Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 

 
Temps de travail

José Verdin
Directeur de la Fondation André Renard

 

Un enjeu de société

Il ne faut pas penser que le débat sur le temps de travail est original, même s'il a été négligé depuis 20 ans. Ceux qui en portent le projet aujourd'hui ne sont pas non plus des agitateurs tombés du ciel. Ils inscrivent simplement leur attente dans le fil de l'histoire, dans les contraintes du moment.

 

 

Nous travaillons à mi-temps

Dans les débuts du développement industriel, il y a près d'un siècle et demi, la durée annuelle du travail se situait aux alentours de 3.300 heures; pour ceux qui sont occupés aujourd'hui à temps plein, ce chiffre tourne autour de 1.600 heures (dans le cas de 36 heures/semaine). Cela autorise à dire que l'on travaille à mi-temps par rapport à cette époque. Cette évolution s'est marquée régulièrement avec des coups d'accélérateur et des périodes plus calmes selon la santé de l'économie et le dynamisme des forces sociales. Cela s'est vérifié dans tous les pays, avec des intensités diverses, mais toujours dans le même sens. Diverses méthodes ont permis d'abaisser ainsi ces durées de travail : la journée de huit heures, les congés payés annuels, les jours fériés; la durée hebdomadaire a fait l'objet de premières réalisations après la Première Guerre mondiale; à chaque fois, ces évolutions se sont opérées difficilement : elles n'ont été possibles qu'après des conflits sociaux parfois très intenses.

Les réductions du temps de travail se sont opérées toujours avec maintien et même augmentation des salaires.

Nous vivons toujours dans le régime légal des 40 heures/semaine et dans un dispositif conventionnel général de 38 heures : il existe donc encore des dizaines de milliers de personnes en régime 40 heures, sans compter tous ceux qui ne peuvent pas ou n'osent pas s'opposer à des durées plus longues encore sans même compensation salariale. En métallurgie liégeoise, le niveau le plus commun se situe à 36 heures/semaine. Ce sont, là-bas, les chiffres les plus bas même si ici ou là, de façon ponctuelle, il peut y avoir des entreprises à régime de 35 heures.

Depuis près de 20 ans, il n'y a plus eu de transformation généralisée du temps de travail mais un ensemble impressionnant d'aménagements, de mesures individuelles, de temps partiels : tout cela s'est inscrit dans une orientation de flexibilité, d'emplois temporaires, de grande précarité. Ainsi en 6 ou 7 ans, l'emploi partiel est-il passé de quelques dizaines de milliers à plus de 500.000 aujourd'hui, avec des pertes de salaires proportionnelles au temps non presté.

Ces mesures successives nées de plans multiples ou de formules adaptées aux attentes des entreprises n'ont pas apporté de solutions globales au problème du chômage : celui-ci n'a fait que s'aggraver.

Tout l'occident a fini par s'aligner dans une logique de régression économique et sociale. Les entreprises ont enfourché la recherche d'une compétitivité absolue, partout au monde : le développement de l'emploi n'est chez elles, en général, qu'une préoccupation seconde voire même tout à fait accessoire.

 

Une responsabilité lourde

En ce mois d'août 94, la Belgique vient de connaître son niveau de chômage le plus élevé d'après guerre. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté d'en abaisser le chiffre : une pratique, qui n'avait pas cours il y a dix ans encore, s'est installée systématiquement : exclure du bénéfice des allocations de chômage celles ou ceux qui ont le malheur de cumuler plusieurs “handicaps” : cohabitants, chômage anormalement long, etc. D'autres dispositions ont profondément modifié les allocations d'attente pour les jeunes, le comptage des chômeurs âgés. Toutes ces techniques n'arrivent donc pas à dissimuler cette maladie honteuse qui éclabousse la carte de visite du pays.

La Belgique n'a pas le monopole du phénomène même si elle présente une devanture plus accablée. Les voisins aussi ont recours à toutes sortes de subterfuges pour camoufler l'intensité du drame : les législations y sont souvent plus dures encore qu'ici et la culpabilisation des victimes y est tout aussi fréquente que dans nos frontières. Se sont ainsi constitués au fil de ces 20 années des îlots d'exclusions d'abord, une masse enfin de “nouvelle pauvreté” avec son lot de déchéances, ses dérives inacceptables mais réelles. Les débordements politiques spectaculaires de ces situations se traduisent en rejets multiples : de l'immigré au jeune, de la femme au chômeur, du syndicaliste à l'homme politique.

L'extrême-droite fait son lit dans le malheur des plus démunis; en slogans ravageurs, elle peut entraîner une masse croissante, perdue dans un système qui la rejette.

L'exclusion est donc le pire des maux. On n'a rien trouvé de mieux encore que l'emploi et le travail comme facteurs d'intégration sociale. Au boulot, un jeune comme un plus âgé se sentent utiles pour la société : ils sont nécessaires dans l'usine, au bureau; ils disposent d'un revenu; ils ont des camarades de travail et peuvent construire un avenir familial, ils peuvent penser à tous les projets qui enrichissent une vie.

Sans travail, il est bien difficile de ne pas perdre sa dignité, de ne pas sombrer.

Il faut donc s'atteler à de grands chantiers pour inverser le cours des choses, pour redonner espoir, pour retrouver un sens à la vie : il faut la réinventer et imaginer d'autres formes d'organisation de celle-ci.

La réduction du temps de travail hebdomadaire, significative (c'est-à-dire d'au moins 10%) s'impose aujourd'hui comme la solution la plus valable pour réduire le sous-emploi. De nombreuses études scientifiques belges, européennes en attestent sans aucune contestation possible. Toutes signalent que des opérations de ce type seraient profitables aux finances publi- ques et aux systèmes de sécurité sociale. Toutes indiquent qu'elles ont peu de chances d'aboutir, si elles devaient s'accompagner de baisses salariales mais que l'on peut éviter cet écueil si l'on utilise mieux les équipements, les machines.

32 heures

La Fédération des Métallurgistes de la FGTB liégeoise est convaincue de ces principes depuis longtemps : c'est déjà au nom de ceux-ci qu'elle a négocié et fait appliquer des conventions de 36 heures dans presque toutes les entreprises de la métallurgie liégeoise.

C'est en renforçant encore sa conviction qu'elle a déployé à nouveau un projet ambitieux : 32 heures de travail, sans perte de salaire, avec embauche.

 

Travailler moins longtemps et plus nombreux

La diffusion de cette proposition a été rendue publique en avril 94 par René Piron, président de la Fédération Syndicale des Métallurgistes FGTB de la Province de Liège. Des travaux intenses conduits au sein de la Fondation André Renard ont pu consolider cette volonté renforcée encore à la lumière de deux éléments supplémentaires :

  • d'ici l'an 2000, les progrès de la productivité dans les usines (au rythme moyen de 3% l'an), vont faire disparaître encore près de 20% de l'emploi. Et cette évolution technique ne va pas s'arrêter : elle gagne tous les secteurs : l'industrie mais aussi les services, l'administration. Les progrès fabuleux des télécommunications révolutionnent les services des banques, assurances; les codes-barres transforment la distribution; les progrès de la chirurgie même améliorent de façon extraordinaire les productivités des hôpitaux : (les interventions “endoscopiques” n'exigeant plus de spectaculaires cicatrices ne réduisent-elles pas de deux tiers le temps d'hospitalisation pour un ménisque, ...);

  • le blocage des salaires jusqu'à fin 1996, les perturbations du calcul de l'index privent les travailleurs d'une amélioration de leur pouvoir d'achat.

La proposition énoncée intègre quatre objectifs majeurs :

  • La RDT (réduction du temps du travail) doit se positionner comme une réponse majeure au sous-emploi.
    Un effet réel ne peut se faire sentir que si cette réduction est significative : en effet, l'abaissement d'une heure par exemple n'entraîne pas d'embauche.

  • Il faut dissocier le temps de travail des gens et le temps de fonctionnement des équipements. L'usine, le bureau doivent tourner un temps plus long que les 32 heures, que 4 jours semaine par exemple; il faut organiser le travail autrement, augmenter d'une équipe là où on est déjà en travail posté...

  • Il faut conserver à tout le moins le même salaire afin que cela alimente toute la machine économique : plus de gens au travail, aussi bien payés cela accroît la consommation et donc l'emploi en cascade.
    La proposition se situe donc résolument dans une voie de croissance économique.

  • On ne peut accroître encore les difficultés des entreprises : il faut donc trouver la façon de financer ces évolutions sans déséquilibrer les situations économiques des sociétés.

Mais la recherche d'une réduction du temps de travail s'inscrit aussi dans une dynamique où comptent d'autres éléments :

  • bien des travailleurs vivent dans des régimes de stress permanent; cela explique qu'ils aspirent aussi largement à abaisser l'âge de la retraite ou de la prépension, à disposer d'une journée de repos supplémentaire qui leur permettrait de souffler davantage en même temps que de consacrer un peu plus de temps à leur hobby, à la découverte de nouveaux points d'intérêt. On court beaucoup, le boulot prend toute l'énergie : concevons les choses un peu autrement;

  • la trop forte pression de 38 ou 40 heures/semaine a conduit de nombreuses personnes (surtout chez les femmes) à adhérer (parfois cela fut même obligatoire) à des formules de travail à temps partiel. Elles y ont perdu en revenus; souvent elles ont été privées de promotion ou ont dû l'abandonner parce que cela est réservé au temps plein. Les types de contrat en ont souffert... La réduction du temps du travail à temps plein doit permettre de recomposer des statuts valables et de reconquérir, pour les plus désavantagés surtout, une qualité de vie appréciable.

 

Une démarche collective

Toutes les formulations du temps partiel - pause-carrière, aménagement flexible, etc. - ont rarement été négociées globalement. Il s'agit davantage de démarches individuelles où un employeur suggère, propose, impose des aménagements du temps de travail et où aussi parfois des travailleurs trouvent provisoirement réponse à des souhaits personnels. Mais dans l'ensemble cela provoque un affaiblissement de la situation des travailleurs comme en témoigne la multiplication à l'infini des types de contrats, des modes de rémunération...

En proposant une réduction importante du temps du travail, on profile ici une autre dimension : on sort de cas individuels pour projeter une préoccupation de création d'emplois; on veut négocier avec les employeurs les mécanismes de ce qui doit être une avancée sociale et non une marche arrière.

 

 

Une puissante dynamique

La philosophie de la réduction du temps de travail telle que proposée peut s'inscrire en synthèse dans le tableau ci-dessous.

En raison de son côté significatif (10% d'heures en moins ou 32 heures), la RDT contraint à l'embauche et à la réorganisation de la production. Cette dernière ouvre trois opportunités financières nouvelles pour les entreprises pour améliorer leurs résultats :

  1. il faut accroître la durée d'utilisation des machines et donc dissocier temps de travail individuel et temps de fonctionnement des équipements;

  2. la productivité (c'est-à-dire le nombre de produits réalisés par travailleur par unité de temps) s'accroît dès lors que le temps du travail diminue. C'est toujours dans les dernières heures de la journée, de la semaine que la production s'affaiblit (les gens sont plus fatigués), qu'il se produit le plus d'accidents du travail, qu'on est moins attentif à la qualité... La RDT élimine donc les heures les moins performantes : cela améliore donc la productivité moyenne;

  3. la réorganisation entraîne la possibilité de réduire vraiment des coûts de dysfonctionnement souvent mis en évidence mais peu réduits réellement. Les entreprises industrielles chiffrent ces coûts cachés dans une fourchette selon les secteurs de 10 à 15% du chiffre de ventes. Il s'agit donc de montants énormes que l'on a ici l'occasion de résorber partiellement; les délégués syndicaux les connaissent bien : on peut imaginer que dans un cadre contractuel portant sur une volonté concrète d'accroître l'emploi, des pas importants puissent ainsi être faits.

Graphique à visualiser

 

Améliorer la compétitivité du capital

Ces trois voies permettent de dégager d'importantes hausses de productivité auxquelles peut encore s'adjoindre l'amélioration traditionnelle de la productivité, estimée à ± 3% par an et cela se vérifie chaque année depuis l'après-guerre.

L'essentiel de ces gains potentiels résulte donc d'une meilleure utilisation des équipements, du capital. Cela rejoint la préoccupation des entreprises qui appellent sans cesse à des baisses de coûts : elles mettent de leur côté l'accent essentiellement sur le coût salarial en voulant abaisser celui-ci. Nous mettons quant à nous l'accent sur l'intensité de la diminution du coût du capital.

Quand une usine qui coûte 100 millions tourne 32 heures ou 64 heures, le prix du produit peut chuter très fort parce que les charges financières, l'amortissement (c'est-à-dire les coûts fixes) sont répartis sur une production plus large; il ne faut pas deux directeurs ou deux comptables : ces coûts eux aussi s'étalent mieux. Enfin 100 travailleurs en une pause ont besoin de 100 postes de travail dont l'investissement se situe pour chacun autour de 6 à 7 millions; s'ils sont 110 à fonctionner en deux pauses, l'équipement nécessaire est de 55 poste : la différence devient considérable. Le prix des produits peut baisser. On peut vendre plus.

Toutes ces améliorations pourront donc générer suffisamment de richesses nouvelles pour garantir une compensation salariale c'est-à-dire le maintien du salaire global.

 

 

L'amélioration des finances publiques

Cela doit se réaliser d'autant mieux que tout emploi nouveau créé génère aussi des résultats intéressants de deux autres côtés. D'abord la Sécurité sociale récolte des cotisations sociales en plus tout en ne devant plus payer d'allocations de chômage pour ceux qui ont trouvé un emploi; ensuite les finances publiques, au sens strict, perçoivent un impôt nouveau sur le revenu des travailleurs engagés et sur la consommation que ceux-ci vont pouvoir développer davantage puisqu'ils ont un revenu supérieur. Il est donc logique que l'on interpelle ces deux secteurs bénéficiant de la RDT afin qu'ils collaborent à garantir le revenu des travailleurs.

 

La non qualité

Les coûts cachés

1. Non qualité technique

- rebuts
- retouches
- coût du contrôle

2. Non qualité économique

- dépassement du temps
- encours
- pénalités
- pannes
- temps de changement et réglage
- sous-utilisation d'équipement
- énergie (flux non optimalisés)
- charge administrative
- déséquilibre financier (fonds propres/empruntés)

3. Non qualité commerciale

- délai de livraison
- temps de transformation d'un produit
- inefficience commerciale (critères de compétitivité)
- méconnaissance des coûts, marges
- suivi commercial, récupération financière

4. Non qualité de la vie au travail

- absence maladie
- accident du travail
- non-motivation
- non-formation

 

 

La voie dangereuse du partage

Devant le poids accablant du chômage, certains discours ont enfourché l'idée d'un partage du travail. A première vue séduisante par son aspect premier de solidarité dans la difficulté, l'approche paraît cependant très vite dangereuse et même inquiétante.

 

Le gâteau trompeur

Elle fait inévitablement penser à un gâteau autour duquel sont attablées quelques personnes. Survient un invité inattendu à qui l'on propose aussi un morceau : on partage, c'est- à-dire que l'on réduit la part de chacun. N'est-il pas mieux de partir avec un reste d'appétit et puis n'est-ce pas bon même pour la ligne ?

Ces comparaisons gastronomiques ne devraient pas quitter les cuisines : la réalité économique est tout autre.

D'abord le gâteau des richesses produites en Belgique ne reste pas identique : il a grandi sans cesse depuis cinquante ans, tout au plus y a-t-il eu, pendant deux années, un léger tassement. Nous ne sommes pas en Somalie ou au Sahel. Il faut bien davantage parler de nécessaire redistribution des richesses.

Des exemples fourmillent où des travailleurs coincés dans les problèmes financiers de leur entreprise ont concédé des baisses de salaire : ils pensaient sauver leur emploi ou bien, certains employeurs ont-ils fait croire que c'était la seule voie possible, sans même de plan industriel alternatif.

Les agents de la Ville de Liège après d'exemplaires luttes n'ont-ils pas dû abandonner 15% de leurs salaires, 8% du niveau des pensions payées ? Ce partage obligé dont ils furent les victimes n'a pas empêché que leur nombre passe de 7.000 personnes à 3.500 aujourd'hui !

Si tout le monde s'accorde pour dire qu'aujourd'hui il faut moins de travail pour produire ces richesses croissantes, pourquoi faut-il en déduire une suite pessimiste de réduction de la part de chacun ? C'est même tout à fait contradictoire.

Ceux qui avancent les idées de partage du travail appellent en effet en même temps une réduction de revenus.

 

 

Une technique très commune

Cette voie-là a déjà connu bien des cas d'application : qu'est-ce que le travail à temps partiel si ce n'est une baisse du temps presté et du salaire ? les périodes de chômage, les mécanismes de prépension, les pauses-carrières, etc. participent de la même logique. Il n'est pas nécessaire de la réinventer. Elle a été intégrée dans les plans d'entreprise du gouvernement : d'ailleurs le peu de succès de ceux-ci indique bien que la baisse salariale qui peut accompagner les baisses du temps de travail est loin de passionner les travailleurs.

En quoi ces mécanismes ont-ils amélioré l'emploi ?

La vraie solidarité ne doit donc pas consister à serrer plus encore la ceinture mais à conquérir une nouvelle répartition du temps de travail avec maintien salarial.

En quoi d'ailleurs des formules de partage peuvent-elles redynamiser une économie ? Une même somme répartie plus largement ne va pas relancer la consommation, au contraire, puisque l'on viendrait jeter l'inquiétude (dans des revenus déjà modestes) : la perturbation est plus facteur de rétention d'économies que de larges dépenses.

Le partage apparaît donc bien comme une catastrophe; au lieu de cela, on peut regarder cette évolution d'un autre oeil et la saisir comme une chance pour une autre répartition du temps de travail et des richesses.

L'idée de partage donne déjà l'impression que les richesses sont bloquées, qu'elles n'évoluent pas; c'est manifestement erroné.

Mais au delà, elle entraîne deux autres conséquences : d'abord il faudrait que ce soient les travailleurs entre eux qui fassent ce sacrifice du partage. Victimes d'un système incapable de fournir du travail à tous, ils devraient en outre se priver d'une partie de revenus pour donner à d'autres : on n'est pas loin du système de charité.

On en viendrait dès lors vite à culpabiliser ceux qui n'entreraient pas dans le jeu; à ce rythme là, on reprocherait à ceux qui travaillent d'être au boulot et on voudrait les pénaliser !

 

Pas de fatalisme !

Ensuite, cela suppose que l'on considère que les travailleurs sont de simples observateurs des faits économiques, eux-mêmes manifestations de phénomènes presque naturels. Ils devraient courber l'échine quand la crise est là comme si celle-ci explosait comme un nuage déversant la pluie.

Au contraire, les faits économiques sont consécutifs à des décisions de personnes, de groupes : il en est qui délocalisent, qui relèvent les prix du pétrole, qui spéculent sur les monnaies, qui font hausser les taux d'intérêt... C'est tout cela qui conditionne l'emploi, le développement industriel.

On ne peut donc se rallier à une vue fataliste où tout serait décrit comme inévitable.

Au contraire, les forces sociales sont ou peuvent être de véritables acteurs, transformateurs des faits.

L'aspect très réducteur du partage entendrait donc confiner le monde syndical dans un rôle de simple observateur

 

Les 7,48% de modération salariale existante

 

Origine et évolution

En 1984, une modération salariale particulière a été imposée à l'ensemble des travailleurs du secteur privé et public. L'arrêté royal n 278 a neutralisé les 3 premières indexations pour chacune des années 1984-1985 et 1986.

En 1987, cette modération salariale a été consolidée sous la forme d'une cotisation de sécurité sociale, dite de modération salariale qui est intégrée dans les cotisations ONSS de base.

A partir de 1989, cette cotisation a été confirmée par la loi-programme du 30 décembre 1988.

 

Montant

Actuellement, cette cotisation de modération salariale est de 7,48 %, à savoir :

- produit brut des sauts d'index 5,67 %
- modération salariale sur cotisations patronales (5,67 % de 24,80) 1,406 %
- forfait cotisation sur pécule de vacances 0,40 %
TOTAL 7,476 %
(arrondi à 7,48 %)

Cette cotisation a également pour effet d'augmenter d'autres cotisations patronales comme celles sur le double pécule de vacances et sur le Fonds de fermeture (ensemble 0,11 %) : cela constitue en tout 7,59 %.

Sur un salaire mensuel de 70.000 F. bruts, avec une prime de fin d'année équivalant à 1 mois de salaire (13ème mois), cette cotisation de solidarité représente un montant annuel de 68.857 F.

Ce montant est donc payé par les travailleurs eux-mêmes (puisqu'il s'agit des sauts d'index non reçus); il a été affecté, par solidarité, pour financer partiellement le chômage et les prépensions. C'est bien un montant qui revient aux travailleurs : la proposition ici sera de l'affecter à l'emploi contrôlé et vérifié dans l'entreprise.

Graphique à visualiser

Base juridique

Cette cotisation de modération salariale doit être appliquée sur les rémunérations de tous les travailleurs, à l'exclusion de certaines catégories.

La législation de 1981 prévoyant la perception de cette cotisation de modération en avait exclu les travailleurs rémunérés directement par le budget de l'Etat. Elle avait aussi autorisé d'autres dérogations si l'Exécutif (le Gouvernement) en convenait.

Aussi en s'appuyant sur ces dispositions, des arrêtés royaux de 1989, 1990 et 1991 ont-ils aussi apporté des dérogations pour:

  • les apprentis “Classes moyennes” et industriels;

  • les élèves travailleurs et les élèves stagiaires dans le cadre de l'obligation scolaire à temps partiel;

  • les domestiques;

  • les travailleurs dont les cotisations ONSS sont calculées sur des rémunérations forfaitaires (travailleurs rémunérés au pourboire, sportifs rémunérés, pêcheurs maritimes);

  • les ouvriers chauffeurs de taxis;

  • les handicapés occupés dans un atelier protégé;

  • les jeunes défavorisés occupés en asbl.

On peut donc imaginer que dans le cadre d'entreprises pilotes, on ajoute une particularité supplémentaire : elle n'autoriserait pas les entreprises à ne pas payer cette cotisation mais à la transformer directement en paiement d'emploi.

Les effets sur les finances publiques

 

1. Sécurité sociale

Recettes Dépenses
diminuées de
68.856 F x 112.5
= 7.746.300 F (1)
diminuées de
263.546 F (*) x 12.5
= 3.294.325 F
augmentées de
492.665 F (*) x 12.5
= 6.158.313. F
- 1.587.987 F
3.294.325 F
Conclusion : + 1.706.338 F

(1) Dispense de la cotisation de modération salariale sur 112,5 ouvriers
(*) Pour les recettes de la Sécurité sociale, l'estimation des 492.665F se base sur un salaire mensuel brut de 70.000F

 

2. Etat

Recettes fiscales

Impôts sur les revenus
96.173 F (*) x 12.5 =
1.202.162
Impôts indirects
30.500 F (*) x 12.5 =
381.150
  + 1.583.412 F

(*) Le coût macro-économique d'un chômeur est estimé à 763.816 F., dont :
- 263.546 F. d'allocations de chômage
- 373.591 F. de perte en cotisations sociales
- 116.670 F. de perte en impôts (96.173 F. d'impôts sur les revenus et 30.506 F. d'impôts indirects).- Estimation du Bureau du Plan pour l'année 1993.


 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute