Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 

 
La politique économique aujourd'hui pour le milieu rural: comment aider les jeunes à créer leur emploi

Jean-Pol HENRY
Responsable de service à la Fondation rurale de Wallonie

Jean-Pierre SOTTIAUX

Secrétaire général de la Fondation rurale de Wallonie (FRW)

 

Introduction

Des jeunes veulent créer leur emploi! Quelles réponses peut-on leur apporter? Quels types de soutiens concrets peuvent-ils trouver?

La Fondation rurale de Wallonie se veut être une première réponse par son rôle d'incitant et d'aide à l'initiative nouvelle.

"Vivre et travailler au pays" est leur revendication.

Nous aborderons plus directement, puisque tel est notre propos, les caractéristiques (les forces et faiblesses) des jeunes créateurs d'entreprises que nous rencontrons dans notre travail quotidien, sur le terrain. Ensuite, sur base de ce constat et des spécificités du monde rural, des propositions concrètes spécifiques à notre environnement économique seront énoncées. Car les jeunes créateurs, c'est la Wallonie de demain!

 

1. Le contexte rural

Le monde rural wallon est en pleine évolution. La rationalisation et la mécanisation poussée de l'agriculture ont entraîné une diminution de la population agricole. Cette contraction d'emploi s'est souvent accompagnée d'un exode rural. Pourtant, de plus en plus de jeunes souhaitent vivre et travailler au pays.

Pour répondre à cette nouvelle tendance, la mise en oeuvre d'une politique de développement intégré s'avère nécessaire. Il s'agit d'établir une politique de développement cohérente, tant dans ses objectifs que dans les moyens mis en oeuvre, tenant compte des besoins exprimés par la population, et des spécificités de l'environnement local. Ceci implique une planification, une concertation et une participation, à tous les stades du processus.

2. Des constats à partir d'initiatives concrètes

Si le travail sur le terrain est dur, il est également riche d'enseignements.

2.1. Sur base d'un rapide constat, les cas de jeunes créateurs d'entreprises que nous avons rencontrés, peuvent se classer selon les trois catégories suivantes:

2.1.1. jeunes ayant un savoir-faire (les cas les plus courants);

2.1.2. jeunes "en difficultés sociales" où l'encadrement permanent technique et de gestion est nécessaire sinon vital (par exemple: les ateliers protégés, les entreprises d'apprentissage professionnel);

2.1.3. jeunes sans expérience ni savoir-faire, qui se lancent dans l'aventure et où les cas de réussite sont rares. Les structures de formation et d'accompagnement de ces initiatives n'en sont actuellement qu'à leur phase de démarrage.

2.2. Le temps d'apprentissage d'une technique, d'un métier est primordial dans le processus de création de son propre emploi. Exceptés les reprises d'affaires familiales ou quelques "techniciens de haute valeur", les moins de 25 ans ne créent pas souvent leur entreprise en Wallonie rurale.

2.3. L'école ne donnant que la formation "intellectuelle et technique" de base, une expérience sur le tas, en entreprise par exemple, est nécessaire.

2.4. L'âge du créateur se situe plutôt entre 28 et 35 ans, surtout en milieu rural où le marché étant restreint, une spécialisation est nécessaire à tout qui veut vivre de son travail.

2.5. Même, une fois la technique ou le métier connu, une lacune subsiste très souvent: les connaissances en gestion commerciale et financière. Cette expérience en gestion est souvent amenée, dans les créations associatives d'emplois, par des personnes plus âgées (au-delà de 40 ans).

2.6. Certaines expériences de formation, menées actuellement, supposent la technique connue (les candidats ont été sélectionnés sur cette base) et centrent leurs efforts sur les premières notions de gestion.

2.7. Le difficile accès aux nouveaux produits ou innovations technologiques, surtout en milieu rural, retarde bien souvent la préparation du créateur potentiel.

 

3. Les spécificités du milieu rural

Le chômage, en milieu rural, est un phénomène récent. Ce n'est que depuis dix ans qu'une tendance significative de l'accroissement du chômage des jeunes ruraux a été statistiquement observée. A quoi cela est-il dû?

3.1. Traditionnellement, en effet, une grande partie des jeunes du milieu rural cherchait du travail en ville (cet exode rural des énergies locales s'est heureusement stabilisé aujourd'hui). Trop souvent, les plus qualifiés (techniciens, universitaires,...) partaient. Ceux qui restaient au pays, trouvaient à s'occuper et/ou étaient pris en charge par leur famille ou le voisinage. Sous le contrôle social du milieu où il y a peu encore, "il était infamant d'aller pointer", tous les moyens étaient bons pour ne pas émarger du chômage. Jusque récemment, les jeunes n'étaient pas créateurs d'emploi sauf dans les cas de reprises d'affaires familiales.

3.2. Actuellement, il y a un retournement de tendance:

  • une volonté de vivre et de travailler au pays;

  • une croissance sensible du nombre de jeunes chômeurs;

  • une re-découverte des potentialités et des ressources humaines et physiques du milieu local. Ainsi, on remarque l'éclosion d'emplois et de petites entreprises basées sur des produits du terroir, au point de vue alimentaire (produits naturels) et sur un plan plus industriel (lombriculture, pisciculture).

3.3. Spécificités actuelles du milieu rural

3.3.1. La première spécificité observée est le relatif isolement des jeunes sans-emploi. D'où, une très grande difficulté d'initiatives de la part et pour des groupes de chômeurs.

3.3.2. En deuxième lieu, signalons l'importance du temps en milieu rural: il faut un grand temps de maturation des initiatives. Ainsi, nous trouvons beaucoup plus de créateurs de 28 à 35 ans que de 18 à 28 ans. Ajoutons à cette donnée, la pénétration moins rapide d'informations relatives à de nouveaux produits et de nouvelles technologies accentuant par là le retard dans la création d'un projet.

3.3.3. Ensuite, donnée fondamentale des zones rurales, il existe une réelle faiblesse du marché local. Démarrer des initiatives liées à un "marché de consommation" s'avère très difficile: par exemple, des créations de type petite restauration, librairie de seconde main, achat et vente de vélos d'occasion,...

3.3.4. Enfin, géographiquement, les distances entraînent un surcoût pour les entreprises tant sur le plan du prix des matières premières que de la commercialisation ou des frais de fonctionnement.

4. Propositions d'actions

Devant le constat des spécificités du milieu rural, et en vue d'apporter des solutions concrètes, nous avançons les propositions suivantes:

4.1. Il convient de favoriser la diffusion systématique des informations:

4.1.1. particulièrement sur les créneaux valorisant les ressources locales: produits diversifiés de l'agro-alimentaire et de la ferme, produits de la forêt, produits de services du tourisme, produits du sous-sol (industries extractives), énergies nouvelles, ...;

4.1.2. également, sur les nouvelles techniques adaptées à l'exploitation de ces ressources locales, comme la biotechnologie;

4.1.3. enfin, sur tous les nouveaux programmes d'aides publiques et dans une moindre mesure privées pour la création d'initiatives économiques.

4.2. Vu les temps nécessaires en milieu rural pour la maturation des projets et la diffusion des informations, et vu la faiblesse des institutions classiques de soutien aux initiatives, il est nécessaire de financer à moyen terme des structures décentralisées d'encadrement à l'initiative.

4.3. Il est également indispensable, parallèlement à la proposition précédente, de trouver des compléments de formation adaptée aux spécificités rurales.

4.4. Dans le domaine strictement économique de création et d'aides aux jeunes entrepreneurs.

4.4.1. Dans le domaine de la formation:

Les formations professionnelles de l'ONEM, l'Office national de l'Emploi, devraient permettre les possibilités d'accès à la profession notamment pour le reclassement des salariés dans les professions artisanales. Les jeunes sont demandeurs d'une formation en gestion et en comptabilité. Cette formation pratique doit être concrétisée par un suivi de la gestion de l'entreprise créée.

4.4.2. Dans le domaine du financement

  • Mise sur pied d'un fonds de garantie à l'échelon régional et européen, qui pourrait se doubler d'un renforcement des caisses de cautionnement (ex.: caisses de cautionnement du Crédit professionnel). Les systèmes de contrôle pour l'octroi de financements seront indépendants des organismes de garantie.

  • Décentralisation des systèmes d'accompagnement financier des initiatives, par des institutions locales et adaptées à la mesure des entreprises et ce, en matière de cofinancement et de subsidiation.

  • Les jeunes agriculteurs revendiquent quant à eux un système de financement de l'encadrement de leur diversification agricole.

  • Dans la mesure où l'on revendique de nouvelles méthodes de financement en capital à risque, l'on peut aussi mettre en place de nouvelles méthodes de garanties qui ne seraient plus uniquement financières mais qui se concrétiseraient par un encadrement de la gestion et de la comptabilité, encadrement qui serait réalisé par un organisme ad hoc. Mise en place d'un système d'association d'entreprises pour apporter une aide technique et/ou de capital à risque, ainsi qu'un personnel d'encadrement. L'objectif étant de faciliter une sorte de fonds de roulement collectif. Ce type d'association existe en Grande Bretagne et en Norvège. Il pourrait se doubler par le développement de fondations dont le rôle a été souligné par exemple aux Etats-Unis.

4.4.3. En matière de gestion

L'accompagnement des entreprises sur le terrain en matière de gestion constitue la véritable garantie du crédit pour les jeunes entrepreneurs. Cela demande de concevoir des aides ad hoc aux cellules d'accompagnement à la gestion et à l'initiative locale.

4.4.4. Pour la commercialisation

Il faut promouvoir la commercialisation dynamique, que ce soit par la diversification de la production et des débouchés (plus spécialement dans le secteur agricole et pour toute entreprise à clientèle restreinte, il est nécessaire de diversifier les produits afin de sortir de la subordination et de la dépendance de l'un ou l'autre client) ou par l'extension géographique du marché (les entrepreneurs interrogés reconnaissent qu'il leur est indispensable de mieux s'implanter sur le marché local par l'utilisation d'autres médias, mais aussi de trouver des débouchés commerciaux extérieurs). Les entreprises doivent veiller par exemple à rédiger un bon cahier de charges pour la labellisation de leurs produits qui gagneront la confiance du consommateur averti, par leur qualité.

4.4.5. Au niveau des pouvoirs publics, nous demandons:

  • une politique ouverte de labellisation sérieuse pour les produits régionaux de qualité;

  • une politique de promotion des produits régionaux (information aux consommateurs de nos ressources, aides aux diverses formes de commercialisation et de promotion).

Du côté de la législation des aides publiques: aux jeunes qui se lancent en coopératives, il faut des aides au moins équivalentes à ce qu'on offre aux jeunes se lançant comme indépendants, ce qui est loin d'être le cas.

Au niveau fiscal, il faut modifier certaines règles en cours:

Exemple: on devrait supprimer le précompte lorsqu'un travailleur réinvestit en capital à risque les indemnités qu'il a reçues pour cause de fermeture d'entreprises.

Enfin, adapter les structures administratives par la décentralisation, c'est les rendre plus proches et plus efficaces à la population: développer des services intégrés: par exemple, rassemblement en un seul endroit des documents nécessaires à la mise sur pied d'une nouvelle activité (y compris leur mode d'emploi); développer les services compétents: des personnes itinérantes attachées auprès des services de l'emploi s'occupant du suivi des initiatives créées par les sans-emploi.

Ces propositions pourraient être cofinancées selon leur fonction, les Fonds Européens (Fonds social européen, Fonds européen de Développement économique régional, Fonds européen d'Orientation et de Garantie agricole).

 

5. Conclusions

Nous pouvons dire que "Vivre et travailler au pays" devient une revendication primordiale des jeunes ruraux wallons.

De plus en plus, apparaît l'idée que les régions rurales peuvent apporter une réponse concrète à une crise qui ne les a guère épargnées, il faut donc leur donner le soutien et les incitants à l'initiative qu'elles réclament et mobiliser par là même, toutes les énergies tournées vers le changement. Pour qu'aujourd'hui même, toutes les demandes de ces jeunes créateurs d'emploi, débouchent véritablement sur leur emploi, et demain sur une prospérité wallonne retrouvée.

 


 

 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute