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Le problème technologique dans les pays en voie de développement (PVD)

Francis DOUXCHAMPS
Secrétaire général du Collectif d'Echanges pour la Technologie appropriée (COTA)
Ingénieur industriel en Agronomie des Régions tropicales

 

1. Le transfert technologique Nord-Sud

1.1. asymétrie technique entre PI (Pays industrialisés) et PVD (Pays en voie de développement)

L'asymétrie technique des PVD par rapport aux PI est causée par plusieurs déficiences:

  • faiblesses des structures de production et d'échange des PVD

  • dépendance technique et financière des PVD

  • manque de pouvoir de décision et de marge d'initiative des PVD

 

1.2. Illusion du transfert, ses contraintes et ses aspects négatifs

Les premières décennies du développement se sont caractérisées par des transferts massifs de technologie des PI vers les PVD. Or, les techniques ne sont pas des marchandises mobiles: elles ne sont pas des biens libres, mais sont au contraire très onéreuses. Le marché actuel des techniques a pour conséquence un rapport d'inégalité et constitue une entreprise de domination. Les techniques ne sont pas non plus neutres, elles portent en elles le code de la société qui les a conçues et véhiculent donc en elles des germes de mutations sociales et politiques.

 

1.3. Constat du processus de transfert

En raison des aspects négatifs du transfert, le constat du processus est hélas un constat d'échec. Le sort de l'ensemble des populations des PVD ne s'est pas amélioré sensiblement.

 

1.4. Limites de la technologie occidentale

Le modèle technologique des pays industrialisés a également été remis en cause, en raison de son coût social, économique, politique et écologique.

 

2. Les alternatives technologiques

2.1. Origine du concept de technologie appropriée

La notion de technologie appropriée a une double généalogie: le constat d'échec des transferts de technologie vers les PVD et la remise en question du modèle de développement des PI.

 

2.2. Essai de définition du concept et caractéristiques de la technologie appliquée

Personne n'a jamais plaidé en faveur d'une technologie inappropriée. Cette remarque met en évidence l'erreur de vouloir considérer une technologie comme intrinsèquement appropriée ou inappropriée. La technologie ne peut être appropriée ou inappropriée que par rapport à un contexte donné (politique, social, culturel, économique, écologique, etc...).

Par Technologie appliquée, on entend habituellement un ensemble de techniques qui peuvent se définir en fonction de nombreux critères ou caractéristiques qui sont l'expression des multiples composantes du milieu auquel elles s'appliquent.

 

2.3. Critiques de la technologie appliquée

Le concept de la Technologie appliquée a été critiqué, et particulièrement dans les PVD. On lui reproche de rendre impossible le rattrapage des PI par les PVD, d'être une technologie de faible productivité, simplifiée, ou rabais. Ce que les défenseurs de la Technologie appliquée soutiennent, c'est de faire du développement technologique un processus autonome d'innovation et de croissance à partir de la base.

 

2.4. Choix technologique et modèle de développement

Tout choix technologique constitue une option politique et idéologique, dans le sens où il implique un choix de tel ou tel modèle de développement. On ne peut donc pas condamner a priori tel choix technologique, mais il faut veiller à plier la technologie aux exigences du développement et non le contraire. Donc, plutôt que de plaider pour une technologie appropriée, adaptée ou intermédiaire, nous estimons qu'il faut plaider pour une technologie finalisée, maîtrisée dans le cadre d'un modèle de développement.

 

2.5. Démarches favorisant l'appropriation technologique

  • disponibilité et communication de l'information technologique

  • possibilité d'appui technique aux organisations locales pour le choix de la technologie

  • maintien de l'appui technique pour la mise en oeuvre

 

2.6. Attitude des PVD face à la technologie

L'analyse permet de distinguer différentes attitudes des PVD vis-à-vis des échanges et des problèmes technologiques:

  • développement autarcique relatif: Chine

  • maximalisation technologique: pays pétroliers du Moyen-Orient

  • appropriation technologique: Algérie, Mexique

  • maîtrise technologique ou apprentissage technologique résolu: Japon.

 

3. Options de développement pouvant favoriser la résolution des problèmes soulevés

3.1. Développement d'une capacité technique endogène

Les besoins techniques des PVD rendent impérative la création d'un potentiel technique local (en main-d'oeuvre, en compétence, en équipements, etc...). Différents facteurs peuvent favoriser le développement de cette capacité technique endogène:

  • une formation et un enseignement technique et universitaire adaptés à l'accomplissement de cet objectif

  • la disponibilité d'informations technologiques

  • l'adoption d'une politique d'innovation technologique

 

3.2. Mode de fonctionnement et de gestion du pluralisme technologique

Le développement de tous les pays passe par une période de pluralisme technologique au cours de laquelle se côtoient les technologies modernes et les technologies traditionnelles. Le vrai problème au cours de cette période réside dans le mode de fonctionnement de ce pluralisme dans les différents systèmes socio-économiques. Deux options s'offrent pour la gestion du pluralisme technologique:

  • la théorie de la croissance dualiste, qui a pour conséquence de concentrer dans les secteurs industriels et agricoles modernes l'essentiel .des ressources (et donc les technologies modernes et de pointe)

  • le véritable pluralisme technologique qui propose de répartir les ressources dans les différents secteurs de l'économie en faisant contribuer chacun à des objectifs complémentaires.

 

3.3. Revalorisation des technologies autochtones

Ce sont souvent les technologies traditionnelles qui servent à compenser les méfaits d'une industrialisation attentive au seul marché des populations favorisées. Elles conservent une influence considérable dans la majorité des PVD.

Deux arguments plaident en faveur du maintien de l'influence des technologies autochtones:

  • le premier se rattache à la notion d'économie d'autosubsistance. La revalorisation des techniques locales s'inscrit dans cette perspective, car elle conduit à résoudre des problèmes concrets sur la base des ressources disponibles, mais surtout parce qu'elle contribue à mobiliser la confiance et l'énergie des populations en réhabilitant le savoir-faire local.

  • le deuxième se rattache à la nécessité d'une maîtrise technologique. Les technologies autochtones sont appelées à jouer un grand rôle dans la conception d'un modèle de développement endogène et global, car elles valorisent les potentialités locales et apparaissent comme des technologies mobilisantes.

En conclusion, la démarche la plus logique pour les PVD serait de développer leur capacité technique propre, de gérer adéquatement le pluralisme technologique par lequel ils doivent obligatoirement passer, et enfin de développer des technologies originales et autochtones sur base des particularités culturelles de chaque pays, des technologies qui soient au service de l'autodétermination politique et de la justice sociale des pays du tiers-monde.

(Octobre 1987)

 


 

 

 

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