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Garantir la qualité du logement en Wallonie

Anne QUEVIT
Licenciée en Sociologie

 

Pourriez-vous me citer les principales qualités d'un logement?

Sans doute direz-vous qu'un logement doit avoir un toit étanche, des murs solides et stables, être bien éclairé... Mais peut-être ajouterez-vous qu'il doit être spacieux, confortable, bien situé et être équipé d'une salle de bain, d'une cuisine moderne, d'un garage! N'ajouterez-vous pas qu'il doit avoir une belle façade, un jardin, être à proximité des écoles, du lieu de travail, des moyens de transport ou des commerces! Et n'accordez-vous pas d'importance au voisinage, à l'environnement proche?

Leitmotiv en gestion et en marketing, la qualité est un mot passe-partout mais aussi fourre-tout, difficile à définir surtout lorsqu'il s'agit du logement. Parle-t-on du bâtiment qui le contient, de l'espace privé d'une famille, de son équipement, de sa configuration spatiale, des modalités d'occupation ou de l'implantation dans un territoire? Peut-on parler de qualité du logement sans parler de la taille et de la composition du ménage, de la profession des occupants, de leur âge, de leur santé, de leur statut social et de leurs revenus?

Mais quelle est l'importance de cette question? Le choix d'un logement n'est-il pas un acte individuel à exercer en pleine liberté? Quoi qu'il en soit cette liberté de choix est limitée par les "lois du marché immobilier" qui rendent aujourd'hui l'accès au logement problématique pour plus de 17.000 ménages wallons sans aide financière.

L'obsolescence, la vétusté risquent de s'accroître avec les difficultés économiques des propriétaires qu'ils soient des particuliers ou des Sociétés agréées de logement social. Lutter contre les taudis, garantir le logement décent demeurent donc des préoccupations d'actualité en Wallonie.

Cette lutte contre les taudis qui a démarré voici près de 100 ans a motivé en grande partie les politiques du logement depuis le début du siècle: construction de logements sociaux selon des normes garantissant espace, volume, éclairage et aération, prime à la démolition, prime à la construction neuve, aujourd'hui prime à la réhabilitation... Depuis les golden sixties ces politiques s'inspirent d'une conception de plus en plus cloisonnée et spécialisée du logement considéré comme l'espace privé par excellence. Leurs applications s'appuient sur des critères de qualité liés à la construction, au volume ou aux matériaux du bâtiment. Stabilité, étanchéité, aération, éclairage naturel, surface habitable sont évidemment des qualités minimales et fondamentales d'un logement décent. Mais le logement n'est pas que cellule privée et cloisonnée.

Pourtant à l'ère de la spécialisation et de l'individualisme qui pousse la singularité et la particularité à l'extrême, le logement est perçu et administré comme une entité en soi, lieu de repli dans l'intimité familiale, à l'abri du contrôle social.

Dans cette recherche de singularité par les formes, les styles, les matériaux de nos immeubles, ne peut-on pas reconnaître les symptômes d'un refus ou d'une négation d'appartenance commune locale ou régionale? Alors qu'auparavant les matériaux constitutifs des constructions étaient produits dans les régions, ils imprimaient une spécificité à tout le patrimoine régional: pierre de Gobertange, porphyre de Quenast, tuiles d'Hennuyères,... Tous ceux qui s'installaient acceptaient les références communes au terroir et ce faisant, reconnaissaient son appartenance.

Aujourd'hui les briques et les bétons sont de nulle part et de partout. Les maisons et les buildings se juxtaposent et s'interposent en un mélange hétérogène de formes et de styles qui s'entremêlent et n'ont plus d'histoire commune si ce n'est celle du lotissement.

C'est que nos libertés individuelles s'exercent généralement en matière de logement sans référence au projet collectif d'un cadre de vie. Chacun joue de ses critères individuels et les derniers occupants d'un terrain imposent les leurs à tous les voisins au risque d'en dévaluer les biens!

Cette anarchie du laisser construire modèle aujourd'hui les cadres de vie qui feront la Wallonie de demain. Elle trouve paradoxalement son origine dans une conception bien contraire à la liberté, comme en témoigne cette déclaration de Monsieur Debavay, Président de l'Association pour l'Amélioration des Logements ouvriers dans le rapport annuel de 1895: "En rendant l'ouvrier propriétaire et par cela même conservateur, ami de l'ordre, nous croyons n'avoir pas perdu notre temps".

N'a-t-on pas oublié que cet espace primaire qui nous abrite, nous et nos ménages, ces murs qui nous isolent dans l'intimité de nos familles et qui délimitent le cadre de notre vie privée délimite aussi le lieu premier par lequel nous sommes inscrits dans l'espace sociétal? Qu'on le veuille ou non, notre logement nous inscrit tous dans un espace plus vaste: espace physique et socio-économique d'un immeuble, d'une rue, d'un quartier, d'une cité, d'une ville ou d'un village aux répercussions multiples sur notre développement personnel, sur notre insertion sociale et économique, sur notre identité culturelle.

Choisir un logement, c'est aussi choisir un cadre de vie quotidienne, fait d'odeurs, de bruits, de paysages, de rencontres, d'informations, de stimulants ou d'inhibiteurs culturels que l'on perçoit chez soi ou au fil des trajets à parcourir parce que ce chez soi est situé là!

Unité de base de notre cadre de vie, le logement est en quelque sorte une plaque tournante pour l'individu, difficilement dissociable de l'environnement proche où distances physiques et distances psychologiques entretiennent des relations étroites.

Le logement n'est pas qu'une cellule privée cloisonnée. Il imprime à notre identité personnelle et singulière une référence collective. C'est par lui que nous appartenons à une entité territoriale, administrative et à la société qui l'habite. Etre de tel immeuble, de telle cité ou de tel quartier ouvre un regard sur notre identité personnelle.

De même à l'échelle d'un territoire, les logements structurent le paysage et créent pour l'étranger une image et une âme.

Pour garantir la qualité du logement il ne suffit donc pas de garantir la salubrité du patrimoine bâti. C'est une première étape certes nécessaire puisque l'obsolence, la vétusté risquent de s'accroître avec les difficultés économiques des propriétaires qu'ils soient des particuliers ou des Sociétés agréées de logement social. Mais pour éviter que la Wallonie ne devienne qu'un ensemble de cellules familiales cloisonnées, il faudrait que le logement ne soit plus réduit à ses seules dimensions physiques et privées. Il est un élément du cadre de vie de toute une société qui conditionne non seulement la santé mais aussi le développement culturel, l'insertion sociale et économique de ceux qui l'habitent.

 


 

 

 

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