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Le changement des mentalités et l'ouverture technologique, conditions de réussite de la Wallonie

Philippe BARRAS
Licencié en Relations internationales et Administration publique
Conseiller au Cabinet du Ministre-Président de la Région Wallonne

 

Le constat dressé par le consultant français Telesis, à la demande de l'Exécutif régional wallon, en 1983, n'était guère complaisant à l'égard de la Wallonie:

  • Une structure industrielle vieillie avec une part prépondérante pour les secteurs de la sidérurgie, de la construction mécanique et des fabrications métalliques, une concentration autour de quelques grosses entreprises fragilisées de par leur dépendance des commandes publiques et l'accroissement de la concurrence internationale;

  • Des pouvoirs publics dotés d'instruments et d'organismes en pleines phases de restructuration et disposant de moyens financiers limités, amenés trop souvent à jouer les pompiers auprès du secteur industriel;

  • Des interlocuteurs sociaux englués dans le conservatisme de leurs apports et sortant trop peu du schéma "patron - travailleurs".

Ce rapport est intéressant dans la mesure où, si certains points abordés devraient être nuancés, voire réexaminés, il disait globalement, par écrit et de manière précise, ce que beaucoup pensaient, mais ne pouvaient exprimer, étant coincés par la défense de leurs intérêts propres.

Depuis quatre ans, si la Wallonie n'est certes pas revenue à l'époque des "Golden sixties", on constate cependant une évolution très encourageante. S'il est difficile de donner des résultats chiffrés du redressement économique de la Région wallonne, les changements en cours faisant partie d'un cycle de longue durée, certaines actions peuvent être citées à titre d'exemple:

  • L'opération Athena, lancée en 1982, a permis de relancer la dynamique de l'innovation technologique et de la recherche appliquée tout en sensibilisant un large public, professionnel et étudiant, au développement des technologies nouvelles grâce notamment à la publication de la revue mensuelle Athena. La participation de la Région wallonne à Flanders Technology en mai 1987, qui réunissait soixante entreprises et une dizaine d'universités et de centres de recherche, est un bon témoignage de ce renouveau technologique;

  • L'opération "Portes ouvertes sur les entreprises" menée par l'Union wallonne des entreprises en 1984 et 1985, a permis non seulement de lever des barrières d'incompréhension entre l'entreprise, son environnement géographique immédiat et les pouvoirs publics, suscitant par là des réflexes de communication et de transparence, une bonne circulation de l'information étant un préalable à une bonne compréhension, mais a également permis de découvrir des petites entreprises performantes et dynamiques qui, en conjuguant l'utilisation de technologies de pointe et une agressivité commerciale de bon aloi, sont arrivées à de brillants résultats;

  • Le nombre d'inscriptions au registre de commerce ainsi que diverses enquêtes faites auprès d'étudiants en dernière année d'écoles supérieures et universitaires, montrent un plus grand dynamisme dans la région wallonne que dans les deux autres régions du pays. La crise peut certainement expliquer en partie ce phénomène, mais ce qui est plus important, c'est de constater que l'"esprit d'entreprise" a repris vigueur en Wallonie et qu'il y a donc des personnes prêtes à prendre des risques et à assumer leurs responsabilités;

  • Les mass-médias enfin ont également apporté une contribution importante à cette évolution, ouvrant leurs colonnes ou leurs magazines pour présenter, de manière attractive et compréhensible, les performances scientifiques et commerciales de nos concitoyens et de nos entreprises. Le succès d'une émission télévisée telle que "Bizness - Bizness" montre à la fois l'intérêt des producteurs et des téléspectateurs pour ce genre d'informations.

L'évolution en cours est donc plus un phénomène qualitatif que quantitatif, car le changement des mentalités et l'innovation technologique, conditions de la réussite, sont des phénomènes dont les résultats se mesurent à moyen et long termes. En ce sens, cela montre l'inanité de toute comparaison statistique économique avec les résultats obtenus actuellement tant en Flandre qu'à Bruxelles.

Il s'agit plus, et ce Congrès en est une merveilleuse occasion, d'examiner si la Wallonie suit actuellement les pistes qui aboutiront à son redressement économique, et si les conditions à remplir pour atteindre cet objectif le plus rapidement possible sont réunies.

Comme dit plus haut, ceci exige un profond changement des mentalités et une ouverture positive à l'égard de l'innovation technologique. Changement des mentalités, car il convient de mettre de côté les "droits acquis et comportements habituels" pour repenser sa manière d'être et d'agir afin de replacer la Wallonie dans le peloton de tête des régions industrielles performantes.

Le temps n'est heureusement plus où l'on classait définitivement les gens et les organisations en blancs ou noirs, bons ou mauvais, mais nous sommes encore loin de la situation dans laquelle chacun se mettrait autour de la table sans arrière- pensées et sans tentatives de récupération en cas de succès.

La Wallonie a pourtant un urgent besoin de ce consensus qui n'existe plus qu'en apparence. Il s'agit de se mettre d'accord sur les objectifs et les moyens de les atteindre, et ce à tous niveaux: particuliers, entreprises, entités locales et régionales.

Il est d'ailleurs piquant de constater que les cas de consensus qui ont généré des actions positives sont le résultat d'accords au niveau local ou au sein d'entreprises, et assez rarement à un niveau plus large. Autrement dit, n'est-ce pas au niveau des "structures" que les possibilités d'obtenir un consensus marquent le pas ?

Ouverture technologique: nul ne contestera que pour être concurrentielles, les entreprises wallonnes doivent recourir et assimiler les derniers progrès de la science et de la technique. Il en est de même au niveau des organismes publics qui se doivent d'utiliser des moyens de communication modernes pour augmenter leur efficacité, de même que l'enseignement doit recourir aux différentes méthodes audio-visuelles et familiariser les étudiants à l'usage de l'informatique.

Dans ce dernier domaine par exemple, d'importants progrès sont encore à réaliser. Il est inadmissible qu'aujourd'hui, un étudiant sortant d'une école supérieure ou d'une université ne soit pas complètement familiarisé à l'usage d'un ordinateur, outil de travail qu'il rencontrera immanquablement dans sa carrière professionnelle. Et pourtant, cela se produit plus souvent qu'on ne le pense. Il en est de même pour les administrations publiques, ou si de gros efforts ont été faits ces derniers mois (ainsi au niveau du Ministère de la Région wallonne, un plan informatique a été lancé depuis 1986 et plus de 150 micro-ordinateurs et ordinateurs ont été placés dans les différentes administrations, de même que de nombreux stages d'initiation et de formation ont été organisés), dans un domaine aussi important que les relations extérieures pour un pays dépendant pour plus de la moitié de son chiffre d'affaires des commandes étrangères, l'ambassade de Belgique à Bonn (soit notre représentation diplomatique et économique auprès de notre premier partenaire commercial) ne disposait pas encore au début de l'année 1987 d'un seul micro-ordinateur.

Nombreux sont aussi les cas d'entreprises, plus particulièrement au niveau des P.M.E., qui ont voulu recourir à l'outil informatique et ont connu de nombreux déboires (outil mal proportionné par rapport à leurs besoins, incompatibilité du matériel utilisé, mauvaise formation du personnel, etc...). Le recours à un conseiller en informatique par exemple aurait permis d'économiser des sommes parfois très considérables et surtout d'augmenter la compétitivité de l'entreprise, ce qui était le résultat recherché, en se dotant de l'outil adéquat.

On ne peut nier que l'introduction de certaines technologies avancées pose des problèmes. Problème quant à la formation et au recyclage du personnel, domaine qui n'est pas toujours bien appréhendé ni aisé à résoudre. Problème quant aux conséquences en termes d'emploi qu'entraîne dans certains cas l'automatisation ou la rationalisation dues à l'introduction de technologies nouvelles.

Il est difficile de généraliser les conséquences de l'introduction aux nouvelles technologies, chaque cas devant être pris en particulier. Cependant, c'est le long terme qui doit déterminer l'attitude à adopter, même si les conséquences, notamment en termes d'emploi, sont négatives à court terme.

Ce débat n'est pas neuf. Il ne peut certes être évité, mais il ne doit pas devenir un obstacle supplémentaire sur le chemin du renouveau wallon.

En conclusion de cette réflexion préliminaire, il m'apparaît important que les Wallons consacrent leur dynamisme et leurs efforts à la réalisation d'un objectif commun: le renouveau wallon. Comme les Belges s'étaient rassemblés il y a quarante ans pour refaire de la Belgique une nation prospère au lendemain de la seconde guerre mondiale, comme les Européens avaient fait fi de leur nationalisme pour lancer l'Europe dans les années cinquante, il appartient maintenant aux Wallons, et à eux seuls, de "retrousser les manches de leurs idées" et de construire ensemble et sans a priori la Wallonie de l'an 2000, région performante de tradition industrielle, située au coeur de l'Europe.

Ceci passe notamment par une ouverture de la Wallonie sur le monde extérieur, condition rendue encore plus nécessaire avec l'avènement du marché unique européen dès 1992. L'évolution en cours en Wallonie ces dernières années, l'esprit d'entreprise et le dynamisme retrouvés, la priorité mise à l'innovation technologique et les succès commerciaux remportés sur les marchés étrangers commencent à porter leurs fruits.

Pour preuve, la flatteuse invitation qui a été faite à la Région wallonne de présenter ses atouts et ses réalisations lors du prochain symposium économique de Davos en février 1988, lieu de rencontre des principaux dirigeants économiques et politiques du monde entier.

A nous de poursuivre ce "challenge".

(Octobre 1987)

 


 

 

 

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