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Quelques remarques concernant les langues dialectales de Wallonie à l'aube du XXIème siècle

Jean-Luc FAUCONNIER
Licencié en Philologie romane
Professeur de français à l'Institut provincial supérieur des Sciences sociales et pédagogiques de Marcinelle
Membre titulaire de la Société de Langue et de Littérature wallonne
Chargé de cours de wallon au Centre de perfectionnement pédagogique de la Région de Charleroi

 

Il y a des années que les dialectologues romans prévoient une disparition plus ou moins rapide des dialectes de la Wallonie (wallon, picard, lorrain et champenois). La plupart d'entre eux basent leurs observations sur des constatations qui ont été effectuées en France où des langues comme le berrichon, le normand, le bourguignon ont quasiment disparu de l'usage, balayées par l'enseignement obligatoire, la centralisation administrative si puissante chez nos voisins du sud.

Il semble pourtant qu'il faille quelque peu reviser son jugement à propos des langues dialectales de la Belgique romane et éviter de lier systématiquement leur sort à celui des autres dialectes du domaine d'oïl (un coup d'oeil sur la situation linguistique italienne est d'ailleurs édifiant à ce sujet) car les parlers locaux gardent chez nous une vigueur qui étonne toujours les dialectologues "étrangers".

Il est néanmoins certain que, quelle que soit la passion que l'on éprouve pour les langues dialectales et la culture qu'elles véhiculent, les parlers marginaux sont appelés à disparaître; d'ailleurs, il est même probable que certaines langues nationales connaîtront le même sort dans les siècles qui vont suivre (un bilinguisme de fait s'instaure en Hollande, en Norvège, en Suède où l'anglais est d'un usage de plus en plus courant) en outre, des langues aussi "importantes" que l'allemand, l'italien ou l'espagnol sont obligées de se défendre devant la pression de l'idiome anglo-saxon.

Cette disparition inéluctable a ému bon nombre de wallons qui depuis des années, avec plus ou moins de succès, ont tenté d'enrayer ce processus; certains ont l'espoir de sauver le dialecte, d'autres, plus réalistes, souhaitent retarder le plus longtemps le moment où il disparaîtra; leur but consiste avant tout à garder ce miroir d'une culture régionale que constituent les langues dialectales; d'autres, assimilant ces parlers à des organismes vivants prétendent, non sans raison, que si l'on s'efforce de sauver par exemple, les baleines ou les rhinocéros, on devrait tenter aussi de préserver les langues dialectales.

Si l'on admet que les parlers locaux de notre Wallonie doivent être préservés le plus longtemps possible (leur situation hors de l'hexagone français les ayant fort probablement très bien protégés jusqu'à présent), nous devons nous en donner les moyens.

Le premier d'entre eux consiste dans l'instauration d'un cours basé sur l'étude de la vie régionale qui comprendrait une partie historique et géographique et une partie consacrée à l'étude du dialecte et de sa littérature (les littératures "patoisantes" de Belgique romane sont parmi les plus riches de toute la Romania).

Il conviendrait également que les médias s'ouvrent plus largement aux dialectes; que les journaux, la radio et la télévision cessent de considérer le temps et l'espace qu'ils consacrent à ceux-ci comme de simples politesses destinées à quelques pensionnaires des maisons de repos. L'analyse de certains chiffres pourrait d'ailleurs ouvrir les yeux à quelques "décideurs"; sait-on que dans la région de Charleroi, le théâtre dialectal draine plus de spectateurs que toutes les troupes dramatiques francophones réunies et cela sans aucun soutien publicitaire dispendieux ?

En ralentissant ce processus de disparition des langues dialectales, on pourrait pronostiquer leur survie bien au-delà des premières décennies du vingt et unième siècle, mais si on laisse aller les choses (la vie moderne oblige les gens à étudier et à travailler assez loin de leur lieu d'habitation et les loisirs diffusés coupent bon nombre de contacts sociaux, ce qui constituait le ferment des dialectes), dans quelques dizaines d'années, on verra se répandre dans nos régions une forme de français régional, sabir où se retrouveront mêlés des éléments dialectaux et argotiques qui n'en feront certes pas l'outil de communication international dont rêvent certains "spécialistes" irréalistes.

(Octobre 1987)


 

 

 

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