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Construire notre mémoire collective

Jean-Louis DELAET
Historien
Archiviste de la Ville de Charleroi
Secrétaire de la Section de Charleroi de l'Institut Jules Destrée
Secrétaire général d'Archéologie industrielle de la Sambre

 

"Peuple amnésique, nous avons trop négligé notre histoire. Peuple passif, nous laissons étouffer notre culture sous les produits du village planétaire", disait le Manifeste pour la Culture wallonne publié en 1983. C'est un peu vrai.

Pourtant, l'identité des peuples prend racine dans leur passé. L'histoire, à laquelle ils se réfèrent, est pour eux un stimulant. Ces références sont vitales pour les nations et renforcent leur vouloir vivre collectif. Nulle nation n'existe sans prise de conscience de ses racines, de son histoire.

Le peuple wallon, de formation récente, présente la particularité de n'avoir pas de mémoire collective. C'est vrai, la Wallonie, en tant qu'entité politique, n'a pas de passé; sa création date de la révision constitutionnelle de 1970 et du fameux article 107 Quater qui crée trois régions en Belgique. Il est aussi des régions riches en culture mais pauvres en sentiment culturel, tant leur environnement renvoie une image vide de sa réalité.

Mais les Wallons, les pays wallons ont un long passé composé d'un riche patrimoine artistique, culturel, scientifique.

La Wallonie contemporaine est née de l'industrie. Parce que le charbon est la principale source d'énergie de l'époque, la Wallonie devient terre d'industries. Elle fut promue pendant un temps au rang des principales régions économiques du monde, grâce à ses industriels et ses ingénieurs d'exception, des financiers audacieux, mais il faut souligner que ce développement n'a été possible que par l'exploitation d'une masse ouvrière laborieuse et habile, sans droits politiques, ou de protection sociale et encore moins juridique. N'est-il pas bon d'avoir cela en mémoire? Les travailleurs ont aussi une histoire à raconter, une culture à transmettre. Avant, les jeunes ouvriers apprenaient le métier sur le tas, à l'atelier, et s'intégraient alors dans un groupe dont ils partageaient les traditions, le vocabulaire ou les fêtes. Aujourd'hui, les restructurations industrielles ont rompu cette intégration et nous n'en mesurons pas encore toutes les conséquences. Qu'avons-nous substitué à la place?

La conservation du patrimoine industriel ancien est indissociable de la conservation de la mémoire collective. Par exemple, la sidérurgie, cathédrale de la révolution industrielle, a son cortège de contes, d'images qui firent la grandeur de notre histoire sociale. Le travail des aciéries a forgé la silhouette de l'ouvrier, puissant et expert, l'excellence ouvrière des travailleurs de Constantin Meunier.

L'utilité de conserver la mémoire collective est de reconstituer certains faits de l'histoire pour voir en quoi ils sont porteurs de la réalité actuelle, en quoi ils l'annoncent, la font nous aider à la préhender. Le 19ème siècle est truffé d'événements que l'on retrouve en variante dans notre société: les problèmes d'adaptation aux technologies nouvelles, par exemple...

Ce passé doit être appréhendé dans le cadre le plus adapté: l'échelon local ou sous-régional. Les projets s'y construisent et les expériences s'y échangent. Ils visent la promotion de l'archéologie industrielle, la protection et la mise en valeur du patrimoine archéologique et historique, l'étude des traditions populaires par la création de centres de documentation et de musées, la réalisation d'exposition. Les plus hardis cherchent à développer des initiatives d'éducation permanente et des foyers de culture populaire ou à perpétuer les métiers anciens, où le travailleur maîtrisait tout le cycle de la fabrication, verre soufflé, fer forgé, fonderie, grès, ... et constituer ainsi une mémoire des techniques. Expériences et projets, publics, privés ou associations, font participer la population régionale à un effort collectif de développement culturel, à la compréhension du milieu humain. Insensiblement, ils construisent notre mémoire collective.

Le devoir des pouvoirs publics, Communauté française et Région wallonne, est d'accompagner plus, de canaliser ce mouvement par la définition d'une politique cohérente englobant mémoire orale, archéologie industrielle, programmes d'enseignement de l'histoire, centres de recherches. Leur rôle est de fonder nos mémoires multiples et diffuses en une perception globale du passé.

Syncrétiser nos mémoires!

(Octobre 1987)


 

 

 

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