Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 

Deuxième congrès La Wallonie au Futur
1991 -
Le Défi de l'Education

Congrès permanent La Wallonie au futur - Index des congrès

 


La dynamique de l'évolution économique mondiale

Véronique Staes
Institut de Recherches et d'Etudes statistiques (IRES), UCL

 

Quelques réflexions sur l'environnement économique de la Wallonie au futur

1. Le renouveau technologique

Il semble bien que l'on puisse identifier la mise en place d'un nouveau paradigme techno-économique (1) (analyses d'inspiration shumpéterienne) tout au long des années 1980-1990. Celles-ci coïncideraient alors avec l'amorce d'un nouveau cycle long (suivant un découpage à la Kondratieff) et déboucheraient sur un mode de régulation nouveau dont les caractéristiques sont encore floues (école de la régulation) et potentiellement à créer.

Ce sont les technologies de l'information qui se trouvent au coeur des analyses dans la mesure où elles remplissent un rôle central dans l'évolution technique et technologique mais aussi scientifique et organisationnelle.

En effet,

  1. elles permettent une "fertilisation croisée" entre science et technologie, menant, semble-t-il, à une accélération du rythme des découvertes scientifiques (nouveaux instruments, nouvelles possibilités d'expérimentation);

  2. elles introduisent des modifications à la fois dans le processus de production et dans les produits (services) de la plupart des secteurs économiques;

  3. elles génèrent l'apparition de nouveaux secteurs correspondant à de nouveaux produits et de nouveaux services;

  4. elles provoquent ainsi l'obsolescence plus rapide des capacités de production en place, donc un fort mouvement d'investissement quand les conditions de rentabilité sont suffisantes;

  5. elles transforment de façon universelle les processus de production et de gestion, rapprochant et intégrant des domaines autrefois relativement autonomes : les technologies de l'information ont la capacité d'intégrer la conception, la fabrication, les achats, les ventes, l'administration et les services techniques au sein de l'entreprise;

  6. Plus généralement, elles modifient l'équilibre mondial des années d'après guerre en créant une interdépendance plus grande entre les différentes zones économiques.

Le travail collectif qu'a animé Th. GAUDIN donne cette description globale des changements à attendre

"La transformation décisive de notre époque, que Jules Verne ne pouvait prévoir, c'est la micro-électronique, prolongée demain par la photonique. [...]. On peut prévoir dès maintenant l'immense métamorphose causée par l'électronique dans tout le système technique mondial, et on peut dire aussi qu'elle s'étendra au moins sur un siècle, comme la révolution industrielle. L'échelle des temps autrefois limitée par les secondes du chronomètre taylorien, se contracte un milliard de fois. Les calculs s'effectuent en milliardièmes de seconde. Quand l'ordinateur optique sera au point, on gagnera encore un facteur d'un million et, en plus, la possibilité de développer des traitements massivement parallèles, comme le fait le cerveau humain.

Le traitement de l'information sera complètement délocalisé. Chacun s'exprimera, les doigts sur un clavier, avec la voix ou peut-être encore par d'autres moyens, d'où il se trouvera (dans le métro ou au sommet de l'Annapurna). Le message sera instantanément reçu par le correspondant ou mis en attente dans une mémoire. Le rapport au travail, aux loisirs, au commerce, aux êtres proches et à soi-même sera radicalement transformé. Mais, contrairement à ce qu'imaginent parfois les techniciens, l'homme, trop sollicité, cherchera davantage à se protéger de l'excès d'informations. Chacun mettra des conditions d'accès strictes à sa bulle et ceux qui ne le feront pas risqueront des troubles mentaux. C'est une société du "temps réel" qui émerge, dont les interactions se gèrent instantanément. Il est de plus en plus difficile de prendre du temps pour étudier et réfléchir" (2).

C'est à la lumière de ces évolutions qu'il faut comprendre ce que d'aucuns ont appelé l'ère "post-industrielle". Nous préférons parler de la "tertiarisation des modes de production et de consommation".

En effet, si la production industrielle perd de son importance statistique dans le domaine de l'emploi et de la génération de valeur ajoutée, cela est dû en grande partie à

  • la dématérialisation de l'activité productive et la diminution du contenu en matières premières des produits industriels;

  • les différences d'évolution de la productivité et/ou des prix de la valeur ajoutée des secteurs, entraînant un déclin structurel des industries de base;

  • l'externalisation de diverses fonctions jusqu'alors assurées dans les entreprises, en particulier celles portant sur la production à proprement parler;

  • le développement des services personnels comme "biens de luxe" dont le poids croît dans les structures de consommation de sociétés qui s'enrichissent.

Mais la tendance fondamentale se trouve dans la disparition des cloisonnements sectoriels stricts. La revue "Futuribles" (3) décrit ainsi l'association industrie-services :

"Spontanément, on est sensible à ce qui se passe sur le devant de la scène : d'un côté, la fermeture des mines et des hauts fourneaux, de l'autre, le développement des soins esthétiques, des agences de voyages ou des consultants de tout acabit. Mais il n'y a pas que le tertiaire à l'état pur, reposant sur le muscle ou la matière grise; il y a aussi beaucoup de services qui ne peuvent fonctionner que par le truchement d'équipements. C'est le cas de la domotique, mais c'est également vrai du tertiaire collectif, dont on voit mal comment il se développerait sans support matériel. En France, après l'éducation et les transports, les loisirs vont prendre le relais : ce qui signifie peut-être moins de béton, mais davantage de produits manufacturés.

Dans les entreprises, la symbiose produits/services est déjà largement amorcée. Il suffit de comparer les services de comptabilité d'aujourd'hui, armés d'une foule d'esclaves électroniques, avec ceux de 1950, encore artisanaux. Quant aux services de trésorerie, ils n'existeraient tout simplement pas s'ils ne disposaient de leur arsenal informatique.

Dans un domaine tout autre, celui de la santé, on a les yeux fixés sur l'aspect "soins" proprement dits, prodigués par le praticien; mais le développement des appareils n'est-il pas plus spectaculaire encore, y compris celui des gadgets qui seront bientôt à la disposition des particuliers ?

Ce dernier exemple montre qu'il est des cas où le produit industriel vient non plus seulement en association mais en substitution au service. Evolution logique à partir du moment où la "faim" de services pousse les prix à la hausse dans des secteurs où les progrès de productivité sont faibles. La solution est alors dans l'"industrialisation" : au lieu d'acheter une fourniture de service, par exemple chez le coiffeur ou chez le médecin, on se procure le produit qui permet de se servir soi-même. Aujourd'hui, on se coiffe avec le "babyliss", demain on contrôlera soi-même sa tension artérielle avec un appareil individuel.

On voit l'ampleur de la révolution. Dans le "panier" de nos produits industriels, ce qui diminue à vue d'oeil (en termes relatifs), ce sont les biens de consommation courante et les biens d'équipement volumineux, au moins en Europe, parce que nous avons dépassé la phase "quantitative" de l'industrialisation, à base de méga-usines. Ce qui se développe, ce sont les équipements collectifs, les appareils domestiques et les produits industriels liés aux services ou se substituant à eux. Ce qui est évidemment prometteur pour qui peut et sait jouer sur ces deux plans. Un tel mélange "industrialo-tertiaire" nous déroute encore mais ce sera notre lot quotidien, sous peu. C'est le néo-industriel."

 

2. La mondialisation comme logique de base

Les progrès de l'informatique et des télécommunications ont élargi considérablement le champ d'action des agents économiques, à travers la possibilité d'utiliser des réseaux interconnectés.

"Pourtant, la mondialisation de la technologie et de l'économie n'est pas un phénomène nouveau si par mondialisation on entend les processus d'internationalisation qui ont caractérisé, ces cent dernières années, l'évolution des secteurs industriels (de l'industrie chimique à l'industrie textile, de la sidérurgie à l'agro-industrie, ...), à partir d'une intégration croissante à travers les pays du monde des flux des connaissances techniques, des matières premières, des biens intermédiaires, des produits et services finals. Elle n'est pas non plus nouvelle si elle est vue sous la forme des processus de multinationalisation des entreprises "nationales" dont les activités s'étendent graduellement dans d'autres pays soit par la création de filiales directes, soit par acquisitions, soit par des accords de coopération de natures diverses (commerciale, financière, technologique, industrielle, ...).

La mondialisation est, en revanche, un phénomène nouveau, naissant, dont on commence à peine à entrevoir des éléments caractéristiques, si par elle on entend l'ensemble des processus qui permettent de produire, distribuer et consommer biens et services à partir de structures de valorisation des facteurs de production matériels et immatériels organisés sur des bases mondiales

  • pour des marchés mondiaux réglés (ou qui le deviendront) par des normes et standards mondiaux,

  • par des organisations nées ou agissant sur des bases mondiales avec une culture d'organisation qui se veut ouverte à un contexte mondial et obéissant à une stratégie mondiale, dont il est difficile d'identifier une seule "territorialité" (juridique, économique, technologique) en raison des très nombreuses interrelations et intégrations parmi les éléments en jeu dans les différentes phases "productives" en amont et en aval de la production même" (4).

Les entreprises raisonnent sur une base planétaire et gèrent leurs ressources matérielles, financières et humaines en référence à celle-ci, de façon de plus en plus accentuée. Et les conditions mêmes des marchés locaux sont soumises à l'existence du marché global quand transports, communications et transferts de capitaux sont rapides et peu coûteux.

"Les implications et les conséquences de la mondialisation de la technologie et de l'économie sont multiples et considérables pour les entreprises, les pouvoirs publics, les universités, les syndicats, les divers groupes sociaux organisés. On se trouve en face de la fin du "national" en tant que point de départ et d'arrivée de pertinence stratégique pour les acteurs scientifiques, économiques, sociaux et culturels. Le "national" reste un des niveaux de pertinence significative mais il n'est plus le niveau stratégique principal pour les acteurs-clés de l'innovation technologique et de la croissance économique" (5).

La logique de fonctionnement de l'entreprise dépasse de plus en plus les frontières régionales ou nationales. C'est dire que les conditions mêmes de l'activité économique et de la politique économique ont changé.

Au plan politique, il faut gérer l'interdépendance croissante des sociétés humaines et les problèmes qui se posent à l'échelle de la planète. Il faut aussi réguler les marchés mondiaux, dont les moindres ne sont pas les marchés financiers, et organiser la concurrence et la coopération sur des bases élargies.

La formation de "grands marchés" va évidemment dans le sens de cette évolution.

Il n'empêche que les Etats, en menant des politiques (de marchés publics, de développement des infrastructures, d'éducation, de R & D) favorables aux entreprises installées sur leur territoire, renforcent leur potentiel et contribuent à leur "légitimité sociale historique" (PETRELLA, 1988) comme assurant le bien-être économique et social du pays (région) où elles sont installées. Les objectifs de l'entreprise, compétitivité et croissance, deviennent dès lors des lignes de force guidant les politiques étatiques.

 

3. Les clés de la réussite dans un univers transformé : les progrès à faire

La survie des entreprises passent de plus en plus dans cet environnement économique géographiquement et sectoriellement neuf, par la maîtrise du progrès technique et de l'innovation non seulement pour le développement de nouveaux produits mais aussi pour s'assurer l'information qui devient une des variables clés de la compétitivité. Ceci les oblige à prendre leur place dans la coopération internationale.

L'évolution du commerce mondial durant ces vingt dernières années, caractérisée par une déspécialisation de l'Europe sur les marchés les plus dynamiques, a fait apparaître les faiblesses des entreprises européennes dans ce double processus.

L'adaptation aux "nouvelles" conditions de marché impliquera donc de nombreux changements au cours des prochaines années :

  • les entreprises européennes restent effectivement encore aujourd'hui trop attachées à leur appartenance nationale (à relier sans doute au comportement des Etats). Ceci les mène à chercher, souvent en position d'infériorité, des partenaires d'abord américains ou japonais pour asseoir leur emprise internationale plutôt que de chercher des alliances européennes. Une logique davantage européenne prendra progressivement le dessus, notamment dans une approche globale du marché européen;

  • une meilleure intégration entre les départements de recherche et développement et de commercialisation sera nécessaire pour assurer le développement de ces entreprises, car l'Europe souffre aujourd'hui d'une mauvaise exploitation de ces dépenses importantes en R&D. Ceci implique aussi une redéfinition des rapports entreprises-universités et entreprises-Etats.

 

4. Les nouveaux facteurs de localisation

Certaines études indiquent que le taux global de l'emploi susceptible d'être "géographiquement mobile" de la CEE est passé de 30 % dans les années 1950 à plus de 50 % et, avec l'avènement du grand marché intérieur, ce pourcentage devrait croître encore.

C'est dire que les décisions de (dé)localisation des entreprises deviennent cruciales pour l'évolution économique d'une région. Une étude récente (1990) et approfondie, menée à l'initiative de la Commission des Communautés européennes, a montré "que, en dehors des éléments induisant un effet direct sur la rentabilité - tels que le coût du capital (6) - les facteurs essentiels des décisions d'implantation sont les suivants :

  • existence de systèmes de transport et de communications rapides et efficaces;

  • disponibilité d'une main-d'oeuvre particulièrement qualifiée;

  • accès aux établissements d'enseignement et aux instituts de recherche locaux;

  • présence de services de haute qualité pour les entrerises, étant donné que celles-ci ont recours de plus en plus à des services que, précédemment, elles assumaient elles-mêmes;

  • qualité de l'environnement social et culturel, y compris les infrastructures de sport et de récréation" (7).

Vu l'importance et la rapidité des changements dans les marchés, de même que l'interdépendance croissante d'une série d'acteurs, la tendance est à la concentration des activités productives dans les zones centrales des grands marchés plutôt qu'à leur dissémination pour des raisons de coût de main-d'oeuvre ou proximité des sources de matières premières. Et le marché européen sera - et de plus en plus - un très grand marché.

 

5. La démographique : une contrainte ?

L'élargissement des marchés des biens de services et des capitaux devrait, à l'horizon de 20 ou 30 ans, trouver son pendant dans l'élargissement (et la dérégulation ?) des marchés du travail.

En effet, la dynamique démographique mondiale (africaine notamment) continuera à exhiber une croissance géométrique tandis que la population européenne actuellement résidente stagnera et vieillira et que celle de l'Europe du nord déclinera.

Bien sûr, les flux migratoires s'établissent normalement lentement. Mais, si on fait l'hypothèse que l'activité économique de la Communauté européenne (élargie sans doute) continuera d'être dynamique et que celle-ci, appuyée d'une part sur la taille et l'élargissement de son marché, et d'autre part sur le niveau de formation élevé de sa main-d'oeuvre et la mise en oeuvre de ses capacités d'innovation, constituera un pôle de développement mondial, il faut penser la démographique wallonne comme une variable dépendante des évolutions économiques plutôt qu'une variable résultant uniquement de la prolongation et des effets mécaniques des tendances en cours.

Selon le rôle que la Wallonie jouera dans l'ensemble européen, elle attirera certaines catégories de travailleurs ou en verra partir. En cas de développement soutenu, il semble que la main-d'oeuvre moins qualifiée nécessaire devrait toujours être trouvée, le cas échéant en provenance "d'ailleurs". La participation aux réseaux européens et mondiaux amèneront alors aussi de la main-d'oeuvre qualifiée.

Le caractère pluri-culturel de la Wallonie en serait renforcé. La population des écoles reflèterait bien entendu ces mouvements de population.

En cas de stagnation économique, le panorama serait modifié, mais une plus grande mobilité des populations semble de toute façon inscrite dans les évolutions à venir.

 

6. Organisation des processus de production et évolution des qualifications

Par souci de clarté, on peut discuter séparément de la dynamique en cours dans l'industrie, au sens large, et de celle des services.

Dans l'industrie, "malgré la progressivité de la diffusion de l'automatisation, des modifications fondamentales affectent la main-d'oeuvre dès aujourd'hui. La forte contraction des emplois non qualifiés prévue dans les années à venir poursuit une tendance déjà amorcée. En effet, les diminutions d'emplois enregistrées ces dernières années, ont, en masse, surtout affecté les postes sans qualification [...]" (8).

Car le type de travail se modifie : dans le système qui entre en désuétude "l'homme s'est trouvé situé à deux positions par rapport à la machine : un rang de serviteur de la machine qui impose sa cadence, et un autre niveau de maître de la machine, fixant ses réglages et soignant ses défaillances. La division du travail en faisait un ensemble de fonctions tenu par des hommes différents. Dans le système de l'atelier automatisé actuel, les deux rôles tendent à être confiés à la même personne, avec prépondérance croissante du second" (8). Cette personne doit donc être plus qualifiée.

Dans le futur, "les emplois de conduite de machine ou d'ensembles automatisés requérant l'exercice d'une véritable "polyfonctionnalité" se multiplieront. Les travailleurs devront détenir, non seulement ce qui constitue aujourd'hui l'un des éléments de la qualification de l'ouvrier qualifié traditionnel - la connaissance des matériaux et des pièces usinées -, c'est-à-dire une spécialité inscrite dans un champ professionnel, mais aussi une connaissance des principes de base du fonctionnement de leurs machines pour en assurer le réglage, l'entretien préventif et le petit dépannage, et enfin, une capacité à se situer dans un vaste ensemble informationnel, pour produire et faire circuler les données nécessaires à la régulation du fonctionnement des installations. D'où deux dimensions structurantes pour l'activité des opérateurs sur installation automatisée :

  • la nécessité que soient pris en compte, au plus près de la production, des éléments de gestion économique;

  • la responsabilité très grande des opérateurs à l'égard du fonctionnement d'ensemble de l'entreprise" (8).

"Car la qualité des relations entre les différentes fonctions impliquées dans la production (fabrication, gestion de la production, méthodes, essais) s'imposera comme l'un des facteurs-clés de la productivité et de la qualité du travail. De nouveaux types d'emplois à l'interface des diverses fonctions apparaîtront" (8).

Trois caractéristiques seront alors valorisées spécialement : les compétences de gestionnaire, la polyvalence, les capacités d'abstraction.

Les services, quant à eux, regroupent un ensemble hétérogène. Dans certains services marchands, les évolutions sont proches de celles de l'industrie. L'informatique et la télématique s'y développent et les progrès de productivité possibles sont grands. Même dans le tourisme et l'hôtellerie, cette évolution semble en vue.

Par ailleurs, le niveau de la formation moyenne est plus élevé dans les services que dans l'industrie. L'enseignement, la santé, beaucoup de services aux entreprises, l'administration demandent un niveau de formation élevé et qui devrait encore s'accroître.

Ce qui semble certain, c'est qu'avec l'extension des marchés, l'intensification de la concurrence et l'accélération des changements que cela implique, seront valorisées sur les marchés du travail l'adaptabilité et la mobilité, la capacité à l'abstraction (liée à l'informatique), les compétences doubles ou multiples, les qualités relationnelles.

Les employeurs voudront pouvoir accorder une confiance de plus en plus grande à leurs employés. Elle sera fondée sur leurs compétences, leurs capacités à prendre à bon escient des décisions et à en assumer les conséquences.

Dans la perspective d'une accélération des changements dans l'économie, alors que les classes de jeunes récemment sorties des filières de formation, sont moins nombreuses à entrer sur le marché du travail, il convient d'insister sur l'importance de la formation continue : celle-ci devrait prendre une place beaucoup plus importante à l'avenir au cours de la vie professionnelle. La capacité de se former sera aussi une qualité appréciée.

 

7. L'évolution attendue par type d'emploi

Une étude française du BIPE (9) décrit les évolutions attendues en France dont les conclusions, en l'absence d'étude plus précise, peuvent à notre avis être étendues à la Belgique.

"Les évolutions des salariés du secteur privé sont marquées par un quasi-doublement de la part des cadres (cadres administratifs et commerciaux des entreprises, ingénieurs et cadres techniques), et à une forte hausse des professions intermédiaires. On ne saurait cependant établir une stricte corrélation entre le développement des nouvelles technologies et cette progression, constante, du poids des cadres dans la structure des effectifs. Il s'agit-là d'une progression de longue période, dont les raisons sont complexes.

Parmi la catégorie "employés", ce sont les personnels des services directs aux particuliers, généralement peu qualifiés, qui enregistreraient le plus fort développement, passant de 3,7 % à 5,6 % de la population active. Cette croissance est portée notamment par les assistantes maternelles, les femmes de ménages et les employés de café-restaurant.

L'ensemble des ouvriers devrait connaître une très forte baisse, de près de 7 points. Elle traduit la poursuite des forts accroissements de productivité que va permettre l'extension du nouveau système technique dans l'industrie. Très liée à l'évolution de l'organisation du travail et au recours à des emplois plus qualifiés dans les ateliers, cette baisse porte pour l'essentiel sur les ouvriers non qualifiés.

Il faut cependant remarquer que l'ensemble des catégories d'emplois les moins qualifiées (employés de commerce, personnels des services directs aux particuliers, chauffeurs, ouvriers non qualifiés), connaît une stabilité de ses effectifs entre 1982 et 2000. En effet, les fortes baisses affectant les ouvriers sont équilibrées par des hausses dans le cas des chauffeurs, des employés de commerce, et on l'a vu, des personnels des services aux particuliers."

De ces évolutions attendues, il ne faut pas tirer de trop rapides conclusions : les effets de masse et de renouvellements suite aux départs à la retraite pèsent plus sur le nombre d'emplois offerts à un moment du temps que la dynamique catégorielle à l'oeuvre.

A titre d'exemple, les résultats d'une autre étude, nord-américaine celle-là, montrent les professions les plus dynamiques, et celles où se créent le plus d'emplois.

Outre la dynamique de création de l'emploi dans les services, les auteurs mettent en exergue l'élévation du niveau moyen requis par l'ensemble des emplois. Cela est à la fois le résultat des transformations des conditions de production mais aussi la condition pour que celles-ci aient leur impact maximal.

En effet, comme l'explique F. Lordon (10), "A compétence donnée, un agent voit son efficacité productive croître avec le niveau moyen de formation du collectif de travail ou plus généralement de la société dans laquelle il est inséré. La qualité de la transformation d'une disposition individuelle intrinsèque en productivité sociale est bien l'effet d'un ensemble d'institutions opérant dans le sens d'une meilleure intégration des individus et d'une meilleure résolution des problèmes de coordination qui surviennent entre eux."

Dans des sociétés à haut niveau de productivité comme la nôtre, il est donc primordial que s'élèvent, et le niveau moyen de formation, et le niveau de formation correspondant à chaque profession.

(Octobre 1991)

Notes

(1) Voir annexe 1.
(2) Thierry GAUDIN ed., 2100 récit du prochain siècle, Paris, Payot, 1990.
(3) Futuribles, Vers le néo-industriel, janvier 1988.
(4) R. PETRELLA, La mondialisation de la technologie et de l'économie, Futuribles, n° 135, septembre 1989.
(5) R. PETRELLA, op. cit..
(6) Dont les différences sur base nationale ne devraient pas subsister de manière significative avec l'UME (en Europe) et les possibilités de couverture qu'offrent les marchés financiers.
(7) CCE, Europe 2000. Les perspectives du développement du territoire communautaire, Bruxelles, Luxembourg, 1991.
(8) Jean Pierre SICARD, Evolution des qualifications et besoins de formation: perspectives pour l'an 2000, Problèmes économiques, La Documentation française, n° 2221, avril 1991.
(9) BIPE, Bureau d'Information et de Prévisions économiques.
(10) Frédéric LORDON, Théorie de la croissance: quelques développements récents. Observations et diagnostics économiques, Revue de l'OFCE, n° 37, juillet 1991.

 

Annexe n°1

Des innovations techniques aux glissements techno-économiques

TAXONOMIE DES INNOVATIONS TECHNIQUES

Innovations progressives. Elles interviennent de façon plus ou moins continue dans toutes les activités industrielles ou tertiaires, bien qu'à un rythme variable selon les branches et les époques. Plus que le résultat d'une activité systématique de recherche et de développement, elles sont souvent le fruit d'idées nouvelles ou d'améliorations suggérées par les ingénieurs et autres personnes directement engagées dans le processus de production, ou d'initiatives et de propositions émanant des utilisateurs. De nombreuses études empiriques confirment l'ampleur de la contribution qu'apportent ces innovations à l'utilisation plus efficace de tous les facteurs de production.

Innovations majeures. Il s'agit d'événements ponctuels qui, dans la période récente, ont généralement été le fruit d'une activité systématique de recherche et de développement au sein des entreprises et dans les universités et les laboratoires publics. Comme le soulignait avec force Schumpeter, ces découvertes sont inégalement réparties selon les secteurs et les époques. Toutefois, quel que soit le moment où elles interviennent, elles jouent un rôle d'une grande importance en servant de tremplins potentiels à la création de nouveaux marchés ou, dans le cas de procédés radicalement nouveaux comme le procédé d'élaboration de l'acier à l'oxygène, en permettant d'améliorer de façon très considérable le coût et la qualité de produits existants.

Modification du "système technologique". Il s'agit de changements technologiques profonds qui touchent plusieurs branches de l'économie et finissent par donner naissance à des secteurs d'activités entièrement nouveaux. Toutes les technologies "génétiques" énumérées ci-contre sont à l'origine d'un ou plusieurs "systèmes technologiques" nouveaux. Dans son exposé d'une théorie Schumpeterienne du développement économique, Deirstead introduit le concept de "coordinations" d'innovations techniquement et économiquement liées entre elles.

Nouveaux "paradigmes techno-économiques" (révolutions technologiques). Il s'agit des "souffles de destruction créateurs" qui sont au coeur de la théorie oscillatoire de Schumpeter. Ils représentent des systèmes technologiques nouveaux dont les effets sur l'ensemble de l'économie sont si pénétrant qu'ils transforment de façon universelle le "style" de la production et de gestion. L'avènement de la machine à vapeur, de l'électricité ou encore de l'électronique sont des exemples de ces mutations profondes. Un changement de ce type provoque de nombreuses constellations d'innovations majeures et progressives, et peut finalement donner naissance à plusieurs systèmes technologiques nouveaux. Cette quatrième catégorie de changement technique n'aboutit pas seulement à l'apparition d'une nouvelle gamme de produits de services, de systèmes et de secteurs qui lui sont propres; elle a aussi des effets directs ou indirects sur presque toutes les autres branches de l'économie.

LES TECHNOLOGIES GÉNÉRIQUES

Les technologies "génériques" offrent de nouvelles possibilités d'innovations et des gains de productivité, non pas seulement pour un produit ou un processus donné, mais pour un grand nombre de produits ou de procédés. On rêve aujourd'hui cinq grands domaines de technologies génériques :

- les technologies de l'information
- la biotechnologie
- la technologie des matériaux
- les technologies énergétiques
- la technologie spatiale.

 

LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION,
NOUVEAU PARADIGME TECHNO-ÉCONOMIQUE

A l'heure actuelle, une seule des cinq technologies "génériques" évoquées ci-dessus peut être considérée comme un nouveau "paradigme techno-économique" : il s'agit de la technologie de l'information. Il est possible, et même probable, que la biotechnologie de la troisième génération aboutisse à un nouveau régime technologique dans la première moitié du XXIème siècle et qu'il en aille de même pour la technologie spatiale dans un avenir plus éloigné mais, au regard des réalités économiques actuelles, elles ne représentent qu'une toute petite proportion des activités de production et d'échanges. On assiste pour l'heure au passage d'un paradigme techno-économique caractérisé par une production en série à forte intensité d'énergie et de matériaux à un paradigme dominé par les techniques de l'information.


 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute