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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 

 
Rapport général du Congrès "La Wallonie au Futur
Le Défi de l'Education"

Michel Quévit
Professeur à l'UCL

 

Monsieur le Premier Ministre de Wallonie,
Mesdames et Messieurs,

La densité et la qualité des différents rapports des travaux des commissions qui viennent de nous être exposés vont grandement faciliter ma tâche de Rapporteur général.

Mon propos se limitera , dès lors, à définir le champ global sur lequel ont porté les travaux des différents réseaux et surtout à établir les relations entre eux et les lieux de convergence en mettant en évidence nos propositions de politiques concrètes les plus significatives.

 

1. L'Education comme moteur central d'une Wallonie en mutation.

Le premier point de convergence de nos travaux et peut-être, le plus fondamental, est certes la référence constante à la fonction d'Education comme élément moteur d'une Wallonie en mutation.

Si, il y a plus de deux ans, in tempore non suspecto, le Comité scientifique du Congrès  La Wallonie au futur a décidé de choisir l'Education comme thème central de ce congrès, ce n'était pas pour satisfaire à une mode mais bien pour répondre à une nécessité que la crise de l'enseignement a certes rendue plus actuelle mais qui s'inscrivait en droite ligne dans les conclusions de nos travaux précédents.

 

Pourquoi l'Education est-elle devenue une fonction vitale de nos sociétés hautement industrialisées?

La réponse est relativement simple : elle résulte d'une rupture de paradigme dans le fonctionnement non seulement économique mais aussi social et culturel de la société, à savoir, nous l'avions dit à Charleroi, la prédominance des facteurs immatériels - et tout particulièrement des ressources humaines - sur les facteurs matériels dans la production des biens et des services et, plus généralement, dans l'organisation de la vie en société.

Les travaux du réseau consacrés au développement économique de la Wallonie parlent, à juste titre, du nouveau paradigme techno-industriel qui est apparu dans les années 80-90, (qu'ils appellent néo-industriel), et qui se caractérise principalement par trois choses qu'il importe de rappeler :

  • une fertilisation "croisée" entre science et technologie, menant à une accélération croissante du rythme des découvertes scientifiques et surtout à leur instrumentalisation dans tous les aspects de la vie en société;

  • une transformation de façon universelle des processus de production, mais aussi des modes de gestion et d'organisation, qui rapproche des domaines autrefois relativement autonomes tels, par exemple, les relations entre le secteur marchand et le secteur non marchand, les secteurs industriels et les services, etc...

  • enfin, une remise en cause de l'équilibre mondial en créant une interdépendance plus grande entre les différents espaces économiques.

En quoi, me direz-vous, la Wallonie est-elle directement concernée par ces mutations, et pourquoi l'urgence de politiques économiques, sociales et culturelles qui intègrent la notion d'Education?

Une partie de la réponse à cette interrogation nous est donnée par le diagnostic de la situation économique réalisé dans le cadre de nos travaux.

La Wallonie est économiquement et socialement désarticulée. Trois faits majeurs semblent l'indiquer :

  1. Le tissu économique wallon reste encore trop dépendant d'industries traditionnelles, notamment dans la filière métal électrique, trop concentrées sur les stades amont de la production et qui correspondent à des secteurs protégés donc très vulnérables à l'achèvement du Marché intérieur européen;

  2. Nous assistons cependant en Wallonie à une transformation progressive de son tissu productif vers des secteurs à forte intensité technologique (pharmacie, matériel médico-chirurgical, aéronautique, néo-céramique, verre) et des secteurs nécessitant une main d'oeuvre qualifiée (matériel ferroviaire, chaudières). Mais nous nous devons, même si cela nous dérange, de confronter ces mutations à la triste réalité du chômage dont nous savons qu'elle frappe de plein fouet les plus jeunes parmi les moins qualifiés de nos populations!

  3. Enfin, il faut souligner l'importance du secteur non marchand par rapport au secteur marchand qui est proportionnellement plus élevée que dans le reste du pays, en raison d'ailleurs de la réduction excessive ou de la croissance trop faible des emplois dans le secteur marchand.

Les conséquences de cette situation sont évidentes : elles nous renvoient d'emblée au problème de l'Education.

Nous avons en Wallonie un besoin grandissant d'investir dans l'humain, non seulement dans l'intelligence et la matière grise, mais aussi dans la culture et le social car, pour reprendre l'expression du Professeur De Landsheere, c'est l'individu total-intellectuel, affectif, moral, social, physique, qui est interpellé par les mutations actuelles de la société.

C'est pourquoi, et c'est une deuxième caractéristique commune à nos travaux, nous n'avons pas voulu tomber dans le piège qui consisterait à réduire l'éducation au seul problème de l'enseignement. En effet, nous avons la conviction profonde au terme de ce congrès, que la renaissance de la Wallonie dont la reconversion économique n'est qu'un aspect, passe par l'acquisition d'un certain nombre d'attitudes nouvelles qui interpellent tous les domaines de l'éducation :

  • celui de la culture d'abord, qui concerne nos références à des valeurs communes mais aussi notre capacité d'apprentissage à une meilleure maîtrise du changement de la société. Nous sommes encore en Wallonie, osons le reconnaître, trop tributaires dans nos imaginaires individuels et collectifs, nos modes de pensée et d'organisation, d'un schéma de développement industriel et social qui n'est plus de mise. C'est pourquoi les changement d'attitudes que nous devrons opérer, visent toutes les générations, et ils toucheront tant la culture familiale que locale, celle des entreprises, des médias, des administrations et de l'organisation de la vie quotidienne de nos citoyens : Tous les lieux de vie doivent devenir des lieux d'éducation!

  • comme aussi, celui des formations où sont interpellés non seulement le système scolaire mais aussi le système postscolaire. Ne faut-il pas rappeler avec force que nous entrons dans une ère où l'acquisition des connaissances sera un phénomène permanent, et que, dès lors, toute formation particulière s'inscrit comme un chaînon indissociable d'une filière qui va de l'enfance jusqu'à la fin de sa carrière professionnelle, voire au delà. Faut-il y opposer ce constat inquiétant que nous avons réalisé lors de notre première recherche scientifique en 1976 : à cette époque, plus de 90 % des Wallons n'avaient suivi aucune formation de plus d'une semaine après leur sortie de l'école, quels que soient les niveaux et types de formation. C'est dire l'importance de l'investissement qu'il nous faudra consentir pour rattraper notre retard et réapprendre à nos concitoyens le nécessaire "désir de connaître et d'apprendre"!

Aussi y a-t-il lieu ne pas opposer entre eux les différents systèmes de formation en présence en Wallonie et, au contraire, de miser résolument sur leurs complémentarités afin de les inscrire dans une approche commune qui se fonde sur un véritable projet de société humaniste. Notre visée fondamentale n'est-elle pas d'inventer les voies et les moyens qui donneront à toutes les couches de la population, je dis bien toutes les couches de la population, les aptitudes et les capacités de vivre autonomement et positivement les nécessaires mutations du futur, et de rompre avec le syndrome de l'échec ? Tel est, en tous cas, le message commun qui se profile de nos travaux.

 

2. L'avenir de l'enseignement, un enjeu qualitatif autant que quantitatif!

Certes, l'enseignement a été au coeur de notre débat et a traversé la plupart de nos réseaux car il reste la pierre angulaire de l'éducation des générations futures.

La Wallonie est, de longue date, un pays d'éducation mais nous traversons actuellement une période difficile.

L'enseignement en Wallonie est confronté à un double défi, à la fois qualitatif et quantitatif, mais les problèmes financiers peuvent obstruer ce qui nous est apparu être le défi primordial, à savoir la nécessité d'une réforme profonde de notre système éducatif. Bien sûr, nos travaux n'ont pas voulu esquiver le délicat problème du financement de l'enseignement, et je voudrais terminer mon intervention sur cette question cruciale et délicate, mais il nous faut rappeler avec force que le manque d'argent ne peut nous contraindre à faire l'économie d'une réflexion fondamentale sur l'avenir de notre système d'éducation.

Priorité, dès lors, doit être accordée à la nécessaire mutation qualitative de notre enseignement.

Il est heureux, à cet égard, de constater des convergences significatives entre ceux qui se sont penchés sur l'avenir de l'enseignement scolaire et postscolaire. Ces deux types d'enseignement sont confrontés aux mêmes mutations qui sont de trois ordres: de contenu, de pédagogie et d'organisation.

Laissez-moi épingler schématiquement quelques points de convergence parmi les plus significatifs:

1. Au niveau du contenu, il nous faut opter résolument pour une formation interdisciplinaire. La crise du sens dans l'enseignement est profonde. A la génération des hyper spécialisés des années 70 doit faire place celle des individus capables de maîtriser les rapports les plus complexes entre la science, la technologie et la société. Cela implique au moins deux choses :

  • l'acquisition d'une culture générale qui permette de distinguer l'essentiel de l'accessoire face au tourbillon impétueux des innovations et des changements, d'où alliance de rigueur et de créativité. Au delà de l'accumulation des savoirs, nous devons viser le sens, c'est-à-dire viser à posséder la capacité d'utiliser les connaissances dans le contexte de la réalité concrète;

  • la nécessité de combiner à cette exigence de culture générale, la nécessité d'acquérir une culture scientifique et technologique solide. Nous devons atteindre en Wallonie, l'objectif de l'alphabétisation scientifique et technologique de tous.

Nous nous devons de démystifier un élitisme ambiant qui postule la compréhension des savoirs scientifiques par une minorité de surdoués ou d'hyper-spécialisés.
Ces deux exigences - acquisition d'une culture générale et d'une culture scientifique et technologique - ne doivent pas être opposées l'une à l'autre. Au contraire, elles doivent s'épauler mutuellement pour constituer le bagage élémentaire de tout wallon. C'est dire toute l'importance d'une réforme des contenus scolaires dont on a tracé les grandes lignes.

Il a été dit aussi que cette double formation doit commencer dans l'enseignement fondamental pour se parachever dans l'enseignement secondaire, mais elle concerne aussi la formation post-scolaire.

Il a été montré dans les travaux du réseau "emploi et formation" qu'un dilemme s'est établi entre le choix d'une formation générale et celui d'une formation spécialisée, en raison des demandes différenciées des entreprises.

Une conclusion majeure de nos travaux est de vouloir, pour ces formations, les mêmes exigences de culture générale et de culture technologique que pour la formation scolaire, car l'enjeu est ici, plus qu'ailleurs, non seulement économique mais aussi social. Comment pourrions-nous lutter pour la démarginalisation des exclus du marché du travail si nous ne leur donnons pas les mêmes outils d'analyse et de compréhension des mutations technologiques et sociales de la société dans laquelle ils vivent !

La formation constitue de la sorte la meilleure arme qu'une collectivité peut se donner pour lutter contre la société duale!

 

2. Mais une réforme des contenus scolaires aurait-elle un sens si elle n'était accompagnée d'une grande réforme pédagogique? Certes, non!

Dans une société qui doit se mettre en condition d'apprentissage permanent, "apprendre à apprendre" devient un impératif. Il importe, dès lors, d'inverser notre approche du savoir, trop concentrée sur l'accumulation des connaissances, pour se centrer sur la capacité d'apprendre et de modéliser des situations théoriques et pratiques.

Pour cela, nous devons donner toute leur place aux sciences de l'éducation et à la recherche en éducation qui est le parent pauvre de la recherche scientifique. Nous proposons, dès lors, que le budget de l'Education prévoie explicitement une dotation pour ce type de recherche car, comment pourrions aider les enseignants à connaître les méthodes efficaces de transmission du savoir si nous n'avons pas une recherche de haut niveau centrée sur le pilotage de la formation des élèves?

Il découle de ce principe qu'une réforme de la pédagogie passe inévitablement par la formation des enseignants, une formation à triple visée : maîtrise des savoirs, maîtrise des méthodes, mais aussi maîtrise des significations de ces savoirs pour le devenir de la société.

Mais, ici aussi, des réformes profondes s'imposent : dans une société en constante mutation scientifique et technologique, comment pourrions-nous permettre à nos enseignants d'être en mesure d'acquérir un véritable professionnalisme s'il ne leur est pas donné les moyens de se former de manière permanente? Pourquoi, dès lors, ne pas intégrer dans la carrière de l'enseignant des "pauses-carrières", voire - à l'instar des chercheurs universitaires - des années sabbatiques consacrées à son recyclage scientifique et pédagogique?

S'il est démontré qu'une des causes majeures des échecs scolaires est la mauvaise capacité d'apprendre des élèves, il en coûterait peut-être moins aux Pouvoirs publics de financer la formation pédagogique des enseignants que de financer des doublements scolaires.

 

3. Enfin troisième axe d'une réforme qualitative de l'enseignement, la réforme des modes d'organisation de notre système éducatif.

Nous avons un système d'organisation de l'enseignement qui fonctionne encore sur le modèle d'organisation hérité du taylorisme bureaucratique :

  • centralisation à outrance des décisions en matière de programmes et d'horaire;

  • absence d'autonomie des enseignants dans le choix des matières et organisation de leurs taches sur la seule fonction d'accumulation des savoirs;

  • isolement du système éducatif du reste de la société : entreprises, vie associative, institutions politiques et sociales, etc..

Ici aussi des propositions ont été formulées qui vont dans le sens d'une plus grande décentralisation et d'une plus grande autonomie dans la gestion quotidienne des écoles. Je voudrais cependant m'arrêter sur un point délicat mais crucial qui conditionne leur faisabilité concrète : le pluralisme et la coexistence des deux réseaux, le libre et l'officiel. Le problème, nous le savons, est à la fois philosophique et économique. Il s'agit d'une question incontournable sur laquelle des opinions différentes se sont exprimées et que nous ne voulons pas esquiver. Une position commune semble pourtant s'être dégagée sur cet enjeu. Personne ne met en doute le maintien des deux réseaux mais tous sont convaincus que la crise de l'enseignement passe par des rationalisations et des accords de coopération entre réseaux d'enseignement, afin de réduire de manière significative les dépenses. Plutôt que de viser à l'école pluraliste, l'option la plus réaliste et la plus lucide est de tendre au pluralisme dans l'école par le partenariat entre les deux réseaux. Nous proposons, dès lors, que soit mise en place par les pouvoirs publics une Commission de la Coopération pluraliste mettant en présence les autorités concernées des deux réseaux avec pour objectif de dégager les complémentarités et les économies budgétaires qu'elles pourraient entraîner.

 

3. Les champs sociétaux comme lieux d'éducation

Une des particularités de nos travaux est de ne pas avoir cloisonné notre réflexion relative à la formation des autres champs importants de la vie en société, et de montrer en quoi ceux-ci constituent aussi des lieux d'éducation. Pas moins de six réseaux ont consacré leurs travaux à cette question. Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories, selon qu'ils correspondent plus directement à une problématique culturelle - comme c'est le cas pour la recherche scientifique et technologique, les médias et l'identité culturelle - ou à une problématique plus sociétale - comme c'est le cas pour le logement et l'aménagement du territoire, les relations travail-famille-solidarité ainsi que l'éducation aux modèles alimentaires et l'agriculture.

Ici aussi, de nombreuses propositions ont été suggérées qui viennent de vous être présentées par leurs rapporteurs et je me contenterai d'attirer votre attention sur celles qui me paraissent plus étroitement liées à la problématique générale de ce congrès.

Ici, ce qui est visé en priorité, c'est de donner à l'ensemble de la population les moyens de comprendre et de maîtriser l'impact des changements de la société sur son cadre de vie.

 

3.1. Il est heureux de constater que ceux qui se sont penchés sur l'avenir de la recherche et du développement technologique se soient faits les porte-parole de la nécessaire éducation à la maîtrise des relations entre la science, la technologie et la société. La Wallonie possède un potentiel RDT important : ne doit-on pas rappeler notre forte participation aux grands programmes RDT européens (indice 152 - Eur=100)? Mais nous avons besoin d'instruments qui permettent aux pouvoirs publics, aux écoles, aux entreprises, aux institutions sociales de cerner le lien entre le technico-scientifique et la promotion humaine (économique, sociale, culturelle et individuelle). C'est pourquoi nous proposons, à l'instar de pays comme les Pays-Bas, que le Gouvernement de Wallonie mette en place un Office pour l'évaluation des relations entre Science - Technologie - Société, dont la mission consistera à informer toutes les institutions d'éducation de l'état des sciences et des techniques dans le monde et dans la société wallonne, et à sensibiliser le grand public aux problématiques Science - Technologie - Société.

 

3.2. Comment ne pas associer à cette démarche celle de la promotion et de l'identité culturelle en Wallonie? Il est essentiel de rappeler aux gens de Wallonie, et aux jeunes en particulier, qu'ils appartiennent à une région qui ne pourra affronter les défis technologiques et sociaux de demain que si elle est capable de combiner son ouverture à la modernité avec une authentique valorisation de son histoire et de sa culture. Comment ne pas faire nôtre cette exclamation de Jean Louvet : "Je rêve d'un manuel scolaire..." qui explique aux Wallons d'où ils viennent et où ils vont. Au terme de ce congrès, je peux lui dire qu'il l'aura puisque le réseau "Politiques culturelles, patrimoine, mémoire collective" a d'ores et déjà mis en chantier deux ouvrages, l'un consacré à l'initiation à l'histoire de la Wallonie, l'autre aux cultures de Wallonie. Mais au delà de ces deux ouvrages, l'originalité de la démarche du réseau a été de compléter ce travail plus intellectuel par un projet mobilisateur qui vise à favoriser les échanges entre les jeunes, au travers d'un vaste projet centré sur la mobilité : un "Erasmus wallon", préalable indispensable à une prise de conscience de son identité culturelle qui se prolongera adéquatement dans l'Erasmus européen que nous voudrions ouvert à toutes les formes de formation et aux projets de mobilité professionnelle des jeunes mis en place avec le concours de la Région Wallonne par l'Assemblée des Régions d'Europe.

 

3.3. Le rôle des médias audiovisuels dans l'éducation est incontournable surtout lorsque l'on sait l'impact de ce secteur sur la vie quotidienne des jeunes. Il était donc logique que l'on se pose la question de la place des médias en Wallonie tant au niveau de ses finalités qu'au niveau des moyens. Notre préoccupation première s'est, bien sûr, centrée sur nos capacités d'action dans un secteur traversé par deux courants dominants : la mondialisation et la privatisation. Pouvons-nous, en Wallonie, nous doter d'un outil de production audiovisuelle performant qui valorise les savoir-faire existants qui, s'ils sont nombreux, agissent de manière dispersée?

Le réponse à cette question est affirmative mais sous condition. Il est urgent de créer une offre structurée de production audiovisuelle, mais celle-ci ne sera réellement possible qu'à deux conditions :

  • le développement de coopérations partenariales entre les centres de distribution de la RTBF et les autres organes de production tant privés que publiques (TV communautaires, RTL-TVI, producteurs indépendants, etc...);

  • un minimum de concentration de moyens financiers privés et publics.

C'est pourquoi nous demandons à la Région wallonne d'examiner avec attention la possibilité de créer à partir de la SRIW une structure de capitaux à risque qui associe capitaux privés et publics dans le domaine des industries culturelles. Il ne s'agit pas d'intervenir ici dans des canards boiteux mais de permettre aux producteurs wallons de se positionner de manière compétitive sur un secteur en pleine expansion.

 

3.4. A travail admis, parents admis et enfants admis, cette maxime résume bien une partie des travaux consacrés du réseau "Travail-famille-solidarité" où l'on se doit de relever la convergence entre les propositions d'accueil de la petite enfance en matière scolaire et celles relatives à l'accueil extrascolaire des enfants de parents engagés dans une activité professionnelle. Il est impératif de ne pas dissocier la garde des enfants et leur éducation, ce qui demande une approche globale de la politique de la petite enfance qui, malheureusement, n'existe pas. C'est sur cette toile de fond que nos travaux ont tenté de dégager des pistes de solutions qui vont au delà de la crèche traditionnelle : crèches déconcentrées, maisons communales d'accueil de l'enfance, etc.. Mais la pierre angulaire de ces politiques reste la coordination des initiatives et leur financement. Une proposition est ici formulée: la création d'un département wallon du bien-être social impliquant les pouvoirs publics locaux, selon des formules de financement et d'organisation de caractère public et mixte au sein desquelles les entreprises et les organisations associatives locales apporteraient leur contribution.

Notons aussi cette inquiétude exprimée par certains de voir se résoudre le problème de l'insertion des jeunes chômeurs par l'attribution du seul minimex, sorte de rente viagère pour une vie sans avenir, sans qu'il n'y ait de politiques complémentaires d'éducation des jeunes à l'insertion sociale. Nous nous devons d'être attentifs à cet enjeu qui peut accroître la marginalisation d'une partie de notre jeunesse et engendrer des processus de délinquance.

 

3.5. La réflexion du réseau "Habitants, logement et aménagement du territoire" s'est située d'emblée dans une perspective d'Education, puisqu'elle a voulu centrer sa réflexion sur la capacité d'analyser, de diagnostiquer et de définir des modes d'agir dans l'organisation de l'espace de l'habitant.

Deux idées centrales méritent notre attention :

  • On observe un besoin grandissant de connaissances et d'informations qui ne sont pas disponibles aux populations dans le champ de l'aménagement du territoire, et, lorsque des formations particulières sont disponibles - comme les formations d'éco-conseillers ou les maisons d'urbanisme, les formation pour agents communaux, etc... -, celles-ci ne sont pas reconnues et légitimées.

  • Dans le domaine du logement, il est impératif d'élargir son champ d'action à l'éducation des personnes. Le logement, ce n'est pas seulement des briques ou des biens physiques et marchands, mais aussi et surtout un lieu privilégié de transmission de modèles culturels. Il suffit pour s'en convaincre de vivre quelque jours dans une cité de logements sociaux!

La politique sociale du logement ne doit pas se limiter, comme c'est le cas, à un problème d'accès au logement mais devrait intégrer les démarches d'ordre culturel et éducatif d'insertion sociale des habitants, tout particulièrement là où existe une situation de marginalisation comme c'est souvent le cas dans les grandes villes wallonnes. Dans cette optique, plusieurs pistes de solutions ont été explorées qui mériteraient d'être affinées comme la création de maisons d'accueil des familles ou des maisons d'hébergement provisoires, ...

 

3.6. Au moment où nous assistons à une belle unanimité wallonne en faveur de la régionalisation de l'agriculture, nous ne pouvions mieux tomber pour réfléchir au problème des modèles alimentaires dérivant d'une agriculture dominée par une industrie agro-alimentaire de plus en plus mondialisée et peu encline à se préoccuper des impacts négatifs de l'alimentation sur la santé.

Ce sont évidemment les enfants qu'il faut éduquer en priorité par une information correcte et par l'adoption de comportements bénéfiques à leur santé tant ils sont matraqués par les médias de contre-messages alimentaires.

C'est certes au niveau familial qu'il faut agir pour modifier les mauvaises pratiques alimentaires mais l'école, comme lieu de vie quotidienne des jeunes, doit assumer ses responsabilités qui sont grandes en la matière, tant il est constaté que les repas scolaires sont peu conformes au bon équilibre alimentaire. C'est par une action intégrée au niveau de chaque école que des initiatives doivent être entreprises :

  • par l'introduction dans les matières de cours d'une éducation à la diététique et à l'impact des habitudes alimentaires sur la santé;

  • par une action complémentaire en faveur d'habitudes alimentaires saines au travers des repas et aliments vendus ou distribués dans les écoles.

Mais au delà de ces actions d'éducation, c'est aussi tout le débat sur la politique agricole wallonne qui est soulevé par cet enjeu. L'agriculture a une partie à jouer, bien sûr difficile, entre une production destinée à une consommation de masse et celle d'une production de qualité qui réponde mieux impératifs de santé.

 

4. Financement de l'éducation et relations régions-communauté

Les travaux de ce congrès ont donc été fertiles en idées, en propositions et pistes d'action. Mais finalement me direz-vous qui va payer et comment? Les moyens budgétaires des pouvoirs publics directement concernés tels que les Communautés et les Régions suffiront-ils?

Nous ne pouvions honnêtement éluder cette question épineuse des relations financières entre la Communauté française et les Régions pour plusieurs raisons :

  • d'abord, parce que la plupart des thèmes que nous avons traités touchent des secteurs non marchands qui sont de la compétence de la Communauté française (enseignement, recherche scientifique, formation postscolaire, culture et médias audiovisuels, politique familiale, etc...);

  • ensuite parce que cette même communauté connaît des problèmes de financement énormes mis clairement en évidence par la crise de l'enseignement (carcan financier, manque de liquidités, perspectives d'endettement à moyen terme, etc...).

Il est donc apparu à d'aucun facile de contourner le problème en se tournant vers la Région wallonne, en lui demandant de contribuer par voie de transfert financier aux besoins de la Communauté française.

A la lumière de nos travaux, il faut bien reconnaître qu'il nous faut sur ce point déchanter. En effet, comme l'ont montré les travaux de Guiseppe Pagano, bien que la situation des finances régionales paraisse favorable, il est important de remarquer que la simulation des moyens et des dépenses de la Région wallonne ne fait apparaître des excédents qu'en 1998. Si on ajoute à ce constat le fait que la Wallonie doit assumer le financement d'une politique industrielle active visant à la création de près de 100.000 emplois dans le secteur marchand pour rétablir son déséquilibre structurel vis-à-vis du secteur non marchand, il paraît irréaliste de croire que la Région wallonne puisse venir au secours de la Communauté française au delà des montants de quelques milliards tant qu'elle ne se trouvera elle-même dans une position structurellement équilibrée et même excédentaire.

Une fusion entre la Communauté française et la Région wallonne ne résoudra pas le problème et ne fera qu'accroître, non seulement les difficultés budgétaires de la Région, mais plus encore les tensions non pas entre les Wallons et les Flamands mais entre les Wallons et les Bruxellois.

C'est un des apports importants de nos travaux que d'avoir mis en évidence que le problème du financement des matières communautaires ne concernent pas seulement les relations de la Communauté française et de la Région wallonne, mais aussi la Région bruxelloise dont près de 90 % de la population constitue près d'un quart des ressortissants de la Communauté française. C'est donc dans la voie d'accords négociés entre les Régions bruxelloise et wallonne que se trouve à terme la solution du financement, non seulement de l'enseignement, mais aussi de l'ensemble du secteur non-marchand communautarisé.

En toute hypothèse, par nos travaux, le problème de la nécessaire articulation entre le secteur marchand et le secteur non marchand en Wallonie est posé. Tous les réseaux ont mis en évidence combien une politique active d'insertion de la Wallonie dans le nouveau système techno-industriel et dans l'Europe du Grand Marché passe par des politiques cohérentes et des décisions coordonnées des pouvoirs publics dans ces deux catégories de secteurs.

Nos travaux sur l'avenir institutionnel de la Wallonie ne pouvaient ignorer la situation communautaire issue de la crise gouvernementale actuelle. Le Comité scientifique du Congrès en a débattu au soir du 4 octobre après le rapport des travaux en réseaux. Notre position est unanime : les Wallons doivent être plus que jamais vigilants sur les matières qui feront l'objet d'une régionalisation à l'issue des prochaines négociations gouvernementales. Il nous faut toutefois raison garder et ne pas sombrer dans la surenchère démagogique. Mais, une chose est claire: toute atteinte à la solidarité nationale dans le domaine de la sécurité sociale signifierait la fin de la Belgique en tant qu'Etat !

Monsieur le Premier Ministre de Wallonie,
Mesdames et Messieurs,

Plutôt que d'apporter une réponse définitive au schéma institutionnel le mieux approprié pour une politique d'éducation en Wallonie, ce congrès a privilégié une réflexion fondamentale sur le contenu de ces politiques, mais nous espérons qu'il aura ainsi contribué à la clarification d'un enjeu parmi les plus importants qui soient : celui de l'indispensable mobilisation des potentialités humaines, intellectuelles, sociales et culturelles de la population de Wallonie au devenir de sa région.

(Octobre 1991)

 


 

 

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