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Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 


Réflexions sur les structures économiques régionales

Henri Capron
Chargé de cours au Département d'Economie appliquée de l'ULB (DULBEA)

 

L'actuel mouvement de restructuration de l'espace européen soulève avec une acuité particulière la question du devenir économique de la Wallonie. Ce devenir est conditionné par sa capacité à adapter son système productif au nouvel environnement concurrentiel mondial et à profiter des opportunités offertes par l'achèvement du marché intérieur.

Le développement futur des régions européennes dépend avant tout de l'efficacité des stratégies mises en oeuvre afin de bénéficier pleinement des effets positifs attendus par le programme 1992. Si la dynamique de croissance enclenchée par ce programme est susceptible de favoriser la convergence régionale, des phénomènes de concentration industrielle et le développement des nouvelles technologies risquent d'aggraver les disparités régionales. Jusqu'à présent, l'expérience européenne n'a pas été favorable à la Wallonie qui pourtant bénéficiait au départ de nombreux atouts. Dans le classement des régions européennes selon le degré de richesse, elle ne précède que les régions grecques, portugaises, espagnoles et irlandaises, régions les plus pauvres de la Communauté. Paradoxe spatial, une région centrale partage avec les régions périphériques de la Communauté les vicissitudes du mal développement. Cette situation périphérique de la région au sein de l'espace central européen n'est pas sans susciter quelque inquiétude quant à sa position future dans une Europe économiquement intégrée : renforcement de la périphérisation ou nouvelle zone de croissance ?

Région aux structures productives ravagées par la crise et un déclin industriel prolongé, la Wallonie doit veiller à ne pas disperser ses efforts et ses ressources si elle veut pleinement profiter de l'achèvement du marché intérieur pour assurer la revitalisation de son économie. L'objet de cette note est d'apporter certains éléments de réflexion en la matière. La contribution se limitera aux quatre questions suivantes :

  1. Quelles sont les spécialisations industrielles régionales sensibles à l'impact du grand marché ?

  2. Comment a évolué l'emploi au cours des dernières années dans les secteurs sensibles ?

  3. Le développement des activités tertiaires constitue-t-il une solution alternative à la contraction de la base industrielle ?

  4. Quelles sont réellement les sources de la croissance régionale ?

La réponse aux deux premières questions s'appuie sur les travaux réalisés par Buigues, Ilzkovitz et Lebrun (1990) qui ont identifié un groupe de 40 secteurs directement concernés par 1992. Une première lecture territoriale des enjeux sectoriels belges a été réalisée par Capron et Hostelard (1991) auquel on renvoie le lecteur pour une synthèse des enjeux spatiaux de l'échéance 1992.

Par souci de simplicité, les réflexions qui suivent se limitent à une comparaison Wallonie-Flandre. Dans la mesure où le positionnement de la Flandre correspond, pour l'essentiel, à la moyenne européenne, les comparaisons opérées reflètent en grande partie le positionnement wallon au sein de l'espace européen.

 

1. Les spécialisations industrielles régionales

A la veille du grand marché, il est opportun de situer à nouveau les secteurs dans lesquels la région dégage une spécialisation relative par rapport à la moyenne européenne. Ces spécialisations correspondent effectivement aux points forts de la région, c'est-à-dire aux secteurs qui représentent les acquis industriels les plus significatifs. Néanmoins, la mise en évidence d'une spécialisation spécifique n'implique pas pour autant que cette activité économique soit fortement développée dans la région. Ainsi, une région faiblement industrialisée dégagera des spécialisations tout autant qu'une zone bénéficiant d'une forte concentration industrielle.

Un tiers seulement des secteurs sensibles correspond à des spécialisations régionales. Ces spécialisations peuvent être décomposées en trois groupes. Un premier groupe rassemble les secteurs qui se présentent comme une spécialisation dans les trois régions. Ces secteurs sont à considérer comme de véritables spécialisations nationales. Le second ensemble de secteurs regroupe les spécialisations interrégionales, c'est-à-dire les secteurs qui se révèlent être des spécialisations dans deux régions. Enfin, les secteurs restants correspondent à des spécificités régionales en ce sens qu'une seule région dégage un coefficient de spécialisation élevé dans ces secteurs. Il s'agit de spécialisations monorégionales. Cette distinction entre les secteurs de spécialisation conduit à s'interroger sur l'opportunité de moduler les stratégies régionales en fonction des interdépendances régionales. Le tableau I permet de constater que les cartes de spécialisation régionale diffèrent sensiblement selon les régions. Ainsi, certains secteurs apparaissant comme des spécialisations belges sont loin d'être des spécialisations wallonnes (machines agricoles, lampes, automobile, chocolat, industrie cotonnière, bijoux). Une caractéristique importante des spécialisations wallonnes est la présence de secteurs à forte intensité technologique (pharmacie, matériel médico-chirurgical, aéronautique, céramiques, verre) et de secteurs nécessitant une main-d'oeuvre qualifiée (matériel ferroviaire, chaudières). Plusieurs de ces secteurs possèdent un fort potentiel de croissance (pharmacie, aéronautique, matériel médico-chirurgical). Le revers de la médaille est que de nombreuses spécialisations wallonnes correspondent à des secteurs protégés, et sont donc particulièrement vulnérables aux mécanismes de restructuration européenne.

Cette vulnérabilité est renforcée par le fait que la Wallonie ne dispose que d'une base industrielle très faible tant au niveau belge qu'au niveau européen. Il est donc vital que la région développe une véritable stratégie industrielle basée sur une consolidation de ses acquis et, dans les secteurs à faible spécialisation, sur une exploitation des niches de marché dans lesquelles la région possède un avantage comparatif. Il est également nécessaire pour la région de revitaliser sa base industrielle dans le sens d'une plus grande diversification, ce qui la rendrait moins sensible aux caprices conjoncturels. Revitalisation qui devrait se fonder sur des pôles de compétitivité technologique structurants.

Enfin, on terminera en remarquant que les spécialisations wallonnes se distinguent par un profil atypique par rapport à la moyenne communautaire. A ce titre, la Flandre possède un profil qui se situe, à quelques nuances près, dans la moyenne communautaire.

Tableau 1. Spécialisations régionales

 

Wallonie

Flandre

Bruxelles

Spécialisations nationales

Chimie de base, Brasseries

Chimie de base, Brasseries

Chimie de base, Brasseries

Spécialisations inter-régionales

Pharmacie, Matériel médico-chirurgical, Matériel ferroviaire, Eau-limonade, Tapis, Autres chimies

Tapis, Autres chimies, Chocolat, Bijoux, Photo-cinéma, Lampes, Automobiles, Habillement, Pharmacie, Matériel médico-chirurgical, Matériel ferroviaire, Eau-limonade

Chocolat, Bijoux, Photo-cinéma, Lampes, Automobiles, Habillement

Spécialisations mono-régionales

Verre, Matériel de génie civil, Aéronautique, Chaudières, Céramiques, Laines

Industrie cotonnière, Appareils électroniques, Machines agricoles, Machines textiles

Télécommunications, Machines-outils

 

2. L'évolution de l'emploi industriel

Les chiffres relatifs à l'évolution de l'emploi au cours de ces dernières années présentés au tableau II indiquent que se sont les secteurs sensibles caractérisés par un faible degré de spécialisation qui ont enregistré les chutes d'emplois les plus importantes. Seule la région bruxelloise voit également son emploi fortement diminuer dans les secteurs sensibles à forte spécialisation, mais dans une proportion légèrement moindre que les secteurs sensibles à faible spécialisation.

En Flandre et à Bruxelles, l'emploi dans les secteurs non sensibles évolue plus favorablement que dans les secteurs sensibles. Par contre, en Wallonie, les secteurs non sensibles ont vu l'emploi diminuer de manière inquiétante comparativement aux deux autres régions.

Globalement, trois constatations émanent à la lecture de ces chiffres :

  1. Dans les secteurs sensibles à l'achèvement du marché intérieur, les régions semblent s'engager dans un processus de renforcement de leurs spécialisations.

  2. La base industrielle wallonne continue à s'effriter de manière alarmante dans les secteurs non sensibles, secteurs pour lesquels on aurait pu espérer un meilleur comportement de l'emploi.

  3. Le poids des secteurs sensibles en Wallonie est proportionnellement moins important qu'en Flandre et à Bruxelles. Il s'écarte également de manière sensible de la moyenne de 50% observée au niveau communautaire.

 

Tableau 2. Croissance de l'emploi industriel au cours de la période 1985-1989 (en %)

 

Wallonie

Flandre

Bruxelles

1. Secteurs sensibles

 

 

 

Forte spécialisation

-4,0

-0,9

-9,3

Faible spécialisation

-15,8

-11,7

-10,4

2. Secteurs non sensibles

 

 

 

Ensemble

-12,4

+6,0

-0,0

Hors sidérurgie

-8,4

+6,2

-1,0

Poids des secteurs sensibles dans l'emploi industriel

41,1

46,8

48,5

 

3. L'alternative tertiaire

Les activités de services font l'objet d'une attention croissante de la part des autorités publiques et des acteurs économiques. Pour une région confrontée au problème du déclin industriel, existe-t-il une réelle possibilité d'un développement autonome des services ? Bien que, effectivement, un élargissement des bases de la croissance soit en train de s'opérer par l'émergence de nouvelles catégories de services dans la sphère économique, ces nouveaux services à fort potentiel de croissance résultent, pour une grande part, d'une intégration renforcée de la relation entre l'industrie et les services. Il s'agit d'un processus de méta-industrialisation selon lequel les entreprises industrielles externalisent leurs activités de services afin de se consacrer plus spécifiquement à la production des biens. Cet accroissement des spécialisations s'explique par l'importance de plus en plus prépondérante d'une information efficace dans nos systèmes industriels. Ce développement du tertiaire est devenu un véritable enjeu territorial. Théoriquement, la grande mobilité de ces réseaux d'information devrait se traduire par une répartition équilibrée de ces services. Mais la réalité est tout autre, ces services se développent prioritairement dans les régions métropolitaines et les grands centres industriels, se présentant ainsi comme une nouvelle source d'inégalité spatiale. Nombre de ces services restent encore fortement soumis à la contrainte de proximité. Lorsque cette contrainte joue peu, ces services se concentrent dans les régions métropolitaines où ils peuvent bénéficier d'un environnement social dynamique et d'économies d'agglomération.

Dans les régions industrielles, l'existence d'une base industrielle solide représente un élément vital pour la croissance tertiaire. "Si une politique régionale en faveur de ce tertiaire de haut niveau est susceptible de générer des effets multiplicateurs sur l'économie régionale, une telle politique doit être intégrée à une politique industrielle. Il s'agit en l'occurrence d'un tertiaire "lié" aux activités de production qui ne peut contribuer au dynamisme régional que s'il existe un potentiel de demande à exploiter" [Capron (1991)].

Sans prétendre établir un lien de causalité entre les évolutions de l'emploi dans l'industrie et les services, on ne peut s'empêcher de relever à la lecture du tableau III que l'emploi tertiaire tant en niveau qu'en taux de croissance est plus élevé en Flandre qu'en Wallonie. Le secteur "réparation", secteur fortement lié à la variable population, est identiquement développé dans les deux régions. Les secteurs "services publics et enseignement" et "autres services" sont plus importants en Wallonie. Qui plus est, le secteur public est devenu l'activité dominante en Wallonie, supplantant ainsi l'activité industrielle.

 

Tableau 3. Niveau et évolution de l'emploi salarié par région

Secteur

Emploi salarié/population

Croissance de l'emploi salarié

1985-1989

 

Flandre

Wallonie

Bruxelles

Flandre

Wallonie

Bruxelles

Industrie manufacturière

7,83

5,41

6,38

1,7

-12,8

-6,3

Energie et eau

0,46

0,34

0,56

-32,6

-4,4

-12,7

Bâtiment

1,85

1,58

1,99

15,4

7,5

11,4

Commerce

3,46

2,78

8,37

18,8

12,1

7,9

HORECA

0,84

0,55

1,81

42,0

31,6

24,6

Réparation

0,36

0,37

0,53

16,4

11,4

-3,7

Transports et communications

2,05

1,28

3,34

5,7

2,0

-6,3

Crédit, assurance

0,76

0,53

6,78

10,9

3,0

4,7

Services aux entreprises et location

1,50

1,22

5,95

65,8

73,0

31,9

Services publics et enseignement

5,46

6,47

14,0

8,9

2,4

-0,9

Autres services

4,18

4,50

8,74

19,8

18,7

7,4

Total (1)

29,37

25,48

58,42 (2)

11,0

5,5

4,8

Indépendants

7,22

6,77

6,59

5,7

6,9

3,9

Total général

36,59

32,25

65,07

10,0

5,8

4,7

(1) Y compris l'agriculture.
(2) Dont 28 % résultatnt de navetteurs, ce qui donne, après correction, un rapport de 29,7.

Ainsi, dans les secteurs relevant plus spécifiquement des services aux ménages (réparation, services publics et enseignement et autres services (1), la Wallonie est au moins aussi bien dotée que la Flandre. Par contre, dans les autres catégories de services, qui sont de nature mixte, la région souffre d'un retard important par rapport à la Flandre. Si ce retard s'explique facilement pour certains d'entre eux (par ex. : transports), pour d'autres, la plus grande faiblesse de l'activité économique en région wallonne est une des sources essentielles du retard (par ex. : crédit, assurance). A ce retard de développement des activités de services en Wallonie s'ajoute un revenu moyen des indépendants dans les différents types d'activités inférieur à celui obtenu par les indépendants en Flandre. Enfin, est-il besoin de rappeler l'ampleur du déficit structurel de la balance commerciale de la Wallonie, balance commerciale dans laquelle les échanges de produits manufacturés sont prépondérants.

 

4. Les sources de la croissance régionale

Pour terminer, il est utile de rappeler les différentes sources de la croissance :

  • l'investissement en capital physique et le travail, facteurs de production traditionnels, qui sont des facteurs "permissifs" de la croissance;

  • l'investissement en capital humain qui est un facteur "actif" de la croissance;

  • l'investissement en capital technologique qui est également un facteur "actif" de la croissance.

Toute mesure de politique économique qui risque d'affaiblir l'une ou l'autre de ces deux dernières composantes peut se traduire par des conséquences désastreuses sur le processus de croissance de long terme. L'analyse économique du progrès technique a mis en évidence le fait que ces investissements sont sources d'avantages absolus cumulatifs : absolus parce que source de flux asymétriques durables dans la structure des échanges commerciaux, cumulatifs parce que la réalisation du progrès technique est fonction des niveaux technologiques déjà atteints.

Chacun sait que la région est confrontée au grave problème du chômage. A ceci vient se juxtaposer le fléchissement substantiel de l'investissement au cours de ces dernières années. Ainsi, selon les statistiques de la TVA, seulement 19 % des investissements nationaux effectués durant les quatre dernières années l'ont été en région wallonne contre 62 % en Flandre et 19 % à Bruxelles. Dans la mesure où ces investissements sont représentatifs des adaptations apportées au système productif afin de satisfaire la demande future, on ne peut s'empêcher d'être inquiet quant à la poursuite des performances favorables observées en région wallonne ces dernières années.

On observe également que la région souffre d'un retard par rapport aux deux autres régions dans les domaines de l'éducation et de la R-D. Ainsi, le nombre d'inscrits dans l'enseignement supérieur (universitaire et non-universitaire) par rapport à la population concernée est actuellement plus faible en Wallonie qu'en Flandre et à Bruxelles. Malgré l'équilibre observé au niveau linguistique, le retard éducationnel en région wallonne dans l'enseignement supérieur non universitaire appelle de la part des pouvoirs publics des mesures spécifiques afin de stimuler ce type d'enseignement. Au niveau micro-régional, si Liège se positionne favorablement comme l'indique le tableau IV, le Hainaut manifeste un retard important en la matière. Ainsi, le Hainaut semble cumuler les désavantages : effritement de la base industrielle et niveaux de formation et de qualification sensiblement inférieurs à la moyenne nationale.

En matière de R-D, la situation en Wallonie suscite également quelque préoccupation comme l'illustre le tableau V. En 1988, sa part dans la R-D industrielle nationale était de 22 % contre 59,5 % pour la Flandre. Néanmoins, un élément positif est l'évolution favorable de cette catégorie d'investissements en Wallonie au cours de ces dernières années. En effet, en 1984, la part wallonne n'était que de 20,8 %. Dans ce domaine également, on pourrait s'interroger sur le positionnement de la province du Hainaut.

 

Tableau 4. Effectifs de l'enseignement supérieur par provinces (1988-1989) (1)

Provinces

classe d'âge 18-24 ans

% des étudiants du 3ème dégré par

rapport à la tranche d'âge concernée

dont université

Anvers

23,7

8,4

Brabant

28,1

12,1

Hainaut

15,6

7,1

Liège

21,7

8,6

Limbourg

16,3

6,2

Luxembourg

15,0

8,3

Namur

16,8

9,5

Flandre orientale

22,5

8,7

Flandre occidentale

15,8

7,6

Flandre (hors Brabant flamand)

20,3

7,9

Wallonie (hors Brabant wallon)

17,8 (2)

8,0

Régime néerlandopdone

21,2

8,5

Régime francophone

21,4 (2) (3)

9,4

Royaume

21,3

8,8

(1) Y compris les étudiants étrangers pour le supérieur non-universitaire. Répartition selon le lieu de domicil légal pour le supérieur universitaire.
(2) Ces chiffres sont surévalués suite à la concentration des étudiants étrangers du supérieur non-universitaire en Communauté française.
(3) Pour la Région bruxelloise, on suppose que 20 % de la tranche d'âge concernée relève de la Communauté flamande

Tableau 5. Répartition régionale des investissements en R&D indstrielle

 

Wallonie

Flandre

Bruxelles

1983

23,9

56,5

19,6

1984

20,8

59,0

20,2

1988

22,0

59,5

18,5

Néanmoins, au plan européen, la Wallonie se positionne de manière nettement plus favorable dans le domaine de l'éducation que sur le plan économique. En matière de R&D, le diagnostic est quelque peu plus nuancé. En effet, la concentration des activités de R&D dans les régions métropolitaines se traduit par des disparités extrêmement importantes au niveau européen. Une conséquence en est que la Wallonie parvient à supplanter dans la hiérarchie régionale plusieurs régions qui lui sont par ailleurs supérieures en termes de richesse. Par rapport à un niveau communautaire moyen de 100, la Wallonie se situe à l'indice 67 en matière de R&D industrielle et à l'indice 83 en termes de richesse, la Flandre à l'indice 101 dans les deux cas et Bruxelles aux indices 286 et 154 respectivement (2).

Bien que des aménagements considérables de nature plus qualitative que quantitative soient nécessaires dans les domaines de l'éducation et de la R&D (3) , il est permis d'affirmer que la région affiche des performances économiques en totale contradiction avec son potentiel réel de croissance. Conclusion naturelle d'une telle observation : la Wallonie souffre de graves déficiences dans la valorisation de son capital humain et de son capital technologique.

A cet égard, la CEE souligne dans son dernier rapport périodique que, "pour profiter des possibilités offertes par l'achèvement du marché intérieur, les régions de tradition industrielle doivent innover et diversifier leurs activités. Toutefois, la prédominance fréquente d'une mentalité conservatrice et introvertie rend la concrétisation de nouvelles idées plus lente. Les ressources disponibles pour l'investissement et les capacités de recherche et développement technologiques ont souvent tendance à être utilisées de manière timorée et l'enseignement demeure inadapté aux besoins de l'industrie et des services modernes, au même titre que la formation" [CEE (1991)].

 

Conclusion

L'avenir économique de la Wallonie est intrinsèquement lié à sa capacité d'opérer une restructuration en profondeur de la région. La seule restructuration économique risque d'être inopérante. La région a autant besoin d'innovations sociales que d'innovations technologiques. Les procédures traditionnelles et institutionnelles de stabilisation des activités productives, les relations de travail et les pratiques administratives et politiques ont fortement inhibé l'esprit d'entreprise et d'expérimentation en région wallonne. Les nouveaux ensembles industriels qui font leur apparition ne peuvent s'accommoder de structures sociales figées.

La région doit également redécouvrir son tissu industriel local, ses PME, et ne pas miser outre mesure sur d'hypothétiques investissements étrangers. Il est urgent de mettre en oeuvre une réelle stratégie de développement endogène dans laquelle les autorités publiques régionales et locales joueraient un rôle-clé de coordination et d'incitation et entretiendraient avec les entreprises et les travailleurs des relations de partenariat libérées des carcans institutionnel, politique et administratif. Cette stratégie ne saurait être efficace sans la participation active de l'enseignement et de la recherche, qui, rappelons-le, représentent les véritables moteurs de la croissance.

Sur l'autel de l'austérité, toute mesure portant atteinte à la qualité de l'enseignement et de la recherche reviendrait à détruire les sources mêmes de la croissance.

(Octobre 1991)
 

Notes et références

CAPRON H., L'impératif d'une stratégie industrielle, Wallonie, 1991, n° 13, p. 21-30.
CAPRON H., HOSTELARD S., Perspectives d'intégration régionale au marché intérieur, Cahiers économiques de Bruxelles, 3ème trimestre 1991, n° 131, , p. 274-304.
BUIGUES P., ILZKOVITZ F., LEBRUN, J.-F. L'impact sectoriel du marché intérieur sur l'industrie : les enjeux pour les Etats membres, Economie Européenne - Europe sociale, Commission des Communautés européennes, numéro spécial, 1990.
Commission des Communautés européennes, Les régions dans les années 90, Quatrième rapport périodique sur la situation et l'évolution socio-économiques des régions de la Communauté, Bruxelles, 1991.

(1) Il s'agit là surtout de services sociaux, services à la collectivité et services personnels.
(2) A titre de comparaison, en France l'indice pour la R&D industrielle est de 348 pour l'Ile-de-France et de 67 pour l'ensemble des autres régions. Les indices du niveau de richesse par habitant sont respectivement de 166 et 97.
(3) Quoique la R&D publique devrait être également plus soutenue quantitativement, notamment la recherche universitaire dont le manque flagrant de moyens et l'instabilité croissante nuisent de plus en plus à l'efficacité.


 

 

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