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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
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Modèles alimentaires - Education et agriculture

Georges Neuray
Professeur à la Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux

 

Organisation mondiale de la Santé (OMS) relève que la moitié des décès, survenant avant l'âge de 65 ans dans les sociétés industrialisées, sont dus aux maladies cardio-vasculaires, aux cancers et aux affections digestives. En Wallonie tout particulièrement, le taux de mortalité est nettement supérieur à celui d'autres régions et d'autres pays. L'alimentation n'est pas le seul facteur en cause, mais elle joue un rôle important dans le développement de ces maladies.

La médecine ne pouvant rester indifférente à cette évolution, une branche consacrée à la nutrition s'est développée ces dernières années. Elle ne traque plus les carences, mais bien les excès et/ou la balance inadéquate des nutriments. En effet, au cours des dernières décennies, le bol alimentaire a connu une augmentation générale et exagérée des graisses, surtout animales.

Le modèle alimentaire idéal est assez largement connu, encore qu'il y ait entre nutritionnistes des divergences, largement exploitées par ceux qui ont intérêt à semer le doute dans l'esprit du consommateur au sujet de certains produits ou certaines habitudes d'alimentation. Mais néanmoins, tout le monde s'accorde sur l'apport énergétique moyen et l'équilibre général du bol alimentaire.

La réduction de la surnutrition et le rééquilibrage de l'alimentation selon le modèle proposé par l'OMS réduirait le taux des maladies pour lesquelles la nutrition est un des agents responsables. L'éducation diététique est donc aujourd'hui, tant pour le bien-être de tous que pour des raisons économiques évidentes, un problème de première importance.

Mais la compréhension par le grand public des règles diététiques n'est pas toujours aisée. Il est plus facile de l'assurer de la nocivité d'un aliment ou de ses qualités que de l'aider à maîtriser les règles d'hygiène alimentaire en lui faisant prendre conscience des notions d'excès et d'équilibre.

Enfin, remarquons que ce n'est pas parce que quelqu'un est persuadé du danger d'une pratique alimentaire, dont les conséquences ne se révèlent qu'à long terme, qu'il va changer sa manière de manger. Entre la raison et le comportement la marge est souvent grande, d'autant qu'aux habitudes s'ajoutent les traditions, les pressions sociales, la publicité et la mode.

Le développement extraordinaire de l'agro-alimentaire depuis vingt ans, est à la base de changements profonds à la fois pour les producteurs agricoles et pour tous les consommateurs. Par voie de fusion, de rachat et de regroupement, une part croissante de l'industrie de la transformation des produits agricoles, passe dans les mains de grandes firmes multinationales (Nestlé, Unilever... ).

Pour pouvoir assurer des économies d'échelle tant au niveau de la production, de la recherche que de la publicité, les efforts de ces firmes portent à la fois sur un élargissement constant de la gamme des produits fabriqués et sur une extension géographique du Marché. La mondialisation de certains produits est déjà un fait. L'introduction du fast-food en URSS a presqu'été saluée comme un progrès vers la démocratie!

La logique, tout à fait défendable d'ailleurs, de ces firmes qui comptent parmi elles les entreprises les plus puissantes du monde, est le profit. Elles ont donc intérêt à vendre des produits qui leur assurent la rentabilité la plus importante. Pour y arriver, elles vont essayer, d'une part d'orienter les goûts du consommateur par une puissante publicité, notamment en utilisant les médias sur une très grande échelle, et d'autre part, elles vont peser de tout leur poids et utiliser leur position de domination du marché pour réduire au maximum les prix qu'elles paient aux producteurs. On comprend la difficulté de faire passer le message diététique. En inondant les médias de publicités, de plus en plus souvent appuyées d'ailleurs sur des références scientifiques, l'industrie agro-alimentaire engendre la surconsommation et des déséquilibres nutritionnels. Indirectement, avec des moyens puissants, des contre-messages alimentaires permanents sont délivrés aux consommateurs.

Il est donc indispensable que les messages médiatiques publicitaires puissent être contrebalancés par la formation des consommateurs et par une information indépendante. La campagne télévisée lancée par le Ministre de la Santé publique va dans ce sens.

Ce sont évidemment les enfants qu'il faut éduquer en priorité, par une information correcte et par l'adoption de comportements bénéfiques pour leur santé. Une enquête récente de la Ligue des Familles a d'ailleurs montré que les enfants sont très sensibles à tout ce qui concerne leur propre santé. Comme les habitudes alimentaires de l'enfance se conservent le reste de la vie, les jeunes sont une des cibles favorites des vendeurs de produits alimentaires, car, non seulement, ils constituent les consommateurs de demain mais, de plus en plus, ils sont très réceptifs à des messages habilement présentés. La diffusion mondiale du Coca-cola montre comment, en s'appuyant sur la jeunesse, on peut créer un marché pour un nouveau produit.

L'éducation des enfants se heurte non seulement aux incitants à des modes de consommation inadaptés ou déséquilibrés ou encore simplement excessifs, distillés par les médias, mais aussi aux différences entre le contenu des approches théoriques (les leçons qu'ils reçoivent éventuellement en classe) et celui de la réalité quotidienne.

La première peut provenir de la contradiction entre les habitudes alimentaires familiales et les règles inculquées à l'école.

La seconde résulte des repas qu'ils reçoivent dans les cantines scolaires et qui, pour des raisons de coût ou de méconnaissance des règles diététiques, ne sont pas nécessairement conformes au bon équilibre alimentaire.

La troisième provient des ventes de boissons et de sucreries (moins de 20% proposent épisodiquement des fruits et moins de 10% des yaourts) effectuées à dix heures ou à d'autres moments de la journée dans les établissements scolaires, et dont les bénéfices servent à couvrir différents petits frais que l'école ne peut plus assurer : bibliothèque, voyages scolaires...

Les efforts devraient tout d'abord porter sur une bonne coordination entre les différents niveaux de pouvoir, notamment entre le national, le communautaire, le régional et le communal pour accroître les possibilités d'action des institutions qui oeuvrent déjà dans le domaine de l'éducation alimentaire. Il faut encourager les actions déjà entreprises pour améliorer les repas des cantines scolaires. Peut-on espérer que la naissance du Conseil national de la Nutrition qui vient d'être mis en place contribue à renforcer des organismes qui, comme l'ICAN (Institut communautaire de l'Alimentation et de la Nutrition), ont déja été chargés de la coordination des actions dans les domaines de l'alimentation et la nutrition.

A défaut de pouvoir procurer aux écoles les moyens qui leur sont nécessaires pour assurer toutes leurs tâches, ce qui est hélas impossible actuellement, il faut aider les enseignants à trouver des produits de qualité nutritionnelle acceptable, susceptibles d'être appréciés par les enfants et donc achetés.

L'action d'éducation, tout en portant tout spécialement sur les enfants, doit donc être assurée d'un relais très large au niveau des adultes et être tout aussi omniprésente que la publicité.

Pour que les consommateurs puissent juger eux-mêmes, au moment d'acheter, il faut largement améliorer et renforcer l'information déjà fournie sur les emballages des produits, ainsi que le réclament régulièrement les associations de consommateurs, mais surtout les messages publicitaires doivent être très largement nuancés par des informations complémentaires.

Il n'est cependant pas normal que ce soit les pouvoirs publics qui payent pour avertir les consommateurs des conséquences néfastes sur leur santé dues aux excès de consommation et déséquilibres nutritionnels engendrés par les campagnes publicitaires des firmes agro-alimentaires. Ne faudrait-il pas envisager que sur le coût de toute publicité en faveur d'une boisson ou d'un aliment soit prélevé automatiquement un certain pourcentage qui serait consacré à une éducation et à une information alimentaire neutre et indépendante?

A côté des goûts standardisés, on peut penser et espérer qu'il subsistera en Europe une consommation alimentaire de plaisir et de découverte, qui associera des produits locaux et régionaux aux goûts typiques et marqués. L'agriculture a une partie difficile à jouer, entre l'inévitable production destinée à une consommation de masse, de plus en plus dominée par l'industrie agro-alimentaire et des produits spécifiques et régionaux sur lesquels il faut attirer l'attention des consommateurs et notamment des jeunes. Grâce à une politique de qualité, l'agriculture pourra sauvegarder un lien direct entre producteurs et consommateurs.

 Ce texte est extrait de : QUEVIT Michel (sous la direction de), La Wallonie au Futur, Le défi de l'éducation, Actes du Congrès, Institut Jules Destrée, Charleroi, 1992.

 


 

 

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