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La communautarisation de l'enseignement

Jean-Pierre GUISSARD
Président de la FAPEO (Fédération des Associations de Parents de l'Enseignement officiel) -
Licencié en Sciences politiques et administratives

 

Ces dernières années, nos gouvernants ont décidé des mesures d'austérité en matière d'enseignement entraînant un déssaisissement des missions spécifiques prévues par la législation, telles que les transports scolaires, les centres PMS, les normes scolaires, etc.

Notre fédération déplore le caractère restrictif des mesures prises par le gouvernement en ce qu'elles s'opposent à l'instauration d'une large autonomie et d'une réelle participation des parents à la problématique de l'enseignement. Elle a constaté simultanément le refus des décideurs politiques d'accorder concrètement à la communauté éducative une large responsabilité et la participation à la gestion de la problématique de l'enseignement.

La communautarisation de l'enseignement a commencé de fait avec la division du Ministère de l'Instruction publique en deux Ministères de l'Education nationale, francophone et néerlandophone, favorisant l'éclosion de projets pédagogiques propres à chaque Communauté.

Aujourd'hui, au sein de l'enseignement francophone les compétences sont réparties entre quatre ministres. Dans le contexte politique des "compromis à la belge" cette situation s'oppose à la concrétisation d'un projet pédagogique communautaire cohérent.

Le statu quo actuel qu'une minorité de nos concitoyens souhaite maintenir au nom de la liberté d'enseignement n'est plus tolérable. Pour ces motifs notamment, la FAPEO préconise une communautarisation rapide de l'enseignement.

Nous examinerons successivement les aspects financier, structurel et éducatif.

1. Aspect financier

Aujourd'hui, le financement des Communautés s'effectue selon le système des dotations. La communautarisation de l'enseignement représente un transfert important des moyens financiers de l'Etat vers les communautés. Ces budgets sont maintenant présentés à la discussion et à l'approbation parlementaire sous les noms de Ministère de l'Education nationale pour les francophones et Ministerie Van Onderwijs pour les néerlandophones.

Cette "communautarisation" budgétaire au sein de l'Etat belge a attribué des moyens financiers à chaque communauté au sein du budget national.

La masse financière de l'Education nationale-Communautés confondues- représente grosso modo le 1/5 du budget national global. Elle regroupe essentiellement les subventions, les frais de fonctionnement et la masse salariale du personnel d'encadrement et administratif de l'Education nationale.

Les premières mesures budgétaires, fin des années 70, ont de plus introduit, d'après nous, une clé de répartition subjective.

Chaque année, des parlementaires flamands réclament plus de moyens en faveur du budget néerlandophone au détriment de celui des francophones. Ce lent grignotage budgétaire se poursuit inexorablement année par année. Les restrictions budgétaires ont considérablement réduit les sommes allouées à l'ensemble des réseaux. Celles-ci ont affecté de manière plus dure l'enseignement officiel que l'enseignement subventionné privé. Ce dernier obtient d'ailleurs, d'une part des subventions des fonds publics conformément aux différents accords du pacte scolaire et du prescrit constitutionnel de l'article 17 de notre charte nationale.

D'autre part, cet enseignement subventionné privé gère des masses financières en vue de développer son réseau d'enseignement sans contrainte ni contrôle de tutelle.

Les mesures de Val Duchesse ont diminué en outre de plus de 14 milliards la part francophone du budget.

La conjonction des diverses mesures décidées par le gouvernement en matière d'enseignement et avalisées par la suite au parlement par la majorité politique actuelle constitue, selon nous, une perte irrémédiable de moyens financiers alloués à notre Communauté.

Certaines mesures telles celles relatives au transport scolaire, aux centres PMS ne constituent même pas une économie substantielle. Dans certains cas elles entraîneront des dépenses supplémentaires... En outre, certaines décisions placent l'enseignement officiel subventionné et l'enseignement de l'Etat en situation financière défavorable par rapport à l'enseignement privé notamment en matière de gestion des subventions allouées aux établissements scolaires.

La communautarisation de l'enseignement concerne outre ces problèmes de subventions et de traitements, la paix et l'obligation scolaire, les structures de l'enseignement, les diplômes et les normes de population. Aussi, nous estimons utile le calcul de l'incidence financière de la communautarisation, vu que la stratégie développée jusqu'à ce jour dénude de plus en plus notre communauté de ses avoirs et moyens financiers.

2. Aspect structurel

L'histoire scolaire de notre pays a connu au cours de ces cent vingt années des bouleversements importants. Des tâches, des missions spécifiques d'éducation ont été confiées par la loi à des pouvoirs politiques en vue d'organiser l'obligation scolaire tout en respectant le libre choix philosophique.

Cette situation a conduit à la création de trois réseaux officiels: le communal, le provincial et l'enseignement organisé par l'Etat.

Cette richesse de réseaux publics se trouve reprise dans les tableaux joints en annexe. Nous évaluerons les données statistiques de la population scolaire au cours des dernières années en additionnant chaque fois les trois réseaux publics et en les comparant globalement et non séparément par rapport à l'enseignement privé.

Nous analyserons ainsi l'évolution de la population scolaire, du maternel au secondaire depuis l'année scolaire 1977-78. (voir tableaux en annexe). Nous constatons que le nombre d'élèves de l'enseignement public diminue plus rapidement que celui de l'enseignement privé. Nous constatons cependant la répartition quasi constante du même rapport exprimé en pourcentage au sein des trois niveaux d'enseignement.

La baisse de population scolaire correspond au phénomène de dénatalité que nous connaissons depuis le fin du baby boom des années 60. Cette justification démographique voile des disparités structurelles et budgétaires favorisant essentiellement l'enseignement privé: offre globale plus diversifiée au niveau de l'enseignement secondaire et austérité budgétaire moindre.

Le cumul des économies imposées uniquement aux divers réseaux de l'enseignement officiel induit de nombreux parents à opter en faveur d'un réseau subventionné privé, dispensateur d'un éventail d'options d'enseignement répondant aux aspirations du milieu local et moins rigide que celui du réseau public. Ce réseau subventionné privé abuse de l'arsenal de règlements et lois mis à sa disposition en vue d'adapter annuellement ses offres d'enseignement secondaire.

Un degré d'observation autonome constitue le centre d'éclatement vers des créneaux plus traditionnels: enseignement général, technique, de transition, de qualification et professionnel.

L'enseignement public ne dispose nullement d'une telle structure d'organisation de l'enseignement secondaire. Chaque réseau d'enseignement officiel dispense ses offres d'enseignement sans utilisation commune de locaux, de moyens ou de personnes.

Cette souplesse d'adaptation de l'enseignement privé couvre de manière rationnelle la totalité du territoire wallon alors que les réseaux publics se livrent concurrence et délaissent des créneaux d'options d'enseignement secondaire.

La comparaison des offres d'enseignement entre les réseaux public et privé indique un déficit d'offres de la part de l'enseignement officiel. En ce qui concerne l'enseignement supérieur non universitaire, le transfert géographique des sièges d'implantation, au début de l'année scolaire, modifie le paysage scolaire, entraîne la disparition d'offres d'options d'enseignement. La cohérence pédagogique a pour le moins été troublée. La paix scolaire et la liberté de choix du réseau d'enseignement auront demain disparu suite aux rationalisations et fermetures des Ecoles normales.

La réduction du nombre de maîtres diplômés par les écoles officielles subsistantes ne permettra plus de réunir les critères indispensables pour préserver le caractère non confessionnel des écoles au sein desquelles ils enseigneront.

L'enfant, l'élève, l'étudiant est devenu une unité de production, un coefficient générateur d'emplois au lieu d'un être avide de savoir, artisan de son développement et pris en charge en vue de maximiser ses qualités spécifiques innées.

3. Aspect éducatif

Notre fédération des associations de parents d'élèves de l'enseignement officiel défend un projet éducatif pluraliste garantissant et respectant la liberté philosophique de chacun. Les différents réseaux de l'enseignement de l'officiel soulignent ce pluralisme.

Les obligations spécifiques imposées par la loi ne permettent pas de répondre à certaines demandes pédagogiques fondées (cours de gymnastique, rattrapages,...) notamment en ce qui a trait au capital-périodes.

Nous regrettons mais comprenons le choix des parents qui aujourd'hui prennent d'abord en considération des motifs socio- économiques (le revenu disponible, le coût du transport scolaire, le particularisme local) comme critère d'accessibilité à un niveau d'enseignement préférentiellement au critère philosophique.

Nos gouvernants nous ont placés aujourd'hui en porte à faux avec le droit international et l'article 2 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui stipule: "L'Etat dans l'exercice de ses fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'Education et de l'Enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques".

Le transfert des compétences citées ci-avant, de l'Education nationale vers nos Communautés répond en partie aux obligations de cette directive internationale.

Que préconise la FAPEO?

Notre fédération entend rompre le statu quo actuel. L'immobilisme communautaire profite plus aux néerlandophones qu'aux francophones au niveau budgétaire et au niveau structurel, il détricote les mailles des réseaux d'enseignement public en Wallonie.

A l'encontre des néerlandophones, peu des partis politiques et des groupes de pression francophones possèdent un projet précis de communautarisation de l'enseignement. En cas d'accord politique en matière de communautarisation de l'enseignement, le problème de l'enseignement de l'Etat devra être résolu. Aujourd'hui le Ministère de l'Education nationale est conjointement pouvoir organisateur et Ministre de l'ensemble des réseaux. L'enseignement organisé par le réseau "Etat" représente d'ailleurs la majorité de l'offre de l'enseignement public secondaire.

La FAPEO ne s'oppose nullement à la création d'un Conseil autonome de l'enseignement de l'Etat dont la composition garantirait une réelle défense des intérêts de ce réseau d'enseignement. Elle souhaite participer au nom des parents à la gestion des établissements de l'Etat si cette proposition était retenue.

Elle refusera cependant la création de ce dit Conseil si demain la mission et la tâche du pouvoir organisateur étaient similaires à celles dévolues aujourd'hui au ministre de l'Education nationale.

Notre fédération préconise d'abord une décentralisation de la décision vers des entités sous-régionales correspondant aux districts actuels. Celle-ci devra être couplée à une complémentarité d'offres d'enseignement entre les réseaux de l'enseignement officiel. Cette coopération, cette cohérence de l'enseignement public officiel nous paraît essentielle et primordiale voire préalable à la communautarisation.

Nous souhaitons d'ailleurs une communautarisation plus étendue, une réforme plus globale de l'offre d'enseignement et non un simple transfert de compétences de l'Etat vers les Communautés.

L'action de communautariser l'enseignement doit tendre à regrouper en un seul Ministère communautaire, toutes les formes d'enseignement et ce, compris les formations parallèles, d'ailleurs très positives, telles celles organisées par l'ONEM, les Classes moyennes...

La FAPEO réclame une communautarisation rapide, vu les compromis incessants et la politisation de l'enseignement nuisant au bon renom de l'enseignement officiel public. Les nouvelles restrictions budgétaires auxquelles l'enseignement sera soumis dans les années à venir, rendront problématique le libre choix de l'offre de l'enseignement, d'où notre volonté de rechercher la cohésion de la coordination optimale des réseaux d'enseignement officiels.

La FAPEO constate l'existence de différents réseaux; des mandataires publics, des responsables privés ont souligné et réaffirmé leur volonté de maintenir, de consolider la pluralité des réseaux.

Nous respectons ce choix, mais entendons toutefois promouvoir un projet pédagogique pluraliste unique.

Je vous remercie de l'attention portée à cette communication et vous invite à méditer cette maxime tirée des cahiers: Réformes communautaires et régionales de la Faculté Universitaire de Namur (1982): "Dans des choix nouveaux, il faut avoir le sens de la relativité des choses et des solutions, le respect du dialogue et l'intelligence de toujours apprendre. Il faut également refuser d'être obnubilé par le rêve du définitif et le phantasme de l'irréversible".

(Octobre 1987)

 


 

 

 

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