjoncturelle. Les formations d'adultes sont, chez nous, trop éparpillées, trop peu dirigées vers les chômeurs. Il convient de mieux les cibler en tenant compte à la fois du profil des personnes et des contenus des programmes. Par ailleurs, l'enseignement technique et professionnel des jeunes devrait être repensé, en collaboration avec les entreprises.

Si nous voulons, durablement, une croissance économique accompagnée de création d'emplois, il faut faire des choix de politique économique dans les directions indiquées ci-dessus. Il faudra garder le cap pendant des années et des années, et évaluer constamment si l'impôt par les Wallons est bien utilisé dans ce sens. Ces choix doivent se traduire dans des arbitrages budgétaires, années après année.

L'alternative est plus facile. Elle consiste à ne pas évaluer l'utilisation de l'argent public, à privilégier le présent plutôt que l'avenir, ceux qui réclament plutôt que ceux qui n'ont pas encore voix au chapitre. Mais au bout du chemin, il y a la stagnation économique et trop peu d'emplois.

Avant de choisir, posons-nous la question : quelle Wallonie voulons-nous transmettre à nos enfants ?

 

Références

 

- Deschamps R., "Formation des adultes, croissance et emploi dans une perspective de long terme", 11e Congrès des économistes belges de langue française, CIFOP, Charleroi, 1994.

- Mahy B, "Conception et importance relative des politiques actives d'emploi en Wallonie. Une analyse", La Wallonie au futur, Institut Jules Destrée, 1995.

- Mignolet M., "La politique régionale et l'investissement étranger", La Wallonie au futur, Institut Jules Destrée, 1995

- Nauwelaers C., "Quelles politique pour l'innovation technologique en Wallonie ?" La Wallonie au futur, Institut Jules Destrée, 1995.

- Plasman O., et Hecq Ch., "Formations et insertion professionnelle, analyse des trajectoires de chômeurs ayant suivi une formation professionnelle", La Wallonie au futur, Institut Jules Destrée, 1995.

- Tilman F., "Proposition pour un renouvellement de la formation professionnelle initiale", La Wallonie au futur, Institut Jules Destrée, 1995,

- Wuilquot E., "Le rôle économique de la formation professionnelle", La Wallonie au futur, Institut Jules Destrée, 1995.


 

 

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