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Rapport de l'atelier n°8 :
Le patrimoine culturel et la mémoire collective

Rapporteur
Albert D'HAENENS

                  

Dans l'Atelier 8, consacré au patrimoine culturel et aux mémoires collectives, nous avons d'abord passé un certain temps à tenter d'exprimer ensemble et avec un consentement réel ce qui se dégageait des documents qui avaient été préparés qui étaient une douzaine alors que nous y avons travaillé à une quinzaine. Et puis au terme de cette vérification d'une lecture, d'un savoir commun, nous avons proposé une série d'éléments qui s'inscrivent ou devraient s'inscrire dans un suivi et une série d'action. Mais il nous a semblé important aussi de faire quelques réflexions sur les modes opératoires suivant lesquels nous avons vécu, pratiqué ce congrès, ce rassemblement, ce moment de relations. Je voudrais ici vous en faire part parce qu'il me semble que c'est très important de prendre conscience de la façon dont nous essayons de vivre les relations étant donné qu'à nos yeux, les relations sont prioritaires à toute espèce de contenu.

Il nous a semblé que ce congrès était réellement remarquablement préparé tant sur le plan du contenu que des relations. Il nous a semblé aussi que sur place ici, beaucoup d'entre nous se réjouissaient de ce qu'il ait lieu dans des locaux sur un site, celui de l'Université du Travail, qui est évidemment remarquable. Il nous a semblé qu'il aurait été très important, que, au fond, on ait de quoi identifier et vivre mieux ce site remarquable alors même que nous sommes en train de nous informer et d'entreprendre toutes sortes de recherches sur l'identité et les spécificités de notre communauté et que nous avions précisément ici l'occasion d'être sur un lieu remarquable, spécifique et véritablement interpellant. Donc, là, je pense qu'il serait intéressant, la prochaine fois, n'est-ce pas, d'être d'avantage attentif à ce genre de prise de conscience.

Plusieurs parmi ceux qui ont travaillé en Atelier 8, étaient remarquablement, merveilleusement motivés et nous espérons beaucoup nous revoir pour poursuivre et aboutir. Nous avons aussi dû constater que l'atelier où nous avons dû travailler, c'est-à-dire, l'espace, n'était pas valable. Il y a bien sûr un esprit des lieux que nous avons essayé de découvrir mais il y a aussi une logique des lieux qui je pense devrait tenir compte de l'interpellation qui nous était lancée, de la provocation, c'est-à-dire pour de nouveaux paradigmes et un futur. Bien sûr aussi sur le "déjà là", mais alors un "déjà là" qui me, semble-t-il, devrait déjà être en voie et en pratique de transformation.

Il nous a semblé aussi qu'il n'y avait pas assez de jeunes, de garçons, de filles, de nouvelles générations qui auraient de 20 à 25 ans. Nous avons aussi manqué de temps pour la rencontre active en temps d'atelier. Et puis il nous a semblé aussi que tout ce en quoi nous nous sommes investis et que nous avons partagé ici, n'a pas de sens si ça n'a pas de suite, si ça n'a pas un suivi, si ce n'est pas porté par une volonté à la fois théorisante et opératoire, c'est-à-dire, si tout cela ne se déploie pas, en dépassant les chapelles et les vérités monopolistiques de toutes sortes. C'est vraiment un mouvement large et profond qu'il faut investir et surtout un mouvement intergénérationnel. Voilà donc quelques réflexions générales sur le mode opératoire qui a présidé à nos échanges.

Je voudrais maintenant vous faire part de ce qui s'est dégagé d'une douzaine de rapports, de documents qui ont été introduits et que nous avons essayé de lire ensemble et dont nous avons dégagé une synthèse.

Donc ce qui s'est dégagé de cette douzaine de rapports sur le patrimoine culturel et la mémoire collective revient à ceci:

La Communauté wallonne prend difficilement conscience de l'importance et des enjeux de sa mémoire collective. A la voir aux prises avec son histoire et son patrimoine notamment, elle donne l'impression d'avoir vécu pendant longtemps une réelle amnésie. La mémoire collective, notre communauté la perçoit surtout en termes sectoriels, et aussi essentiellement rétrospectifs, comme si cette mémoire collective était uniquement patrimoniale et presque exclusivement faite de patrimoine industriel. Comme si notre mémoire collective était uniquement archéologique, ne comportant que des éléments exténués ou morts, abandonnée par la dynamique du vivant et condamnée à toutes sortes de revitalisations impossibles.

Mais plus récemment, notre communauté s'est rendue compte de ce que sa mémoire collective est aussi rurale et encore aussi urbaine et surtout peut-être notre mémoire collective est vraiment source d'énergie, réservoir auquel puiser pour vivre et survivre socialement, en termes de communauté. Et pas seulement une mémoire collective qui serait langue, mais encore, mémoire collective qui est savoir-faire, compétence, mode opératoire indispensable à la vie en commun, indispensable aussi à la maîtrise de l'environnement voire la maîtrise du monde. Et voici ce qui semble à l'atelier désormais important et urgent.

Redéfinir le concept de mémoire collective, c'est-à-dire que notre communauté doit prendre la mesure de notre mémoire collective comme réservoir et réservoirie de toutes sortes de contenus et de performances, de modes d'être, de penser et d'agir. Qu'en même temps, en redéfinissant cette notion de mémoire collective, il s'agit d'opter pour un mode opératoire en vue de la dynamiser. La dynamiser en termes mobilisateurs, c'est-à-dire que tous ses membres, tous les membres de la communauté doivent devenir des agents actifs d'une nouvelle énonciation et cela à partir de virtualités qui sont des virtualités propres et aussi en termes de quotidienneté alors que, nous sommes désormais engagés dans un monde et dans une ère qui est très différente de celle dans laquelle nous sommes nés et que j'opposerais assez bien en termes de scribalité et d'électronalité.

S'engager ainsi dans la dynamisation d'une mémoire collective qui est source et ressource, sans trop compter sur les interventions des aides extérieures qui de toute façon se font souvent attendre en ces temps de conjoncture critique, notamment en matière de subsidiation culturelle, mais aussi et surtout en tablant sur notre propre capacité et nos synergies projectives propres. Car notre mémoire collective est bien plus et bien autre chose que de l'archéologie et de la nostalgie.

Il s'agit donc d'entreprendre, cesser de regretter, cesser aussi de se contenter de réfléchir, donc entreprendre sur base d'action, d'échange pluralitaire, en privilégiant la relation et en y subordonnant les contenus. Et en se souciant d'intégrer, de transformer ce qui est déjà là plutôt que de l'exténuer, de l'effacer ou de le traiter par l'indifférence car, nous a-t-il semblé, les projets dont notre communauté a le plus grand besoin supposent des antécédents sans lesquels ils ne peuvent s'entreprendre. Ce qui a été constitue un maillon irremplaçable et indéplaçable de la chaîne du développement auquel il faut s'atteler résolument.

Donc entreprendre sur base d'une redéfinition de la notion de mémoire collective, la dynamiser sur le mode opératoire qui interpelle tous les membres de la communauté, mais aussi, dans cette entreprise, délibérément rompre avec ce qui rend impuissant. Et notamment rompre avec la grande taille: l'assistance, l'intermédiariat, la délégation, l'abstraction, l'indifférence, et substituer, maintenant, tout de suite, l'engagement personnel et opératoire avec ce qu'on a sous la main et avec une patience véritablement acquise.

Troisième élément auquel nous avons alors accordé le reste de notre temps d'atelier: c'était se dire ensemble en termes d'avant-projet ou de projet comment entreprendre à propos de ces mémoires collectives pour l'Europe et le XXIème siècle, et avec le souci de déjà aboutir dans un premier temps pour 1992. Là nous avons convenu d'une série d'éléments qui nous semblent vraiment essentiels et d'abord, constaté que ce qui s'est fait pour le moment, s'entreprend, s'investit en matière d'action et de projet pour ce qui est des mémoires collectives et du patrimoine culturel tant en matière de mémoire collective verbale, ce qui se passe déjà depuis plusieurs générations à Liège, au Musée de la Vie wallonne, par exemple, à Bruxelles, à Neufchâteau, au Musée de la Parole, dans la Région du Centre, à partir du Service culturel provincial, mais aussi par voie davantage personnalisée, tel ce que fait depuis tout un temps déjà un homme comme Emile Lempereur, et intégrer aussi à ces mémoires collectives verbales les pratiques théâtrales, mais aussi s'occuper des mémoires collectives patrimoniales comme le fait l'Ecomusée du Centre, la Mémoire des Pierres, la Fondation Roi Baudouin, Charleroi Environnement, ou encore se qui s'est fait en matière de mémoires ouvrières, par exemple, ce que fait le CARHOP, l'Institut Vandervelde ou encore plus récemment le réseau des Maisons de la Mémoire.

Donc, il y a là une série de choses à relever, à constater, à repérer, parce qu'elles se font, parce qu'elles vivent, mais il y faudrait de la synergie et une plus large mobilisation entre générations et pour davantage de synergie et une réelle relation intergénérationnelle, il nous semble qu'il y a lieu de faire systématiquement et d'urgence un relevé, un repérage de ce qui se fait, existe et fonctionne en matière de service de lieux, de lieux investis, de relais existants, en matière aussi de contenus, de contenus sauvés, conservés, de contenus à sauver, à conserver, notamment pour ce qui est des savoir-faire artisanaux et techniques et cela aussi dans la longue durée. Ce qui reviendrait d'une certaine façon à songer à quelques chose qui soit mobilisateur et subjectif comme l'histoire des Wallons en Europe, mais aussi présence et traçage européens en Wallonie.

Non seulement faire ce relevé et ce repérage, et d'urgence, mais à l'occasion de ce repérage, pratiquer la valorisation de tout cela en le faisant savoir, en le révélant et puis aussi en même temps entreprendre ce qui est impliqué par ce grand défi, ce grand enjeu du transfert de la scribalité à l'électronalité d'une part et d'autre part aussi tout le défi de la culturation d'une technologie qui est loin d'être une culture, je veux parler ici de la culturation de l'électronalité. Et notamment par la publication, la mise à la disposition de nouvelles mémoires électronales. La médiathèque de Belgique, la médiathèque scientifique de Louvain-la-Neuve, l'Ecomusée du Centre, la Maison de la Mémoire sont parties prenantes pour cela, mais il faudrait un programme et un projet communs, communautaires, d'urgence, je dirai même immédiatement et en même temps un programme et un projet qui soient opératoires pour que dans une première phase au moins il aboutisse déjà en 1992.

Prendre conscience de ce qu'on en a assez parlé, prendre conscience aussi de ce qu'il ne suffit pas d'en traiter par texte et par écriture, prendre conscience aussi de ce qu'il faut l'entreprendre en vue de faire du plus grand nombre possible des membres de notre communauté et surtout de toutes les générations, que cela se fasse avec le plus grand nombre possible et avec toutes les générations de notre communauté de façon telle que chacun devienne agent actif participant comme sujet à cette vaste et grandiose énonciation nouvelle et fondatrice.

Si nous le faisons, et nous devons le faire, d'urgence, nous devons le faire immédiatement; on a encore au maximum dix ou quinze ans pour le faire, alors si nous le faisons (et le faisant nous libèrerons une grande source d'énergie), nous disposerons de ce qui permet d'espérer et donne vraiment le désir d'entreprendre.

(Octobre 1987)

 


 

 

 

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