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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 

 
Allocution de Clôture du Congrès

Bernard Anselme
Premier Ministre wallon

 

Tirer les conclusions d'une pareille journée, succédant en outre à tant d'orateurs de qualité, est forcément une gageure. C'est un défi que je vais cependant m'efforcer de relever pour dégager cette "certaine idée" de la Wallonie et de son avenir, tels que les différentes réseaux se sont employés à définir de manière très précise.

Je relèverai, d'abord, ce constat:

Les Wallons, vous l'avez montré aujourd'hui, n'ont plus peur des mots. Non qu'ils soient, comme certains l'imaginent, prêts à s'engager dans toutes les aventures.

Non. Les Wallons, vous le démontrez ici, construisent leur devenir en suivant la démarche pesée et pensée de leurs intellectuels et de leurs chercheurs, de leurs praticiens, de leurs acteurs économiques et sociaux.

Votre cheminement lui-même exprime à la fois la volonté des Wallons de construire la Wallonie sur des fondements solides et celle de le faire sur base d'un projet de société élaboré par tous et pour tous.

Ce projet de La Wallonie au Futur, j'ai voulu m'associer à son développement dès mon arrivée à la tête de l'Exécutif, tant je suis persuadé, qu'à côté de la gestion quotidienne menée par un gouvernement, un parlement et une administration, il est nécessaire de s'inscrire dans une réflexion prospective. La seule apte à appréhender notre avenir dans sa totalité complexe.

Prolonger la ligne de notre temps, ouvrir les espaces de nos horizons, abattre les murs qui séparent nos préoccupations particulières constituent les impératifs de toute action durable.

Ainsi, vous avez redit aujourd'hui, comme lors de la définition du paradigme wallon, en 1987, que le projet économique est indissociable de ses corollaires technologique, scientifique, culturel, éducatif et institutionnel.

En axant prioritairement la réflexion sur l'éducation au sens large - l'acquisition de nouvelles connaissances, les nouveaux apprentissages de la vie sociale et les nouvelles solidarités, vous avez, je le crois, fait le choix essentiel.

Je pense avec vous de l'éducation qu'il s'agit du défi majeur auquel nous devons faire face aujourd'hui. Comme l'a dit le Professeur De Landsheere, dans nos sociétés, et à l'heure où l'on parle du "non-marchand", l'intelligence est devenue une des marchandises les plus recherchée, "une valeur stratégique".

Il ne suffit pourtant pas de constater la nécessité d'investir dans la matière grise, il faut être convaincu de l'urgence d'adapter l'école à la société.

Le défi de l'éducation réside en effet dans notre capacité à mettre en place des valeurs et des attitudes nouvelles en matière d'enseignement.

Le réseau de l'enseignement a précisément rappelé le soin qu'il fallait accorder à la petite enfance, à l'enseignement fondamental, à la reconstruction de l'enseignement secondaire et à l'université, tant dans ses aspects d'apprentissage que de recherches. Il nous faudra trouver la résultante entre cette région d'éducation qu'est la Wallonie et l'émergence d'une civilisation nouvelle dans cette Europe qui se bâtit.

Songeant par ailleurs à ce truisme que les sciences et les techniques ne sont pas régionales, comment ne pas épingler cette réponse de Gérard Fourez disant que la Wallonie ne se développera bien que si elle s'enracine dans une véritable identité culturelle, qu'elle ne tirera probablement pas d'une technicité pure, séparée de ses significations sociales.
Les axes qui ont été mis en avant sont ceux de mon Exécutif, même si les moyens restent insuffisants: soutien à la Recherche-Développement, incitation vers les entreprises pour coopérer à l'effort commun, chasse aux surcapacités et aux redondances dans le cadre de nos compétences.

Cette identité, cet enracinement, cette modernité nouvelle aussi nous voulons la construire.

Il n'est que trop vrai que la crise de l'enseignement en Wallonie est en partie liée à la dépossession de son histoire par le Wallon. Les études que j'ai fait faire dans ce domaine l'ont montré et nous avons commencé à réagir: la publication de plusieurs supports comme l'exposition "Mon pays c'est la Wallonie" qui a accueilli plus de 11.000 visiteurs pendant les fêtes de Wallonie, ou encore, l'édition de l'aperçu historique sur l'Identité wallonne vont dans ce sens.

Mon souci est de développer durablement le sentiment d'appartenance des Wallons à leur Wallonie en alliant une nouvelle cohésion sociale à la nécessaire ouverture sur le monde et l'Europe.

Vos propositions concrètes s'inscrivent parfaitement dans ces perspectives. Il faudrait effectivement que les médias et les industries culturelles puissent participer de façon plus tangible à cette représentation de la Wallonie.

 

Autre réflexion essentielle: malgré les bons points qui nous sont souvent distribués dans le domaine économique et qui contredisent les scénarios catastrophes que l'on avait promis, il ne serait pas raisonnable de taire nos faiblesses. Les identifier est la première nécessité car effectivement, il y a de la place pour la prise en compte d'une attitude volontariste des acteurs économiques wallons.

Oui à la volonté de créer des emplois dans le secteur secondaire, oui à une épargne régionale pour soutenir notre croissance et nos investissements. C'est aussi question d'éducation. Notre volonté de renouveau est réelle. Avec tous nos partenaires il faudra, - et nous nous y efforçons déjà dans la mesure de nos compétences légales-, élever le niveau des qualifications et privilégier la réinsertion socio-professionnelle des jeunes travailleurs.

Notre équilibre passe par un quotidien fait de stabilité sociale et d'harmonie physique. Il reste beaucoup à faire. Quatorze mille Wallons aidés par les CPAS, un taux de mortalité trop élevé... Ce sont deux exemples parmi d'autres.

Vos propositions en ce sens méritent d'être envisagées, étudiées, appliquées: j'évoquerai les agences locales pour l'emploi, la politique globale de la petite enfance, le département wallon du bien-être social, la formation alimentaire des consommateurs, nouveaux outils d'analyse pour l'aménagement du territoire,...

 

J'en viens à présent aux enjeux institutionnels évoqués au cours de vos travaux.

La Wallonie est demeurée longtemps en marge. Permettez-moi ce jeu de mot: elle est désormais en marche. Le fédéralisme de responsabilité dont elle est l'actrice permet aux Wallons de démontrer la force de leur volonté comme leur capacité de prendre en main leur propre devenir.

A cet égard, les réformes de l'Etat de 1980 et 1988-89 paraissent déjà insuffisantes en regard des nouvelles ambitions wallonnes. Mais il y a deux niveaux d'analyse.

Le premier tient au principe même du fédéralisme.

Concernant le rôle de l'Etat central, le principe fédéral implique effectivement le transfert d'un maximum de compétences - dont les compétences résiduaires - vers les pouvoirs fédérés, l'Etat central gérant une liste limitative d'attributions...

Le fédéralisme tel que voulu par les Wallons étant par ailleurs un fédéralisme de régions, c'est naturellement au profit de la Région wallonne que doit s'effectuer tout transfert en ce sens.

De même, en matière de compétences internationales, je ne peux que rappeler à mon tour la nécessité de défendre une représentation réelle et efficace de la Wallonie et, en particulier, au sein des institutions européennes.

Pour les compétences qui sont du ressort exclusif des régions, il paraît évident qu'il ne doit pas revenir à l'Etat de les négocier sur la scène internationale, mais aux régions elles-mêmes.

Le deuxième niveau d'analyse est plus prosaïque: la cohérence de la fédéralisation de l'Etat impose sans aucun doute un prolongement des responsabilités régionales dans les matières ou la Région wallonne est déjà compétente. Il en va de l'homogénéité des institutions comme de leur capacité à assumer pleinement l'autonomie qu'on leur confie.

Ainsi, le commerce extérieur, comme l'agriculture, doivent au plus tôt être transférés aux régions car il est non seulement absurde mais intolérable que le sort de la Wallonie demeure subordonné aux diktats d'une autre région, fut-ce par le biais de l'Etat central.

Par ailleurs, la régionalisation des matières personnalisables et des matières visées par l'accord de coopération conclu entre la Région wallonne et la Communauté française s'inscrit parfaitement dans le cadre de la recherche d'une répartition homogène et claire, pour le citoyen, des compétences entre la communauté et la région.

Quant au maintien à long terme de la Communauté française, il me paraît tout à fait évident que cette question doit en tous cas être réglée par les francophones eux-mêmes.

J'ai ainsi proposé plusieurs fois très concrètement une modification de l'article 59 bis de la constitution, de manière à permettre aux francophones de décider seuls de leur organisation institutionnelle. Le transfert de compétences de la Communauté française vers la Région wallonne résulterait alors d'une décision de leurs propres assemblées.

C'est le sens même de la démocratie.

Ce mécanisme me paraît en outre commode, car il limite à une seule négociation avec les représentants flamands toute perspective institutionnelle engageant l'avenir de la Région wallonne et de la Communauté.

A cet égard, je ne vois pas pourquoi les Flamands trouveraient anormal que chacun de son côté puisse régler sa propre organisation ou ses formes de solidarité communautaire.

 

Mesdames et Messieurs,

Voici jetés, très brièvement, quelques commentaires et réflexions résultant de vos travaux. Ils mériteraient évidemment qu'on les approfondisse.

 

Dans la journée de lundi 1er octobre, il y a donc quatre jours, un des vice-premiers ministres de l'Etat belge, Willy Claes, a déclaré que ce matin-là, il s'était réveillé dans un autre pays.

Mon sentiment est qu'il ne s'est pas trompé.

En le paraphrasant, je vous dirai que ce même jour, je me suis moi aussi réveillé dans une autre région. Dans une Wallonie offrant un tout nouveau visage.

Ce visage est celui de la maturation de notre conscience. Nous savons désormais que les Wallons n'ont plus peur d'eux-mêmes. Qu'ils sont capables de prendre - comme je l'ai affirmé devant l'Assemblée wallonne - toutes leurs responsabilités pour assurer leur avenir.

Ce nouveau visage de la Wallonie est celui de la sérénité: les Wallons ont désormais la certitude d'avoir tourné la page, d'être passés, comme nous l'avions exprimé récemment dans la presse, de ces photos en noir et blanc de notre désindustrialisation , aux couleurs des nouvelles initiatives de nos entreprises.

Ce visage de la Wallonie est encore celui la confiance retrouvée en ses forces rassemblées, dans un même effort pour franchir l'obstacle et affirmer l'épanouissement de l'Etat fédéré qu'est la Wallonie.

Ce nouveau congrès consacré à la Wallonie au Futur en est la démonstration exemplaire.

C'est pour ma part la première leçon que les Wallons pourraient en tirer.

Je vous remercie.

(Octobre 1991)

 


 

 

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