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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 


Chapitre III.
Mobilité culturelle

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Un grand nombre de jeunes Wallons vivent dans l'ignorance de ce qu'est et ce que fut leur région d'appartenance, de cet espace géo-politique et socio-culturel qui s'étend de Tournai à Verviers et de Wavre à Arlon. Ils connaissent à peine le passé et l'histoire propres à cette région; ils sont peu familiarisés avec sa culture; ils n'en ont pas visité les villes, vu les paysages. Et ceci doit être particulièrement vrai, pour des raisons évidentes, de ceux qui appartiennent à des milieux peu aisés. Beaucoup de jeunes n'ont-ils pas une expérience plus immédiate de la Belgique non wallonne (Bruxelles, littoral, Bruges, Anvers) que de la Wallonie elle-même? Par-delà une ignorance en soi surprenante, c'est d'une véritable méconnaissance qu'il s'agit. C'est qu'au simple fait de ne pas savoir se mêle insidieusement quelque chose d'autre, qui est de l'ordre du refus ou du rejet. Pourquoi aurait-on ou ferait-on l'expérience d'une réalité qu'on discerne à peine et qui, de toute manière, n'a jamais été mise en valeur à nos yeux? De surcroît, la Wallonie est associée aujourd'hui à une série d'idées et d'images en majorité négatives. Il en découle sans conteste une propension à la censure "intime" ou à la dénégation qui est, on peut le penser, fort répandue.

Cette ignorance et cette méconnaissance ne datent pas d'hier. Elles sont bien installées dans la conscience collective et vécues comme naturelles. Les raisons qui peuvent en rendre compte ne manquent pas :

  1. Il y a ce fait wallon d'un territoire et d'une appartenance l'un comme l'autre fortement morcelés à l'intérieur d'un espace restreint (on y revient plus loin en d'autres termes); en dépit du processus fédéraliste, la Wallonie est loin de se présenter déjà comme une entité définie.

  2. S'il existe bien des vecteurs d'identification, ils ne semblent se manifester et agir que sporadiquement, au gré des soubresauts et secousses de l'histoire (Affaire royale, Grève de '60, Fourons...);

  3. Joue encore son rôle le dédain envers un pays qui s'est fait valoir par des traditions et des qualités laborieuses et populaires plus que par des rapports plus prestigieux; et, redoublant ce dédain, le malaise à l'endroit de ce même pays dès le moment où il a été entraîné dans le déclin économique des régions de vieille industrie.

  4. Vont dans le même sens l'occultation et la confiscation d'une histoire qui, toute morcelée et incertaine qu'elle soit, n'en existe pas moins et est richement stratifiée; la réalité wallonne n'a pas cessé d'être enfouie sous des représentations institutionnelles que l'on peut qualifier d'externes, l'une belge et l'autre française, sous l'action de deux centralismes concurrents, le centralisme bruxellois et le centralisme parisien.

Le présent projet n'a pas pour visée de susciter une adhésion patriotique ou nationaliste de la jeune génération à sa région. Suspecte en son principe même, une telle adhésion serait en outre bien peu opportune dans le contexte actuel, qui est un contexte d'ouverture. On posera d'emblée que la relation que le Wallon entretient à son pays n'a jamais été faite d'appropriation exclusive, encore moins de racisme. Il est permis de dire que, pour lui, l'accueil aux autres n'est pas un vain mot. Il n'y a donc aucune raison pour qu'une conscience de soi plus active prenne la voie d'un nationalisme pur et dur ou encore d'un repli sur soi, que d'ailleurs personne n'envisage.

Mais, de façon plus souple ou plus dialectique, la relation du jeune wallon à son espace et à son peuple mérite d'exister en tant que conscience et connaissance de soi et, par-delà, en tant que fierté de son appartenance. C'est de ce point de vue que l'on voudrait esquisser ici les grandes lignes d'un projet à destination des générations montantes.

L'objectif très simple est de renforcer le sentiment d'identité chez les jeunes Wallons. Non dans un esprit d'idéalisme confus mais selon un rapport immédiat avec la réalité concrète et avec l'action. Nous postulons ceci : le jeune Wallon n'est intéressé à se connaître, à connaître son appartenance que dans la mesure où cette connaissance renforce ses capacités de rencontrer et d'affronter les autres, dans la mesure aussi où elle lui donne le pouvoir d'accroître son aire d'expansion. A l'heure où la mobilité des jeunes Européens est favorisée de toutes parts et où elle va devenir, qu'il s'agisse des études, du travail ou des loisirs, une réalité de plus en plus prégnante, il est devenu indispensable qu'un jeune homme ou une jeune femme de Namur, Mons ou Liège se trouvent en mesure, lorsqu'ils dialoguent avec des jeunes d'autres pays, de dire d'où ils proviennent, quel est le passé de leur région, quelles ont été et sont les créations et les productions de cette dernière, quelles sont les particularités de l'existence dans l'espace wallon. Il sera de plus en plus courant pour ces jeunes, soit qu'ils se déplacent au dehors, soit qu'ils accueillent ici des voisins, de devoir présenter leur carte d'identité "nationale'. Or, il faut bien le dire, désormais la Belgique ne peut plus être la référence première : les Flamands ont repris leurs biens. Il nous reste donc à opérer tout un travail d'identification sur la réalité wallonne, à redécouvrir et à redéfinir un ensemble territorial afin de pouvoir s'en réclamer face aux autres, qui ont leurs propres références et parfois fortes comme on sait. Se dire wallon n'est plus seulement un choix mais une nécessité.

Mais, par ailleurs, savoir qui on est, mieux adhérer à sa collectivité, c'est aussi régler des problèmes avec soi-même. Le rapport difficile que connaît aujourd'hui - ne parlons pas d'hier - le wallon à la langue, à l'expression, à la créativité, à l'esprit d'entreprise nous paraît passer par un doute considérable sur l'identité collective. Cette identité, encore une fois, elle ne saurait être "donnée" : il s'agit d'en rassembler les pièces et les morceaux, de la construire, de s'engager, comme on l'a dit, dans un processus d'identification.

A cette fin, nous voulons proposer deux instruments destinés en priorité aux jeunes et au public des écoles mais également au grand public. Il s'agit de deux livres, assistés éventuellement par d'autres supports informatifs : le premier portera sur l'histoire de la Wallonie, une histoire conçue dans une perspective résolument moderne et critique; le second aura pour objet les cultures de Wallonie conçues dans une perspective thématique et dans l'esprit d'une identification. Ces deux ouvrages sont largement à l'étude et font l'objet de notes séparées.

En appui de ce double instrument de travail et d'action, il convient d'engager une politique d'information et de communication correspondant à l'esprit défini ci-dessus. L'hypothèse est que les jeunes Wallons circulent trop peu sur leur propre territoire, pratiquent peu l'échange et méconnaissent les oeuvres et traditions de leur pays. De la sorte, toute une culture, fort diverse et pas toujours mise en valeur, est en quelque sorte en attente de ses utilisateurs naturels. Dans l'esprit de renverser le mouvement, les trois projets suivants demandent à être élaborés :

  1. Il revient à la Communauté française et/ou à la Région wallonne de développer tout un programme de découverte des réalités culturelles auquel les écoles seront en priorité associées. A la faveur de déplacements gratuits en chemin de fer, écoliers et étudiants pourront régulièrement visiter les villes comme les sites industriels et ruraux qu'ils ne connaissent pas mais aussi les musées, les théâtres, les bibliothèques, etc. En particulier, les musées "documentaires" seraient à repenser selon une conception plus didactique et plus attrayante.

  2. Sur le modèle d'Erasmus, on peut envisager que les élèves des athénées et collèges pratiquent l'échange de ville à ville et d'école à école pour des périodes déterminées en cours d'années. Cela voudrait par exemple dire que quelques rhétoriciens de Morlanwelz passent un trimestre à Verviers pendant que les rhétoriciens de Verviers passent un trimestre à Morlanwelz, le cours des études de chacun se poursuivant normalement.

  3. Des intégrations institutionnelles sont également à prévoir. Il s'agirait de les concevoir de façon souple et non bureaucratique. Qu'il s'agisse d'université, de maison de la culture, de radio-télévision, de musée encore, pourquoi chacun doit-il rester vissé à son poste et est-il voué à un comportement figé et répétitif? Il n'est pas normal qu'en un pays aussi exigu les changements de lieu d'activité soient finalement si rares, la mobilité aussi réduite. Ici comme dans le cas précédent mais sur des durées plus longues éventuellement, des mutations temporaires devraient être envisagées, permettant par exemple à un professeur de Liège de faire des cours à Mons et vice versa.

 

Education et communication en Wallonie :

Eléments de réflexion

 

  • Nécessité de manuels de littérature (ou de culture) et d'histoire wallonnes, de programmes scolaires prévoyant l'étude de ces matières.

  • Plus grande publicité des décisions de l'Exécutif, présentation des institutions politiques wallonnes (télévision, conférences dans les écoles - on le fait déjà pour la CEE).

  • Dynamiser les centres régionaux de la RTBF, les mettre en étroite collaboration avec les TV locales qui devraient développer leur fonction de relais de l'information par des échanges de productions, de reportages.

  • Fixer un jour de fête qui soit réellement wallon et non plus communautaire.

  • Initier, dès le plus jeune âge, les enfants au "tourisme" en Wallonie, avec, bien entendu, des infrastructures d'accueil et des conditions financières appropriées. Rôle de la SNCB, redéfinition de la politique touristique, mise en valeur du patrimoine culturel (pourquoi pas un musée Chavée ou Simenon plutôt qu'une rue ou un fonds?).

(Octobre 1991)

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