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Une politique culturelle wallonne spécifique ?

Daniel NORREMBERG
Directeur d'Administration aux Finances, Ministère de la Communauté française de Belgique

 

1. Bien que les activités culturelles ne fassent pas l'objet d'une préoccupation prioritaire de la part de la Communauté économique européenne, les ministres de la Culture se rencontrent régulièrement. Ce sont les latins qui ont pris cette initiative au début des années 1980: J.Lang pour la France, Scotti pour l'Italie, PH. Moureaux pour la Communauté française de Belgique, et Mercouri pour la Grèce. Leur objectif: préserver l'identité culturelle des Etats membres face à la pénétration massive de la culture américaine favorisée par les techniques de diffusion collective. Si l'Europe actuelle compte 9 langues, il est évident que l'anglais prend chaque jour une importance croissante. Déjà le français n'est plus considéré comme la langue de travail de la C.E.E. a fortiori comme un moyen d'expression culturelle important au-delà des frontières de l'hexagone et des nôtres.

2. Le repli wallon constitue certes une réponse possible face à cette Europe de la Culture qui se cherche. Est-ce pour autant la réponse adéquate? Le recul démographique wallon a été souligné par A. Sauvy dès 1961. Depuis, il n'a cessé de s'amplifier. Le gros trois millions d'habitants de Wallonie, puisque un million de Bruxellois sera abandonné dans cette hypothèse, ne sera déjà plus atteint en l'an 2000. Que citer alors comme chiffre en 2030 puisque le mouvement de vieillissement ne cessera de s'accentuer. La sensibilité wallonne n'est pas la même en Picardie qu'au pays de Liège. Favoriser sa diversité exigerait des moyens considérables. Où les trouver dans un espace géographique aussi réduit et qui a été durement touché par la crise?

3. Au moment où le champ culturel devient particulièrement perméable grâce aux satellites de communication par ex. ne vaudrait-il pas mieux s'associer aux partenaires qui utilisent encore la langue française? Les timides accords de coproductions encouragés devraient-ils être remis en question puisque la Wallonie n'est pas habilitée (pour le moment) à passer des accords internationaux? Les lois d'août 1980 ont habilité la seule Communauté française à signer des accords internationaux et à accréditer des attachés culturels dans les Etats avec lesquels une coopération a été organisée depuis lors. Ces lois de 1980 ont en effet créé des institutions où les Wallons et les Bruxellois peuvent se rencontrer et discuter ENSEMBLE de leur avenir. Leur remise en cause signifierait, à brève échéance, la victoire de la thèse flamande revendiquant Bruxelles comme capitale et, à une plus lointaine échéance, la disparition progressive de toute présence francophone à Bruxelles.

4. Le protectionnisme culturel au profit de la culture wallonne ne doit-il pas être interprété comme un aveu de faiblesse et un refus d'accepter la confrontation avec d'autres cultures? Encore faudrait-il avoir la capacité de maintenir des frontières étanches et de convaincre les populations de n'accepter que les manifestations culturelles wallonnes. Ecrire, chanter, jouer, créer, participer à des actions concernant un petit nombre est toujours intéressant. Mais déjà les scientifiques qui veulent être compris ne publient plus qu'en anglais. Le nombre de titres de livres publiés en français est très inférieur à celui des ouvrages anglais diffusés partout dans le monde. Le coût de la moindre production audio-visuelle est évidemment proportionnel aux espérances de diffusion. Seul un petit nombre des 43 chaînes de T. V. qui émettent des programmes en Europe émergera d'ici peu. Des concentrations transnationales se produiront. Prendre une initiative avec de faibles moyens est toujours plus difficile qu'en s'associant avec un maximum de partenaires dans un cadre institutionnel déterminé. L'Europe audio-visuelle n'existe pas encore mais est déjà en gestation.

5. Le secteur privé ne se soucie guère des frontières et les multi-nationales à vocation culturelle multiplient les initiatives en vue de dominer le grand marché européen promis pour 1992. Plus il sera fractionné politiquement, plus facile sera la domination commerciale. Les structures nationales ont déjà bien du mal à formuler une réponse adéquate pour sauvegarder les intérêts politiques. Que penser alors d'une dispersion des efforts entre francophones?

Conclusion

Toute politique favorisant le repli wallon risque d'affaiblir les rares chances de pouvoir préserver l'usage de la langue française dans un monde où elle connaît un repli généralisé. Au moment où l'Espagnol va connaître un essor sans précédent grâce à l'émergence du continent sud-américain dont le poids démographique va croissant, il serait malheureux de fournir prétexte à un nouvel affaiblissement de la culture française dans le monde de demain.

(Octobre 1987)


 

 

 

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