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Technologies nouvelles et formation

Christine Cavoy
Informaticienne - Chef de Service et Professeur à l'Université du Travail Paul Pastur à Charleroi (UTPP)

 

1. Introduction

L'informatique a sa place dans la formation au milieu des autres disciplines scientifiques en raison de sa spécificité, de l'originalité de ses méthodes et de l'extraordinaire enrichissement de la pensée scientifique qui en résulte. La science informatique est une composante essentielle de la culture scientifique de la fin du XXe siècle. Il serait anormal qu'à l'heure de l'informatisation de la société, cette conquête de l'esprit soit passée sous silence dans nos enseignements. Il y a donc plusieurs facettes à l'utilisation de l'ordinateur à l'école; elles doivent être distinguées soigneusement, mais cependant être connues comme complémentaires et non antinomiques : il n'y a pas de bonne perception de l'outil par les étudiants s'il n'est pas utilisé réellement en outil dans l'institution. De plus, perdant son caractère ponctuel et expérimental, devenant opérationnelle, l'informatique constitue un investissement financier valable.

 

2. Technologies nouvelles et société

Si l'on observe l'opinion publique, on constate généralement qu'elle se forge l'idée d'une appréhension essentiellement technique et quantitative pour définir l'informatique comme un outil d'information indifférenciée, banalisée, vidée de toute signification sociale, juste saisie au niveau de sa potentielle réduction à une séquence de signaux binaires. Les nouvelles technologies de l'information, au confluent des filières de l'informatique, des télécommunications et des médias électroniques, bénéficient de constants progrès. On peut utiliser les nouvelles capacités des matériels et des réseaux pour élargir la gamme des services offerts, pour ouvrir de nouvelles fonctions.

Ainsi, en particulier, les progrès des réseaux de diffusion d'images télévisées offrent désormais la possibilité de réserver une voie de retour au téléspectateur, amorçant ainsi la transformation d'un simple média de diffusion en un instrument de communication interactive. C'est sans doute là une des utilisations les plus riches qui puissent être faites des potentialités des nouvelles technologies de l'information.

Face à une offre technico-économique puissante, volontaire et structurée, il n'existe pas encore de demande sociale précise, pas de "besoin" clairement exprimé. Certes, l'évolution de la vie quotidienne dans notre société a engendré d'indéniables et diverses aspirations : la simplification de certains types de rapports avec quelques administrations, le retour à une certaine forme de "convivialité", une plus grande autonomie de l'individu, etc.

Ces aspirations ont d'ailleurs été fortement sollicitées par les discours quasi publicitaires qui accompagnent la promotion des nouveaux produits et services : les nouvelles techniques vidéo étaient censées répondre aux nouveaux besoins en matière de communication, la télématique être un instrument privilégié de la décentralisation et ainsi de suite. Or, ces aspirations ne constituent le plus souvent que l'objet de revendications confuses, peu explicites, souvent ambiguës, dont rien n'indique par ailleurs qu'elles appellent une solution technique. Certains décalages entre les discours des promoteurs et les utilisations effectives des nouveaux moyens diffusés mettent en relief le caractère souvent abusif de ce recours à une prétendue demande sociale.

Ces utilisations, il faut les observer au niveau de deux types d'acteurs. Ce sont d'abord celles que vont développer les grands agents économiques : Etat, entrepreneurs impliqués dans la production, la promotion, l'importation, la diffusion des nouveaux produits et services, ou les intégrant à leur système de production, ou concurrencés par eux (presse écrite, par exemple). Ces agents économiques, en fonction de leurs stratégies propres, opèrent des choix quant à l'utilisation des technologies informatiques, à leur mode de diffusion, à leur transformation en différents produits commercialisables à la technicité séductrice ou dissimulatrice, et aux contenus qu'ils vont leur donner en termes de programmes.

Mais il ne faut pas oublier le rôle des utilisateurs de l'informatique, du tout-venant des usagers volontaires ou forcés. Certes, on ne peut pas véritablement parler de stratégies de leur part. Leurs objectifs ne sont que rarement explicites, leurs intérêts ne sont pas structurés. Pourtant, les usagers ne se contentent pas de subir la technique. Et leur rôle dépasse celui de choix élémentaires du type acquérir/ne pas acquérir, ou bien utiliser/ne pas utiliser des nouveautés informatiques. Ce sont eux qui, par les pratiques qu'ils vont progressivement développer et affiner, détermineront en fin de compte l'incidence effective de l'informatique sur la transformation de leur vie quotidienne. Il y a là un processus de réappropriation plus ou moins consciente de techniques que le public n'a ni conçues ni explicitement désirées. Et ces usages peuvent souvent se révéler, à terme, très différents de ceux qu'envisageaient initialement les promoteurs. L'ordinateur domestique sera-t-il un fantastique vecteur de l'imaginaire ludique ou bien l'instrument qui introduira le "management" dans la vie quotidienne... ?

Or, l'examen de nos modes de vie fait apparaître des rigidités incontournables, mais aussi d'importantes flexibilité : la vie moderne, c'est l'ouverture à l'innovation.

Pouvons-nous, dès lors, entreprendre de dégager de nouveaux repères de cette "société de l'information" dans laquelle nous nous engageons progressivement ?

Il apparaît un nouvel obstacle. Si la demande est grande, elle est également floue. Y a-t-il une correspondance terme à terme entre un "besoin" bien défini et une technologie précise ?

Par exemple, les habitants des pays industrialisés éprouvent indiscutablement un besoin de communication interpersonnelle. C'est un besoin criant. Il ne peut que continuer à se développer du fait de la destruction des formes traditionnelles de sociabilité, de la mobilité professionnelle et sociale imposée à chacun, des stress de la vie urbaine. Parallèlement, il existe des technologies dites de communication, et elles sont très performantes. Mais rien ne permet de dire qu'elles seront dans un avenir proche, moyen où à long terme, mises au service d'une meilleure relation entre les hommes : elles peuvent aussi bien se situer à côté de ce besoin, où même renforcer la coupure interindividuelle en s'interposant de la façon dont elles seront mises en œuvre...

 

3. Technologies nouvelles et éducation

Il n'est pas indifférent, pour un public soucieux de se familiariser au processus d'informatisation, de savoir que celui-ci cristallise l'antagonisme entre centralisation et décentralisation; le développement des réseaux et des banques de données suscite les mêmes craintes d'une homogénéisation culturelle à grande échelle. L'irruption des nouveaux produits électroniques vient relancer la question de la réduction ou de l'accroissement des inégalités. Il paraît difficile que l'avenir remette en cause cette évolution, tant pour des raisons de solidarité que par peur des ruptures sociales; mais elle débouche sur un déplacement des inégalités plus que sur leur suppression : si les disparités sont moins criantes en termes de revenu, elles demeurent voire s'accroissent, dans la répartition du patrimoine. Alors que des différences importantes subsistent dans la possession de certains appareils ménagers, la diffusion des nouveaux produits se fera-t-elle selon les mêmes schémas inégalitaires ?

Mais, surtout, l'accès à l'informatique domestique ne renforcera-t-il pas les inégalités de savoir et de pouvoir que l'enseignement obligatoire et le suffrage universel n'ont pas réussi à abolir ?

La logique de la centralisation croissante des décisions économiques conduit à la mise en place d'un réseau centralisateur où les initiatives privées, (individuelles), sont piégées. Mais, en même temps, un discours décentralisé prend naissance : là où le réseau signifie perte d'identité et de liberté, le micro-ordinateur équivaut à l'initiative retrouvée.

La structure spatiale de l'organisation informatique n'entraîne pas automatiquement une pratique sociale équivalente. La diffusion massive de micro-ordinateurs préprogrammés peut permettre un contrôle des comportements par une autorité centrale, contrôle tout aussi efficace qu'un réseau; alors que, s'il comporte une voie de retour effectivement utilisée, le câblage des logements peut permettre la convivialité, comme l'affirment les promoteurs des réseaux locaux. Technologie identique des réseaux, double discours sur les effets, la technique fait davantage émerger nos espoirs et nos craints qu'elle ne dévoile ses vertus de transformation sociale.

La grande ambiguïté de l'informatique et de ses dérivés résulte dans le fait, qu'à eux seuls, ils n'ont aucune vertu magique qui permettrait de leur imputer la réduction ou l'exacerbation des inégalités, l'épanouissement ou l'écrasement des êtres humains, la compétence perdue ou retrouvée dans la production par chacun de son propre devenir.

 

4. Ordinateur et enseignement

L'EAO peut être défini comme une utilisation interactive de l'ordinateur en tant qu'outil pédagogique, et ce, en mettant en œuvre un didacticiel. Il n'y a enseignement que s'il y a rétroaction du sujet enseigné sur l'objet d'enseignement, échanges d'informations entre deux interlocuteurs et donc, dialogue. Celui-ci peut être extrêmement pauvre comme très diversifié. Il peut se confiner entre des limites étroites ou se ramifier au contraire selon toutes les échappées motivées par la réponse de l'autre : en fait, il est d'autant plus varié et ouvert que des partenaires sont aptes à analyser finement leurs réponses réciproques et, à partir de cette analyse, à opérer rapidement les mises en relation impliquées par les réponses. L'ordinateur est en mesure de conduire le dialogue didactique avec une souplesse supérieure. Avec la machine, la qualité du dialogue et des branchements possibles dépend avant tout de la capacité d'analyse par l'unité centrale des réponses des élèves. Il faut absolument que la machine puisse sonder l'élève quant aux connaissances acquises, c'est-à-dire qu'elle doit pouvoir apprécier la valeur des réponses de l'élève aux questions posées et changer, s'il y a lieu, son propre comportement.

Il faut se demander comment, dans quel sens et avec quelle intensité la signification transmise - et reçue - peut modifier le comportement de l'élève, comment nous apprenons, retenons et réagissons à ce que nous avons appris. Et c'est là qu'intervient directement la compétence des pédagogues. La nécessité faisant toujours loi, il est fort probable que les problèmes posés par l'utilisation de l'ordinateur dans l'enseignement fera, par contre coup, progresser cette réflexion.

Les enseignants et autres spécialistes ne sont d'ailleurs pas seuls en cause : l'un des avantages essentiels de l'ordinateur, c'est qu'il associe les étudiants au perfectionnement des méthodes qui leur sont appliquées. Seuls les élèves peuvent précisément indiquer les endroits où ils achoppent, la nature des difficultés qu'ils rencontrent. Dans ce domaine, par conséquent, loin de supprimer la relation enseignants-enseignés, l'ordinateur ne fera que la renforcer. Le dialogue traditionnel enseignant-élève paraît souvent un peu fictif parce qu'il n'opère qu'à sens unique. Avec la machine, la richesse du face à face entre l'enseignant et l'élève affrontés à la même connaissance sera d'autant plus grande que le dialogue sera plus ouvert et que les possibilités de branchements seront pus nombreuses. Le caractère répétitif et fonctionnel de certains dialogues invite à envisager une automatisation tout au moins partielle, le principe de la programmation pourra être mis en œuvre grâce au caractère prévisible du processus dialogique.

L'objectif sera donc de réaliser un système programmé qui simule l'activité de l'être humain de manière à ne pas requérir son intervention pendant le déroulement même de l'entretien. Le type de dialogue à atteindre avec la machine doit avoir un caractère interactif dense, en fait, un dialogue intégral. L'interrogation met en présence deux termes qui se différencient fonctionnellement : l'interrogation y joue le rôle de directeur, soit avec une entière liberté, c'est-à-dire, du point de vue de l'interrogé de manière tout à fait rigide, non adaptative soit en faisant preuve de quelque souplesse à l'égard de son partenaire.

Le dialogue intégral s'établira entre deux partenaires qui, sur le plan fonctionnel, sont sur un pied d'égalité.

Chacun d'eux peut jouer tantôt le rôle d'interrogateur, tantôt celui d'interrogé, et même assurer toutes les fonctions que comportent ces deux rôles et ce, au cours d'une seule phase d'un même cycle dialogique, la réponse du dialogue n'étant plus réservée à un seul partenaire, l'objet en devient commun. Cette forme d'interrogation interactive est l'élément prépondérant dans un enseignement assisté par ordinateur. Tout autre chose ne serait que vaine recherche.

Le but poursuivi par les didacticiels d'EAO est d'inciter l'élève à percevoir les rapports logiques qui sous tendent l'ensemble des connaissances qu'il essaie de s'approprier. L'objectif réel n'est plus de détenir une information mais d'être capable de construire un modèle.

Cela entraîne une modification durable de la relation du savoir. Cette voie nouvelle nécessite de donner aux professeurs de toute discipline le minimum de qualification informatique pour permettre un engagement total.

4.1. La relation d'assistance technique : le maître comme médiateur

L'appropriation du savoir par l'élève passe nécessairement par la maîtrise des moyens qui servent à le véhiculer. La première tâche de l'enseignant consiste donc à apprendre à l'élève à la fois des connaissances et l'utilisation efficace des moyens.

Cela suppose du maître qu'il ne soit pas seulement compétent sur le contenu car l'enseignant ne saura remplir sa fonction de médiateur que s'il maîtrise aussi bien le support du message que le contenu lui-même et qu'il participe à la fabrication des supports.

En effet, il est prouvé qu'on maîtrise d'autant mieux un type de support qu'on a participé à son élaboration et à sa production. D'où l'accent à mettre sur l'idée que les maîtres soient formés ! Non seulement à l'exploitation mais à la production même des média, la seconde de ces formations étant condition de la première.

Au niveau de l'élève, il ne s'agit pas non plus d'une simple manipulation pratique et la maîtrise des moyens d'information exigera, en certains cas, un véritable apprentissage technique et méthodologique. Ainsi, l'enseignant se trouve investi d'un rôle aux multiples applications qui revêt d'autant plus d'importance que l'élève bénéficie d'une plus grande marge de choix en matière de contenus et de moyens.

4.2. La relation d'assistance pédagogique : guidance et orientation

L'organisation de la formation en modules et la possibilité de progressions différenciées qui en résultent rendent d'autant plus nécessaire un suivi pédagogique continu et une action des maîtres à ce niveau. Les enseignants se trouvent ainsi être les garants de la cohérence interne de la fonction de chaque individu. En fonction des exigences propres à chaque unité de formation, des possibilités offertes par les moyens d'enseignement, de la connaissance de l'élève et de ses attitudes à l'égard de la formation, chaque enseignant l'aide à faire son choix et construire sa progression. La guidance devient l'acte pédagogique central. Cela signifie que tous les enseignants doivent être capables de guider les élèves à l'intérieur de leur propre domaine. En fait, l'élève jeune ou adulte a besoin d'être constamment aidé, suivi, conseillé dans la démarche qui doit l'amener progressivement, à travers le système individualisé, à prendre en charge sa propre formation. C'est là, le premier objectif du tutorat.

 

4.3. La relation d'assistance au niveau des aptitudes

Qu'il y ait enseignement par individu ou pas, l'enseignant doit toujours être là et proposer à l'élève l'image d'une personne à laquelle cet élève à tendance à s'identifier avec laquelle il va tisser un réseau de relations affectives au moins aussi importantes que les connaissances qu'il retire de sa formation. De ce fait, un enseignant enseigne toujours plus et autre chose que la technique ou le contenu scientifique qu'il enseigne, c'est son attitude et toute sa personne qui se trouvent proposées comme modèle à l'élève et qui entrent en compte pour une part importante dans le processus de formation.

C'est pourquoi, Gilles Ferry appelle l'attention sur les dangers d'une relation du type charismatique dans laquelle "l'action éducative du maître se fonde sur les valeurs éthiques et culturelles qu'il incarne d'une manière exemplaire", et sur ceux d'une éducation d'ajustage, selon laquelle l'action éducative doit être mise au point à partir d'une connaissance scientifique de l'enfant et son environnement.

 


 

 

 

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