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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
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Modèles alimentaires et agriculture

Michel Sainthuile
Unions professionnelles agricoles (UPA)

 

A un moment où les produits sont en surabondance sur nos marchés européens, ou la baisse des prix s'installe et où les quotas de production s'instaurent, nos agriculteurs doivent prêter attention à l'évolution des modèles alimentaires et aux stratégies de l'agro-alimentaire qui s'internationalise.

Plus de trois cent vingt millions de consommateurs européens, voilà le grand marché auquel nous devons nous intéresser pour être dans la course en l'an 2000.

Jadis, les aliments et les manières de les consommer résultaient d'un long processus influencé certes par des éléments socio-culturels et économiques nationaux, régionaux voire locaux, mais lié aux ressources géographiques correspondantes.

Aujourd'hui, il n'est pas rare de compter plusieurs millions de kilomètres dans son assiette : du kiwi de Nouvelle-Zélande au blé de Beauce, en passant par la viande d'Argentine ou d'Ecosse. De plus, les habitudes alimentaires se modifient plus rapidement, soumises à l'évolution des conditions de vie, de travail et de loisirs. Le consommateur mange moins. La population vieillit. La taille des familles se réduit. Le travail féminin se développe. Les gens vivent de plus en plus en ville. Le temps consacré à la préparation des repas diminue sans cesse. C'est le règne du vite fait, du vite prêt.

L'évolution en agriculture et les progrès technologiques de l'agro-alimentaire ont offert aux consommateurs une grande variété de produits agricoles de qualité, transformés et conditionnés. De plus, suite à l'accélération des échanges de matières premières et de produits agricoles, nous devons constater qu'une des caractéristiques de l'alimentation moderne est la mondialisation des habitudes alimentaires.

Bien sûr, il y a le couscous d'Afrique bien placé au hit-parade de la restauration collective, tout comme la pizza italienne qui a ses adeptes, tandis que les jeunes s'adonnant aux joies du hamburger, du coca et des glaces à l'américaine (pour ne pas dire ice-creams). Toutes ces préparations font appel à des produits ou à des spécialités qui peuvent modifier demain les équilibres ou les choix de production de nos exploitations agricoles.

Il ne faut cependant pas croire qu'une mondialisation des goûts est à sens unique. Le pain tend à se substituer au riz en Asie, au manioc en Afrique et au maïs au Mexique et au Brésil. La baguette aussi devient un produit mondial et banalisé. Ainsi l'agro-alimentaire européen a de plus en plus tendance à développer des filiales au niveau international relayé par la grande distribution en vue de susciter un modèle alimentaire sans relation avec la production agricole. Les agriculteurs ne bénéficient pas toujours de ce double flux : le changement des habitudes alimentaires risque, comme par le passé, de se faire à leurs dépens.

Le producteur agricole ne doit donc pas rester indifférent aux désirs et aux aspirations du consommateur dont la demande est déterminée en grande partie par les médias et la publicité. L'exemple de l'huile de colza est révélateur à ce sujet. Après avoir délaissé cette huile pour cause acide érucique, la ménagère y est revenue lorsque des variétés exemptes de cet acide furent cultivées. C'est dire que la logique de la demande se substitue à la logique de la production. La chaîne agro-alimentaire ne part plus du producteur pour aller vers le consommateur, comme c'était le cas autrefois, mais remonte du consommateur vers la production en passant par la distribution et la transformation.

L'industrie de l'alimentation humaine et la grande distribution dominent tous les secteurs de la nutrition et jouent ainsi un rôle fondamental dans l'évolution des goûts et des modèles alimentaires. Il ne fait aucun doute que l'essor de l'agro-alimentaire, d'ailleurs bien souvent associé à des industries pharmaceutiques, sera à l'origine de recherches pour mieux maîtriser la nutrition humaine. Ces industries joueront ainsi un rôle de première importance dans l'information du grand public au travers de diverses techniques de marketing (publicité, documents informatifs auprès des écoles, des médecins, des institutions spécialisées, ...). Mais ces industries de l'agro-business participeront-elles à l'éducation à une alimentation plus équilibrée et plus appropriée aux disponibilités et aux besoins alimentaires?

L'agro-alimentaire a un rôle accélérateur important quand ce n'est pas une fonction de ré-orientation des goûts et des habitudes alimentaires. Rien que la stabilité de la qualité, l'uniformité du goût des aliments sont devenus des conditions de marché essentielles.

Ainsi, les Européens mangeront-ils "industriel"? Les aliments de demain seront en effet recomposés dans des usines à partir de produits intermédiaires provenant de la séparation du blé, de substituts de lait, du cracking de protéines et autres composants animaux ou végétaux. Découvrant les formulations de la chimie alimentaire, nous sommes loin des bonnes recettes de la cuisine traditionnelle. Pas si loin cependant, car tous les spécialistes de l'alimentaire humaine semblent d'accord pour dire qu'il y aura demain un double marché, celui de tous les jours où le consommateur recherchera individuellement ou au travers de la restauration collective la valeur santé au meilleur prix, accompagnée du meilleur service. Mais aussi, le repas qui associera le plaisir et qui permettra de valoriser les appellations régionales, les marques collectives et les labels. Il y a là une carte à jouer pour tous ceux qui ont misé sur la qualité et qui vont à la rencontre du consommateur. En revanche, pour ceux qui s'intéressent à la consommation de masse, il conviendra de s'adapter en permanence au marché en sachant que les prix seront d'autant plus différenciés en fonction de la qualité offerte. Il va falloir beaucoup investir car nos unités de transformation seront les mieux placées à la fois pour orienter la production et analyser les évolutions de marché, dans une filière. Le secteur du lait est peut-être un bon exemple de ce qui peut être fait pour valoriser une production avec la vogue des yaourts à manger ou à boire ou des fromages frais de longue conservation à différents taux de matières grasses.

Avec la mode de la diététique, avec l'influence de la publicité, ce ne sera plus seulement le produit récolté ou élevé qui va compter demain mais les services que l'on pourra y ajouter. C'est à coup sur la prochaine révolution agricole qui se prépare.

 

 Ce texte est extrait de : QUEVIT Michel (sous la direction de), La Wallonie au Futur, Le défi de l'éducation, Actes du Congrès, Institut Jules Destrée, Charleroi, 1992.

 


 

 

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