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Valoriser les enseignants pour un enseignement valorisé

Pierre DAUBRESSE
Instituteur dans l'enseignement primaire
Secrétaire permanent CGSP
Enseignement de Charleroi

 

Préambule

Nul ne doute que l'enseignement soit un des rouages primordiaux de cette société de l'an 2000. Au travers des technologies, de la communication, des débouchés, de la recherche, de la culture et de la politique.

Notre propos est d'affirmer que la société des années 2000 sera à l'image de notre enseignement actuel.

Or, les mutations politiques et sociales de ces dernières années, entraînant le bouleversement économique que l'on sait, vont à l'encontre de toute perspective sociale harmonieuse, particulièrement dans une Wallonie 2000.

Tous les choix politiques ont amené, ces dernières années, une dégradation importante de l'enseignement. Ces choix sont les principaux freins à une société wallonne émancipée.

D'aucuns attribuent toute responsabilité à la "crise économique" comme s'il s'agissait d'un élément naturel incontrôlable, à l'instar des catastrophes ou phénomènes naturels...

Cette vision des choses sert manifestement à justifier une politique, une gestion, une idéologie.

Rien n'est plus faux puisque l'économique est une notion élaborée au départ de choix humains, donc politiques. La crise est un dérèglement que seuls les "décideurs" peuvent modifier.

1. Tout se cristallise en fait dans le choix de société future.

1.1. Ou bien on privilégie, comme actuellement, une élite active et productive au détriment du plus grand nombre, et pour cela il faut continuer

  • la dévalorisation des enseignants

  • la réduction des moyens accordés à ce ministère

  • transférer vers des formations parallèles toute la main -d'oeuvre dont les entreprises auront besoin.

1.2. Ou bien, on recherche une société qui permet l'accès au travail par le plus grand nombre, qui développe la recherche, donc le travail, et qui harmonise les systèmes sociaux.

Pour cela, il faut dès maintenant

  • revaloriser la fonction enseignante

  • accroître sensiblement les moyens financiers de l'Education nationale

  • recentrer les formations professionnelles à la seule Education nationale.

 

2. Pourquoi attirer l'attention sur l'enseignement et conférer à ce domaine autant de responsabilités dans l'avenir de notre société?

Parce que les citoyens de l'an 2000, donc les chercheurs, les décideurs, les actifs sont les jeunes de cette décennie et de ces prochaines années.

Parce que la qualité, l'orientation sociale et politique, les structures de notre enseignement actuel déterminent déjà ce que sera la société wallonne dans 15 ans.

Si l'on est convaincu que l'enseignement n'est pas seulement l'apprentissage de connaissances, de techniques ou d'attitudes, mais aussi la phase cruciale qui prépare les jeunes socialement et politiquement à la vie adulte, on comprend que l'enseignement est bien un rouage primordial. Si l'enseignement est de qualité, il générera une société harmonieuse.

Mais comment imaginer une entreprise performante développant des produits de qualité si les éléments humains qui la composent sont sans cesse dévalorisés moralement et pécuniairement?

Comment l'imaginer, si de surcroît, les moyens d'être performants ne leur sont pas donnés? C'est pourtant ce qui se passe depuis plusieurs années avec l'entreprise "Education nationale" dont les patrons successifs n'ont même pas eu, à l'égard de leurs employés, la moindre considération, au contraire.

Bien sûr, ce n'est pas le seul ministère à avoir été lourdement pénalisé, mais ce qui distingue et aggrave cette déconsidération, c'est que ses "produits" sont des êtres humains, citoyens de l'an 2000.

3. Eu égard à la place importante de l'enseignement dans la société wallonne future, comment admettre dès lors que les décideurs d'aujourd'hui le sacrifient en le dénigrant d'abord, en lui diminuant ses possibilités de fonctionner ?

Le cas de l'enseignement professionnel est exemplaire.

Critiquant son efficacité, son manque d'adaptation aux technologies modernes, on organise, par ablations successives, le transfert de cet enseignement vers des formations "parallèles" dites plus efficaces. Les entreprises forment, les classes moyennes, l'ONEM, etc...

Le constat est particulièrement édifiant... A coup de subventions, ces nouvelles formations étrangères à l'Education nationale, "produisent" des éléments, en nombre limité (élitisme oblige) dont la qualification répond uniquement à un besoin immédiat des entreprises.

De durée limitée, voici le nouveau look du travailleur de l'an 2000: le "qualifié précaire non réutilisable".

Car comment imaginer ces travailleurs, se recyclant tous les 2 ans, avec l'espoir d'être à nouveau opérationnels pour une courte durée? A qui un tel système profite-t-il sinon aux seules entreprises au détriment de la société?

Nous le rejetons, délibérément.

 

4. Au contraire, c'est par la structure de l'Education nationale, qui dispense une formation générale, culturelle et donc polyvalente, même sur les plans technique et professionnel, qu'on pourra répondre au voeu d'une société acceptable.

Mais pour que l'Education nationale, donc chaque enseignant, s'engage à effectuer sa tâche avec le maximum de "rentabilité" sinon d'efficacité, entraînant en cela tous les jeunes qui lui sont confiés, il est urgent de revaloriser, et l'enseignement et les enseignants.

La Wallonie de l'an 2000 aura besoin de citoyens actifs, capables d'initiatives et de mobilité, avec un sens pratique d'adaptation. Nous en sommes tous conscients et ce fut vers la fin des années 1970 l'objectif primordial de l'Education nationale.

Avec les moyens qui y furent apportés, nous construisions certainement les structures de cette future société. Depuis, il y a eu, tant sur les plans budgétaires que structurels, un virage tel qu'on ne peut ignorer la responsabilité idéologique de ceux qui l'ont voulu.

Il n'est certes pas trop tard, mais en 1987, insuffler à nouveau le dynamisme culturel, économique et social, suppose que l'enseignant soit à nouveau, et sans délai, revalorisé.

On ne construit pas une société émancipée en dénigrant ceux qui sont chargés d'en éduquer les futurs citoyens et en leur refusant les moyens indispensables.

5. Prendre conscience - C'est s'engager - C'est déjà réussir.

Que les grandes mutations technologiques, donc économiques et sociales, bouleversent les notions acquises de la société, du travail, de la culture ou de la famille est difficilement réfutable. Mais c'est surtout parce que les leviers de commande échappent aux citoyens en général. Combien semblent subir ou ne pas prendre conscience tout simplement?

Cette prise de conscience passe aussi par l'enseignement, notamment. Il faut donc. s'engager, chacun à son niveau, pour éviter le scénario catastrophe que constituerait la société duale suivante: une société où les élites de la technologie, associés aux détenteurs de capitaux, constitueraient le guide obligé, utilisant, au gré des besoins, la masse de sous-qualifiés produits par la disparition de grosses unités de production actuelles.

Leur disparition, déjà entamée hélas, sans espoir de reconversion équivalente, induit une sous-classe, inacceptable en soi. Ce schéma convenu d'une future société risque bien de se réaliser dans les décennies prochaines.

Un des rares facteurs perturbateurs de cette vision rapprochée du futur économique est l'enseignement. Encore faut-il qu'il ait les moyens d'agir.

Il s'agit donc bien d'un choix politique qui déterminera la future société wallonne de l'an 2000. Les jeunes de 1987, quelle formation recevront-ils ces prochaines années? Quel projet de société sera développé par les enseignants? Ceux-ci, noyés dans la morosité, vont-ils subir et ainsi préparer les jeunes à subir à leur tour?

Dynamiser les enseignants, avec un projet de société acceptable et réaliste, revaloriser cette fonction sous tous ses aspects sont des conditions indispensables pour espérer en une société wallonne harmonieuse.

Mais cela ne se mendie pas. Cela se conquiert!

(Octobre 1987)

 


 
 

 

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