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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 

 
Synthèse (1)

Luc Maréchal
Conseiller à la Direction générale de l'Aménagement du Territoire et du Logement du Ministère de la Région wallonne

 

L'affirmation selon laquelle les politiques du logement et de l'aménagement du territoire étaient liées à celle de l'éducation s'imposerait comme une évidence dès le début de la réflexion; toute la question était toutefois de préciser les liaisons, de relever les modalités, sous peine de rester dans des généralités peu porteuses de propositions.

Pour amorcer la réflexion, il faut remonter aux sources, à savoir : la réforme de l'Etat trouve son ultime fondement dans la plus grande maîtrise par les Wallons de leur devenir. Au regard du thème du congrès, cette maîtrise pose que l'éducation doit s'entendre également comme un processus d'augmentation de la capacité de diagnostic et d'action des individus et des groupes de toute nature, qu'elle soit associative ou institutionnelle.

Au préalable un détour par l'institutionnel est indispensable. Cette maîtrise se réalise, s'exprime, en effet dans un champ délimité notamment par les compétences régionales. A cet égard, aménagement et logement ne sont pas dans la même situation.

L'aménagement a été, dans les faits, régionalisé dès la phase de régionalisation provisoire. Le premier comité ministériel des affaires wallonnes (CMAW) a mis en place des politiques spécifiques à la Wallonie; ainsi : rénovation rurale et urbaine, décision d'élaborer un plan régional d'aménagement pour l'ensemble de la Wallonie. La loi d'août 1988 a amplifié comme on le sait le mouvement

Par contre le logement est fractionné entre plusieurs niveaux de pouvoirs ou départements ministériels : l'agrément technique aux Travaux publics, le bail à la Justice, la fiscalité renvoie aux Finances, les politiques sociales liées à l'hébergement à la Communauté, le logement en tant que bien physique à la Région avec le logement public, les aides au particulier et l'urbanisme.

Analyser le secteur du logement, celui-ci étant considéré non seulement comme un toit, un abri mais aussi un habitat situé dans un espace (quartier, ville, village), sous l'angle de la maîtrise individuelle du choix du logement conduit à constater que nombreux sont les captifs du logement.

La connaissance du marché n'est pas également répartie, elle est fonction de la richesse, des relations, du bagage culturel. L'offre crée la demande - ce qui est en outre une des raisons de la banalisation du paysage. L'analyse des conséquences d'une décision est difficile. Ainsi le faible coût des terrains péri-urbains ont incité bon nombre d'habitants à s'établir loin des équipements, ce qui induit de nombreux et coûteux déplacements, et annihile ainsi l'avantage du faible coût foncier, qui était souvent le motif du choix initial.

Cet accès restreint à l'information et la faible capacité d'analyse sont amplifiés pour les faibles revenus, qui en sus ont devant eux une offre peu diversifiée : logements insalubres surexploités, offre publique largement monopolistique et anémiée (2).

 

Trois grandes conclusions opérationnelles se dégagent :

  1. Mettre en place des systèmes d'aide à la décision individuelle et collective, qui vont au-delà du conseil juridique ou administratif;

  2. Produire une information correcte et systématique sur le marché du logement, ce qui est indispensable à la fois pour une politique du logement et pour une aide telle que développée ci-dessus;

  3. Développer une intervention publique à la fois plus importante et plus diversifiée dans la production du logement pour la population à faible revenu (on sort ici des capacité d'analyse et d'action mais cette capacité ne peut se réaliser dans la pénurie).

Enfin, le logement comme matière personnalisante a été fortement mis en avant. Ce néologisme renvoie à une nécessité et à un paradoxe.

  • Nécessité en ce que le logement est un centre d'éducation, la transmission de modèles culturels, alimentaires,...
    La politique du logement (au sens compétence régionale) doit pouvoir être couplée à des démarches d'accompagnement et de formation (maison d'accueil des familles, hébergement provisoire, etc; maîtrise du crédit; développement communautaire);

  • Paradoxe en ce que la vie privée au sein du logement est protégée par notre droit (heureusement), mais en même temps, le logement est littéralement envahi par les médias, bombardé par des messages. Comment faire place dans ce contexte aux politiques d'accompagnement?

Dans le secteur de l'aménagement du territoire, celui-ci étant pris au sens large, toute une série de politiques d'initiative régionale ont nécessité un effort de formation. Parmi ces politiques, citons celle des Ministres Cools et Vanderbiest visant à aménager la voirie communale en fonction non seulement du trafic routier mais de l'ensemble des autres usagers. Celle du Ministre Liénard visant à créer des Maisons de l'urbanisme et à développer les commissions consultatives communales d'aménagement du territoire (il y a actuellement plus de 100 communes wallonnes dotées d'une telle commission). Parallèlement, de nombreuses formations ont été organisées pour le grand public, les membres des commissions, les professionnels du secteur (ainsi plus de 40 % des communes wallonnes disposent d'un agent communal qui a suivi un recyclage en urbanisme). Il y a donc eu un effort manifeste et une mobilisation financière à cet effet.

 

Le bilan dressé par l'atelier est le suivant :

  1. Il y a une demande forte de formation. Pour une part il s'agit de l'acquisition de qualifications nouvelles pour les professionnels (agents communaux, fonctionnaires provinciaux, régionaux, etc) ou de métiers nouveaux (les éco-conseillers); pour une autre il s'agit de formations liées à une intervention, de formations dans l'action (aménagement d'une place, avis à rendre sur un plan d'aménagement, etc);

  2. Il y a une inversion dans la pédagogie de la formation, d'un exposé d'un expert suivi du jeu habituel des questions et réponses, on passe à des études de cas, à des jeux de rôles, même si les cours ex cathedra sont toujours nécessaires;

  3. Les cycles de formation ou des institutions comme les Maisons de l'urbanisme sont des lieux de coordination, d'émergence de nouveaux partenariats, de décloisonnement géographique ou institutionnel.

Cet effort de formation est à un tournant. Il faut trouver des réponses à des problèmes générés par cette politique indispensable :

  • la nécessité de formaliser le statut des Maisons de l'urbanisme, qui sont les maisons de la culture de l'aménagement et du cadre de vie;

  • la légitimation, par un diplôme par exemple, des formations de professionnels; cette légitimation n'est, par contre, pas demandée pour les formations liées à une action;

  • et surtout, la complexité et la fragilité des filières de financement qui rendent difficile la constitution d'équipes stables de formateurs, qui doivent par ailleurs investir dans la mise au point de pédagogies actives.

Toutefois, cet effort de participation et de formation doit s'accompagner d'une sensibilisation qui touche l'ensemble de la population. Sensibilisation pour renverser une situation qu'un participant à l'atelier décrivait en citant la phrase malheureusement célèbre "la Belgique... le pays le plus laid au monde". Cette sensibilisation ne peut concerner uniquement l'aménagement, l'urbanisme, le logement mais la culture au sens d'un démarche active des individus et des groupes, d'une production d'un ouvrage au sens premier du mot avec ce qu'il recèle de liberté et de création. On doit donc viser à l'émergence d'une société culturellement sensible à l'aménagement, à l'urbanisme et à l'architecture. Un large consensus, fondé culturellement, est en effet, indispensable pour la mise au point par les autorités politiques d'un projet d'aménagement de la région et des communes, qui lutte contre la banalisation des paysages, la médiocrité du bâti et la destruction du cadre naturel.

 

Dernières évocations à propos de l'aménagement régional

L'aménagement est un "savoir organiser collectivement le territoire" c'est-à-dire une démarche collective d'édification d'un projet si du moins on fait choix d'une démocratie adulte. Le premier échelon est la connaissance. On a à nouveau regretté le manque d'informations disponibles pour établir un diagnostic : l'information répétitive - la statistique classique - est lacunaire quant à l'occupation du sol et à toutes les dynamiques qui agissent au sein du territoire wallon; par ailleurs une forme nouvelle - présente dans d'autres pays - est également absente : l'observatoire, c'est-à-dire la mesure systématique des effets d'une politique.

La Région wallonne est de plus en plus plongée dans l'espace européen où se mettent en place des stratégies de développement à la fois complémentaires et concurrentes. Celles-ci se manifestent par tout un vocabulaire géopolitique (les scénarios, les arcs, les pôles ou pôles de toute nature, les axes, les bananes, ...). Le décodage de ces stratégies renvoie tant à l'impératif de formation exposé ci-devant qu'à une relance des recherches en sciences humaines (géographie, économie et sociologie spatiale) sur tous les concepts liés à la territorialité.

 

En conclusion

a. L'effort de formation doit, tant pour le secteur du logement que pour celui de l'aménagement du territoire, être poursuivi et stabilisé (pour sortir du précaire), c'est notre défi de l'éducation. A politique nouvelle, politique de formation tant des professionnels que des usagers;

b. Ce défi ne peut être relevé que s'il y a une visibilité, une transparence qui présupposent une connaissance réelle, continue et sur une longue période du territoire et des processus en jeu.

Observer pour agir (3).

Observer en agissant.

Agir ensuite observer !

 

Notes

(1) La présente communication s'appuie sur : le rapport de synthèse introductif aux réflexions de l'atelier, le travail en atelier le vendredi 4 octobre 1991 à Nivelles, cinq communications écrites (voir ci-devant A. Verlaine, N. Martin, L. Leduc, J. Henrottay, C. Dermonne et C. Blin, Ph. Doucet), trois communications orales dont les textes paraîtront prochainement : Luc Laurent et Anne Quévit, Le logement, une matière personnalisante, à paraître dans les Cahiers de l'urbanisme; L. Maréchal, Aménagement du territoire wallon et géopolitique, à paraître dans Toudi; J. Miller, Patrimoine bâti et, renouveau des villes, une dynamique à recréer, à paraître dans l'Année sociale de 1992, Revue de l'Institut de sociologie de l'ULB.)
Elle reprend quelques éléments du rapport introductif de façon à situer l'apport de l'atelier; des conclusions opérationnelles dans le créneau de l'éducation; les participants, par ailleurs, n'ayant pas remis en question ce rapport introductif de synthèse.
Les texte élaborés pour l'atelier comportent de nombreux développements qui n'ont pu être présentés en séance. Nous laissons le lecteur y puiser tout le nécessaire pour la compréhension de ces conclusions et pour l'approfondissement de celles-ci.
(2) On notera que la réunion en atelier a permis de débattre d'innovations en ce domaine (par exemple l'expérience menée par l'asbl Gestion logement Namur, aidée par la Région wallonne, visant à augmenter l'offre de logement pour les plus démunis).
(3) Observer pour agir, Guide des partenaires du développement, Paris, édition du STU, 1991, 140 p.

 


 

 

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