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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 
 

Financement des matières communautaires et relations futures
entre la Wallonie et Bruxelles dans l'Etat belge fédéralisé

Michel Quévit
Professeur à l'UCL

 

1. Position du problème

1.1 Le respect du principe de l'équité financière et fiscale

Une structure fédérale est toujours le résultat d'un ensemble de facteurs socio-historiques propres à chaque pays. Le schéma institutionnel qui en découle ne se réfère pas à un modèle universel mais est toujours une construction "sui generis" qui résulte de la manière dont les collectivités internes de l'Etat souhaitent vivre ensemble et coopérer. Néanmoins, le montage institutionnel se doit de respecter un minimum de règles de solidarité économique et financière pour permettre à la fédération d'exister. C'est une question non seulement politique mais surtout d'éthique sociale. C'est pourquoi toutes les constitutions fédérales ont consacré le principe de l'équité financière et fiscale comme règle de base du pacte fédéral. Le but visé est de permettre à tous les habitants de la fédération de posséder un standard de vie moyen et de réduire au maximum les écarts économiques et sociaux entre les composantes fédérées.

Dans le contexte économique de la Belgique, et compte tenu de la situation particulière de la Wallonie, nous devons veiller à ne pas appauvrir outre mesure les moyens budgétaires des pouvoirs publics wallons et leur capacité de redistribution. Il faut donc être attentif dans les montages institutionnels proposés, au respect et à l'application stricte du principe de l'équité financière et fiscale, en ce comprises les formules de péréquation financière qui constituent le fondement du fédéralisme d'union (ex.: RFA, Suisse, Canada, etc ...). Un tel principe vaut autant pour les relations entre Bruxelles et la Wallonie que pour celles avec la Flandre, dans la mesure où les Bruxellois francophones constituent près de 25 % de la Communauté française et que Bruxelles possède un PIB/HAB 70 % plus élevé que celui de la Wallonie avec des revenus moyens supérieurs aux revenus wallons.

 

1.2. Sortir la Communauté française de son carcan budgétaire

Le problème de la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles rejaillit avec la question du financement de la Communauté française. En effet, il est impossible de maintenir dans son carcan actuel le budget de la Communauté française pour au moins deux raisons majeures qui engagent l'avenir des Wallons et des Bruxellois francophones :

  • l'enseignement et la culture constitueront de plus en plus des domaines prioritaires de l'action publique dans les sociétés hautement industrialisées où les facteurs immatériels (science, technologie et créativité) prennent le pas sur les facteurs matériels dans la croissance économique. Les moyens à consentir dans ces domaines devront donc nécessairement augmenter.

  • la répartition actuelle des compétences régionales et communautaires crée un cloisonnement dans l'intervention des pouvoirs publics : d'un côté la région soutient principalement le secteur marchand et de l'autre, la Communauté finance le secteur non marchand, les enveloppes budgétaires étant indépendantes. Du fait de ce cloisonnement il n'est plus possible de poser en choix politique, le transfert des moyens budgétaires du secteur marchand vers le secteur non marchand (ex. diminution des investissements en travaux publics en faveur de l'accroissement du budget de l'enseignement).

Or dans le respect de l'équité, tout accroissement des moyens budgétaires nécessaires à la communauté francophone devrait au minimum être cofinancé pour près d'un quart par les Bruxellois francophones et les trois autres quarts par les Wallons. Les mécanismes institutionnels actuels ne le permettent pas.

 

2. Quelles solutions dans l'immédiat (De Lege Data) ?

Selon la législation en vigueur, deux solutions sont envisageables : des arrangements contractuels d'ordre réglementaire et administratif entre la Communauté et les Régions ou la fusion entre la Communauté française et la Région wallonne.

 

2.1. La loi des Réformes institutionnelles ne permet pas de transferts de compétences normatives de la Communauté vers la Région. Aussi toute contribution financière de la Région vers la Communauté donne lieu à des accords dont les arrangements administratifs sont à la fois très laborieux et très aléatoires pour la Région bruxelloise qui doit négocier avec les Bruxellois flamands les modalités pratiques de ces accords. Les péripéties de la contribution de 200 millions de la Région bruxelloise en disent long sur la précarité des modes de coopération entre la Communauté et les Régions dans le système institutionnel actuel.

 

2.2. La fusion de la Communauté française et de la Région wallonne est une solution facilement réalisable en vertu de la loi sur la réforme de l'Etat du 8 août 80. Elle est, cependant, inacceptable pour les Wallons car elle ne respecte pas le principe de l'équité financière et fiscale. En effet, toute augmentation du budget de la Communauté française se ferait à sens unique sous forme de transferts budgétaires et/ou de ponctions fiscales en provenance de la Région wallonne.

Cela reviendrait à accepter que les Wallons financent seuls les accroissements inévitables du budget de la Communauté française. Nous nous trouverions dans une situation du "fédéralisme inversé" où la composante fédérée la plus faible économiquement paierait pour la plus forte et donc dans une situation de domination et non de fédéralisme d'union (Cf. ma note sur la fusion des Exécutifs du 10 novembre 90).

 

3. Quelles solutions pour l'avenir (De Lege Ferenda ) ?

Il faut donc imaginer pour l'avenir, un système institutionnel qui libère le budget de la Communauté française de son carcan tout en respectant le principe de l'équité financière et fiscale dans les relations entre Bruxelles et la Wallonie.

Plusieurs solutions sont possibles qui méritent d'être examinées :

 

3.1. La fusion pure et simple de la Région wallonne et de la Région bruxelloise dans une communauté Wallonie-Bruxelles.

C'est la solution la plus simple car les deux Régions possèdent les moyens institutionnels adéquats : capacité d'emprunts, transferts budgétaires et pouvoir fiscal. Mais elle a un inconvénient majeur, à savoir la présence des Bruxellois néerlandophones qui n'accepteront jamais de se fondre dans une entité wallo-bruxelloise sans contrepartie sur le plan du pouvoir de décision. Il est évident que les francophones n'ont pas intérêt à se trouver impliqués dans un tel montage institutionnel alors que les Flamands gèrent entre eux leurs propres matières communautaires. Ce scénario ne peut donc être retenu.

 

3.2. Le maintien de la Communauté française en dotant les Communautés d'un pouvoir fiscal.

Cette solution permet une augmentation du budget communautaire mais non le transfert des matières régionales vers les matières communautaires et, donc, elle maintient le cloisonnement des interventions de l'Etat entre le secteur marchand et le secteur non-marchand.

En outre, ce scénario comporte un handicap de taille : il conduit vers une situation inextricable sur le plan fiscal car il implique que chaque Bruxellois opte pour un des deux régimes fiscaux, soit le francophone soit le flamand. Dans l'intérêt de la Communauté française, tous les Bruxellois francophones devraient choisir définitivement le régime fiscal francophone. Mais il est clair que si la fiscalité de la Communauté française est plus élevée que celle de la Communauté flamande, de nombreux Bruxellois francophones préféreront opter pour le régime fiscal le plus avantageux. Le pouvoir fiscal pour la Communauté française favoriserait donc un processus de flamandisation de Bruxelles "de facto" car le critère économique supplanterait le critère linguistique comme critère d'appartenance communautaire.

L'obligation pour les Bruxellois d'appartenir au régime fiscal francophone, outre qu'elle soit antidémocratique, serait d'autant plus difficile à gérer qu'elle est récurrente et conduirait inévitablement à des conflits d'intérêts entre les Bruxellois.

Plutôt que de renforcer les francophones à Bruxelles, ce "statu quo" de la Communauté française amélioré aurait donc l'effet inverse à celui souhaité.

 

3.3. La conclusion d'accords de coopération dans des matières communautaires jugées d'intérêt commun entre la Région wallonne et la Région bruxelloise.

Une formule originale qui répondrait aux deux principes précités (décloisonnement des matières communautaires et régionales et équité financière et fiscale) consisterait à recourir à une pratique institutionnelle très développée dans les Etats fédéraux : les accords de coopération entre les composantes fédérées. En voici quelque caractéristiques majeures :

 

3.3.1. Ces pratiques sont courantes dans des systèmes fédéraux tels que les Etats-Unis, la Suisse et la RFA. Elles permettent aux composantes fédérées de gérer ensemble des matières communes dans le respect de leur souveraineté étatique de droit interne. C'est pourquoi elles ont valeur de traités. En Suisse, les accords intercantonaux de cette nature s'appellent des concordats. En RFA, on distingue entre "les accords étatiques" qui mettent en oeuvre des compétences fédérées, législatives, exécutives et judiciaires et les "accords administratifs" qui portent sur des matières susceptibles d'être régies par des règlements administratifs.

Dans l'hypothèse d'accords de coopération entre la Région wallonne et la Région bruxelloise dans des matières communautaires, il faudrait se référer aux concordats et aux accords étatiques, dans la mesure où la coopération porterait nécessairement sur le domaine normatif.

A titre d'exemple d'accords de coopération entre Länder en RFA, on peut citer : la convention de création de l'établissement public "Zweites Deutsches Fernsehen" (2ème chaîne TV) et le contrat sur l'inscription dans les universités qui organise le système de numerus clausus.

 

3.3.2. Autre particularité de ces accords, ils créent très souvent des organes interfédérés chargés de pourvoir à leur application. Ces organes sont, toutefois, rarement dotés de compétences "supranationales", leurs pouvoirs n'étant pas normatifs mais purement administratifs.

 

3.3.3. Les organes compétents pour conclure les accords sont les organes exécutifs des entités fédérées mais leur conclusion postule l'assentiment législatif de l'assemblée fédérée pour tout accord relevant du domaine normatif.

 

3.3.4. Les accords de coopération entre composantes fédérées consolident la solidarité entre les signataires plus que de simples arrangements administratifs car ils ont un fondement constitutionnel et ils s'imposent au droit normatif des composantes fédérées. C'est la raison pour laquelle en doctrine juridique, les rapports entre collectivités fédérées donnent lieu à de fréquents recours au droit international pour forger un droit "sui generis" : le droit interrégional (Interstate common law).

 

4. De la faisabilité d'une gestion inter-régionale de matières communautaires sur base d'accords de coopération entre la Wallonie et Bruxelles

4.1. Une concrétisation effective et durable du principe de l'équité financière et fiscale.

Les accords de coopération interrégionaux ont l'avantage de permettre la gestion et le financement de compétences communes dans le respect de l'équité financière et fiscale puisque les deux pouvoirs régionaux ont une capacité d'intervention financière de nature identique, à savoir, outre le recours aux transferts budgétaires, la capacité d'emprunt et le pouvoir fiscal. Les deux Régions s'engageraient par voie de traité à exercer ensemble des matières communes liées à leurs compétences respectives (législation, réglementation, moyens budgétaires, exécution, etc ...). Notons que ce système ne nécessite pas une renégociation de la loi de financement des matières communautaires, mais simplement un transfert des moyens budgétaires communautaires vers les deux régions selon une clé de répartition à définir entre les deux parties. Pour le financement des matières communes, les participations financières respectives et leurs modalités d'application sont réglées par l'accord de coopération.

 

4.2. Une perspective institutionnelle qui s'inscrit dans l'esprit de la loi de 1988.

Les accords de coopération interrégionale sont prévus dans la loi de 88 (art. 92 bis, paragraphe 3) et ils s'inspirent de l'esprit des pratiques de coopération entre entités fédérées telles qu'en vigueur dans la plupart des Etats fédérés. La loi permet aux régions de conclure des accords de coopération pour le règlement des questions dont l'incidence dépasse les limites d'une région ou qui portent sur le territoire de plus d'une région. Ce serait effectivement le cas de certaines matières communautaires dès qu'elles sont transférées aux Régions bruxelloise et wallonne.

 

4.3. Des modifications à apporter au statut de Bruxelles-capitale.

4.3.1. L'application des accords de coopération interrégionaux dans les matières communautaires francophones nécessite cependant des modifications au fonctionnement de la Région bruxelloise puisque ces matières ne concernent que les Bruxellois francophones. Il est indispensable d'instaurer au sein de la Région bruxelloise une structure institutionnelle qui garantisse aux mandataires francophones la capacité de conclure de tels accords et d'en assurer l'exécution et la gestion. Une première ébauche de structure institutionnelle de ce type est déjà prévue dans la loi de 88 par la création des commissions communautaires française et flamande de la Région Bruxelles-capitale, mais leur pouvoir est actuellement essentiellement réglementaire. Dès lors, il faudrait doter la commission communautaire française du pouvoir d'ordonnancement sur les matières communautaires afin de lui permettre de conclure des accords avec la Région wallonne.

 

4.3.2. Par symétrie avec la Région wallonne, on devrait concevoir au sein de la Région bruxelloise, un Exécutif francophone composé uniquement des ministres régionaux francophones pour l'application des matières communautaires, cet exécutif étant habilité à conclure les accords de coopération avec la Région wallonne en concordance avec l'assentiment législatif de la commission communautaire française (COCOF). Une telle structure n'est cependant pas indispensable pour la détermination de la participation financière de la coopération puisque la loi ne permet pas le recours à la "sonnette d'alarme" pour le budget. Elle est toutefois nécessaire pour l'application des ordonnances, les arrêtés d'exécution et pour la signature de l'accord.

 

4.3.3. Notons que cette réforme de la COCOF pourrait être appliquée à la Commission communautaire flamande si les Flamands le souhaitaient. La question se pose moins dans la mesure où les Flamands ont choisi la symétrie Communauté-Région. Une telle structure pourrait s'avérer intéressante pour les Bruxellois flamands dans la mesure où les moyens budgétaires alloués aux matières communautaires hors loi de financement actuelle seraient effectués pour l'ensemble de la Région bruxelloise afin d'éviter la double imposition. La part flamande pourrait être gérée par la commission communautaire flamande qui pourrait elle-même la transférer à la Communauté flamande par voie d'accord de coopération. Un tel système donnerait aux Bruxellois flamands un droit de contrôle accru sur la gestion des matières communautaires flamandes.

 

5. Le contenu et les modalités d'exécution des accords de coopération interrégionaux

5.1. Son contenu.

L'accord de coopération interrégionale devrait déterminer les règles de fonctionnement de la coopération, et au minimum : les matières communes, leurs modalités de financement et les structures et organismes chargés de leur exécution et de leur gestion.

Pour les matières communes, il est du ressort des deux Régions de les définir. Il apparaît toutefois évident que la recherche scientifique et l'enseignement universitaires ainsi que la RTBF sont des matières communautaires qui devraient être gérées en commun compte tenu de leurs fortes interactions régionales et des contraintes financières. Rappelons que l'enseignement et la culture sont généralement des compétences exclusives des composantes fédérées dans des pays comme la Suisse et la RFA, tandis que l'enseignement universitaire et la recherche fondamentale sont plutôt des compétences partagées car ils nécessitent des moyens financiers très importants.

 

5.2. Ses modalités d'exécution.

Outre le contenu des matières communes, l'accord doit en prévoir les modalités de financement et d'exécution de manière relativement précise afin de garantir à la coopération un caractère stable. Il faut, en effet, éviter que les politiques mises en place dans le cadre de l'accord de coopération ne soient perturbées par des remises en cause perpétuelles et l'existence d'un vide organisationnel.

 

5.2.1. Pour le financement, les deux Régions doivent établir leur contribution financière selon une clé qui tienne compte de leur rendement fiscal respectif et de leur niveau de développement économique (effet de péréquation). Dans le cas où l'enseignement est repris en tout ou en partie dans les matières communes, le système de la loi de financement actuel peut être retenu car il contient implicitement un facteur de péréquation. La clé de répartition pourrait être revue selon la méthode mise au point dans le système suisse où les contributions cantonales sont réadaptées à la hausse ou à la baisse selon l'évolution économique de chacun d'eux, et ce à espace régulier.

 

5.2.2. Pour l'exécution de l'accord, le principe de base doit être la mise en place de structures de gestion communes, mais plusieurs modalités non mutuellement exclusives sont possibles. Citons, à titre d'exemples :

  • lorsque l'objet de la coopération s'y prête comme c'est le cas pour la RTBF, la création d'un organisme de gestion unique doté d'un Conseil d'administration désigné par les deux parties.

  • pour l'exécution de mesures normatives, certes, les administrations régionales respectives pourraient s'en charger (fédéralisme d'exécution) mais, afin de maintenir un lieu commun de coopération, il est possible de créer un ministère des Affaires communautaires francophones avec, à sa tête, soit un Commissaire général, soit un ministre des Affaires communautaires francophones désigné par les deux assemblées et mandaté par les Exécutifs concernés, dont la mission est de coordonner les relations entre les deux parties, d'exécuter les réglementations et de représenter auprès des instances nationales, voire européennes et mondiales, les intérêts communs contractualisés par l'accord de coopération. Le choix de l'une ou l'autre formule dépendra surtout de la nature des matières communes définies et du degré de coopération souhaité.

 

5.2.3. Dans cette perspective, rien n'empêche de réaménager les structures actuelles de la Communauté française. Cette formule ferait l'économie d'un niveau de pouvoir institutionnel; celui du Conseil de la Communauté française qui n'est plus nécessaire. En effet, tel qu'il est conçu actuellement, il ne peut statuer sur les compétences des Régions même s'il réunit les élus francophones bruxellois et wallons. Et donc, il ne peut assurer l'apport financier des Bruxellois à l'accroissement du budget communautaire. Pour obtenir leur plénitude normative, la gestion des matières communes doit reposer impérativement sur l'assentiment des deux assemblées régionales, soit séparément, soit en séances communes. Mais il est tout à fait possible de prévoir dans l'accord que des séances communes des deux assemblées soient organisées pour le vote des budgets et que des réunions communes des deux Exécutifs se tiennent chaque fois que des avant-projets de législation sont élaborés, ou des décisions stratégiques sont à prendre.

 

5.2.4. Enfin, il est important de noter que la formule préconisée ici ne modifie en rien la loi de financement de l'enseignement telle qu'elle a été négociée entre les partis francophones et flamands de la majorité. Les recettes allouées aux matières communautaires francophones seraient simplement transférées aux deux Régions selon une clé de répartition. Selon les termes de l'accord de coopération, les deux partenaires affecteraient ensuite les moyens financiers nécessaires à l'exécution des matières communes, en ce compris les augmentations émanant des transferts budgétaires, des emprunts et/ou des augmentations fiscales.

 

Conclusions

1. Le but de cette note ne vise pas à donner un cadre institutionnel complet et définitif aux relations entre les Wallons et les Bruxellois francophones dans la Belgique fédéralisée. Il veut simplement ébaucher une perspective nouvelle qui réponde aux impératifs de l'équité financière et fiscale et du maintien de la solidarité institutionnelle entre les francophones. La situation financière de la Communauté française nous oblige à rechercher une solution à ce contentieux car l'enjeu concerne l'avenir de notre potentiel culturel et éducatif. Puisque la fusion entre la Communauté française et la Région wallonne (seule solution possible de lege data) est inacceptable pour des principes d'éthique sociale, il faudra trouver des solutions renégociées dans le cadre de la Réforme de l'Etat. C'est dans cette perspective que s'inscrit cette réflexion.

 

2. Nous sommes conscients que la piste dégagée dans cette note sort des "sentiers battus" du dispositif institutionnel belge mais elle repose sur des pratiques qui ont fait leurs preuves dans de nombreux Etat fédéraux. Nous, francophones, bruxellois et wallons, nous sommes peut-être restés trop longtemps prisonniers d'un mythe : celui de croire que la solidarité des francophones face aux Flamands ne peut se concrétiser que par la Communauté française. Or, cette institution ne fait pas barrage à la flamandisation de Bruxelles mais au contraire, par symétrie, la rend possible. Il faut nous rappeler que la communautarisation nous a été imposée par les Flamands qui souhaitaient à travers elle appliquer une politique systématique de flamandisation de Bruxelles, abandonnant dans ce cas leur référence au droit du sol au profit du droit des gens parce que cela correspondait à leurs intérêts linguistiques. La grande différence dans l'approche communautaire est que pour l'une la Communauté flamande, les Bruxellois représentent 3,5 % de la population et que pour l'autre, la Communauté française, ils représentent près du quart de la population. Cette disposition change tout sur un plan financier et fiscal dans un Etat fédéralisé.

 

3. La Communauté française pouvait avoir un sens tant qu'elle avait les moyens financiers de répondre aux besoins et aux souhaits de la population francophone. Ce n'est plus le cas actuellement et il faut sans tarder mettre en place un autre cadre institutionnel qui organise les relations entre Bruxelles et la Wallonie dans le respect de l'équité. Les difficultés rencontrées par la Région bruxelloise pour s'acquitter de ses obligations vis-à-vis de la Communauté française nous démontrent combien les arrangements institutionnels et administratifs sont fragiles dans le cadre actuel de la réforme de l'Etat. Nous ne pouvons laisser la gestion de politiques aussi importantes que celles de l'enseignement et de la culture qui sont toujours des politiques à long terme, s'organiser sur des bases aussi aléatoires. Quand une institution ne sait plus répondre à sa finalité, il faut oser dire qu'il faut la modifier sinon elle se discrédite aux yeux des citoyens.

 

4. La perspective que nous avons esquissée ne rompt pas la nécessaire solidarité francophone. Nous pensons même qu'elle est susceptible de la consolider sur des bases plus équitables et plus solides constitutionnellement. Certes, sa concrétisation implique la volonté commune des partis politiques francophones de défendre un mode de règlement des relations communautaires qui soit différent de celui souhaité en Flandre. Les Flamands ont le droit de régler leurs problèmes communautaires selon leur propre modalité et cette proposition ne remet pas en cause l'existence de la Communauté flamande. Mais il n'appartient pas non plus aux Flamands d'imposer aux francophones la voie et les moyens qu'ils entendent mettre en oeuvre pour résoudre leurs propres problèmes communautaires. C'est une question de respect de l'idéal démocratique.

(Octobre 1991)

 


 

 

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