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Rapport de l'atelier n°5 :
Les nouvelles valeurs et l'identité culturelle dans la société wallonne

Rapporteur
Père Jean Raes

 

Notre thème se distingue de ceux qu'on a déjà entendu jusqu'ici: nous n'avons pas de bouée de sauvetage, ni de parachute. Certains esprits subversifs - et il n'en manque pas dans la salle - diraient: "ni l'alibi de la technique"!

Nous avons pris un problème qui nous paraît fondamental. Il est déjà à noter que, de prime abord, c'était "les nouvelles valeurs et l'identité", et la première chose qu'il faut confesser, je crois, est que le travail très riche, est d'avantage centré sur l'identité culturelle que sur les nouvelles valeurs. Cependant, ce travail s'est articulé finalement sur cette identité culturelle, et a apporté une amorce de prospective, pour évoquer, en fin seulement, les nouvelles valeurs.

Comment donner un résumé qui puisse être un relais? Là il y une part d'arbitraire du rapporteur, je m'en excuse à l'avance. Nous avons essayé de préciser, d'abord, l'identité wallonne "par rapport à quoi?" et, deuxièmement, cette identité "pour quoi faire?". Est-ce qu'elle peut être à l'origine d'une praxis originale? Et enfin, troisièmement, nous avons plus qu'esquissé les conséquences politiques et économiques de cette identité que nous avons traduite en termes d'autonomie wallonne.

Identité par rapport à quoi?

Nous avons beaucoup insisté sur le fait qu'il fallait peut-être prendre avec une certaine prudence les statistiques sur la "conscience wallonne", les enquêtes qui sont faites parfois un peu rapidement et qui servent alors d'arguments (sans que l'on sache exactement, ou plutôt, parce qu'on le sait trop bien) pour les positions qui ont déjà été prises.

C'est vrai qu'on a souligné une fois de plus qu'on avait une certaine tendance à définir sa propre identité par rapport à d'autres, qu'il s'agisse des Flamands ou qu'il s'agisse des Français. Ce qui est tout de même intéressant, c'est qu'on a vu que finalement les Wallons disposaient d'un certains nombre d'atouts, les Wallons avaient une spécificité. Mais pour découvrir cette spécificité, il fallait peut-être un peu renverser la question et renverser notre façon d'aborder ces problèmes. Surtout y réfléchir. La tentation peut être grande en effet de penser la Wallonie à partir d'une série de petits villages qu'on va essayer alors, plus ou moins, de rassembler. C'est vrai qu'historiquement, les choses se sont passées comme cela et que les villes ont émergé du rural. Mais aujourd'hui, est-ce qu'on peut encore penser en ces termes?

Au niveau de l'identité culturelle, nous sommes dans la culture européenne, même si parfois, dans les médias et dans les discours, on dit: "les Américains, le Japon réussissent très bien du point de vue économique, (si l'économique, et ça doit être mis en question aussi, reste encore le paramètre fondamental), faisons donc comme les Américains et les Japonais". Non, nous sommes des Européens. Mais nous avons une façon particulière de vivre cette culture européenne. Pourquoi? D'abord parce que nous sommes des Latins et deuxièmement, nous sommes des Latins depuis longtemps, au niveau du vécu, en contact avec des Germains.

Alors avouez que là, nous avons une spécificité, et une identité culturelle qui peut se dégager et qui alors nous amène à un problème extrêmement concret, qui a été rappelé plusieurs fois, et que je tiens à souligner. Quand on parle de la Wallonie, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, au niveau de nos craintes ou de nos fantasmes, on pense le sillon, le sillon Sambre-et-Meuse qui lui, de fait, a contribué très largement au succès de la société industrielle, et, incontestablement qui se trouve, peut-être, dans le même degré de maturité ou de déliquescence, vous choisirez le terme, de cette société industrielle.

Or, la Wallonie est aussi l'axe Bruxelles-Namur et au-delà. Vous voyez comment là apparaît une série: "Région wallonne, Communauté wallonne, Communauté francophone", etc... Chacun a son opinion là-dessus, mais je crois qu'il y a tout de même un ensemble de gens qui ont vécu, qui vivent et qui vivront ensemble avec des traits particuliers qui leur permettront d'être dans la société post-industrielle ou industrielle, avec une spécificité. Voilà le premier point d'identité.

Identité, pour quoi faire?

Est-ce qu'elle peut être la source de nouvelles praxis? Et bien je crois qu'on a beaucoup insisté là-dessus en ce sens que ce peuple qui existe, qui a vécu, doit peut être renouveler,(moi je dirais plutôt approfondir) cette prise de conscience et le faire au niveau de la recherche de ces nouvelles praxis.

Nous allons parler du peuple wallon: on peut le définir comme celui qui habite un certain territoire, c'est un peu court. Ca veut dire aussi ceux qui ont des traditions et des façons de faire communes, ceux qui vivent aujourd'hui, qui travaillent, qui contribuent à une certaine vie qui a tout de même un certain niveau. Cela veut donc dire, par exemple, l'un ou l'autre l'a souligné, que les immigrés en feraient partie. Il y a donc une citoyenneté wallonne que l'on devrait peut-être définir et qui n'est pas nécessairement la nationalité wallonne.

Deuxième point: il faudrait que les acteurs culturels aident les gens à cette prise de conscience active. On a parlé de l'école et de l'université; je me suis réjouis de retrouver dans le rapport de Monsieur Delandsheere un certain nombre d'idées que si nous avions eu le temps, nous aurions reprises, en marquant peut-être d'avantage la nécessité d'une éducation permanente ou d'une éducation continuée.

C'est vrai qu'historiquement le mouvement ouvrier a été un des responsables de la prise de conscience wallonne et qu'elle doit donc continuer aujourd'hui, même si, bien sûr, le mouvement ouvrier du fait de la crise économique de la société industrielle se trouve en position qui n'est plus nécessairement la position de force qu'il a connue jadis. Mais à côté de ce mouvement ouvrier, il y a d'autres groupes qui ont des responsabilités d'acteurs culturels. Il y a l'"Intelligencia", ce groupe social qui prétend justement conduire les idées et la culture d'un groupe. Où est elle? Et alors l'idée est venue de se dire: est-ce que le temps n'a pas sonné? Le véritable enjeu qui apparaît au niveau de la praxis c'est de négocier ou renégocier entre toutes les forces vives de ce peuple, entre tous les acteurs culturels un consensus.

Quelles sont les valeurs sur lesquelles nous sommes encore d'accord ou que nous voulons promouvoir? Qu'est-ce que ça signifie la justice, la solidarité, la convivialité? Sommes-nous encore soucieux non pas d'une démocratie formée et constitutionnelle mais d'une vrai démocratie qui part des citoyens concrets. Sommes-nous encore soucieux de ne bâtir d'organisation politique et sociale qu'au niveau techniquement le plus proche du citoyen? Ce qui demande un changement de mentalité. Il en est de même de notre justice qui est faite sur le principe que tout prévenu est supposé innocent jusqu'à preuve du contraire. Si vous n'avez pas de preuve, vous devez le relaxer ou l'acquitter. Sommes-nous encore d'accord là-dessus?

Troisième point. Conséquences politiques et économiques. Il est évident que si nous allons dans le sens de ces nouvelles valeurs d'initiative, de créativité, etc, le concept d'autonomie arrive immédiatement L'autonomie c'est être maître de son destin et du choix de ses relations. Si vous le transposez dans le domaine politique, il est bien évident qu'il y a une autonomie wallonne qui doit s'inventer et qui doit inspirer des institutions et des relations. Et c'est ici que le problème de Bruxelles revient et qu'intervient le problème de nos relations avec la France à laquelle culturellement, nous sommes associés. Cette question politique qui se pose devrait déboucher sur une réflexion sur les institutions. Celle-ci, elle-même, n'est pas indépendante des questions économiques.

Ici, comme là-bas, nous retrouvons les nouvelles valeurs.

(Octobre 1987)

 

 

 

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