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L'identité wallonne: hypothèques et faux papiers

Jean-Marie KLINKENBERG
Docteur en Philosophie et Lettres - Professeur à l'ULg - Directeur du Centre d'Etudes québécoises

 

Introduction

Parler de la Wallonie, c'est bien souvent se mettre en quête d'une définition.

Selon les cas, en effet, ce qui est désigné par ce nom récemment apparu dans l'histoire peut être un ensemble linguistique, une région économique, un proto-Etat, ou un pur concept géographique. Contrairement à ce que l'on observe dans le cas d'autres noms de collectivités, Wallonie ne déclenche pas chez celui qui l'entend l'évocation d'une imagerie homogène, ne provoque pas la référence à une évidence massive, indiscutée.

Ce qui est en cause ici est donc l'identité wallonne.

Après avoir discuté du concept d'identité collective, nous passerons en revue quelques uns des modèles identitaires jusqu'ici proposés pour la Wallonie. Notre analyse montrera qu'aucun de ces modèles n'est apte à rendre compte de la situation présente de la Wallonie (d'où notre titre).

La réflexion sur l'imaginaire wallon est donc aussi urgente que la critique économique ou institutionnelle.

Ainsi que nous le montrerons plus loin, toute identité se manifeste dans un discours. Discours étant pris au sens large: est un discours un texte littéraire, un éditorial, un traité d'histoire, mais aussi un emblème, un monument, un film. Nous avons choisi de privilégier ici l'expérience verbale, d'abord pour des raisons accidentelles (c'est ce terrain que nous explorons depuis de nombreuses années), mais aussi pour des raisons objectives: il est de fait que, depuis le XIXè siècle et singulièrement depuis le protestantisme, c'est aux écrivants (écrivains au sens strict, mais aussi critiques, mémoralistes, intellectuels) qu'a incombé la plus grosse part du travail de définition des identités en Europe. Notre examen sera nécessairement cursif: on manque encore non seulement d'une bonne analyse, mais même d'un recensement fouillé des textes marquants dans les débuts sur l'identité wallonne, de L'Originalité wallonne de Jules Sotiau au Manifeste pour la culture wallonne.

1. L'identité collective

1.1. Dangers

Identité. Terme dangereux s'il en est. Même si le concept a fait l'objet de définitions rigoureuses dans les sciences sociales et en anthropologie, on doit reconnaître qu'il n'est pas à l'abri de tout soupçon. Alors que "identité" désigne en principe un processus banal de l'activité cognitive (on ne peut connaître un objet qu'en le différenciant de son contexte et en lui attribuant, par contraste, des propriétés absentes de ce contexte), certains discours ont tôt fait d'occulter la démarche de différenciation et d'appréhender les qualités de l'objet non comme un fait existentiel, mais bien comme une essence. Essence par définition immuable, mise à l'abri qu'elle est des contingences. Essence par définition inanalysable, et ne pouvant par conséquent déterminer que des appartenances et des non-appartenances totales. Le renouveau même du concept dans les sciences humaines, où il accompagne le retour d'un sujet triomphant (cfr Oriol ou Igonet, 1984), a de quoi inquiéter. Car on peut attribuer cette thématique à une nouvelle culture qui s'élabore sous nos yeux. Culture narcissique - pour reprendre l'expression de Chr. Lasch - liée aux nouvelles conditions économiques. Après la parenthèse des golden sixties (qui, déjà, ne furent guère d'or pour la Wallonie), la scène que constituent les pays développés a en effet bien changé: l'emprise des individus sur leur existence y faiblit (ou tout au moins l'idée que cette emprise est possible est mise en doute). Les disciplines qui faisaient profession d'expliquer certains phénomènes apparaissent aujourd'hui comme impuissantes à rendre compte des formes nouvelles qu'ils prennent. Le statut de la rationalité dans les sciences sociales est dès lors mis en cause, comme aussi la dimension collective et historique des phénomènes qu'elles étudient. D'où le retour du sujet - sujet appréhendé en dehors des idéologies qui, prétendûment, le réduiraient -, et la remise à l'honneur du temps personnel, débranché de toute historicité. Dans cette culture, l'insignifiance de l'existence et l'anxiété qui en découle est compensée par une attention exclusive au moi. Cette idéologie narcissique correspond assez bien à l'implantation de la doctrine néo-libérale ou - pour utiliser un terme prêtant moins à confusion - libertariste: au constructivisme, le libertarisme oppose une conception de l'homme comme totalement investi du droit de disposer de lui-même.

1.2. Précautions

Qui voudrait parler de l'identité wallonne devrait se garder des dangers dont on vient de parler. Et pour cela, deux précautions doivent être prises.

1.2.1. La première: assumer explicitement la dimension pragmatique de l'identité. L'homme, en effet, ne vit pas que d'analyses. Il doit aussi agir, et des discours aussi mystifiants aux yeux d'un rationaliste que la poésie ou le slogan lui sont un puissant moyen d'action. Ces discours peuvent en effet non seulement créer de nouvelles dispositions psychologiques, mais aussi engendrer des concepts nouveaux, et donc jouer un rôle herméneutique. Le discours de l'identité peut ainsi servir le décryptage de la réalité, en fonction de certains objectifs.

1.2.2. La deuxième précaution est du même ordre que la première. Afin de ne pas hypostasier les propriétés de l'objet identifié, tout discours sur l'identité se doit de prendre en considération non seulement les traits qui constituent cette identité, mais encore le processus d'identification: celui qui sélectionne les traits définitoires et leur donne un sens. Autrement dit, il faut se poser la question: qui parle? et d'où parle-t-on? Seule la prise en considération de ce processus permet de voir que l'identité est une pratique sociale: le contenu d'une identité peut varier en fonction des intérêts d'un groupe, elle peut être instable, en ce qu'elle reflète les tensions entre les différentes fractions du groupe, elle peut être plurielle si plusieurs fractions élaborent leur vision du groupe (ce que nous verrons d'ailleurs bien dans le cas de l'identité wallonne). Pour Kirsch (1987: 31), "L'identité collective doit être resituée dans le processus de vie sociale. Cela signifie que l'on ne peut postuler que toute identité de groupe doit prendre la forme de l'identité nationale au sens contemporain. Cela signifie aussi la reconnaissance du caractère historiques des identités, c'est-à-dire de leur caractère transitoire, elles ont eu un début et on peut penser qu'elles auront une fin. Cela signifie en outre la possibilité d'exister de plusieurs identités superposées, concurrentes ou non, à certains endroits et à certains moments. Cela signifie enfin la possibilité de l'intensité variable de l'identité collective dans le temps. L'identité collective peut faire l'objet d'élaborations nouvelles et peut s'inscrire dans des projets de groupes, de classes ou de fractions: en ce sens, l'identité peut faire l'objet de luttes de classements entre groupes et à l'intérieur de groupes".

1.3. Naissances de l'identité

Ces précautions prises, nous pouvons préciser qu'une identité collective est l'aboutissement d'un processus symbolique complexe, que nous pouvons schématiser en trois phases:

1.3.1. Il faut tout d'abord un substrat objectif, condition nécessaire, mais non suffisante: ce peut être un cadre de vie commun, certains comportements (allant du culinaire et du vestimentaire au religieux ou au politique), certaines situations sociales, etc.

1.3.2. Il faut ensuite une sélection de certains de ces traits, dès lors assumés comme autant de signes de démarcation. Ce que Bernier, parlant du nationalisme, nomme la "mobilisation de la trame de la vie quotidienne"(1983: 120). Ce processus de mobilisation relativise le substrat objectif, lequel peut être flou et largement diversifié (sans cependant pouvoir être inexistant).

1.3.3. Mais cette définition - qui fait monter à la conscience les traits du substrat qui pouvaient jusque là rester inconscients - ne suffit pas encore. Pour que l'identité puisse orienter collectivement l'action, elle doit se manifester largement aux yeux de cette collectivité; autrement dit, elle doit être communicable, ce qui suppose une certaine forme d'institutionnalisation. Bourdieu (1980: 65) note ainsi que, dans la pratique, les traits objectifs de l'habitus "sont l'objet de représentations mentales, c'est-à-dire d'actes de perception et d'appréciation, de connaissance et de reconnaissance, où les agents investissent leurs intérêts et leurs présupposés, et de représentations objectales, dans des choses (emblèmes, drapeaux, insignes, etc. )ou des actes, stratégies intéressées de manipulation symbolique qui visent à déterminer la représentation (mentale) que les autres peuvent se faire de ces propriétés et de leurs porteurs. Autrement dit, les traits que recensent les ethnologues ou les sociologues objectivistes dès qu'ils sont perçus et appréciés comme ils le sont dans la pratique, fonctionnent comme des signes, des emblèmes et des stigmates".

2. Les identités wallonnes

2.1. Une formalisation faible

Nous pouvons maintenant aborder le problème de l'identité wallonne.

La première constatation qu'on peut faire est que les débats autour de cette identité ont le plus souvent eu lieu autour de substrat objectif et non du processus de formalisation. Or, ce substrat est, comme on vient de le voir, non pertinent en soi. Un Maurice Piron a pu tenir la gageure de peindre Les Wallons dans la "Revue de psychologie des peuples" (reproduit in Piron, 1978: 151-156) sans tomber dans la caricature qu'implique trop souvent ce type d'exercice. Et sans doute est-ce là une des meilleures et des plus compendieuses approches du substrat objectif d'une identité wallonne. Mais force lui était de déclarer aléatoire toute tentative de définition d'une originalité wallonne. Difficulté portée au compte d'un "individualisme foncier", qui devient ainsi un élément de la formalisation...

Le fait que les débats portent sur le substrat n'est qu'un effet de la faiblesse de la représentation.

M. Otten (1981: 11) fait pertinemment observer que si la littérature d'aujourd'hui manifeste la nécessité de dire la région, comme source de rêve ou objet de désir, "ce travail de l'imaginaire n'a de sens que s'il s'appuye sur les virtualités d'un substrat mythique, légendaire, artistique, où la communauté puise l'intuition de son identité"mais que, sur ce plan "la Wallonie ne peut faire fond sur aucune tradition". C'est qu'une identité, pour jouer son rôle moteur, doit manifester une grande consistance. Le modèle mobilisateur qu'elle offre doit être à même de surdéterminer tous les discours variés qui s'y inscriront. (Les critiques de la littérature québécoise l'ont bien senti, qui ont mis en avant la notion de "texte national"). La puissance du modèle va nécessairement de pair avec sa souplesse: il doit en effet pouvoir absorber les modifications apportées par l'histoire, ne pas voler en éclat au moindre changement de la structure sociale. Il lui faut donc comporter les mécanismes de son propre aménagement.

Au vrai, il est peut-être optimiste de parler de représentation faible. Un pessimiste aurait sans doute affirmé l'occultation totale de l'identité. Occultation par le silence d'abord. Analysant cette variation sur le thème de l'identité que fut, en 1980, la grande somme intitulée "La Belgique malgré tout", R. Andrianne note pertinemment que "La Wallonie, même pour ceux qui y sont nés (la majeure partie du corpus), ne semble pas hanter l'imaginaire des écrivains. Ceux qui en parlent (3 sur 69) en donnent une image passéiste" (1983: 139).

Occultation, aussi, par la dénégation, quand on attire l'attention sur le côté nivelant, ou mythique, de l'identité: "A l'officielle qui nous découvrit d'immémoriales racines belges (...) tend ainsi à se substituer une autre mythologie historique qui entend nous trouver de tout aussi immémoriales racines wallonnes" (Quaghebeur, 1980: 510). Propos qui ne manque pas de pertinence lorsqu'on considère ce que nous nommerons plus loin le modèle populiste, mais qui aboutirait sans doute à jeter le bébé avec l'eau du bain s'il proposait aux intellectuels l'idéal d'une identité coupée de l'histoire exclusivement liée qu'elle serait au travail de l'écriture. Or, c'est bien à ce processus qu'on assiste actuellement, si du moins on considère ce que l'on peut approximativement désigner comme la "grande littérature": après une cinquantaine d'années où prévalut le modèle franco-centrique, on a pu assister, dans les années 70, à ce qui paraissait bien être une réflexion sur l'identité du francophone belge. Les discours élaborés alors l'ont été autour de la notion de belgitude: la Belgique comme creux, comme négativité ou questionnement. Mais loin d'amener l'intellectuel à s'interroger sur son insertion, ce débat - d'ailleurs aujourd'hui dépassé - semble l'avoir confirmé dans sa solitude: l'exil est bon, car le créateur est nécessairement un exilé de l'intérieur. Il n'avait donc pas exactement la portée que, dans notre optimisme, nous lui avions donnée d'abord (Klinkenberg, 1981).

2.2. Populisme

La première identité attribuée à la Wallonie peut être qualifiée de nationale et de populiste. C'est sur elle que nous nous attardons le plus, car c'est ici que le discours mobilisateur s'est fait le plus élaboré.

Pour comprendre sa constitution, il faut remonter aux débuts de l'ère industrielle, qui a vu se créer les Etats-nations et le concept de nationalisme tel qu'il s'est incarné jusqu'à la seconde moitié du XXè siècle. Le capitalisme moderne amène au pouvoir une bourgeoisie commerçante qui, gênée par les frontières féodales, créera les grands ensembles que seront les Etats modernes. Ces entités territoriales doivent bien entendu être légitimées. Elles le seront par une idéologie de l'unité qui sera le nationalisme. Dans la cas wallon, cette idéologie fut belge. Elle ne pouvait pas ne pas l'être: la bourgeoisie au profit de laquelle s'élaborait le nouvel Etat était transculturelle. Et c'est en l'espace de neuf ans à peine (de 1830 à 1839)que s'élabore l'idéologie du nationalisme qui aboutira à la célèbre définition de "l'âme belge" (cfr Klinkenberg, 1980). On sait ce qu'il est en général advenu des cultures régionales au cours de l'élaboration des nationalismes: elles ont fait l'objet d'un travail d'"infériorisation". Travail qui n'est pas encore bien connu aujourd'hui: car ce n'est pas d'une disqualification pure et simple des cultures régionales qu'il faut parler, mais bien plutôt d'une nouvelle distribution des rôles entre nation et région. Cette dernière (qui n'a statut de "région" que par contraste avec le nouveau statut de la nation) pouvait d'autant moins être niée en Belgique que la répartition quantitative des groupes linguistiques ne permettait pas au discours de l'unité de se déployer comme en France, par exemple. Il fallait donc trouver un statut à la région, ou plus exactement un sous-statut. Elle deviendra alors le réservoir de ces caractéristiques qui ont permis l'élaboration de la Nation, mais prises à l'état pur, antérieurement à leur réalisation dans l'Etat et à leur expression dans l'ère industrielle. Pour prendre un exemple précis, on pourra dire que le "bon sens" - attribué à la nationalité belge et qui explique ses bonnes performances économiques - tire sa source de vertus populaires, vécues avant toute industrialisation, et destinées à survivre dans un fonds où, sans cesse, l'évolué pourra aller se ressourcer.

Telle sera la Wallonie qui se modèle au XIXè siècle: terre d'âge d'or, précisément peuplée de ceux que l'évolution économique est en train de rejeter hors du champ de l'histoire: artisans, boutiquiers; en elle s'incarnent toutes les nostalgies. La naissance de cette idéologie épouse donc étroitement les modifications de la stratification sociale, ainsi que le note M. Quévit: "L'avènement de cette bourgeoisie s'est fait aux dépens des élites locales qui, soit ont emboîté le pas et suivi le mouvement unitaire et national, soit se sont cloisonnées dans un provincialisme étroit. Dès lors d'une manière paradoxale, tandis que se développait la valeur d'unité nationale, l'attachement aux autonomies provinciales et le sentiment d'appartenance sous-régionales qui y correspond, demeureront très puissant en Wallonie". Mais on l'a vu, le paradoxe n'est qu'apparent: c'est dans le terreau de l'ère industrielle qu'est née l'émotivité préromantique qui a permis d'exprimer ces sentiments.

Rien n'illustre mieux l'évolution et les fonctions du populisme wallon que le "principautarisme" liégeoise, érigé par nombre de ceux qui le professent en modèle possible pour la culture wallonne. Mais nous aurions pu prendre nos exemples ailleurs. Ainsi dans les oeuvres de Louis Delattre (qui brodent autour de la vision amusée des petites choses, que l'on attribue volontiers au tempérament wallon) ou dans les trignollades confectionnées à jet continu depuis 1938 par un Arthur Masson, pétantes de bonne santé morale.
Cette idéologie principautaire, en voie de constitution depuis l'extrême fin du XIXè, a récemment connu une de ses plus notables expressions "de pain du Millénaire en bières Notger ou Tchantchès, commémorations et jubilés vivifient périodiquement l'image du Liégeois éternel, gai, frondeur et vif au travail, ami de la France et détenteur du meilleur de l'esprit wallon"(Leboutte, 1983). Discours habité de petitesse gentille et de grandeur passée, peuplé d'impertinences au grand coeur, d'artisans modestes mais fiers de leurs traditions; ardeur et douceur: cité Ardente et Petite France de Meuse.

Constitution d'une idéologie, disons-nous. En fait, c'est plutôt de reconstitution qu'il faut parler. Car la source de cette imgagerie est à rechercher plus haut. On la doit essentiellement aux romantiques français - Dumas, Hugo, Michelet, Gautier, Sainte-Beuve. Ceux-ci, outre qu'ils trouvaient en terre liégeoise les contrastes propres à leur plaire - nature accidentée, ruelles ombreuses et tortueuses, scènes industrielles titanesques, présence vivante de l'Histoire - se plaisent à relayer la francophilie qu'ils rencontraient chez leurs interlocuteurs de la bourgeoisie avancée. On sait que la francophilie de cette classe a profondément marqué les premières années de l'Etat belge. Mais une fois déçus les espoirs de rattachement à la France, il restait à cette frange de l'opinion à élaborer une idéologie compensatoire. Et de français, le patriotisme liégeois se fit belge. N'étaient-ce pas les Liégeois qui avaient tenu le jeune royaume sur les fonds baptismaux? Et la Constitution élaborée n'était-elle pas l'héritière du libéralisme principautaire? Syncrétisme parfaitement résumé dans l'exclamation de M. Polain: "Soyons Belges, c'est encore être Liégeois!" L'idéologie principautaire est dès lors mise sur la touche. Mais au tournant du siècle, les conditions matérielles du discours culturel se modifient progressivement.

Sur le plan politique et économique, le personnel liégeois est évincé au profit de la classe dominante bruxelloise qu'il a contribué à former: d'où un repli liégeois, sensible en littérature dès le début du siècle. Il s'exprime surtout chez Glesener qui publie en 1890 et en 1905 "Aristide Truffaut" et "Le coeur de François Remy", mais qui donnera encore, après les nouvelles paysannes de l'Ombre des sapins (1934), celles d'Entre les coteaux bleus(1937), où il fait vivre une fois de plus les boutiquiers, les artisans et les filles de Liège. Le repli va s'accentuer avec la fin de la grande période classique des lettres belges. Alors que jusqu'en 1920, la part y est faite belle à une rhétorique et à une mythologie nordique (créatrices de la seule image acceptable de la Belgique littéraire sur le marché des biens culturels), les bouleversements sociaux obligent l'intellectuel francophone à structurer son système de valeurs.

Deux solutions sont dès lors théoriquement possibles pour le francophone belge. Soit le départ (d'où la fuite d'un Michaux). Soit, pour ceux qui restent, l'obligatoire schizophrénie: wallons de corps et, pour certains, d'engagement, les voilà français de plume (inconfort bien exprimé par les contorsions d'un Charles Plisnier).

Pour les Liégeois, il en est une troisième. Ou plutôt - et la nuance est importante - une manière de vivre la seconde de manière moins déchirante: l'idéologie principautaire lui offre le luxe de vivre son tropisme vers Paris sans le condamner à l'exil intérieur et la sécurité d'une "position préparée à l'avance". Cette idéologie se construit patiemment dans l'oeuvre poétique et romanesque de nombre d'auteurs dont tous ne sont pas Liégeois (par exemple Maurice Des Ombiaux, qui donne en 1932 "Liège qui bout" et "Liège à la France" en 1934). C'est qu'elle s'offre en effet comme un modèle à toute la Wallonie, à laquelle elle entend donner une âme et une capitale spirituelle. Oeuvre de notables, elle veut présenter, toutes contradictions gommées, une image positive du "bon peuple" liégeois, réputé ardent, mais assoiffé d'ordre. Celui d'Outre-Meuse en est, évidemment, le modèle achevé. Nous retrouvons une fois de plus ici le mythe inventé pour les besoins de la bourgeoisie romantique, assoiffée d'arcardiennes bergeries et qui nommait Peuple dans le livre ce qu'elle appelait populace dans la rue. Ce peuple anachronique, ce " bon géant, naïf et infaillible, ignorant tout mais plusavant et vertueux que les savants, ogre gentil, débonnaire et vertueux" (C. Roy), on le trouve dans "Le Volontaire liégeois", de D. Horrent (1930), il s'anime dans "Autour du perron" et "Petite France de Meuse" de Ch. Delchevalerie (1932 et 33). L'inflation d'oeuvres "liégeoises", de H. Colleye (Liège est fine et belle, 1933) à Jules Bosmant et à Olympe Gilbart est, dans les années 30, étonnante. Le regain universel des nationalismes y est pour quelque chose. Beaucoup de revues sont en tout cas vouées à l'auto-célébration, comme l'éclectique "Wallonie en fleur" de C. Fabry (1923-1928).

Cet assez long détour dans l'histoire des sensibilités est riche d'enseignements. Il montre en effet les dangers qu'il y a d'ériger le populisme décrit en identité wallonne, dangers presque inévitables: au fur et à mesure que progresse lentement le nationalisme belge, c'est cette identité qui tend à s'y substituer: parce qu'elle est déjà constituée, parce qu'elle s'exprime par de nombreuses voix et sur des modèles multiples. Même si le courant qui la fonde n'a pas donné de grand mythe fondateur, elle a la consistance de ce qui existe déjà.

Or il est trop évident que ce discours populiste n'est porteur d'aucun avenir. Il ne nous donne pas de clés pour comprendre notre présent, sur lequel il ne nous permet donc pas d'agir. L'analyse de la naissance et de son développement dit assez qu'il n'a pu jusqu'ici jouer qu'un rôle compensatoire.

2. 3. Folklorisme

Parce qu'elle est à peu près la seule à énoncer une identité, la littérature moyenne, dont relèvent tous les témoins que nous avons cités, ne pouvait pas ne pas rencontrer le folklore. Et c'est ici le lieu de dénoncer une nouvelle ambiguïté des identités wallonnes.

Autrefois diffusé par des voies principalement orales et constituant, avec l'enseignement religieux, le seul horizon idéologique de larges couches de la population, le folklore a connu chez nous une mutation capitale. Loin d'être encore le médium obligatoire par lequel passent les grandes représentations, il est devenu un objet parmi tous ceux que manipulent les mass media; il est devenu, entre autres choses, élément de pittoresque parmi ceux qu'offre la vitrine aux loisirs. Très souvent, la pratique folklorique a donc cessé d'être un moyen de participation à l'être d'un groupe pour devenir un spectacle à consommer, au même titre que le match de football ou l'émission télévisée; c'est le cas, par exemple, de la plupart des carnavals. En retour, la socialisation planétaire pousse certains à retourner au folklore local, dans lequel ils pensent trouver un remède à l'uniformisation. De là le regain d'intérêt, s'essoufflant un peu ces dernières années, pour les anciens métiers (tisserand, montreur de marionnettes), pour les collectivités à taille humaine (des artistes et intellectuels colonisant telle impasse populaire, tel village), pour les manifestations de groupe où les différences s'abolissent, pour des arts d'exécution simple et ayant le goût du vieux temps (groupes instrumentaux pratiquant la vielle ou l'épinette, danses folkloriques). Regain d'intérêt d'autant plus pertinent que la Wallonie a la chance de disposer d'un patrimoine sinon original (l'originalité, en matière de folklore, étant à ranger au rayon des illusions), du moins porteur d'une certaine marque d'unicité, que lui donnent des usages locaux encore vivaces, des traditions plus assoupies que mortes, et, surtout, un dialecte à l'individualité linguistiquement bien marquée, ainsi que des variétés linguistiques françaises perçues comme originales par les locuteurs (cfr Lafontaine, 1987).

Sans nier la qualité de ce mouvement de "néoarchaïsme" (selon le terme d'Edgar Morin), on doit au moins noter deux de ses ambiguïtés: d'une part, quoique fondé sur des "valeurs populaires", il reste le plus souvent le fait des couches intellectuelles ou moyennes de la population; d'autre part, il représente plus une fuite qu'une solution réelle aux problèmes qui sont à l'origine de ce désir de remonter aux sources. D'où, sans doute, l'échec de nombreuses tentatives "d'animation", qui sont parfois comparables aux décourageantes expéditions des missionnaires d'autrefois. Mais de là, aussi, leur réussite lorsque la pratique du cramignon, l'apparition de ménétriers ou la mise sur pied de spectacles d'amateurs ne sont que des composantes d'actions plus vastes mobilisant les collectivités: dans plusieurs villes de Wallonie, on se souviendra sans doute de l'animation qui règna dans certains quartiers populaires lorsque se précisèrent (puis se réalisèrent) certaines menaces de massacres urbanistiques. On le voit donc, si le retour au folklore peut constituer un élément important de la vie culturelle wallonne d'aujourd'hui, il ne saurait prétendre à être la panacée. Il ne faut en tout cas pas - c'est un risque que perçoivent certains jeunes animateurs - qu'une certaine commercialisation du folklore aide la Wallonie à accepter son statut de "réserve": réserve de main-d'oeuvre, réserve de vieux consommateurs, réserve touristique où il ne restera plus aux autochtones vêtus de sarrau qu'à scander Marèye clap'sabot pour l'esbaudis-sement de bénéluxiens plus dynamiques et d'Européens à devises fortes.

2.3. Socialisme

Une dernière identité wallonne est directement liée à l'industrialisation (directement: l'identité populiste l'était, a-t-on dit, indirectement). Ce sont surtout des observateurs contemporains qui ont insisté sur ce point, de M. Quévit à J. Fontaine. Citons T. Michel, le jeune cinéaste de Hiver 60: "Nous avons été marqué par 150 ans d'aventures industrielles. Il y a trois siècles, nous n'existions pratiquement pas. Notre bagage émotionnel commence avec cet héritage, les mines, les verreries, etc. Les terrils étaient ma plaine de jeux, la lumière était cachée par les fumées noires et la pluie aussi était crasseuse, le visage des gens marqués par le travail (...). Notre génération est celle qui a les moyens de dire et de montrer cela, au moment où cela nous échappe... Ce monde se termine. Notre identité se situe là, dans ce questionnement par rapport à cette conscience paradoxale" (in AA. VV, 1985: 22).

Nous aurons à revenir sur ce paradoxe. Mais notons dès à présent que la liaison entre une personnalité wallonne et les bouleversements culturels provoqués par l'industrialisation n'est pas neuve. Un récent colloque d'historiens consacré aux grandes grèves de 1886 n'avait-il pas pris pour titre La Wallonie née de la grève ?

Par ailleurs, nombre d'événements historiques dont l'interprétation semble aujourd'hui aller de soi peuvent également être lus grâce à cette clé. Ainsi, la crainte des francophones devant la montée de la revendication flamande n'a pas seulement été le fait de fonctionnaires désireux de conserver leurs places en Flandre. Il a pu y avoir la conscience d'une disparité dans les sensibilités politiques et culturelles. Un Jules Destrée, par exemple, a pu être déçu de voir que, malgré une majorité laïque obtenue en Wallonie grâce à une alliance entre l'aile radicale du libéralisme et le mouvement ouvrier socialiste, la majorité catholique continuait à s'imposer au pays, à la faveur du poids relatif de la Flandre. C'est pour la même raison qu'après les élections de juin 1911 - lesquelles débouchèrent sur un gouvernement catholique homogène - une grève éclata dans le Borinage. L'histoire doit ainsi faire la part d'un important courant de sensibilité, disons fédéraliste et démocratique, qui ne date pas d'hier, puisqu'on alla jusqu'à manifester cette sensibilité le 7 septembre 1913 au Conseil provincial de Mons, devant Albert 1er.

Cette sensibilité put se traduire en divers langages: sur le mode personnaliste avec Elie Baussart, autant que sur le mode laïciste, avec certains libéraux. Mais il est à noter que cette nouvelle identité fondée sur le lien entre industrialisation et culture n'a pas donné lieu à des discours marquants, rapidement repris et diffusés par la collectivité.

Ceux dont les intérêts ne seraient pas servis par cette identité socio-économique verront une explication simple à cette discrétion. Ils affirmeront que le discours "ouvriériste" mutile la réalité de la Wallonie, en la ramenant au seul cadre urbain qui s'est créé dans le sillon Sambre-Meuse, alors qu'il existe une autre Wallonie, celle de l'axe Bruxelles-Arlon, et qui ne serait, elle, que bourgades résidentielles, villes de service, campagne... Explication illusoire, évidemment, puisqu'elle explique par le substrat une absence qui est d'un autre ordre.

C'est en effet sur le plan de la formalisation qu'il faut envisager la faiblesse de ce nouveau discours. Et c'est, sans doute une fois encore, un ensemble de facteurs socio-historique qui l'explique. La conscience populiste étudiée a en effet été l'apanage d'une intelligentia dont les premières attitudes ont été défensives: même s'il faut apporter les nuances sur lesquelles nous avons d'abord attiré l'attention, il s'agissait d'abord d'oeuvrer pour cette langue française dont la suprématie était menacée par les revendications flamandes. Grosso modo, c'est ainsi dans une classe sociologiquement identique à celle qui fut le siège de l'idéologie unitariste belge que s'est développé le premier discours anti-unitariste francophone. Un ensemble important d'arguments furent d'ailleurs transférés tels quels d'un discours dans l'autre. Ce discours, plus formalisé, étant énoncé dans des milieux plus aptes à en assurer la diffusion, on conçoit que le discours économique et social ait eu des difficultés à se développer au point d'investir l'imaginaire des créateurs. Non seulement ce deuxième discours servait des intérêts différents du premier, mais encore devait non pas naître mais se développer plus tardivement, et dans des milieux syndicaux progressistes d'abord, dans les milieux intellectuels ensuite. Or les conditions objectives principales de ce discours (non point nécessairement la crise, mais déjà la seule perte du monopole industriel) sont apparues à une époque où le lien s'était distendu entre la diffusion culturelle et les milieux syndicaux. On sait que la guerre 40-45 a tourné une page de l'histoire du mouvement ouvrier: les cercles d'éducation populaire, le théâtre des maisons du peuple, voire le théâtre d'agitation (théâtre étudié par Perin, 1979) ont été balayés, et bien peu remplacés par un théâtre-action, dont le faible rayonnement est d'ailleurs orchestré.

On le voit, l'hypothèque qui pèse sur l'avènement d'un discours de l'imaginaire industriel n'est pas à proprement parler le paradoxe noté par T. Michel: rien n'interdit à une identité de s'enraciner dans un substrat en pleine mutation; rien n'interdit à un propos porteur d'avenir de s'articuler à un univers qui va disparaître. Le problème est plutôt du côté de la rareté de voix susceptibles de le formuler.

3. Conclusion

Il nous faut sans doute ici nuancer les termes polémiques de notre titre: en matière d'identités, et puisque celles-ci profitent toujours à quelqu'un, il n'y a pas de faux. Mais au moins peut-on choisir son point de vue. Et, au nôtre, les identités jusqu'à présent données à la Wallonie sont des hypothèques. Soit qu'elles fassent fond sur un substrat dont les liens avec les problèmes actuels de la Wallonie sont inexistants, soit que les moyens que leur formalisation s'est donnée restent inadéquats. Si la culture est un ensemble de représentations qui doit permettre de se situer dans notre monde et d'y agir collectivement, alors on voit mal en quoi ces identités seraient porteuses d'une culture nouvelle. Hypothèse plus lourde que celle du silence, celle qui invoque la Haute Responsabilité du clerc et son Rôle Critique pour le dispenser de prendre ses responsabilités ici et maintenant, et de l'empêcher de jouer un rôle critique ici et maintenant, celle qui parle de la subversion par l'écriture pour mieux consolider le pouvoir symbolique.

Mais des pistes sont ouvertes depuis plusieurs années déjà. Il n'est pas du pouvoir d'une assemblée, aussi libre fût-elle, de créer le texte fondateur, celui qui subsume les différentes facettes d'une identité, et donne le branle à un grand discours collectif, qu'il féconde et finalise. Mais il est de notre responsabilité de réfléchir aux fonctions et au fonctionnement des identités wallonnes. C'est un signe d'importance qu'une anthropologue étudiant l'identité collective en Belgique francophone et au Québec souligne le fait que le Manifeste pour la culture wallonne "évite la définition essentialiste de la culture et de l'appartenance". C'est un signe que le mot même d'identité, avec ce qu'il suppose de statique, ait été contesté au profit de celui d'identification, destiné à faire apparaître au grand jour le rôle pragmatique des appartenances (J/Dubois, in AA. VV., 1985: 21-22), c'est un signe que l'appartenance soit désormais traitée en termes de responsabilité.

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