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Quelques réflexions sur la recherche universitaire

L. EECKHOUDT
Professeur aux Facultés catholiques de Mons et de Lille

 

Le titre de cette présentation est trop vaste car en réalité - m'appuyant sur la loi des avantages comparatifs - je m'intéresserai uniquement à la recherche en sciences sociales.

J'essaierai essentiellement d'avancer quelques propositions concrètes pour susciter la discussion. Néanmoins, en guise d'introduction, je voudrais faire deux remarques.

La première porte sur ce qu'on entend par sciences sociales. Pour ma part, je les comprends au sens large. J'y inclus bien entendu l'économie, les sciences "politiques et sociales" et la sociologie. Toutefois, je crois qu'il faut également y incorporer les sciences de l'administration (publique ou privée(1), la psychologie, les sciences de l'éducation et même certaines activités des écoles de santé publique.

Ma seconde remarque préliminaire se présente sous forme d'un paradoxe. L'essor des sciences sociales s'est effectué dans une période de prospérité et leur recul dans une conjoncture économique difficile(2)). De façon évidente, le besoin objectif d'une bonne compréhension des phénomènes économiques et sociaux est nettement plus élevé dans une période de crise. Or, comme - très logiquement - les recherches en sciences sociales sont financées dans une large mesure par les pouvoirs publics, on a l'impression que la contrainte budgétaire actuelle se fait sentir de façon prioritaire et plus lourde sur le secteur des sciences sociales. Il y a donc là inadéquation entre le besoin et les moyens.

J'en viens maintenant à quelques propositions concrètes:

1. Si, comme je viens de l'indiquer, la contrainte budgétaire fait sentir ses effets au moment où le besoin est important, il faut y voir l'indice d'un énorme problème de marketing de la recherche en sciences sociales auprès du public et du monde politique. Pour y remédier, j'avance les trois

suggestions suivantes:

1.1. la planification avec l'aide des stations de télévision(3) d'émissions du style "open university" consacrées soit à des concepts utilisés en sciences sociales soit aux résultats concrets de recherches si possible menées conjointement avec des personnes faisant de la recherche en dehors des sciences sociales (ingénieurs, autres scientifiques, juristes, médecins);

1.2. l'encouragement à des revues de vulgarisation des travaux de recherche plus fondamentaux. Des efforts sont faits dans ce sens en sciences économiques (par exemple) dans le monde anglophone et nous devrions le poursuivre également dans le monde francophone. Pour être concret, je signalerai que les supports existent mais que les spécialistes en sciences sociales n'y collaborent pas assez (ou ne sont pas suffisamment sollicités). En fait, ne pourrait-on envisager la constitution d'une revue "Sciences Sociales" qui serait dans ce domaine pour le monde francophone l'équivalent de "Science" pour le monde anglophone. Si je suis bien informé, diverses revues de ce genre existent en médecine. Il s'agit même parfois dans ce secteur de traductions résumées de revues anglophones.

1.3. ne devrait-on pas contacter les éditeurs des nombreuses revues francophones spécialisées dans un secteur bien limité des sciences sociales afin qu'ils invitent des "contributed papers" (je n'ai pas trouvé de traduction appropriée) de la part de spécialistes d'autres disciplines des sciences sociales pour que ceux-ci fassent l'état de certaines questions qu'ils rencontrent ou de certaines avancées propres à leur secteur?

 

2. Comme je l'ai indiqué plus haut, le financement de la recherche en sciences sociales s'est fait largement sur fonds publics ou assimilés. Une telle attitude était logique au moment où il s'agissait d'assurer le "démarrage" de recherches non directement utiles pour le secteur privé. Bien entendu, les sciences sociales restent toujours une activité a priori peu lucrative pour le secteur privé. Toutefois, celui-ci met régulièrement en évidence son intérêt pour les questions sociales. N'est-il donc pas temps de chercher du "sponsoring" privé pour certaines recherches en sciences sociales? Il est à signaler, qu'à ma connaissance, certaines recherches de nature médicale avec un grand retentissement en termes de santé publique et donc au niveau social reçoivent une aide importante du secteur para-public et/ou privé.

 

3. D'une façon ou d'une autre, il y a une tendance nette à la formalisation (théorique ou empirique) dans toutes les sciences sociales. Afin de faciliter les communications entre les diverses disciplines des sciences sociales et aussi entre celles-ci et le secteur plus scientifique, ne faudrait-il pas que toutes les facultés concernées se mettent d'accord sur un minimum de formalisation mathématique et statistique qui devrait être atteint dans toutes les disciplines? Ce minimum devrait être défini non seulement en termes de matière à couvrir, mais aussi au niveau du degré de formalisation à atteindre dans chacune d'elle. Est-il tout à fait utopique de penser que pour certaines matières ou parties de matière, toutes les facultés concernées adoptent le même manuel pendant une certaine période?

Dans ce bref rapport, j'ai posé plus de questions que je n'ai apporté de réponse. Je pense cependant que des progrès pourraient être réalisés:

  • si on parvenait à définir les degrés d'urgence entre ces différentes propositions et aussi leur niveau de "faisabilité";

  • si la réflexion sur ces questions permet de mettre en avant d'autres suggestions plus simples à réaliser et/ou plus importantes pour le progrès à terme de la recherche en science sociale.

 

Notes

(1) Certaines activités de la recherche en administration font clairement partie des sciences sociales (p.ex. les écoles de relations industrielles en Amérique du Nord). D'autres activités plus traditionnelles des facultés d'administration (finance, marketing) sont également à incorporer, ne serait-ce que par leur influence indirecte sur les activités socio-économiques.
(2) Je n'ai pas de chiffres précis pour quantifier cette affirmation: c'est une appréciation subjective qui devrait être étayée de façon plus rigoureuse, par exemple dans le cadre d'un mémoire de fin d'études.
(3) Il va de soi que toutes les facultés concernées par les sciences sociales devraient être associées à cet effort.

(Octobre 1987)

 


 

 

 

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