Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

 

 

 
Le rôle des universités dans le transfert des technologies et dans la formation continuée

Claude DELCROIX
Professeur à l'ULB - Institut de Recherche interdisciplinaire en Biologie humaine et nucléaire

 

1. Introduction

Entre les hommes et les femmes de notre région et de notre époque et ceux des générations qui les ont précédés, de multiples différences se trouvent dans le domaine des moyens de communication de masse et de loisirs, dans le fait que le destin commun est devenu mondial, que, dans la plupart des pays, les jeunes sont le nombre et que l'éducation et la formation doivent désormais se poursuivre tout au long de la vie.

Mais une cinquième différence peut être caractérisée de la façon suivante.

La science n'est plus une activité essentiellement ludique. La science et la technologie dominent la plupart des activités de nos sociétés, notamment le domaine économique. Le développement de l'industrie dépend toujours davantage du développement de la science.

Les pays européens occupent en matière de recherche et développement plus de 350.000 chercheurs. Ils disposent d'un potentiel de recherche considérable et d'un budget évalué à un cinquième des crédits alloués dans le monde à la recherche, au développement et à la démonstration.

Toute une série d'éléments qualitatifs ont déterminé de nombreux pays, quelle que soit la nature de leur système social et politique, et quels que soient leur degré et leur niveau de développement à élaborer des politiques nationales ou régionales dans le domaine de la science et de la technologie.

L'identification des objectifs de la recherche scientifique et du développement technologique aux objectifs économiques et sociaux de la politique de l'Etat, ou de la pénétration de la science dans la politique et de la politique dans la science; n'est-ce pas là une preuve évidente des changements intervenus dans la conception des facteurs de décision politique concernant le rapport entre science et Etat, entre science et société? La Wallonie pourrait-elle ne pas en tenir compte?

2. Science et politique

Les connexions entre les fonctions de la science et les objectifs politiques sont évidentes. Qui choisit les programmes de financement entre les diverses orientations de recherche? Quels critères les organes de décision utilisent-ils pour encourager une discipline scientifique au détriment d'une autre? Qui sont les organes de décision? Qu'attendent les décideurs des choix qu'ils ont posés?

Une politique de la science implique aussi la détermination des moyens à mettre en oeuvre, à commencer par le système éducatif lui-même. Il faut former les hommes. Il faut définir la notion de travail scientifique par référence aux catégories socio-professionnelles anciennes.

Est-il concevable, par exemple, de permettre à un chercheur de chercher sa vie durant et de lui garantir la liberté intellectuelle de chercher, puis de valoriser ses travaux sans contrainte matérielle?

Quelle est la limite des ressources que les sociétés son prêtes à consentir à la science dans l'intention - et avec l'espoir - de transformer les modes et les niveaux de vie?

La science n'est pas seulement le reflet de la réalité. Elle est aussi utilisée comme un puissant instrument de transformation de cette réalité. Il y a perturbation réciproque des finalités de la science et des finalités politiques. La science est dépendante du système politique pour obtenir ses ressources et le monde politique a besoin de la science pour renforcer la crédibilité de ses choix et de ses décisions.

3. Science et société

Chacun attribue une valeur symbolique à la science d'après son éducation, sa formation, ses croyances et son appartenance aux collectivités qui constituent son support social.

Ce faisant il lui alloue de façon implicite une caractéristique qui va au-delà du domaine de l'amélioration des connaissances. La science est une force productive au service de l'Etat, selon les marxistes; - est la base de toute rationalité en Occident; - est un facteur de développement dans les pays non industrialisés.

La question de l'éthique de la science se situe dans le système très complexe que forment la science et la politique au niveau des hommes, à la fois de ceux qui détiennent la puissance du pouvoir et ceux qui possèdent le pouvoir de la puissance scientifique. Il importe que les hommes politiques ne s'estiment à aucun moment en état de dépendance technocratique. Il n'est pas heureux que l'homme de science se sente culpabilisé.

Les scientifiques s'accommodent de la puissance du pouvoir, lequel détient la capacité de répartir les ressources, de tracer les objectifs, d'opérer les choix, de légiférer et de réglementer, car la science contemporaine a besoin de moyens considérables.

Les politiques quant à eux redoutent le pouvoir de la puissance de la science, celui de la technologie et du savoir, celui qui peut assurer le développement mais aussi susciter la haine et la ruine.

L'éthique des sciences apparaît comme un devoir politique universel d'empêcher, par de multiples contrôles, le renforcement de l'autorité politique au détriment des mécanismes démocratiques et des libertés individuelles. Elle postule donc la garantie - sans limite - de la liberté du chercheur et aussi le dialogue entre les forces en présence; les scientifiques, les décideurs et les citoyens afin que nul n'ait l'impression que la cause politique, scientifique et technique soit entendue d'avance.

Chaque citoyen n'a-t-il pas le droit d'être informé complètement des travaux du biologiste, par exemple, qui pousse toujours davantage ses investigations sur les mécanismes de la vie? Le cas échéant aurait-il le droit de lui refuser les moyens de recherche si les objectifs nobles de la science cédaient le pas à des déviations?

Certains scientifiques s'insurgent lorsque cette double question est posée, arguant du fait que seuls des esprits individuels font progresser la science, et qu'il n'y aurait aucune place pour la politique de la science.

La tendance de plus en plus forte d'associer les scientifiques aux choix politiques modifie les relations entre les milieux sociaux (universités, industriels,pouvoir politique, militaires, syndicats, etc...). Par leur intervention, les scientifiques légitimisent l'action politique et construisent une nouvelle structure du monde à laquelle les politiques doivent s'adapter.

4. Université et société

4.1 La formation continuée

L'université doit à la fois former du personnel qualifié sur le plan professionnel, produire des érudits et des savants et permettre l'épanouissement de femmes et d'hommes cultivés.

A plusieurs occasions l'université a fait connaître sa volonté de poursuivre et de développer sa politique de formation et d'éducation dans un esprit de recherche de l'efficacité dans l'équité, de défense de l'égalité des chances et de développement de la personnalité dans un cadre social cohérent.

Elle s'est exprimée sur son désir de la réaliser, non seulement dans le cadre de sa fonction traditionnelle, mais également dans celui plus large d'une action d'ouverture à la société.

Son rôle ne peut se restreindre aux étudiants proprement dits, qu'ils soient exclusivement apprenants ou déjà engagés dans une vie professionnelle.

Il s'étend à celles et ceux qui désirent mettre à jour leur formation universitaire antérieure, à celles et ceux qui souhaitent reprendre leur formation et la compléter, à celles et ceux qui aspirent à nuancer leurs connaissances dans une confrontation à la réalité universitaire, sans pour cela viser à l'obtention d'un diplôme

4.2. Transposition de l'innovation.

Facteurs de réussite de la collaboration industrie - université

Il est bien connu qu'actuellement, l'essentiel de la recherche fondamentale se fait à l'université, et qu'à l'opposé, l'industrialisation est l'apanage de l'industrie. De part et d'autre une volonté de coopération se manifeste, des organes de contact se créent. Cependant le fonctionnement du système laisse beaucoup à désirer: les partenaires n'ont pas encore suffisamment fait connaissance, et les préjugés continuent d'avoir cours.

Trois facteurs de réussite ont été identifiés.

Le premier est l'établissement d'un climat de confiance dans le respect des finalités propres des institutions, et aussi de celui des personnes. L'université est avant tout un organisme d'enseignement et de recherche au plus haut niveau qui exige de ses membres un travail personnel intense et la participation à l'échange des idées au niveau de la communauté scientifique internationale.

Que peut alors espérer l'industrie soucieuse d'efficacité, de confidentialité et de rentabilité à court terme, mise en présence de personnes caractérisées par un individualisme poussé découlant de leur déformation professionnelle, et qui sont réticentes à limiter la libre circulation des idées? La réponse est d'obtenir leur collaboration afin que l'on puisse mettre en évidence, au sein des recherches en cours ce qui serait déjà susceptible d'une transposition industrielle, et leur participation avec des intensités variables en fonction de leur intérêt pour les problèmes d'application, à l'ensemble des étapes à franchir jusqu'à l'industrialisation. Cela doit se faire dans le respect des personnes: il ne peut être question d'obliger qui que ce soit à se plier à une scrutation imposée, qui serait du reste reçue comme une inquisition et un pillage d'idées, et donc rejetée. Par contre une discussion libre, interne à l'université, devrait permettre de dégager les idées valorisables et les conditions de leur mise en oeuvre.

Ces conditions doivent comprendre les limites de confidentialité, y compris les publications à terme échu et les dépôts de brevets, acceptables par les chercheurs sans leur porter préjudice, et les conditions financières de la participation de l'université et des chercheurs au transfert de technologie.

Ce dispositif devrait être complété par une diffusion suffisante auprès de l'industrie du contenu des laboratoires universitaires, des types de recherche qui s'y déroulent et de la politique de collaboration avec l'industrie, plus ou moins poussée, souhaitée et pratiquée par ces laboratoires.

Le second facteur de réussite est de veiller à ce que l'équipe de recherche universitaire - scientifiques, ingénieurs, économistes - accompagne la recherche - développement jusqu'à son industrialisation, de façon à assurer le transfert de technologie dans les meilleures conditions. Il ne suffit pas en effet d'avoir une bonne idée. Encore faut-il parvenir à en démontrer la faisabilité technique et la rentabilité économique, à la faire pénétrer sur le marché et parfois à la faire accepter au plan socio-politique. Il en résulte généralement des adaptations diverses dont certaines peuvent même exiger de remonter jusqu'à la recherche fondamentale.

Un troisième facteur de réussite est de ne pas tarir la source des idées. Les développements technologiques que nous connaissons aujourd'hui n'auraient pas été possibles sans le progrès prodigieux des sciences. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est tenter de valoriser au mieux ce qui a été découvert hier. Ceci conduit aussi à raccourcir le délai qui s'écoule entre la découverte scientifique et sa mise en oeuvre à des fins appliquées.

Ce serait une erreur de s'imaginer que le développement technologique peut indéfiniment s'alimenter lui-même. Le retour à l'analyse des phénomènes fondamentaux est nécessaire pour éviter les écueils, et ce d'autant plus que les objectifs poursuivis relèvent des technologies avancées. Il faut donc réserver une part importante des moyens à la recherche fondamentale, en veillant sans doute à en préciser mieux les objectifs .

Il reste encore beaucoup à faire pour convaincre les fondamentalistes de l'intérêt qu'il y a à participer activement au processus de transfert technologique, et les industriels de ce que le but de l'université n'est pas de fabriquer et de commercialiser à leur place.

5. Développement des activités de l'ULB à Nivelles, l'action pour l'emploi de demain

La décision de créer progressivement un campus de l'ULB à Nivelles est une décision politique du Conseil d'Administration de l'ULB prise il y a environ dix ans, lorsqu'il est devenu clair que la régionalisation de la Belgique était inéluctable. Du reste, la loi autorise l'ULB non seulement à faire de la recherche à Nivelles, comme partout ailleurs en Belgique, mais aussi de l'enseignement.

D'emblée, il a été convenu que l'Université éviterait tout double emploi avec des activités existant au sein de l'ULB ou dans d'autres universités. C'est la raison pour laquelle la formule des enseignements à horaire décalé (cours du soir et du samedi) a été choisie, créant ainsi l'université de la formation continuée, puisqu'elle permet à des personnes qui ont déjà un emploi d'entamer ou de poursuivre, moyennant un effort personnel considérable, des études universitaires. C'est ainsi que la licence en informatique et sciences humaines a été créée, avec le succès que l'on sait.

C'est dans cette même optique que la décision d'implanter à Nivelles le hall d'essais pour prototypes du Centre de Recherches industrielles a été prise. Rappelons que cet outil, dont l'ULB peut être fière et qui impressionne tous les visiteurs n'a pu être réalisé que suite à un long travail de préparation auprès des milieux politiques nationaux, régionaux et aussi sous-régionaux (IBW) et locaux (Ville de Nivelles), suivi d'interventions énergiques en vue d'arracher les décisions finales. L'ULB possède ainsi à Nivelles un élément clé de sa politique d'ouverture sur le monde industriel, par la voie de la recherche-développement.

C'est encore dans la même optique que, s'inspirant de l'expérience américaine des "Business and Technology Centers", l'ULB a implanté à Nivelles le Centre de Technologie et de Gestion des Affaires (CTGA) dans un bâtiment qu'elle a acheté et mis à la disposition de cette asbl. L'ULB possède donc ainsi à Nivelles un second élément clé de sa politique d'ouverture sur le monde industriel, par la voie de l'aide à la création d'entreprises.

C'est toujours dans la même optique, que la Faculté des Sciences appliquées a créé à Nivelles un enseignement à horaire décalé relatif à la robotique. C'est l'année complémentaire en automatique-robotique dont tout le monde s'accorde à reconnaître le succès, malgré un programme très lourd s'adressant à un public restreint, fort spécialisé.

Parallèlement, afin de sous-tendre l'enseignement par l'indispensable recherche qui en garantit la qualité, le Centre de Recherches industrielles a constitué un Groupe Robotique, qui réunit les Services intéressés. La section du Centre de Recherche de l'Industrie des Fabrications métalliques (CRIF) associée à l'ULB et qui est spécialisée en automatique-robotique est également venue se joindre à ce groupe.

L'ULB s'est ainsi dotée d'un système intégré de transfert de technologie basé sur trois fonctions principales: la recherche-développement, l'aide à la création d'entreprises, la formation du personnel des entreprises.

La fonction recherche-développement est assurée par le Centre de Recherches industrielles (CRI) dont le but est d'aboutir à l'industrialisation de nouveaux procédés, appareils ou produits, au départ d'idées émanant aussi bien de l'université que de l'extérieur de celle-ci. Il détecte et évalue les projets sur les plans technique et économique, réunit les moyens nécessaires, réalise et accompagne les projets jusqu'à leur implantation en entreprise. Actuellement, le bâtiment de Nivelles du CRI abrite une unité de génie génétique appliqué, une usine pilote de d'élaboration du titane (Région wallonne-Cockerill Sambre), un service de guidance technologique en traitement de surface et bientôt une installation d'essai d'un nouveau procédé de galvanoplastie en continu à haute densité de courant sur tôle d'acier au défilé. Un autre projet introduit par Cockerill Mechanical Industries (CMI) et relatif à l'élaboration de matériaux réfractaires poreux a été accepté depuis plusieurs mois et devrait s'y développer prochainement.

La fonction d'assistance à la création d'entreprises est assurée par le CTGA - Centre de Technologie et de Gestion des Affaires - asbl liée à l'université. Son but est d'aider à la création d'entreprises en s'appuyant sur toute l'université. Il met à la disposition des créateurs d'entreprises des aides logistiques (locaux, personnel, services), des conseils scientifiques, technologiques et de gestion, et une aide technique. L'activité a démarré fin 1983. Depuis lors, deux projets sont opérationnels et autonomes; une dizaine d'entreprises sont présentes dans le bâtiment, en outre huit entreprises extérieures utilisent les services du CTGA

Le CTGA assure également la formation à la création d'entreprises. C'est ainsi que dans le cadre de cycles de trois mois à temps plein, 170 chômeurs, venus avec leur idée de création d'entreprises, ont suivi la formation; 110 ont présenté leur plan d'affaires, et 60 ont décidé de créer leur entreprise, alors que 20 autres ont trouvé un emploi sur la base de leur plan d'affaires. Cette activité a été subsidiée par le Fonds social européen.

La fonction formation du personnel est assurée par le CeFoRAE - Centre de formation et de recherche appliquée à l'enseignement - son but est de former du personnel pour atteindre un objectif spécifique en un temps court. Parmi les réalisations du CeFoRAE, on peut citer: des séminaires de formation (initiations à l'informatique, relations industrielles et commerciales avec la Chine, corrosion, fibres optiques, méthodes de calculs par éléments finis); des stages de formation (transfert de savoir-faire en métallurgie, formation de personnel des chemins de fer chinois en informatique); la création de cours en enseignement assisté par ordinateur (informatique, comptabilité, gestion d'entreprises,...).

L'université est très attentive aux effets dus à la conjonction des trois fonctions recherche-développement, création d'entreprises et formation. Dès à présent, ce système a été pris comme projet de démonstration de la Communauté européenne economique (CEE) et fait partie du réseau Eurotechnet.

Cet ensemble est situé à la limite du Parc industriel de la Ville de Nivelles et du Parc industriel scientifique de l'ULB à Nivelles (20ha.). Du fait des activités de la robotique, le Centre de Service de Westinghouse nuclear international est venu s'implanter dans ce zoning. Une autre petite entreprise, qui fait usage de machines à commande numérique pour réaliser des moules pour injection de matières plastiques ou de métaux est en cours d'installation.

On peut donc dire que les résultats obtenus sont encourageants. Sans doute, tout cela ne s'est-il pas fait en un jour, tout travail durable exige le temps de la réflexion et de la ténacité dans la réalisation. Sans doute faudra-t-il encore des années avant de mesurer l'action de ce développement sur l'emploi dans notre région. Ce sont les emplois de demain qui sont en train de se créer. Puissions-nous ne pas avoir commencé trop tard.

6. Parcs industriels des universités

En 1970, sur base du rapport de la mission effectuée en décembre 1969 au USA par M. J.M. Dubois, attaché de recherche aux services de programmation de la politique scientifique, Monsieur Th. Lefevre, Ministre, décide de doter les universités de parcs industriels scientifiques. A côté des zonings industriels à vocation générale qui existent à ce moment dans le pays, il s'agit de créer des parcs réservés à des industries dont le développement est plus directement ou principalement lié à la recherche-développement, y compris les procédés de production exigeant un contrôle scientifique permanent et la production de prototypes. Les entreprises qui s'y fixent jouissent de façon optimale d'un régime financier de faveur.

L'objectif est défini plus précisément par J. M. Dubois dans les conclusions de sa mission (décembre 1969). "Le développement des parcs industriels où se fait de la recherche-développement, ne peut être apprécié uniquement en termes de proximité géographique des universités et de la disponibilité d'emplacements quelconques. Il exige une attitude générale active et volontariste de la part de l'université et une valorisation des préoccupations économiques, industrielles et sociales au sein des milieux universitaires.

Cette ouverture de l'université aux problèmes du développement doit conduire concrètement à rendre, le cas échéant, des services précis à un industriel, même pour résoudre des problèmes surgissant au cours d'un processus d'innovation et de production. En fait l'industriel ne viendra s'installer auprès d'une université que s'il sait pouvoir en tirer un avantage décisif. L'industriel ne sera attiré que si l'université présente dans son domaine,  un point fort, une compétence particulière. Cela suppose donc que l'université accepte de faire des choix entre les domaines ouverts à une collaboration, développe sélectivement ses laboratoires de recherche et les dote en conséquence des moyens nécessaires.

L'université doit être prête à appliquer une politique plus souple en matière de personnel:

  • le personnel doit pouvoir quitter et éventuellement réintégrer l'université sans dommages matériels et de carrière importants.

  • l'université doit être en mesure d'engager du personnel venant de l'industrie, même à un niveau élevé.

  • l'université doit être disposée à confier des enseignements et des responsabilités académiques ou de recherche à des personnes consacrant une partie seulement de leur temps à l'université.

  • mais surtout, le système de "consulting " doit être facilité: les avantages intellectuels et matériels qui peuvent être retirés de ce type de fonction devraient être de nature à susciter un intérêt du corps académique pour les problèmes industriels. On peut penser que ceci est en contradiction avec une certaine indépendance du corps professoral, et pourrait créer des frictions au sein de l'université. Toutefois, ce système des consultants a joué un rôle moteur évident dans le développement technologique aux USA : un choix doit être fait chez nous entre le respect intégral des principes qui ont largement régi jusqu'ici nos institutions académiques et la recherche de nouveaux "incentives" susceptibles de faciliter notre insertion dans une compétition économique et industrielle de plus en plus difficile."

Quinze années ont passé. Les parcs industriels scientifiques ont accueilli des entreprises, des collaborations se sont développées, les universités ont structuré une politique d'ouverture aux problèmes économiques. Les problèmes liés aux échanges de personnel n'ont pas été résolus. Les zones d'emploi créées avec l'accord de la Communauté européenne constituent une redoutable concurrence du seul point de vue financier.

Le statut des parcs industriels scientifiques mérite d'être revu après avoir évalué le rôle que ceux-ci ont joué en tant qu'outil de la prise de conscience par l'université de la fonction socio-économique qu'elle doit assumer et en tant qu'outil de l'adaptation des types de collaboration entre l'industrie et l'université

7. La dimension européenne

La Wallonie dans l'espace scientifique et technologique européen.

La Wallonie ne peut pas considérer son avenir sans prendre en compte la dimension européenne de l'enjeu en cours. Elle doit se situer dans l'espace scientifique et technologique européen, y prendre sa part de responsabilités et d'initiatives, et tenter d'en tirer le meilleur parti pour son développement.

 

7.1. L'enjeu

Il y a tout d'abord la mutation économique avec ses corollaires, l'inflation et le chômage (14 millions de personnes, plus de 10% de la population active).

Il y a aussi la capacité concurrentielle de la Communauté européenne qui va déclinant si on la compare à celle de nos principaux partenaires économiques. Ceci est vrai dans le domaine de l'agriculture (la balance commerciale est déficitaire) et aussi dans le domaine industriel: non seulement dans le domaine des technologies avancées ( l'informatique, la biotechnologie) mais aussi dans des secteurs plus traditionnels comme ceux de l'industrie chimique ou du textile.

Il y a enfin que la Communauté européenne est particulièrement dépendante des autres pays pour son approvisionnement en matières premières qu'il s'agisse de pétrole, de gaz naturel ou de ressources minérales.

Simultanément, l'Europe a l'ambition de contribuer à relever le défi du développement des pays du Tiers-Monde; elle doit donc prendre en compte les intérêts de ces pays.

La transition vers un nouveau système énergétique, la lutte contre le chômage, l'adaptation au changement, relèvent autant de l'innovation sociale que de l'innovation technologique. Pour innover afin d'assurer un meilleur développement, il ne suffit pas de produire des technologies, il faut également préparer leur introduction dans la société (les entreprises, les bureaux, les écoles, les ménages). Cet enjeu interpelle aussi les universités.

7.2 Le potentiel européen de recherche-développement

L'Europe est riche en matière grise, sa capacité d'invention et d'innovation est sans conteste considérable et de qualité.

Ainsi environ 20% du potentiel mondial de recherche-développement sont concentrés dans les douze Etats membres de la Communauté européenne alors que ceux-ci ne représentent que 6% de la population du globe. Plus de 1 million de scientifiques et de techniciens, dont environ 350.000. chercheurs et ingénieurs de recherche, ont disposé en Europe, en 1982, de crédits s'élevant à plus de 52 milliards d'Ecus. Comparativement, la capacité de recherche-développement de la Communauté n'est inférieure que de 27% à celle des USA, si l'on ne considère que les recherches civiles, elle est environ le double de celle du Japon. Malheureusement, et de façon quelque peu paradoxale, la Communauté européenne apparaît mal préparée pour tirer pleinement parti de ce potentiel considérable et de haut niveau qualitatif.

Ainsi les structures actuelles souffrent d'un manque de flexibilité conduisant à amoindrir la capacité de mobilisation rapide des hommes et des ressources, à freiner la réunion de compétences pluridisciplinaires face à une problématique supranationale, à limiter les possibilités d'utilisation des jeunes talents.

Autre handicap de la recherche-développement européenne: une certaine faiblesse des facteurs de mobilité. Alors que chacun reconnaît généralement que les différentes formes de mobilité sont favorables à la diffusion des connaissances, à la pluridisciplinarité, à la création de besoins de remplacement conduisant à l'embauche de jeunes diplômés, les chercheurs comme les ingénieurs, sont, en Europe, peu mobiles. Face à la fragmentation et au cloisonnement actuels, il s'agit d'oeuvrer à la constitution d'un large espace universitaire européen.

La Wallonie est maintenant responsable de l'utilisation d'une petite partie de ce potentiel européen de recherche-développement. Sa capacité d'agir à un niveau supra-régional justifiera aussi sa revendication d'une responsabilité accrue et d'une augmentation importante de ses moyens.

(Octobre 1987)

 


 

 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute