Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 

 
Éléments d'une stratégie de développement pour la Wallonie

Yves de Wasseige
Economiste

 

Introduction

I. L'environnement économique et politique

- Le pacte social des années 1950-1974
- La crise
- Le modèle néolibéral mondial

II. Le tissu économique et politique de le Wallonie

  1. Les activités tournées vers le marché intérieur

  2. Les activités liées à la sous-traitance d'activités mondiales

  3. Les activités directement orientées vers le marché mondial

III. Eléments d'une stratégie de développement de la Wallonie

  1. Le domaine européen et mondial

    - Contribuer à une évolution moins néolibérale des institutions internationales
    - Stimuler une politique européenne en faveur de l'emploi
    - Etre présent et actif dans la Francité
    - Opérer un rapprochement avec la France
    - Nouer des relations avec d'autres régions d'Europe
     

  2. Le domaine de la Belgique fédérale

    - Mettre un terme à la politique de déflation
    - Obtenir une meilleure répartition des commandes publiques
    - Concrétiser la solidarité avec Bruxelles
    - Parer aux effets négatifs de la loi de financement des Communautés et des Régions
    - Sauvegarder la Sécurité sociale
     

  3. Le domaine de l'économie intérieure wallonne

    - Valoriser l'épargne wallonne au bénéfice de la Wallonie
    - Ouvrir sur la société l'enseignement supérieur wallon et les universités wallonnes et bruxelloises francophones
    - Intensifier et diversifier les interventions de la SRIW et des Invests
    - Coupler l'économique et le social, coupler les entreprises et la formation professionnelle
    - Contribuer à l'emploi et à la consommation par une politique active de construction de logements et de rénovation urbaine et rurale
    - Développer les potentialités:

    - services et tourisme,
    - économie sociale,
    - activités du monde associatif,

- Fortifier l'identité wallonne

IV. Conclusion : pour un contrat social wallon

 

Introduction

Une stratégie en termes macro-économiques est impossible au niveau de la Wallonie parce que beaucoup de moyens d'action macro-économique lui font défaut, soit qu'ils se trouvent à l'échelon européen, soit qu'ils se trouvent à l'échelon fédéral.

Ce n'est qu'indirectement que la Wallonie peut agir sur ces moyens et tenter de les infléchir dans un sens qui lui soit favorable ou plus favorable.

La seule stratégie qui lui est donc possible s'articule sur deux niveaux :

  • d'une part, s'insérer dans des ensembles ou sous ensembles économico-politiques plus larges,

  • d'autre part, conduire des politiques micro-économiques, forcément spécifiques, dans un sens qui lui soit favorable.

Somme toute, il s'agit d'élaborer une stratégie qui tienne compte simultanément de l'environnement extérieur et des potentialités endogènes.

Cela suppose une autre démarche que la démarche habituelle dans cette matière. Elle implique les étapes suivantes :

  • analyse de l'entourage économique, politique et social de la Wallonie,

  • analyse des potentialités immédiatement actives de la Wallonie, en particulier celles qui peuvent être mises en relation avec son entourage.

Par le terme "micro-économique", on entend, en particulier, une définition fine des cibles des mesures prises par les pouvoirs publics. A titre d'exemple, il ne suffit pas de "promouvoir la recherche" ou "associer des entreprises aux centres de recherche universitaire". Il faut déterminer quels domaines de la recherche auront le plus de retombées en Wallonie et lesquels en auront moins, déterminer quelles entreprises doivent être associées pour obtenir le plus d'effets positifs sur l'ensemble de l'économie et de la société wallonne.

 

I. L'entourage économique, politique et social

Le pacte social des années 1950-1974

Le pacte social de l'après-guerre, voulu et accepté par tous les agents économiques, sociaux et politiques est à la base du modèle social démocrate. Il a permis un développement considérable jusqu'en 1974.

Dans ce pacte social :

- l'économique est laissée aux entreprises, celles-ci assurant le plein-emploi voulu comme tel, des salaires élevés permettant le développement de la consommation et l'accroissement du bien-être, un partage des fruits de la productivité et un financement de la sécurité sociale organisée sur le principe d'une assurance généralisée;

- la concertation et les conventions collectives de travail règlent les salaires, les conditions de travail, la durée du travail et le partage des fruits de la productivité;

- les pouvoirs publics prennent en charge la frange minime de population qui n'est pas couverte par la sécurité sociale et assurent un rôle régulateur de l'activité économique, surtout par l'application de politiques keynésiennes de soutien ou de freinage de la demande: consommation, investissements et dépenses publiques; ils favorisent aussi le développement économique principalement par la construction des grandes infrastructures de communication et de transport et par la prise en charge de la formation générale, professionnelle et scientifique; ils assurent enfin la part de solidarité de l'ensemble de la société au financement de la sécurité sociale.

 

La crise

Ce qu'on appelle "la crise" est en réalité une mutation profonde du système économique et l'abandon par lui de ce pacte social. L'objet n'est pas ici de faire l'analyse de ces transformations, de leurs origines, de leurs processus et de leurs mécanismes d'évolution.

Les rapports entre forces économiques, forces sociales et forces politiques se sont profondément modifiés pour aboutir, en moins d'une dizaine d'années, à ce qu'on peut appeler le modèle néolibéral mondial.

Le modèle néolibéral mondial

Le système capitaliste dominant est devenu financier et mondial; seule la rentabilité des capitaux est prise en considération, marquant une rupture profonde avec le pacte social des années 1950-1974:

- l'économique n'assure plus ni le plein-emploi, ni la croissance des salaires, ni le partage des fruits de la productivité et tend à réduire les charges de sécurité sociale;

- les ressources de la sécurité sociale ne suffisent plus à assurer son équilibre financier sans augmentations des cotisations des travailleurs et restrictions dans les prestations;

- les pouvoirs publics s'endettent nécessairement, tentant de faire face à des situations sociales de plus en plus aggravées sous l'effet d'un chômage croissant et persistant et sous l'effet d'une paupérisation qui s'amplifie;

- les privatisations des services publics, du moins les parts les plus rentables, permettent une extension de la sphère marchande capitaliste;

- les organisations syndicales sont démunies dans la bataille en faveur de l'emploi, acculées à des combats défensifs pour lesquels elles n'ont pas été préparées puisque leur rôle s'était limité à la redistribution des revenus;

- la priorité à la compétitivité, soutenue par les divers Etats, en principe au profit de leurs entreprises et sous le couvert du maintien de l'emploi, entraîne un chômage massif et durable, une faiblesse de la consommation et des investissements des ménages, un affaiblissement du tissu des PME tournées vers le marché intérieur: on est entré dans un mécanisme que les économistes appellent la "déflation compétitive";

- la spéculation financière atteint des proportions considérables; par exemple les transactions journalières mondiales sur les marchés des changes atteignent 35 fois les besoins des échanges commerciaux de biens et de services;

- cette spéculation amène les Etats à défendre leurs monnaies par des politique de taux d'intérêts élevés, ce qui aggrave encore le processus de déflation et de déprime de la demande intérieure.

En Europe, soit l'Etat soutient ouvertement le modèle néolibéral dans les pays à majorité libérale comme le Royaume-Uni, soit l'Etat continue à se comporter comme dans le modèle social- démocrate: il soutient les grandes entreprises du système mondial capitaliste, espérant -inutilement, mais il ne s'en est pas encore rendu compte- un effet positif sur l'emploi. C'est le cas des pays à majorité socialiste ou démocrate-chrétienne, seuls ou en coalition.

L'Union européenne elle-même, fondée sur la notion d'un grand marché, à l'époque contrôlé par les pouvoirs publics, a évolué, selon la théorie néolibérale largement dominante dans toute la technocratie des institutions internationales, vers un abandon progressif de tout contrôle sur les marchés, en particulier sur les marchés financiers et monétaires, laissés aux mains des seuls technocrates des multinationales, des systèmes bancaires et financiers privés et des organismes monétaires et internationaux. Le contrepoids politique y est institutionnellement fort faible.

Dans son état actuel, l'économie mondiale est partagée entre trois pôles: l'Europe occidentale, les USA et le Japon. Dans les faits entre trois monnaies: le mark allemand, le dollar américain et le yen japonais, Londres étant, comme toujours, la plaque tournante majeure et le centre décisionnel de vastes toiles d'araignée des mouvements de capitaux entre ces trois pôles.

Politiquement, une situation de conflit économique règne entre ces trois pôles. Plus exactement, la stratégie des USA consiste à tenter de rester maître du jeu mondial en maîtrisant les relations USA-Asie et les relations USA-Europe et en évitant autant que possible que s'établissent des relations directes importantes Europe-Asie.

A cet effet, les USA laissent volontairement des poids économiques à charge de l'Europe qui ne peut, pour diverses raisons, s'en débarrasser: les pays de l'Europe de l'Est et l'Afrique. Ils tentent d'établir des liens directs avec la Chine et d'isoler le Japon.

Les USA accusent cependant un retard industriel sur l'Europe et sur le Japon, dont une des causes tient à la facilité de pénétration des produits américains sur les marchés en raison de la faiblesse du dollar, à l'importance du déficit des finances publiques en raison d'une fiscalité trop faible par rapport à la plupart des pays développés et à l'acceptation d'une pauvreté croissante de larges couches de la population.

Dans ces rapports de forces au niveau mondial, l'Union européenne hésite entre deux voies:

- soit un modèle lâche d'union douanière incorporant un grand nombre de pays, soit presque tous les pays de l'Est et bientôt -peut-être ?- certains pays du Proche-Orient ou de l'Afrique du Nord;
- soit un modèle intégré d'union économique et monétaire incorporant seulement un petit nombre de pays et une périphérie plus vaguement associée.

Une forme de compatibilité entre ces deux modèles, permettant de les développer simultanément et d'opérer le passage au coup par coup des pays de l'Europe lâche vers l'Europe intégrée, n'a pas encore été ni trouvée, ni forcément approuvée, même si une tendance semble se préciser vers cette double voie.

De toute manière, rien ne se fera sans un accord complet de la France et de l'Allemagne: ni l'union monétaire de Maastricht, ni une orientation vers l'élargissement, même si celui-ci paraît inévitable à beaucoup, ni une voie moyenne.

Berceaux de la démocratie et inventeurs du modèle social-démocrate -le modèle des années 1950-1974- la plupart des pays européens tiennent à leurs dispositifs de solidarité, la sécurité sociale, et à leurs dispositifs culturels et politiques de tolérance, de respect des minorités et de règles démocratiques aussi bien au niveau politique que social et même, dans une certaine mesure économique, impliquant un minimum de citoyenneté et de contrôle des pouvoirs publics.

L'existence de ces mécanismes de solidarité institutionnalisés a d'ailleurs préservé jusqu'ici les sociétés européennes d'une dislocation de leur tissu économique et industriel par le maintien de la consommation intérieure à un niveau minimum. Les mécanismes de solidarité n'ont cependant pas suffi à maintenir la cohésion sociale: précarité, chômage important et permanent, drogue, violence, quartiers en crise en sont les signes.

Les pressions du modèle néolibéral sont de plus en plus fortes; la société est de plus en plus disloquée pour y résister et un nouveau modèle de société ne se profile donc pas.

 

II. Le tissu économique et politique de la Wallonie

 

Il convient d'examiner la structure économique dans trois grandes catégories d'activités:

  • les activités tournées vers le marché intérieur, principalement wallon, mais aussi en direction des régions immédiatement voisines;

  • les activités liées à des sous-traitances ou des coopérations avec des activités du marché européen et mondial;

  • les activités situées sur le marché européen et mondial.

 

1.- Les activités tournées vers le marché intérieur

Ces activités sont de trois ordres:

- les PME du secteur privé productrices de biens et/ou de services et les entreprises publiques (biens et services, comme les TEC, la SWDE,..),
- les associations et organismes publics, habituellement rangés dans le "secteur non-marchand", comme l'enseignement ou les soins de santé, les services sociaux,
- les administrations des divers niveaux.

Ces trois catégories sont profondément impliquées dans un développement économique, nécessairement endogène: c'est aux Wallons seuls à se soucier de leur propre avenir, il ne faudrait pas l'oublier.

Le logement, la rénovation urbaine et rurale, la qualité de l'environnement, l'aménagement du territoire, les transports de personnes et de marchandises sont sans doute des éléments importants.

Mais l'enseignement, la formation, la recherche, la santé et la culture sont sans doute aussi fondamentaux, même si on a pris l'habitude de les oublier dans l'approche économique. C'est sans doute d'autant plus vrai dans une société mondiale où l'information, dans un sens large du mot, a pris une place considérable et devient elle-même un objet de transactions économiques et source de profits.

En première approche, la plupart des PME (moins de 50 travailleurs) et quasi toutes les petites entreprises (moins de 20 travailleurs) sont uniquement liées à des marchés locaux. C'est aussi le cas de la très grande majorité des entreprises du secteur de la construction, quelle que soit leur taille.

Or, les établissements de moins de 50 travailleurs représentent à eux seuls la moitié de l'emploi total du secteur privé, soit 260.000 travailleurs.

Le secteur public, qui comprend les administrations, les services publics non-marchands (enseignement, soins de santé notamment) et les entreprises publiques occupe 305.000 travailleurs, tous liés à l'activité intérieure et non pas aux activités d'exportation.

Ces deux seuls domaines occupent donc environ 565.000 travailleurs sur un total de 830.000, soit plus des deux-tiers de tous les emplois.

Le marché intérieur est donc pour la Wallonie d'une importance beaucoup plus considérable que celle qui lui est généralement accordée.

Il est difficile d'évaluer les potentialités de développement des PME et les potentialités de naissance de nouvelles PME, mais il faut constater que, ces dernières années, le nombre d'indépendants est en croissance lente et que seul l'ensemble des PME de moins de 50 travailleurs a connu, malgré les faillites, une légère croissance de l'emploi, alors que les secteurs des grandes entreprises ont perdu beaucoup d'emplois.

Le développement général du tourisme et de l'attractivité des villes comme lieux culturels, sportifs et de rencontres est sans doute un élément à exploiter au profit des PME principalement.

2.- Les activités liées à la sous-traitance d'activités mondiales

Il s'agit généralement d'entreprises de moyennes dimensions se situant dans la zone des 200 à 600 travailleurs, à la fois trop importantes pour se satisfaire d'un marché local ou régional et trop petites pour jouer un rôle significatif au plan mondial. Il n'existe que quelques rares cas d'entreprises fabriquant un produit tout-à-fait spécifique -cas d'un monopole technique toujours fragile- mais ces cas ne peuvent pas être généralisés (cas du Val-Saint-lambert par exemple).

La Wallonie dispose de potentialités de sous-traitance de haute valeur. Par exemple, les entreprises de l'aéronautique, un certain nombre d'entreprises de la mécanique, de l'électronique, de l'électrotechnique ou de l'alimentation. Il s'agit soit de sous-traitances comme partenaires de groupes industriels multinationaux, soit d'associations à des consortiums internationaux (le programme Airbus ou Ariane-Espace par exemple).

Ce secteur et celui des activités mondiales qu'on verra ci-après représentent ensemble un peu plus de 25 % du total des emplois. On peut estimer, sans qu'il existe d'études à ce sujet mais seuls les ordres de grandeur sont utiles ici, que chacune des deux catégories représentent entre 10 et 15 % de l'emploi wallon total.

 

3.- Les activités directement orientées vers le marché mondial

Il existe peu d'entreprises directement branchées sur les marchés mondiaux si on excepte une partie des institutions bancaires et financières, encore ne sont-elles pas spécifiquement wallonnes.

Dans le domaine industriel, on trouve la sidérurgie, la chimie lourde (pétrochimie), l'industrie des médicaments, la fabrication d'engins de terrassements (ou l'automobile, absente en Wallonie) la cimenterie et la verrerie. Soit, de manière générale les industries traditionnelles de la Wallonie.

Ces secteurs multinationaux sont soumis à de perpétuelles restructurations et sont souvent menacés de délocalisation, au contraire des deux catégories précédentes. La taille des entreprises est souvent au delà de 1.000 travailleurs même si les productions sont fortement automatisées, robotisées et informatisées. L'emploi est très peu faible par rapport au chiffre d'affaires mais il est de haute qualification à tous les niveaux.

Ces secteurs, parvenus aux meilleures relations avec les pouvoirs publics, profitent très largement des aides publiques, directes et indirectes.

Les potentialités d'innovations et de développement sont sans doute grandes mais ne sont pas exploitées en fonction d'un développement régional mais bien en fonction de la stratégie et des intérêts du groupe multinational dans lequel ces activités sont intégrées.

On ne peut pas compter sur elles dans une stratégie de développement de la Wallonie. Certainement pas comme moteur de ce développement, ce qu'on a encore trop souvent tendance à croire.

 

III. Eléments d'une stratégie de développement de la Wallonie

Les axes stratégiques proposés sont formulés dans le cadre des structures institutionnelles actuelles: la Belgique fédérale et la Communauté européenne, chacune avec leurs compétences et structures organisationnelles.

Dès lors dans la double perspective décrite: développer les potentialités endogènes liées au marché intérieur et articuler au mieux les activités tournées vers l'extérieur sur des ensembles industriels ou de services porteurs, une stratégie de développement doit comporter des actions cohérentes dans trois domaines: le domaine européen et mondial, le domaine de l'Etat fédéral et le domaine de l'économie intérieure wallonne.

 

1.- Le domaine européen et mondial

Au niveau mondial, la Wallonie ne représente rien, elle est même le plus souvent inconnue. L'action wallonne à ce niveau va donc se situer comme acteur direct là où la Wallonie peut être présente comme telle.

 

Contribuer à une évolution moins néolibérale des institutions internationales

Depuis vingt ans, les institutions internationales comme le FMI, la Banque mondiale, l'OCDE et même l'Union européenne sont guidés par la seule logique néolibérale et cette tendance n'est pas mise en question.

La Wallonie, avec d'autres régions ou pays, devrait dénoncer cette dérive qui ne lui convient pas au plan économique, parce que la logique néolibérale renforce toujours les plus forts au détriment des plus faibles, des plus grands au détriment des plus petits.

Quelques axes essentiels d'une politique alternative méritent d'être développés parce qu'ils peuvent rencontrer une adhésion progressive et peuvent agir comme leviers de changement:

  • la réinstallation étape par étape d'un contrôle international et européen des mouvements de capitaux et l'instauration d'une taxe sur les transactions financières;

  • la suppression des paradis fiscaux européens -il en existe plus de dix - et des zones d'exonération, ports francs, centres de coordination ou dispositions équivalentes;

  • le rétablissement d'un contrôle politique sur les banques centrales nationales et l'établissement d'un contrôle politique sur le futur Institut monétaire européen.

Dans le domaine du commerce et des relations entre les pays développés et les pays en voie de développement de nouveaux rapports sont à établir. Il est devenu clair que le la politique néolibérale du FMI et de la Banque mondiale conduit les pays du Sud à l'impasse, à la régression de la santé, de l'éducation, de la démocratie.

L'action de l'Organisation mondiale du travail devrait être mieux connue et appuyée en vue d'assurer un développement social en accompagnement du développement économique dans les pays en voie d'industrialisation.

Il est devenu banal de rappeler la nécessité de construire aussi une Europe sociale, souvent présente dans les discours, rarement dans les actes. Pourtant les décisions européennes dépendent des Gouvernements des Etats membres.

Stimuler une politique européenne en faveur de l'emploi

Le Livre blanc de Jacques DELORS voulait amorcer une politique européenne en faveur de l'emploi et de la compétitivité. Malheureusement, les pays européens ont refusé jusqu'ici de s'engager dans le volet "emploi" et ils continuent à privilégier nettement le volet "compétitivité".

Les objectifs du Livre blanc sont ainsi biaisés au point qu'il faut désormais considérer ce projet comme dépassé et qu'il faut aborder les choses autrement, sans coupler emploi et compétitivité parce que ce sont deux objectifs différents même s'ils ne sont pas en eux-mêmes antagonistes.

La compétitivité des entreprises tournées vers la grande exportation (hors Europe) n'a plus à être soutenue par des apports ou des politiques qui la concernent. Ce secteur devenu entièrement multinational est tout-à-fait capable de se défendre seul, sans aides publiques. D'ailleurs, il n'offre aucune certitude ni quant à l'emploi, ni quant au risque de délocalisations.

Par contre, les entreprises du marché intérieur européen, spécialement les PME (jusqu'à 200 travailleurs selon le critère européen), méritent aujourd'hui un appui européen spécifique. Cet appui peut être de divers ordres: ancrage dans la recherche appliquée, recherche de complémentarités et d'accords de coopération ou de coproduction, développement de projets européens communs, politiques actives de sous-traitance à long terme, etc.

En présence du chômage massif et durable qui sévit en Europe, la seule voie de changement est une réduction de la durée hebdomadaire de travail d'environ 38 à 39 heures par semaine actuellement à 35 heures dans un premier temps et 32 heures ensuite.

La charge d'une telle réduction est à répartir sur les entreprises -qui la supporteront grâce aux gains de productivité découlant de la réduction du temps de travail elle-même-, sur la Sécurité sociale ou les pouvoirs publics - qui la récupéreront par des charges moindres et des rentrées de cotisations et d'impôts supplémentaires et sur les travailleurs -qui disposeront d'un temps libre supplémentaire qui peut être mis à profit dans des activités personnelles-.

Des mesures d'accompagnement sont évidemment nécessaires pour faciliter la transition, spécialement pour les secteurs à forte intensité d'emplois, notamment par un allégement de leurs charges patronales de sécurité sociale compensé par un alourdissement de ces charges pour les entreprises à forte intensité en capital, également par des programmes de formation et de retour à l'emploi des chômeurs.

 

Etre présent et actif dans la Francité

Aux yeux de beaucoup, la Francité, le groupement de tous les pays et régions de langue française, n'existe qu'en raison des échanges culturels qu'elle peut amplifier.

La Wallonie y est trop peu présente de manière active alors qu'il s'agit d'une communauté mondiale de 460 millions d'habitants répartis en 44 pays ou régions.

Les aspects culturels, scientifiques, éducatifs et d'échanges, y compris le tourisme, tiennent une place de plus en plus importante dans l'économie, aussi bien en termes d'innovation que de production et de commercialisation.

Le poids du marché francophone n'est pas négligeable: le PIB des pays francophones atteint 2.500 milliards de dollars (1993), leur production représente 11% de la production mondiale et leur part dans le commerce international est de 17 % tant du côté des importations que des exportations.

Les pays de langue française devraient faire l'objet de relations suivies de la part de la Wallonie dans une démarche commune pour son compte et pour le compte de la Communauté française s'il y a lieu.

Outre les activités culturelles, elles-mêmes souvent produits économiques, le développement des industries culturelles -l'édition, la BD, le disque, la production de films, notamment de films pour la TV, les échanges entre organes de presse, etc-est aujourd'hui une composante du développement économique. De plus, ces activités contribuent aisément à faire connaître la Wallonie, la culture et l'économie wallonne.

Opérer un rapprochement avec la France

Quels que soient les rythmes de développement que prendra l'Union européenne, on est sûr de deux grandes orientations: un renforcement d'un noyau restreint autour de l'union monétaire et une extension plus lâche à un plus grand nombre de pays.

Rien ne se fera en Europe sans un accord entre l'Allemagne et la France ou bien il n'y a plus d'Europe et les pays européens se trouveront isolément confrontés au marché mondial, en concurrence directe et violente les uns avec les autres, ce qu'aucun pays européen ne souhaite.

Quel que soit l'avenir, la Wallonie a tout intérêt à accrocher son wagon à une locomotive. Dès lors, elle n'a pas d'autre choix que la France. Les tendances actuelles y concourent d'ailleurs déjà: participations importantes de firmes françaises dans des entreprises wallonnes de valeur, courant d'échanges commerciaux importants avec le marché français, parité monétaire stable entre franc belge et franc français, inflation faible comparable.

Outre l'adhésion à une même culture générale qui tire ses principes de la Révolution française et d'une langue commune, la Wallonie a également une proximité politique avec la France: même structure administrative (communes-province-région équivalent à municipalités- département-région), même architecture du droit (droit civil, droit commercial notamment) et des structures judiciaires, mêmes organisations sociales: syndicats, patronat, classes moyennes.

Si les mouvements centrifuges de la Flandre à l'égard de l'Etat belge continuent à se développer -ce que tout porte à croire- la Wallonie devra nécessairement opérer une alliance avec un grand pays, en fait la France.

Tout porte donc à opérer dès à présent dans le domaine politique, scientifique et social un rapprochement qui existe déjà dans le domaine économique et industriel, ainsi que dans le domaine culturel.

Cela n'implique évidemment pas un soutien à toute politique de la France, notamment dans sa politique de reprises des essais nucléaires militaires. Il est temps pour la Wallonie de se distancer nettement et systématiquement de l'intolérance rabique de certains milieux flamands à l'égard des initiatives des entreprises françaises.

Ce rapprochement n'obère évidemment pas les relations transfrontalières de proximité, comme l'EUREGIO (Liège, Maastricht, Aix-la-Chapelle), les Lorraines (Luxembourg, Grand- duché et Lorraine française) ou celles de la province de Hainaut avec la Région Nord-Pas de Calais ou d'autres encore. Bien au contraire, ces échanges de proximité pourraient s'en trouver renforcés.

 

Nouer des relations avec d'autres régions d'Europe

Il est vain et d'ailleurs impossible de nouer des relations économiques avec toutes les autres régions d'Europe,ce serait d'ailleurs impossible. Il importe de choisir deux ou trois régions sur base de potentiels de complémentarité et de taille entre entreprises, institutions de recherche et de formation et entreprises publiques.

Il doit donc s'agir des régions soit offrant directement des débouchés à des produits ou services wallons, soit permettant la création de coopération entre entreprises ou, à tout le moins, des contrats de sous-traitance à long terme.

En dehors de telles possibilités ou de possibilités analogues, mieux vaut ne pas se lancer dans ce genre d'opérations qui deviendraient coûteuses sans retombées pour la Wallonie.

2. Le domaine de la Belgique fédérale

La politique économique, monétaire, budgétaire et sociale conduite par le Gouvernement fédéral n'est pas neutre à l'égard du développement de la Wallonie.

 

Mettre un terme à la politique de déflation

Depuis 1982, à l'exception légère des années 1988-1990, la politique économique du pouvoir fédéral est axée uniquement sur la trilogie "franc fort-austérité budgétaire-compétitivité".

Cette politique entraîne nécessairement une pression déflationniste sur l'activité économique, les chiffres comparés des taux de croissance réels entre la moyenne européenne et la Belgique sont clairs, même s'ils peuvent en partie s'expliquer par une sensibilité plus grande de l'économie belge à la conjoncture internationale en raison de son éventail de produits et de sa traditionnelle souplesse d'adaptation aux variations des marchés.

Cette politique provoque nécessairement des pertes d'emplois, elle entretient et développe un chômage important et permanent,elle freine les salaires, les rémunérations du travail et les allocations sociales tout en augmentant les charges d'impôts ou de cotisations. Elle entraîne donc une stagnation grave de la consommation et la dégradation de la situation de la plupart des PME, par ailleurs gravement touchées par des taux d'intérêts réels anormalement élevés et par les exigences des banques en terme de garanties.

Cette politique nuit à la Wallonie qui doit opérer un redéploiement de ses activités économiques (la reconversion) et un remaillage du tissu des PME, politiques évidemment rendues beaucoup plus difficiles lorsque les taux de croissance de la consommation et des investissements des particuliers et des PME sont faibles.

Par les dégâts sociaux qu'elle provoque, cette politique de déflation induit des charges supplémentaires sur le budget wallon et communautaire: charge des minimex, charges de santé, lutte contre les assuétudes, sécurité dans les villes, lutte contre les diverses formes d'exclusion sociale, etc.

Sans compromettre ni la stabilité du franc, ni la compétitivité des grandes entreprises tournées vers le marché mondial, bien au contraire, ni la nécessaire maîtrise progressive des dépenses publiques, il est possible de suivre une autre politique qu'on peut définir par la trilogie "franc stable - rigueur budgétaire - soutien de la demande intérieure" au lieu de la trilogie qui prévaut actuellement "franc fort - contractions budgétaires - compétitivité".

Certes cette politique est plus délicate à conduire, il faut jouer à la fois de l'accélérateur et du frein selon l'état de la route au lieu de jouer uniquement du frein à fond.

 

Obtenir une meilleure répartition des commandes publiques

Dans les années précédant la fédéralisation de l'Etat, il était patent que l'Etat à dominance flamande -on a souvent parler de l'Etat-CVP- a souvent considérer la Wallonie comme une colonie au service de la Flandre et que la Wallonie n'avait pas sa juste part des investissements publics de l'Etat ou des grandes entreprises publiques (SNCB, Régie des voies aériennes, Poste, Téléphones).

Aujourd'hui encore, l'écart en défaveur de la Wallonie subsiste dans les commandes publiques, même si on en parle moins. Le Sénat qui désormais est une chambre fédérale devrait rapidement faire la lumière sur cette situation et suivre cette question de près.

Dans la même perspective, la politique des grandes entreprises publiques -SNCB, BELGACOM, Poste, Régie des voies aériennes- doit être formulée de manière claire et précise vis- à-vis de chacune des régions. Il est notoire, en effet, que les préférences vont toujours à la Flandre.

Concrétiser la solidarité avec Bruxelles

La prochaine étape des revendications flamandes est déjà précisée: la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde et la suppression des facilités dans les six communes de la périphérie bruxelloise.

Sur ce terrain, il faut évidemment être ferme. Comment et pourquoi cette fermeté s'articule- t-elle sur une politique économique ? Tout simplement pour éviter le grignotage et les discussions perpétuelles qui donnent lieu à des compensations qui, elles, se mesurent toujours en termes d'avantages économiques pour la Flandre.

La solidarité avec Bruxelles suppose aussi une solidarité des Bruxellois francophones à l'égard de la Wallonie. Cette solidarité doit être concrétisée dans des engagements réciproques plus précis que la seule institution de la Communauté française.

 

Parer aux effets négatifs de la loi de financement des Communautés et des régions

Au delà de l'année 1999, c'est-à-dire pratiquement dès la fin de la présente législature, le financement des régions sera directement proportionnel à l'impôt des personnes physiques perçu en Wallonie; les mécanismes de compensation auront cessé leurs effets.

C'est pourquoi il est de la plus grande importance que l'emploi, le PIB et les niveaux de revenus augmentent en Wallonie. Or, la politique de déflation du Gouvernement fédéral va à l'encontre de ces objectifs.

Comme le financement des communautés s'ajuste proportionnellement à la croissance du budget fédéral hors charge d'intérêt de la dette, la politique fédérale d'austérité budgétaire conduit aussi à une forme de stagnation des montants attribués aux communautés.

 

Sauvegarder la sécurité sociale pour la Wallonie

La Sécurité sociale en assurant à chacun soins de santé, revenus minimum en cas de maladie ou de chômage, pension, vacances annuelles et allocations familiales donne aussi une cohésion à la société; c'est une solidarité qui s'exprime ainsi entre les citoyens mais aussi entre l'économique et le social.

Les menaces contre ce système sont de deux ordres: d'une part le courant néolibéral et d'autre part le mouvement flamand. La Wallonie qui a toujours joué un rôle de pionnier dans les conquêtes sociales et dans leur généralisation doit être attentive à penser cette solidarité en fonction de l'évolution économique, sociale et politique de la société. Elle ne peut être prise au dépourvu par l'une ou l'autre des deux menaces.

Le chômage important et permanent, l'évolution des technologies dans les soins de santé, le vieillissement de la population sont autant de facteur qui alourdissent les charges et compromettent l'équilibre financier.

Autant dans un souci d'emploi que de solidarité entre les entreprises, il faut aménager le mode de calcul des cotisations patronales en accroissant les cotisations des entreprises à forte intensité de capital et en réduisant les cotisations des entreprises à forte intensité d'emploi. Diverses propositions ont- déjà été faites dans ce sens. Ce devrait être une revendication importante de la Wallonie.

La revendication flamande de communautariser la Sécurité sociale, fut-ce par étapes, sera un jour présente sur la table de négociations. Il risque à ce moment d'y avoir une convergence d'intérêts avec le courant néolibéral. C'est pourquoi il convient de penser progressivement à une situation extrême où la Wallonie devrait assurer seule son propre système de sécurité sociale.

3.- Le domaine de l'économie intérieure wallonne

Dans le cadre d'une réflexion stratégique, il ne s'indique pas de développer ici une gamme détaillée de mesures de politique économique nécessaires ou souhaitables mais il convient d'abord de formuler des axes autour desquels s'articuleront les mesures.

 

Valoriser l'épargne wallonne au bénéfice de la Wallonie

Il manque gravement d'une banque wallonne; toutes les banques sont nationales, étrangères ou flamandes. Même les banques dites nationales ont des stratégies de crédit qui ne tiennent pas compte des structures et des besoins ni des entreprises wallonnes, ni du secteur associatif et non- marchand wallon.

Toutes les banques exigent des PME comme des associations des garanties excessives pour les prêts qu'elles consentent, ajoutant aux garanties financières normales des garanties personnelles des gérants ou des administrateurs. Ces exigences excessives et injustifiées freinent considérablement les initiatives de création de nouvelles activités et donc d'emplois, qu'il s'agisse d'indépendants, de PME, d'associations ou d'entreprises d'économie sociale.

Une banque wallonne pourrait drainer l'épargne wallonne et surtout adopter une politique de crédit mieux adaptée aux besoins de développement de la Wallonie. Ce ne doit pas être impossible puisqu'on voit d'ailleurs se créer et se développer de nouvelles banques ayant un objectif éthique ou social.

 

Ouvrir sur la société l'enseignement supérieur wallon et les universités wallonnes et bruxelloises francophones

Les universités, comme d'ailleurs l'ensemble du système scolaire, vivent encore trop "à côté" de la société et ne sont pas suffisamment des partenaires actifs du développement.

Le développement n'est pas seulement, peut-être même pas d'abord, une question économique, c'est un ensemble économique, social, politique, scientifique, culturel et artistique.

Les institutions d'enseignement supérieur et les universités ne valorisent pas suffisamment leurs potentialités au service de la Wallonie. Des programmes concertés avec ces organismes devraient être développés dans divers partenariats, avec principalement les PME wallonnes, plutôt qu'avec les filiales de multinationales, en ce qui concerne la recherche appliquée et la transposition industrielle ou économique des travaux scientifiques.

Des accords de coopération et la création de consortiums pour la réalisation de certains projets, peuvent faire l'objet d'apports financiers et d'appuis du Gouvernement wallon.

Les universités et les institutions d'enseignement supérieur devraient aussi assurer plus largement la formation continue, par exemple des fonctionnaires wallons, des cadres d'entreprises, des dirigeants de PME ou des agents communaux.

Il serait aussi souhaitable de créer un partenariat d'éditions scientifiques et techniques, d'orienter les travaux d'étudiants: séminaires, mémoires, thèses sur des sujets qui seraient demandés par le Gouvernement wallon, l'administration wallonne, les organisations d'employeurs, les organisations syndicales, les organisations sociales ou les associations reconnues et subsidiées.

Intensifier et diversifier les interventions de la SRIW et des Invests

Trois objectifs sont à amplifier:

- aider à la création d'entreprises par des fonds d'amorçage à risque,
- consolider les entreprises pour leur permettre de franchir les pas délicats dans leur développement,
- articuler des réseaux de coopération entre entreprises complémentaires.

Beaucoup de PME souffrent gravement de manque de moyens dans le domaine de la commercialisation de leurs produits ou services et beaucoup de gérants ou administrateurs de PME éprouvent des difficultés à acquérir la maîtrise de la gestion lorsque leur entreprise passe à une taille supérieure.

Trop souvent encore, les PME qui se développent sont poussées par les Intercommunales de développement ou d'autres conseillers à investir dans une nouvelle implantation. Or, la plupart du temps un déménagement coûte cher, immobilise des capitaux sans rentabilité immédiate et creuse l'endettement sans procurer de gains de productivité suffisants. Des formules nouvelles de parcs industriels devraient être mises en place pour parer à ces dangers.

 

Coupler l'économique et le social, coupler les entreprises et la formation professionnelle

La Région wallonne consacre une part importante de son budget aux aides aux entreprises sous diverses modalités. Il faut désormais coupler ces interventions avec une participation active des entreprises en matière de formation professionnelle: stages de formation pour des demandeurs d'emploi, formation en alternance, initiation de jeunes.

Le potentiel des entreprises pourrait aussi être valorisé dans d'autres actions sociales, par exemple en appui matériel ou de conseil au secteur associatif, en participant au redéveloppement des quartiers défavorisés où elles sont implantées, en mettant du personnel et leurs compétences à disposition d'écoles techniques ou professionnelles. Dans tous ces exemples, il ne s'agit évidemment que de prestations très limitées, par exemple: un technicien deux heures par semaine, un ingénieur quelques heures par mois, la mise à disposition gratuite de locaux disponibles, un service léger de secrétariat, etc.

Les entreprises pourraient aussi jouer un rôle actif dans les projets de réinsertion socio- professionnelle initiés par le FOREM, les missions régionales ou les ASBL d'insertion.

Vis-à-vis des "entreprises de formation par le travail" récemment instaurées comme vis-à- vis des entreprises d'économie sociale, l'attitude des entreprises gagnerait à être positive: sous- traitance, engagement des personnes sortant de ces formations, etc, plutôt que méfiante ou même parfois franchement hostile.

De même, bon nombre de marchés publics devraient prévoir des clauses d'apprentissage, de stage, ou même d'embauche de personnes peu qualifiées et l'ouverture de sous-traitance vers les entreprises d'économie sociale.

Les fonds sectoriels d'aide aux publics dits à risque (chômeurs de longue durée, demandeurs d'emploi peu qualifiés, bénéficiaires du minimex) seraient à partager en deux parties: une moitié professionnelle et nationale et une moitié régionale et sous-régionale. On constate en effet que de trop nombreux fonds soit dorment au lieu d'être utilisés à ce pourquoi ils ont été créés, soit sont utilisés de manière corporatiste, sans répondre correctement à leur but.

Il dépend évidemment des partenaires sociaux d'en décider mais dans plusieurs commissions paritaires les fonds de formation sont déjà organisés sur une base régionale.

Contribuer à l'emploi et à la consommation par une politique active de construction de logements et de rénovation urbaine et rurale

On sait l'effet important du secteur de la construction sur l'emploi et l'activité économique. On sait aussi que l'activité dans ce secteur fait très largement appel aux entreprises locales. Par ailleurs, on connaît les besoins d'amélioration du logement en Wallonie, tant en zone urbaine que rurale. On connaît aussi les besoins de rénovation urbaine et rurale.

L'avantage de tels programmes est non seulement l'activité économique, l'emploi mais aussi immédiatement l'environnement et le bien-être des gens dans leur milieu de vie courant.

Diverses formes doivent être mobilisées, notamment avec les institutions de crédit en ce qui concerne le financement mais aussi les architectes, le secteur de la construction et les communes: primes à la construction et à la rénovation, association de capitaux privés aux programmes de la Société wallonne de logements sociaux, avantages fiscaux, fonds de garantie, assouplissement de l'accès au crédit hypothécaire, etc.

 

Développer les potentialités: services et tourisme, économie sociale, monde associatif

Services

Les économies développées s'orientent vers une part de plus en plus importante des services dans l'ensemble de l'activité économique.

La Wallonie est encore trop peu engagée dans les activités de service, en particulier dans le secteur des télécommunications et du multimédia ainsi que dans celui des services aux entreprises, notamment en informatique (1) .

L'industrie graphique est bien représentée en Wallonie mais l'édition y est trop faible, qu'il s'agisse de livres ou de revues; elle est éparpillée en de trop nombreuses et trop petites initiatives, en particulier dans le domaine des publications à caractère scientifique. Des recompositions et coopérations paraissent indispensables.

Ces deux domaines sont d'autant plus importants qu'ils sont aussi porteurs d'une présence et d'une identité wallonne.
 

Tourisme

Le tourisme doit s'appuyer sur la valorisation des sites et équipements naturels dans le respect de la nature et de l'environnement, c'est ce qui a été bien compris et devient facteur d'attraction.

Mais l'équipement d'accueil est encore à développer, notamment dans le tourisme de court séjour, par les communautés locales elles-mêmes plutôt que par des infrastructures lourdes. Le mouvement est déjà lancé et il mérite d'être appuyé plus vigoureusement par les pouvoirs publics, spécialement provinciaux et communaux.

 

Economie sociale

Trois étapes importantes ont déjà été franchies grâce à l'initiative wallonne:

- l'économie sociale a fait l'objet d'une prise de conscience au travers du Comité wallon de l'économie sociale qui en a cerné les contours, les objectifs et les activités possibles dans le Livre blanc de l'économie sociale;
- un statut juridique adapté, "la société à finalité sociale", et la possibilité de transformer des ASBL dans ce type juridique de société permettent désormais de situer clairement l'économie sociale dans le secteur marchand de biens et services tout en lui reconnaissant une finalité sociale et pas seulement le profit des actionnaires comme pour les autres sociétés commerciales;
- il est communément admis que l'économie sociale forme une des voies à développer dans le cadre de politiques de l'emploi.

Reste à la mettre en oeuvre. Trois difficultés principales sont à vaincre:

- la stimulation et la formation à la gestion des porteurs de projets,
- la réunion des capitaux d'amorçage,
- une information généralisée sur le contenu et les limites de l'économie sociale.

Le Fonds décidé par le Gouvernement wallon répond à une de ces difficultés. D'autres mesures sont également possibles et souhaitables; leur détail dépasse le cadre de la présente réflexion.

 

Monde associatif

Le monde associatif joue un rôle de plus en plus important dans le fonctionnement de nos démocraties. A ce titre, il mérite déjà d'être soutenu. En outre, il est porteur d'emplois, qui plus est: très souvent d'emplois de qualité.

Pour assurer son développement, il convient d'établir un statut du bénévole, tout comme il existe un statut du salarié, de l'apprenti, de l'indépendant, de l'agent des services publics, du chômeur, du prépensionné et du pensionné. Faute d'un statut, les associations soit ne trouvent pas les collaborations qui leur sont nécessaires, soit risquent de mettre certaines personnes dans des difficultés administratives ou fiscales, notamment les chômeurs, prépensionnés et pensionnés.

Les budgets qui permettent le développement de ce secteur, principalement dans le domaine de l'éducation permanente, de la culture et de l'entraide entre les citoyens, méritent d'être à tout le moins conservés et si possible amplifiés.

Le plus important est le paiement dans les délais prévus des subsides accordés. Les retards, hélas beaucoup trop fréquents, mettent les associations en difficultés financières, les acculent à des emprunts bancaires dont elles ont à supporter des charges d'intérêts qui pourraient être évitées et compromettent le bon déroulement des projets.

Le second souci des pouvoirs publics subsidiants devrait être de mieux s'assurer de la qualité des projets et de leurs réalisations mais, une fois ceci acquis d'assurer la continuité de ces projets. Ceux-ci sont trop souvent soumis à des remises en cause annuelles, ce qui provoque évidemment des gaspillages. La base devrait être de trois ans renouvelables, avec un contrôle annuel.

Fortifier l'identité wallonne

Il n'est pas possible d'envisager une stratégie de développement sans que les principaux acteurs et opérateurs aient conscience d'appartenir à la Wallonie et d'oeuvrer eux-mêmes à son développement. Tel devrait être le cas des chefs d'entreprise et des indépendants, des responsables d'organisations professionnelles et syndicales, des mandataires politiques, des enseignants et du système éducatif, des consommateurs eux-mêmes et finalement de tous les citoyens.

Trois outils doivent renforcer cette identité wallonne tant vers l'intérieur que vers l'extérieur: une RTBF wallonne, une agence wallonne de presse et les cours d'histoire et de connaissance de la Wallonie.

La RTBF doit être rénovée en profondeur. L'image qu'elle donne aujourd'hui dans la plupart de ses émissions, tant en radio qu'en télévision est "belge plus ou moins francophone". Elle devrait clairement donner une image wallonne (et bruxelloise francophone). C'est sa mission; la RTBF ne dépend plus, depuis longtemps, du pouvoir fédéral mais tout se passe comme si elle l'était encore.

Il est vrai que beaucoup de milieux culturels continuent à s'affirmer comme belges en ignorant ou en gommant leur identité wallonne (ou bruxelloise francophone). C'est un vieux relent d'une bourgeoisie élitiste francophone dominant les cultures flamandes et wallonnes.

Il ne suffit évidemment pas de donner une certaine autonomie et des temps d'antenne à des centres régionaux. C'est certes nécessaire et cette orientation doit être poursuivie. Mais ce n'est pas une garantie d'une orientation wallonne et ce n'est pas suffisant.

Il appartient au nouveau conseil d'administration de s'attacher tout particulièrement à entreprendre ce changement en profondeur.

La création d'une agence wallonne de presse s'impose. L'agence BELGA est belgo-belge et dominée par les organes de presse flamands. Elle peut avoir sa place au niveau fédéral.

Une agence wallonne de presse pourra remplir deux fonctions: d'une part, une collecte et une diffusion d'informations relatives aux événements qui se passent en Wallonie (et à Bruxelles) et, d'autre part, créer et diffuser des outils d'information et de formation à disposition de l'enseignement, des médias et des associations d'éducation ou de formation.

La réforme du cours d'histoire dans l'enseignement primaire et dans l'enseignement secondaire a déjà été évoquée à maintes reprises mais n'est toujours pas en application. L'idéologie unitariste belge et monarchiste qui sous-tend les manuels d'histoire et la formation des enseignants est désormais inacceptable dans un Etat fédéral. Cette idéologie joue très nettement en défaveur du développement de la Wallonie.

Au niveau de l'enseignement supérieur, universitaire et non-universitaire, chacune des deux premières années devrait comporter un cours substantiel de connaissance de la Wallonie et de ses institutions politiques, économiques, sociales et culturelles. Ces cours pourraient aborder plus particulièrement les problèmes spécifiques à la Wallonie qui se posent dans les disciplines scientifiques respectives.

En outre, les travaux de séminaires et les mémoires devraient être axés sur des sujets qui concernent la Wallonie ou sur des problèmes qui se posent en Wallonie, quelqu'en soit le domaine.

 

IV. Conclusion: pour un contrat social wallon

Une stratégie de développement suppose que tous les éléments qui la composent soient mis en oeuvre simultanément parce qu'ils sont complémentaires dans leurs réalisations et que leurs effets se multiplient.

On peut s'étonner que de nombreux point abordés n'ont pas un caractère économique selon le découpage habituel des sciences. C'est que les mesures économiques sont décidées et exécutées par des gens. Or ceux-ci ne sont pas désincarnés: ils vivent dans une société et dans une région; leurs comportements ne sont pas seulement guidés par des données dites économiques mais aussi par des données sociologiques, idéologiques, culturelles et politiques.

Enfin la Wallonie n'est pas une entité isolée. Elle dispose d'une autonomie et de moyens pour la mettre en oeuvre mais elle est une composante de l'Etat fédéral belge, elle fait partie de l'Union européenne et de l'Europe, elle est imbriquée dans les échanges internationaux et mondiaux. Une stratégie de développement suppose donc des mesures à ces divers niveaux de manière à assurer le plus de cohérence possible pour obtenir les meilleurs effets possibles.

Le moment est sans doute propice sous divers aspects: politique, économique, social et culturel, pour un "contrat social wallon". La Wallonie a acquis une stabilité institutionnelle avec l'élection de son Parlement, la situation économique montre les limites économiques et les impasses sociales du néolibéralisme, chacun a désormais conscience que leur avenir dépend des Wallons eux- mêmes.

Il s'agirait d'une plate-forme du développement de la Wallonie, à débattre, négocier et conclure entre toutes les composantes de l'économie wallonne:

  • le Gouvernement et le Parlement wallon, les pouvoirs communaux: villes, communes urbaines et rurales et leurs CPAS,

  • les entreprises, les PME et les indépendants, les milieux agricoles, les professions libérales,

  • les représentants des travailleurs par organisations professionnelles, les cadres, des représentants des sans-emploi,

  • le monde associatif de manière à couvrir les aspirations de l'ensemble des citoyens,

  • le monde de la formation des divers niveaux, réseaux et structures, y compris la Promotion sociale: pouvoirs organisateurs, enseignants, étudiants (enseignements supérieurs et universitaires), associations de parents,

  • les intervenants dans le domaine de la santé: mutuelles, médecins, pharmaciens, paramédicaux, gestionnaires d'hôpitaux et de maisons de repos ou de soins,

  • les milieux culturels, la presse et les médias.

Comme on le voit, il s'agit d'une très large consultation. Elle est souhaitable de manière à ce que chacun se sente impliqué dans la démarche. Étant donné cette taille, une procédure claire devrait être précisée dès le départ.

Le contrat social wallon devrait déboucher sur la formulation d'une trentaine de propositions-principes qui serviraient alors de guide général et de référence pour tous les opérateurs.

 

Note :

(1) En France, de 1972 à 1992, l'emploi dans la production d'équipements et d'appareillages électroniques est passé de 259.343 à 223.890, soit -35.453 mais l'emploi dans les services informatiques est passé de 26.283 à 178.084, soit + 151.801


 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute