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Propositions pour un renouvellement de la formation professionnelle initiale

Francis Tilman
Économiste - Le Grain asbl (Atelier de pédagogie sociale)

 

La formation professionnelle initiale, à l'école technique et professionnelle, est en crise.

Ce trouble tient pour l'essentiel au sentiment, largement partagé, que la formation professionnelle donnée dans ce type d'enseignement est en inadéquation avec les besoins réels du monde économique.

Un autre élément de crise est l'étiolement et l'obscurcissement du projet professionnel d'une grande partie des jeunes, dus essentiellement à l'absence d'alternative à l'école jusqu'à 20 ans. Ceci est un phénomène récent (1).

Le patronat a, ces dernières années, abondamment exploité politiquement et idéologiquement cette situation, rejetant sans vergogne sur l'enseignement la responsabilité du chômage, et cela en dépit de toutes les analyses qui montraient l'inanité de cette argumentation.

Indépendamment de cette dérive, il est pertinent de se demander s'il n'est pas nécessaire de repenser la formation professionnelle dans le cadre d'une société en transformation rapide, au sein de laquelle l'enseignement s'est considérablement développé, contribuant a éloigner les jeunes de la culture du travail, tout en élevant le niveau de formation.

 

L'introuvable qualification

On peut rapidement se rendre compte que le concept de qualification, autour duquel tout le monde se rallie spontanément lorsque l'on parle de préparation à l'emploi, est en fait inadéquat pour penser la formation professionnelle. En effet, contrairement aux apparences, l'acception de ce terme varie fortement selon l'acteur social qui l'utilise. Ainsi, on peut repérer au moins 5 sens différents attribués à ce mot.

 

1. La qualification comme niveau d'étude atteint ou la qualification pour les autorités éducatives, le politicien, le statisticien, l'élève. Dans cette optique, est qualifié, celui qui a réussi certaines étapes de la scolarité. Qualification est ici synonyme de certification.

L'école parle d'épreuve de qualification; l'homme politique d'accroissement du niveau de qualification d'une population active, appréhendée par l'élévation du nombre et du niveau des diplômes; les fonctionnaires mesurent la qualification des chômeurs par leur niveau de scolarité; le statisticien établit ses comparaisons internationales sur base du même critère, etc. C'est cette conception de la qualification qui est retenue dans les études de planification. C'est cette forme de qualification que recherche le jeune à l'école.

 

2. La qualification comme facteur de production ou la qualification pour l'économiste, le chef d'entreprise. Ici, la qualification est un facteur de production qui a un coût, dont le gestionnaire doit tenir compte au même titre que les investissements en équipements fixes, ou l'approvisionnement en énergie, matières premières et autres facteurs variables.

Dans cette perspective, les préoccupations tournent autour du prix, de la qualité et de la fiabilité de la main d'oeuvre. On parle également du coût de l'incompétence. Les politiques de formation continuée et certains modes de gestion des ressources humaines (organisation qualifiante) s'inscrivent dans cette conception de la qualification.

 

3. La qualification comme ensemble des compétences possédées par le travailleur ou la qualification pour le syndicaliste ou le responsable de la gestion du personnel. Cette fois, c'est le travailleur qui est qualifié. On, lui reconnait certaines habiletés, certains savoir-faire, certains comportements qui sont donc indépendants des diplômes possédés et qui ont été construits, par l'expérience et l'enseignement des anciens, sur les lieux même de la production. Si la formation initiale lui a donné quelques aptitudes qu'il a pu mobilier dans son travail, la capacité du travailleur a exercer le travail réel (et pas seulement prescrit) vient surtout de son expérience des conditions réelles de production et des réponses qu'il a été amené à mettre au point, avec l'aide des collègues.

Ce potentiel de qualification, souvent peu apparent, bien qu'il ait constitué l'objet de nombreuses recherches de la sociologie du travail à une certaine époque, se révèle dans des situations de production inhabituelles, quand il faut prendre des initiatives, quand il faut faire face aux imprévus, quand il faut pallier aux erreurs de programmation du bureaux des méthodes, etc.

C'est cette ressource que les gestionnaires essayent de mobiliser dans des formes de revalorisation du travail et certains modes de gestion participative, dans la mise en place de nouveaux dispositifs de formation sur le terrain, etc.

Les syndicalistes également tentent de valoriser et de monnayer ces compétences, en un faisant un critère essentiel pour la définition des niveaux dans les échelles barémiques.

Par ailleurs, la prise de conscience des capacités professionnelles, constitutives d'une qualification, donne au travailleur son assurance et sa fierté.

 

4. La qualification comme travail complexe, ou la qualification pour l'ergonome. Dans cette perspective, c'est le poste de travail qui qualifie en exigeant un niveau plus ou moins élevé de compétences : des savoir-faire, des modes de raisonnement, de l'initiative ou la prise de responsabilité, etc.

Dans cette conception le degré de qualification du travailleur est donc défini, non plus par ses aptitudes personnelles (comme dans le cas précédent) mais par les compétences qui sont exigées pour occuper tel ou tel emploi. Qualifier revient alors à faire acquérir les compétences spécifiques requises par un emploi particulier.

 

5. La qualification comme rapport social ou la qualification pour le sociologue du travail. Pour ce dernier, du moins pour celui qui s'inscrit dans un certain courant, héritier de P. Naville, la qualification n'existe pas comme telle. Son contenu est le résultat, provisoire, d'une négociation. Les discours sur la qualification, donc la définition de ce qu'elle est à un moment donné, est le résultat, local et conjoncturel, d'un rapport de pouvoir, de conflits.

En conclusion, on peut dire qu'à la définition et la reconnaissance sociale de la qualification sont attachés des enjeux. Pour le travailleur, elles détermineront un niveau de revenu et une image de son identité sociale. Pour l'employeur, elles ont une incidence directe sur ses coûts et sur le jeu de contraintes dont il dispose.

En conséquence, nous pensons que, comme telle, la notion de qualification est inadéquate pour élaborer une politique de formation professionnelle initiale (2). Tour à tour, nous serons amené à évoquer la dimension 4, 1 et 5 de la qualification. A chaque fois, nous substituerons un autre vocabulaire pour chacune de ces dimensions, que nous définirons le plus précisément possible.

 

Une autre manière de penser l'aptitude au travail

Pour entrer dans une redéfinition de la formation professionnelle initiale, nous proposons de penser d'une nouvelle façon l'aptitude au travail, à travers le concept d'employabilité.

Si on s'intéresse à l'évolution des discours sur l'analyse du travail, on peut observer, avec certains chercheurs, des glissements sémantiques et conceptuels importants.

Tout d'abord, la notion des "geste professionnel" qui définissait surtout les manipulations requises pour conduire un certain type de machine ou pour réaliser un travail précis, et dont l'acquisition était l'objet principal de la formation professionnelle, est abandonnée au profit de celle de compétences qui s'entend comme les diverses aptitudes, au sens large du terme, nécessaires pour réaliser une tâche donnée. Ce déplacement notionnel correspond à la volonté de pouvoir intégrer, dans la description du travail, des facteurs autres que les habiletés motrices des travailleurs, auxquelles étaient éventuellement associées quelques connaissances. Le mot est d'ailleurs souvent employé au pluriel puisque l'observation montre que l'exercice des tâches professionnelles exige plusieurs compétences, dans des registres variés (3).

De même, la notion de "poste de travail", héritée de la conception taylorienne de l'organisation du travail, apparaît impropre à qualifier l'ensemble des tâches qui sont habituellement attribuées au travailleur. On lui préfère actuellement la notion de fonction qui se définit comme l'ensemble des activités qui concourent à remplir une utilité pour la production d'un bien ou d'un service. On substitue donc à une approche spatiale de l'organisation du travail, une approche fonctionnelle, plus contractuelle, qui reconnaît la contribution personnelle du travailleur à la production, plus que sa place dans une division du travail.

Ainsi donc, on convient, maintenant, de considérer que le travailleurs reçoit des attributions qui l'obligent à exercer plusieurs tâches, plus ou moins complexes, pour lesquelles il a besoin de compétences.

La notion d'emploi (ou de métier) prend alors un sens sociologique plus marqué. Il n'est plus simplement l'activité productive, associée à un contrat de travail, mais la reconnaissance sociale, à travers des appellations standardisées et généralisées, associées souvent à des diplômes ou à des formations instituées, d'un ensemble d'activités professionnelles, bien identifiables, pour lesquelles on embauche et on rémunère des personnes. Un emploi peut recouvrir plusieurs fonctions (4).

 

De la qualification à l'employabilité

Sur base de ces constats, il est possible de définir un nouvel enjeu pour la formation professionnelle initiale. Cette dernière devient alors la préparation à l'employabilité.

L'employabilité peut être définie, tout simplement, comme la capacité, pour un individu, d'occuper un emploi donné. Cette définition, apparemment élémentaire, est pourtant lourde de conséquences (5).

En effet, le paradigme relatif à la formation professionnelle, vue comme la préparation à l'employabilité, repose sur la conviction qu'il est possible de définir des objectifs pédagogiques, formulés à partir d'une analyse des fonctions, mettant en évidence les compétences requises (6). En effet, le repérage des compétences est souvent décliné dans un langage repris à la pédagogie des objectifs (savoir, savoir-faire, savoir être). On peut montrer qu'il est relativement facile de passer de descriptifs de profils professionnels (pour autant que ces derniers aient été construits sur une analyse réelle des fonctions et non à partir d'une réflexion formelle en chambre) à des référentiels didactiques, exprimés en objectifs.

Dans cette conception, il est donc théoriquement possible, d'un point de vue pédagogique, de dissocier les compétences à acquérir et les didactiques à utiliser pour les atteindre. Autrement dit, il n'y a pas de didactique obligée pour préparer à une profession (7).

Mais plus fondamentalement, cette approche modifie radicalement le contenu même de la formation professionnelle. En effet, il est possible de montrer qu'il y a des "invariants" dans les compétences professionnelles, ou, si on veut le dire autrement, que certaines aptitudes, habiletés ou connaissances sont communes à plusieurs, voire à toutes les professions. Ces compétences, nous proposons de les appeler des "compétences génériques".

On peut dégager un ensemble de compétences génériques et constituer une formation professionnelle commune à l'ensemble des emplois ou à une famille de métiers. Nous avons là le substrat solide de la fameuse "polyvalence" dont on parle tant (8). Si donc ce fonds commun de compétences est enseigné, il devrait faciliter, objectivement et subjectivement, l'évolution et/ou la réorientation professionnelle des jeunes travailleurs, imposée par l'évolution des emplois et des professions.

 

Une nouvelle organisation de la formation professionnelle initiale

Une organisation de la formation professionnelle initiale qui chercherait à mettre en oeuvre cette nouvelle optique éducative, exigerait de profondes transformations structurelles par rapport à l'organisation actuelle de l'enseignement technique et professionnel. Evoquons quelques-unes d'entre elles.

1. L'enseignement secondaire doit se restructurer. Il n'y aurait plus qu'une seule filière de qualification, à côté d'une filière de transition. La distinction entre l'enseignement technique et l'enseignement professionnel, telle qu'on la connaît actuellement (et qui n'a pas toujours été celle-là) n'a plus de raison d'être.

2. En effet, au sein de la filière de qualification, la durée des études varierait selon les compétences à acquérir et ne serait pas moulée automatiquement, comme c'est le cas aujourd'hui, dans un découpage temporel par degré, calqué sur l'enseignement général. Le seuil d'employabilité (niveau de compétences requis pour exercer un emploi) varie selon la profession. Le temps à consacrer pour l'atteindre devrait être variable lui aussi.

3. La formation professionnelle initiale doit être organisée en système modulaire pour permettre la construction d'un cursus spécifique à chaque employabilité et pour faciliter le passage d'un métier à un autre. La maîtrise de ce dernier ne requérait plus que l'acquisition des modules manquants.

4. L'école aurait obligatoirement en charge la formation professionnelle commune mais pourrait négocier avec les entreprises, à travers différentes formules d'alternance, la prise en charge par ces dernières de la formation spécifique (ensemble des compétences autres que génériques, nécessaires à la maîtrise professionnelle) (9). Voilà redéfinit l'objet de l'alternance.

5. Enfin, dans un registre peut-être plus pédagogique que structurel, il faut observer que la définition d'un programme de formation à partir de l'analyse des compétences requises, bouleverse le rapport habituel cours théoriques/cours pratiques. Du strict point de vue de la formation professionnelle, les connaissances théoriques à posséder sont fonctionnelles. Elles doivent donc être enseignées seulement dans la mesure où elles se révèlent nécessaires à l'exercice de l'emploi. Elles seront donc organisées en îlots de rationalité fonctionnels et interdisciplinaires et non en corpus théoriques, avec la logique et le développement spécifiques à chaque discipline.

 

Une objection de fond

Indépendamment des questions de faisabilité des transformations proposées ci-dessus, et donc aussi des résistances probables qu'une telle réforme engendrerait, on peut évoquer plusieurs objections à nos propositions.

Une objection de fond (10) porte sur le caractère subordonné de la formation professionnelle initiale aux exigences et aux impératifs des entreprises, créant ainsi une totale dépendance de l'école par rapport au monde économique, si celle-là s'organise sur le modèle de l'employabilité.

Cette remarque appelle les réflexions suivantes.

1. Il faut choisir : soit l'école entend assumer la formation professionnelle initiale, et donc se doit de le faire efficacement en fonction des emplois réels et de leur devenir; dans ce cas elle doit aller chercher ses informations dans le monde de la production; soit elle refuse d'être l'instrument des entreprises, au service direct de leurs besoins et donc, logiquement, elle renonce à ce rôle.

2. La référence à des compétences acquises par le travailleur, comparées aux compétences requises pour exercer un emploi donné, peut être un instrument de dérégulation des conventions collectives et des échelles barémiques (11). Aussi, pour permettre de clarifier les négociations autour de la reconnaissance de la "valeur" d'une employabilité (12), il est important que les seuils d'employabilité soient certifiés socialement. L'école doit donc mettre en place un nouveau système de certification qui attestera de la maîtrise de chaque type d'emploi enseigné (13). Les employeurs doivent être associés à ces épreuves de "qualification" car pour que cette attestation ait quelque poids social, ils doivent en reconnaître la légitimité (14).

3. La préparation à l'employabilité n'est pas la seule mission de l'école. D'autres rôles lui incombent encore en tant que service public.

Premièrement, elle peut (elle doit ?) former le travailleur lucide et critique, c'est-à-dire un travailleur capable de comprendre le monde de l'entreprise, au delà de la simple dimension technique (logiques économiques, organisationnelles, sociales en jeu), capable de prendre du recul par rapport à la technologie qui sert de support à la production et à son mode d'organisation, disposant des jalons en histoire sociale et en matière de législation sociale et de droit du travail.

D'une manière plus générale, elle doit apprendre aux jeunes à prendre des initiatives, à pouvoir négocier, à confronter leurs projets individuels et collectifs aux contraintes des institutions, remplissant par là une autre mission, la formation du citoyen lucide et critique (15).

Enfin, même dans les filières de qualification, l'école doit ouvrir aux sciences et aux arts, à travers une formation que nous qualifierions, d'esthétique. Nous optons volontairement pour ce terme pour mettre en évidence le fait que l'ouverture aux sciences et aux arts doit être libre et être basée sur le plaisir et l'intérêt que les jeunes peuvent tirer de s'approprier le patrimoine artistique ou scientifique de l'humanité (16).

 

Conclusions

L'école technique et professionnelle, à cause de la démocratisation qu'elle a connue (massification et prolongation de la scolarité), a perdu le contact avec le monde de la production. Le travail n'est plus une alternative à l'école pour les moins de 20 ans. La culture de l'école, dans laquelle baigne les jeunes si longtemps, est très éloignée des normes, des valeurs et des références du monde économique.

Les multiples formes d'alternance qui se développent modestement aujourd'hui, mais surtout les nombreux discours à son sujet, tentent de rétablir des passerelles sans doute autant culturelles que formatrices, entre ces deux univers qui ne peuvent se passer l'un de l'autre.

D'un autre côté, l'enseignement technique et professionnel est de plus en plus façonné par les finalités, la structuration et le mode de fonctionnement de l'enseignement général.

Ces transformations lui auraient-elles fait perdre son âme ? Nous ne sommes pas loin de le croire. Nous pensons qu'il est urgent que l'enseignement de qualification se redéfinisse une identité forte, dans un partenariat avec le monde économique, non pas construit à la petite semaine, au gré des initiatives locales et ponctuelles et des discours de circonstance, mais au travers d'un grand projet mobilisateur, à la fois neuf et fidèle à l'esprit des fondations. Nos propositions pour une formation à l'employabilité se veut une contribution, à la fois ouverte, réaliste et argumentée, à cet effort de reconstruction (17).

 

Notes

1. En effet, les emplois pour les moins de 25 ans en général, pour les jeunes faiblement qualifiés, en particulier, ont quasiment disparus. Il en résulte des comportements de déviance engendrés par la nécessité de fréquenter une institution scolaire dont le sens et l'utilité ne sont plus apparents et qui, simultanément et paradoxalement, apparaît comme un passage obligé, voire souhaité.
2. Rappelons que la formation professionnelle initiale concerne aussi bien l'enseignement technique que l'enseignement professionnel, et ne se réduit pas à cette dernière filière.
3. Notons que depuis longtemps, des sociologues du travail avaient mis en évidence le fait que l'exécution des tâches exigeaient souvent plus d'aptitudes et de capacités que ne le laissaient supposer les prescriptions des bureaux des méthodes ou les critères retenus pour l'établissement des niveaux de qualification.
4. C'est bien la reconnaissance sociale qui donne une réalité à l'emploi. Illustrons cette affirmation par l'expérience des "nouvelles qualifications" menée en France ces dernières années. Au départ, il y a le constat que l'évolution technologique ou la fabrication de produits nouveaux, amenait à l'exercice de nouvelles tâches. Ces activités novatrices posaient problèmes dans la mesure où elles exigeaient d'autres compétences, exigences auxquelles on répondait tant bien que mal. L'action a consisté à dégager des "squelettes métiers" en identifiant les caractéristiques de ces nouvelles fonctions. Ensuite des formations (ici de jeunes non-qualifiés) ont été mises sur pied (en alternance) pour faire acquérir les compétences requises. La "qualification" ainsi construite est alors "reconnue" par un diplôme de l'éducation nationale. C'est à ce moment-là seulement, que l'on parle d'emploi pour ces "nouvelles qualifications". En effet, jusqu'alors ces activités n'étaient pas perçues, même dans les entreprises où elles avaient cours, comme relevant d'un emploi spécifique, à peine comme une "spécialisation", ce qui est bien compréhensible si l'on se rappelle que l'épistémologie nous dit que les choses n'existent pas socialement tant qu'on ne dispose pas d'un cadre conceptuel stabilisé pour les appréhender.
5. Il s'agit, on le voit de la conception 4 de la qualification.
6. On parle ici de la méthodologie de la "Pédagogie par les objectifs" et de sa formulation du résultat de l'apprentissage en termes de comportements observables. Nous ne retenons que le noyau dur de cette approche, celle qui se limite à établir des référentiels d'objectifs finaux. Nous refusons donc la dérive qui en a été faite qui consiste à découper tous les apprentissages en micro-objectifs, reliés entre-eux par une chaîne linéaire d'apprentissages fragmentaires, cumulatifs. Dans cette déformation, on substitue à une clarification des résultats recherchés (et donc évaluables), une théorie de l'apprentissage, d'ailleurs fausse.
7. La pédagogie habituellement utilisée dans la formation professionnelle initiale est linéaire, parcellisée, débutant par des gestes simples, pour placer à la fin de la formation le savoir élaboré nécessaire à l'intelligence de n'importe quel métier un peu complexe. Les profils professionnels et les référentiels de compétences (qui expriment des compétences finales) libèrent la pédagogie qui peut dès lors s'écarter des pratiques traditionnelles pour choisir, par exemple, dès le départ, une optique de résolution de problème. Cette didactique "constructiviste" se révèle être plus efficace mais aussi plus rapide que la méthode de la transmission exemplative.
8. Parmi les compétences génériques, il y a les fameuses "compétences transversales" du "socle des compétences" du premier degré de l'enseignement secondaire, à savoir des capacités cognitives et des attitudes socio-affectives générales. Mais les compétences génériques c'est plus que cela puisqu'elles incluent également des connaissances intellectuelles et des habiletés manuelles.
9. Cette formation spécifique n'est pas à confondre avec l'adaptation aux exigences des entreprises en particulier. La première est une composante des caractéristiques "générales" d'un emploi; la seconde reprend les pratiques propres à chaque établissement (les habitudes maison). L'acquisition des particularismes a toujours été la première phase d'intégration professionnelle, une fois l'engagement réalisé. Il n'y a pas de raison que l'alternance externalise cet impératif.
10. Une autre objection porte sur les réactions possibles du public, et spécialement des jeunes les moins scolarisés, devant un mode d'organisation de l'école qui ne permet plus l'identification au métier imaginaire qui habite leur projet de formation. Nous ne répondrons pas à cette interpellation, ici, faute de place.
11. Il n'y aurait plus de catégories de travailleurs mais seulement des individus avec un "portefeuille de compétences" donné. Cette stratégie qui individualise le travailleur par rapport à l'employeur, s'inscrit souvent dans un discours sur la flexibilité requise par les besoins de la production et du marché.
12. Conception 5 de la qualification.
13. On pourrait appeler ce diplôme, le CAPRO (Certificat d'Aptitude PROfessionnelle à telle ou telle profession). Nous retrouvons ainsi la conception 1 de la qualification présentée en tête d'article.
14. Cette certification, nécessaire pour assurer une visibilité sociale à une formation professionnelle donnée, a encore une utilité symbolique pour le travailleur, en lui permettant de se construire une identité professionnelle (et donc sociale) qui passe encore et toujours par la possibilité de se reconnaître et d'exister à travers l'affirmation dûment reconnue de la maîtrise d'un "métier". Cette reconnaissance ne permet pas seulement au travailleur une affirmation de son identité individuelle. Elle est aussi l'instrument d'un repérage social et la création (ou le maintien) de catégories professionnelles collectives. Ce qui nous ramène au raisonnement précédent.
15. Ce qui veut dire que le mode de gestion du personnel, la forme que prend l'autorité dans l'entreprise doivent continuer à évoluer (du modèle patriarcal, militaire, technocratique) vers une forme plus participative. Nous touchons ici une des limites de la collaboration entre le système éducatif et le système productif. En effet, certaines exigences de compétences n'existent que chez les individus qui font preuve, globalement, de responsabilité et d'autonomie. Ces attitudes ne peuvent ni s'exercer, ni s'acquérir dans un seul champ de capacités, par exemple celui de la conduite des machines. Si on demande à l'école de les enseigner, l'entreprise doit de son côté adopter un mode d'organisation du travail qui fait une place à ces compétences.
16. Dans notre esprit, cette formation esthétique doit être entièrement séparée de la formation professionnelle. Elle ne doit donc pas être confondue avec la formation théorique (en îlots de rationalité) qui est exigée par la maîtrise professionnelle.
17. Nous avons développé plus longuement ces propositions dans une recherche pour la Fédération de l'Enseignement Secondaire Catholique (FESeC), intitulée : "Former à l'employabilité. Une nouvelle conception de la formation professionnelle. Exposé des principes et examen des problèmes", décembre 1993.


 

 

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